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Histoire d'Europe et du monde: "Nota Bene", 5 hommes célèbres morts sur les WC

5 hommes célèbres morts sur les WC

Mes chers camarades bien le bonjour !

Un empereur Romain, un chevalier Slovène, un roi d'Angleterre, des sous-marinier Allemands,

quel est donc leur point commun ? Eh oui, ceux qui connaissent bien la chaîne le

savent déjà : Caracalla, Erasme de Slovénie, Georges II et l'équipage du U-1206 : tous

sont morts aux toilettes et on l'a vu lors d'un premier épisode! Vous en avez rêvé,

vous l'avez demandé à cor et à cri, aujourd'hui on continue la liste des poissards qui sont

morts... sur les chiottes ! L'histoire de la Chine est extrêmement ancienne : avant même

son unification, de nombreuses dynasties se succèdent et des royaumes naissent,

s'affrontent, fusionnent ou disparaissent. C'est le cas du lointain Royaume de

Jin [DZIN], entre le 11e et le 5e siècle avant notre ère, qui est dirigé par un duc : le duc Jin.

L'État Jin finit par subir un sort assez commun dans l'histoire : il se désagrège. Dans les

derniers temps, le duc n'a plus aucun pouvoir réel. Il ne possède qu'un petit territoire,

et est même parfois chassé de son domaine. En effet trois grandes familles aristocratiques, les

Zhao, les Wei et les Han, se partagent entre elles la totalité du territoire de Jin. Les Annales

des Printemps et Automnes, œuvres successives de nombreux scribes, toutes compilées par Confucius

selon la légende, sont complétées par le Zuo Zhan, littéralement le “Commentaire de Zuo”.

Ces sources croisées racontent comment est mort Jing de Jin,

le dernier des duc de Jin, qui sombra dans l'oubli...et pas que !

Bon premier point, et ce qui est dommage : les annales portent sur un royaume voisin. Elles

ne mentionnent Jing qu'au moment de sa mort, si bien qu'on ne sait rien de son règne. Mais comme

je vous ai dit : pour l'époque, il ne devait avoir aucun réel pouvoir. Un jour, Jing voit

en rêve un démon le maudire. Il fait appeler une voyante de Sangtian pour avoir son avis. La femme

est formelle : “Tu ne goûteras pas le blé nouveau !”, qu'elle lui dit. Ce qui veut dire : tu mourras

dans l'année. Troublé, le duc attend la mort. Un an passe. La saison du blé nouveau arrive. Le

duc Jing de Jin s'en fait servir, et convoque la voyante. Il lui présente le blé appétissant...et

la fait tuer. Histoire de conjurer le sort, ou de s'ouvrir l'appétit, on ne sait pas,

ce duc est un vrai rigolo. Triomphant, il va désormais dévorer le blé. Mais avant cela,

il doit assouvir une envie pressante ! Jing se rend alors aux toilettes. A l'époque,

c'est tout juste une large fosse dans laquelle on se soulage. Pas de chance : le

duc y tombe. Il se noie dans son contenu, et meurt...sans jamais goûter le blé nouveau !

Soyons francs : cette histoire aux allures de fable morale est contredite par une autre source,

les Annales du Bambou, qui est un peu plus fiable aux yeux des historiens. Selon le Bambou,

Jin n'a tout simplement pas pu exister, puisque la dynastie Jin était éteinte bien

avant lui. L'histoire ne serait qu'une légende. N'empêche : le royaume Jin a bel et bien sombré,

aussi profondément que son souverain, ce qui a déclenché une nouvelle ère sanglante pour la

Chine, celle des Royaumes Combattants (453-221 av. JC). Au 14 siècle, dans ce qui est aujourd'hui la

République tchèque et qui était jadis la Bohème, un certain Venceslas III se fait une bonne place.

A ce moment-là, ça fait longtemps que la dynastie des Přemyslides marque l'Europe de l'Est. Ces

princes locaux, ducs de Bohême, ont réussi à s'élever et à devenir rois de Bohême : ils ont

préservé leur autonomie face au Saint Empire Romain Germanique. Mieux : ils ont même lancé

de grandes guerres de conquête, et leur expansion ne tarde pas à leur donner des titres en Pologne

et en Hongrie. Mais leur position est très dure à défendre : autour d'eux, les barons locaux ne

cessent de se révolter. Et au-dessus de leur tête plane l'ombre de l'Empereur,

qui aimerait bien intégrer toutes leurs terres au Saint-Empire. Heureusement pour consolider

leur pouvoir, les Přemyslides ont une belle légende familiale : leur propagande les fait

remonter à un ancêtre mythique, Przemysł Oracz. Traduisez Přemysl le Laboureur.

Eh ouais, si certains princes n'hésitent pas à faire remonter leurs origines jusqu'aux empereurs

de Rome, aux princes de Troie, ou à de lointaines peuplades de guerriers héroïques. En Bohême,

il n y a pas de ça : l'ancêtre, c'est un énorme laboureur super-costaud et super beau,

qui séduit une reine. Ensemble, ils fondent la ville de Prague, le royaume de Bohême,

et engendre une lignée de sang royal. Voilà pour l'ambiance.

Donc il faut vraiment des épaules sacrément solides pour assumer un

tel héritage, à la fois mythique et historique !

Ces épaules, le pauvre Venceslas ne les a pas encore en 1298. Il faut dire que tout va un

peu trop vite pour lui : à seulement 9 ans, il est fiancé à la fille du roi de Hongrie. Quand

beau-papa décède, il est donc fait roi de Hongrie : il a 11 ans. En 1305, son propre père, Venceslas

II, casse sa pipe. Le fiston lui succède : ça y est, il a 15 ans, et le voilà roi de Hongrie, de

Pologne et de Bohême. Boum. Est-ce que vous sentez venir la grosse tension, ou faut-il vous rappeler

le contexte politique : des barons rebelles, et un empereur qui a envie de le manger tout cru ?

Comme si ce n'était pas suffisant, Venceslas a déjà la réputation d'être un bon vivant,

trop jeune dans sa tête. Tout juste sorti de l'adolescence,

on dit de lui qu'il préfère festoyer plutôt que de faire de la politique. Enfin bon, les on-dits

aussi...c'est facile de trouver des critiques, surtout avec autant d'adversaires politiques !

En Hongrie, Charles-Robert le chasse du trône en 1308. Oui, avec un nom pareil vous vous en

doutez : Charles-Robert vient de France, il descend de la maison d'Anjou. En Pologne,

c'est l'ambitieux Ladislas Ier qui s'oppose à lui avec vigueur. Et même en Bohême,

la mère-patrie de ses ancêtres, le jeune Venceslas n'a, franchement,

aucun succès ! L'empereur lui met la pression et Venceslas se tourne vers le pape Boniface VIII.

Malheureusement pour lui, il est accueilli par un long silence. Le pape lui a mis un gros vent,

Venceslas est seul, et bien seul. Alors tant pis,

il va se débrouiller. Il monte une armée, et marche sur la Pologne,

histoire de montrer à Ladislas qui est le patron. Mais...tout s'arrête là !

Dans des circonstances mystérieuses, le jeune Venceslas est assassiné à l'âge de 16 ans,

sans descendance. C'était le dernier des rois Přemyslides.

Les chroniques mentionnent une mise à mort déshonorante, humiliante,

sans en dire plus. Elle aurait en effet eu lieu dans la garde-robe du château d'Olomouc.

Et à l'époque, la garde-robe est un réduit qui sert à stocker les vêtements,

à faire sa toilette et...à se soulager, via un conduit,

type latrine, qui évacue les besoins. Qui est le commanditaire du meurtre ? Mystère,

même si les regards pointent spontanément vers le polonais Ladislas qui parviendra, plus

tard, à devenir roi d'une Pologne autonome. Le problème c'est que l'assassin est instantanément

tué à son tour par les gardes du roi, sans avoir le temps d'être interrogé...comme par hasaaaaard !

Allez, donnons un bon point au très court règne de Venceslas : au 14e siècle, il a incarné une

alliance, Hongrie-Pologne-Bohême, qui s'est reformée en...1991. Oui, le Groupe de Visegrád,

ou “V4”, réunit à présent les Etats de Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie. Ils ont

travaillé des politiques communes pour, ensemble, s'extraire de l'ère post-soviétique, s'intégrer à

l'Union Européenne et promouvoir le marché commun sans se faire marcher dessus par l'Allemagne.

Marrant comme l'histoire se répète non ?! Notre histoire commence en 1075,

quand la Basse-Lotharingie, une région située grosso modo sur la Belgique actuelle,

est plongée au cœur d'un très long conflit : la querelle des

investitures. Mais qu'est-ce que c'est que ça vous allez me dire ?

Pour faire simple, le pape Grégoire VII et l'empereur Henri IV se disputent pour savoir qui

nommera les évêques dans le Saint Empire Romain Germanique. En effet, un évêque, une fois investi

de sa charge (on parle d'investiture), a accès à un domaine, des biens, des pouvoirs...et surtout,

il soutient celui qui le nomme. Donc forcément : le pape Grégoire veut un religieux obéissant

à Rome, le véritable phare de la chrétienté. C'est la réforme grégorienne : l'Europe

s'unifie dans la foi, elle se christianise en profondeur. Mais l'empereur Henri, lui,

a plutôt besoin de placer à ce poste administratif de bons gestionnaires -et tant pis s'ils n'ont pas

la vocation religieuse ! Il voudrait pouvoir donner cette charge politique à ses proches,

à ses partisans. La querelle finit par éclater, et c'est le chaos. De 1075 à 1122, chaque noble,

duc, ou prince du Saint Empire Romain Germanique choisit son camp : pour le pape,

ou pour l'empereur. Par exemple, le duc de Saxe Magnus Ier soutient le pape, et entre en guerre

contre son voisin le duc de Basse-Lotharingie, Godefroid III, qui prend le parti de l'empereur.

Godefroid III n'a donc pas une vie facile : le conflit s'annonce long et dangereux. En plus,

il a épousé Mathilde de Toscane, une région du Sud de l'Empire.

Et si Godefroid est du côté de l'empereur, Mathilde soutient elle le pape à fond ! Vraiment,

vraiment à fond, puisque cette puissante politicienne et cheffe de guerre a même

la réputation de se donner au souverain pontife, corps et âme si vous voyez ce

que je veux dire. Le chroniqueur Benzo d'Alba, furieux partisan de l'empereur,

n'hésite pas à la traiter de “face de vulve” et à l'accuser de mille perversités.

Le mariage de Godefroid est complètement raté : le couple n'a pas d'enfants, donc

pas de descendance pour le duché. Leurs opinions politiques sont opposées, ils ne s'entendent pas,

se querellent, et finissent par ne plus se voir du tout : Mathilde reste chez elle,

en Italie, près du pape. Son attachement à l'église est tel que sa dépouille sera

transférée au 17e siècle (oui, 6 siècles plus tard !) dans la basilique Saint-Pierre de Rome.

Bref : Godefroid a vraiment fait une mauvaise alliance. Et il sait qu'il

prend un risque à partir faire la guerre pour l'empereur, surtout sans descendant.

Il décide donc nommer son héritier : ce sera son neveu, le jeune Godefroid de Bouillon. Apaisé, le

duc peut s'attaquer à la Saxe, à l'Est, puis à la Hollande au Nord. L'évêque d'Utrecht est en effet

attaqué par Robert le Frison, comte de Flandres. Godefroid soutient l'évêque avec succès, et peut

même passer Noël peinard en sa compagnie. Mais la guerre contre le Frison est loin d'être terminée :

Godefroid s'installe dans un château au bord de la Meuse, dans la région de Vlaardingen. Une nouvelle

bataille est imminente. Mais Godefroid mourra avant. L'historien Néerlandais Kees Nieuwenhuijsen

a réuni 24 sources médiévales pour nous raconter sa mort en détail. Robert le Frison la joue pas

cool, il achète les services d'un sicarius, un assassin qui s'appelle Giselbert. Ce dernier est,

selon les sources, soit un spiculator, un garde, soit un coque...un cuisinier.

Le traître a un plan bien rodé : avec l'aide d'une servante, il repère les latrines de la

chambre de Godefroid, qui débouchent en dehors du château. Giselbert attend patiemment que le

duc soit poussé par la nature. Et là, il l'attaque par en-dessous, à l'aide d'une

longue arme métallique acérée. Godefroid aura eu un horrible mariage et une mort atroce. Et

comment cet héroïque sacrifice est-il récompensé ? Quand son neveu se présente comme convenu pour

hériter de la Lotharingie, L'empereur Henri IV a la gratitude des rois : il l'écarte,

et nomme son propre fils Conrad à sa place. Tant pis, le jeune Godefroid

de Bouillon devra aller chercher gloire et aventure ailleurs... à Jérusalem. Mais ça,

on en a parlé dans d'autres épisodes de Nota Bene ! Laissez moi vous raconter l'Histoire

d'Edmond Côte-de-Fer ! Edmond voit le jour en 988, dans une Angleterre en fâcheuse posture.

Pour le contexte lointain, je vous laisse visionner l'excellente série The Last Kingdom

qui raconte comment les rois Anglais successifs (Alfred, Edouard, Aethelstan) parviennent à

unifier leur pays face aux attaques des Danois. Malgré ces beaux succès,

un gros souci arrive en 978, quand le roi Aethelred monte sur le trône.

Je dis ça parce que Aethelred est tellement

mauvais qu'après sa mort, on le surnomme Aethelred le Malavisé. Quand même…

Il subit des défaites face au chef Danois Sven à la Barbe Fourchue. Et en plus,

il le paie ! Il verse le Danegeld, littéralement “l'Or des Danois”,

une rançon censée garantir que les étrangers repartent. Bon,

l'année suivante les Danois reviennent, mais avec plus de navires achetés avec l'argent des Anglais.

Le coup classique ! Tout va tellement mal qu'Aethelred est même obligé de fuir en exil,

pendant que Sven se fait couronner roi à sa place ! Coup de chance, Sven meurt, et Aethelred

reprend le trône. Tout pourrait s'arrêter là, mais non, le clash devient inter-générationnel.

Car Sven a un fils : Knut. Knut le Grand. Encore plus balèze que son viking de père. Et Aethelred

a aussi un descendant : Edmond. Edmond Côte-de-Fer. Entre ces deux grosses brutes,

la lutte peut commencer. Et ils ont de beaux CV ! Knut ne collectionne pas les vignettes-frigo,

mais plutôt les cicatrices. Il a déjà fait la guerre auprès de son père. Edmond aussi est

redoutable. Par exemple, en 1015, son père le roi envoie son homme de main,

Eadric Streona (retenez bien ce nom), ravager l'Est, tuer les seigneurs locaux,

et même placer une belle héritière en pension à vie dans une abbaye. Le fougueux Edmond,

qui devait passer par là et s'ennuyer, défonce l'abbaye, “libère” la damoiselle contre son gré,

l'épouse, revendique tout l'Est et...entre en rébellion contre son père.

Mais c'est à ce moment-là que Knut réapparaît sur scène ! La guerre reprend, mais avec trois camps

au lieu de deux. Edmond affronte les Vikings, mais il se bat aussi contre Eadric Streona,

le conseiller de son père. Quand le roi meurt, Edmond hérite de son titre, et Eadric apprend

à lui obéir. Mais les batailles et les sièges s'enchaînent, la guerre dure, la victoire va

tantôt aux Anglo-Saxons, tantôt aux Danois. De fatigue, les deux combattants se rencontrent

sur l'île d'Alney en 1016. Après plusieurs années à se fracasser, Edmond Côte-de-Fer et

Knut le Grand peuvent enfin se serrer la main. Ils décident de partager l'Angleterre en deux.

Mais… à peine quelques semaines plus tard, Edmond meurt. Aujourd'hui la majorité des historiens,

comme M.K. Lawson, soutient que c'est d'une mort tout à fait naturelle. Ça n'empêche pas

les chroniqueurs médiévaux de s'en donner à coeur joie : c'est forcément un coup de Knut,

qui devient ainsi roi de l'Angleterre, et forme un véritable empire transmarin en cumulant avec les

titres de roi du Danemark et de la Norvège. Il est aussi pote avec l'Empereur du Saint-Empire,

qui lui laisse gérer des provinces voisines comme la Poméranie. Et il

fait un pèlerinage à Rome en 1027, à l'époque les Danois sont déjà pas mal christianisés.

Bref, ça commence à être risqué d'accuser un aussi puissant souverain de meurtre,

alors certains auteurs n'hésitent pas à donner le mauvais rôle à...Eadric Streona,

eh oui, le fameux homme de main, qui fait un traître idéal ! Dommage pour lui !

C'est le cas par exemple du chroniqueur Henri de Huntington qui décrit cet acte ignoble,

en plaçant l'assassinat dans des toilettes :

“Le roi Edmond est traîtreusement assassiné quelques jours plus tard. Voici ce qui se

passa : une nuit, ce grand et puissant souverain se retira pour répondre aux besoins naturels,

et le fils d'Eadric Streona, d'après un stratagème de son père, s'enferma dans

la fosse d'aisance, et poignarda par deux fois le roi par-derrière avec une dague

tranchante. Laissant son arme plantée dans ses intestins, il prit la fuite.”

C'est toujours sympa ! D'ailleurs Huntington conclu sur un ton moraliste :

“Eadric se présenta alors à Knut, et le salua ainsi : “Salut, toi qui est le seul souverain

d'Angleterre !” Une fois les explications faites, Knut lui répondit : “Pour cet exploit

je te récompenserais, selon ton mérite, plus grandement que tous les nobles d'Angleterre.

Il ordonna alors qu'Eadric soit décapité, et sa tête suspendue au sommet de la tour de Londres.”

Vous le connaissez sans aucun doute pour être le grand méchant de Robin des bois : Jean sans

Terre ! Il veut qu'on l'appelle Jean le Preux, mais il est mort ...affreusement !

Jean est issu de la Maison Plantagenêt, une famille originaire non pas d'Angleterre mais du

Maine, du Gâtinais et de l'Anjou en France. Elle conquiert d'abord la Normandie et ses

principales bases sont en Aquitaine, Poitou, Normandie, bref : la France de l'Ouest. Et si

les Plantagenêts finissent par perdre du terrain et se rétracter en Angleterre, c'est...à cause de

Jean Sans Terre, qui porte décidément bien son nom ! Il faut dire que dès le début,

c'était mal parti : Jean est le petit dernier de plusieurs frères prestigieux : Guillaume de

Poitiers, Geoffroy de Bretagne, et Richard d'Angleterre, dit “Coeur-de-Lion”. En plus,

le roi Henri II décide de déclarer son fils “sine terra”, sans terre, à la naissance.

Jean n'a donc aucun héritage. Mais on lui promet de conquérir l'Irlande. Enfin...s'il

en est capable ! Mais pas de chance, il essuie au contraire un désastre : Jean se retrouve

bon dernier parmi ses frères, toujours sans terre, et en plus avec une sale réputation.

Pendant ce temps, Richard guerroie en France, combat son propre père,

et s'aventure dans une croisade en Orient. A Jean, il laisse les tâches

administratives : gérer le royaume, sévèrement encadré par un conseil de régence. Et le pire,

c'est qu'au moment de choisir un héritier, Richard refuse Jean : il lui préfère Arthur de Bretagne.

Pour Jean, c'est le bouquet. Il pète une durite, et se révolte. Et...il se fait tataner par le

grand-frère. Tout ça vous connaissez si vous avez vu ou lu ne serait-ce qu'une œuvre sur le

légendaire Robin des Bois comme je le disais tout à l'heure. Mais finalement, quand Richard meurt,

Jean revient. Le problème, c'est que les précédentes années l'ont rendu violent,

furieux, jaloux de son pouvoir. Il se met à dos tout le monde : ses voisins,

ses alliés, ses nobles, et même son peuple. En fait, il réussit l'exploit

d'être le pire roi d'Angleterre aux yeux du grand public...et des historiens ! C'est pas

qu'il est gentil ou méchant...c'est qu'il est mauvais ! Il perd plein de terres,

accumule les querelles, subit les révoltes, et voit son pouvoir fortement diminué.

Mais était-il si mauvais homme ? Ce n'est pas ce que pensent des historiens comme Stephen Church ou

Paul Webster. D'ailleurs, et c'est ça qui nous intéresse, ce dernier a étudié son rapport à

la religion, notamment lors de sa fin de vie. Jean faisait souvent la charité aux pauvres,

participait aux offices religieux, faisait des dons à des maisons religieuses (qui à l'époque,

rappelons-le, assurent certains services publics comme les hôpitaux). Homme d'art et de culture,

porté sur la philosophie et les sciences, Jean possédait une belle bibliothèque,

et de nombreuses reliques saintes. Mais aux derniers jours de sa vie ratée,

tout son bagage finit emporté dans le torrent d'une rivière. Frappé de douleur, le roi y

voit dans cette perte une punition divine. Abattu, déprimé, il renonce et s'affaiblit.

C'est à ce moment là qu'une dysenterie foudroyante le frappe. Il est victime de

violentes diarrhées et il est transporté en litière. Il meurt dans ses excréments,

demandant le pardon pour son âme. Désolé si vous vous attendiez à un superbe assassinat

ou à un dramatique accident... Mais quand il est mort, Jean était constamment aux toilettes. Bien

sûr, les chroniqueurs qui le détestaient ont bâti sa légende noire à l'époque. Ce qui est

sûr c'et que le roi est mort en pleine dysenteri. Mais s'il avait aussi été assassiné ? Et si le

poison avait déclenché la maladie ? Les rumeurs vont bon train, mais à ce jour,

y'a pas de piste de piste solide ! Et c'est sur ce jeu de mot de l'enfer que l'on termine cet

épisode ! Comme on l'a vu encore une fois, on peut donc collectionner les titres et les conquêtes,

être duc d'Empire, roi indépendant ou souverain déchu, rien ne nous empêche de salement finir

aux toilettes...alors faites pas trop les malins ! Merci à Jean de Boisséson pour la préparation de

cet épisode, comme toujours c'est un plaisir de bosser avec lui ! Encore merci à tous,

n'hésitez pas à partager l'épisode et à vous abonner, à très vite sur Nota Bene ! Ciao !


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Mes chers camarades bien le bonjour !

Un empereur Romain, un chevalier Slovène, un  roi d'Angleterre, des sous-marinier Allemands,

quel est donc leur point commun ? Eh oui,  ceux qui connaissent bien la chaîne le

savent déjà : Caracalla, Erasme de Slovénie,  Georges II et l'équipage du U-1206 : tous

sont morts aux toilettes et on l'a vu lors  d'un premier épisode! Vous en avez rêvé,

vous l'avez demandé à cor et à cri, aujourd'hui  on continue la liste des poissards qui sont

morts... sur les chiottes ! L'histoire de la  Chine est extrêmement ancienne : avant même

son unification, de nombreuses dynasties  se succèdent et des royaumes naissent,

s'affrontent, fusionnent ou disparaissent. C'est le cas du lointain Royaume de

Jin [DZIN], entre le 11e et le 5e siècle avant  notre ère, qui est dirigé par un duc : le duc Jin.

L'État Jin finit par subir un sort assez commun  dans l'histoire : il se désagrège. Dans les

derniers temps, le duc n'a plus aucun pouvoir  réel. Il ne possède qu'un petit territoire,

et est même parfois chassé de son domaine. En  effet trois grandes familles aristocratiques, les

Zhao, les Wei et les Han, se partagent entre elles  la totalité du territoire de Jin. Les Annales

des Printemps et Automnes, œuvres successives de  nombreux scribes, toutes compilées par Confucius

selon la légende, sont complétées par le Zuo  Zhan, littéralement le “Commentaire de Zuo”.

Ces sources croisées racontent  comment est mort Jing de Jin,

le dernier des duc de Jin, qui  sombra dans l'oubli...et pas que !

Bon premier point, et ce qui est dommage : les  annales portent sur un royaume voisin. Elles

ne mentionnent Jing qu'au moment de sa mort, si  bien qu'on ne sait rien de son règne. Mais comme

je vous ai dit : pour l'époque, il ne devait  avoir aucun réel pouvoir. Un jour, Jing voit

en rêve un démon le maudire. Il fait appeler une  voyante de Sangtian pour avoir son avis. La femme

est formelle : “Tu ne goûteras pas le blé nouveau  !”, qu'elle lui dit. Ce qui veut dire : tu mourras

dans l'année. Troublé, le duc attend la mort.  Un an passe. La saison du blé nouveau arrive. Le

duc Jing de Jin s'en fait servir, et convoque la  voyante. Il lui présente le blé appétissant...et

la fait tuer. Histoire de conjurer le sort,  ou de s'ouvrir l'appétit, on ne sait pas,

ce duc est un vrai rigolo. Triomphant, il va  désormais dévorer le blé. Mais avant cela,

il doit assouvir une envie pressante ! Jing  se rend alors aux toilettes. A l'époque,

c'est tout juste une large fosse dans  laquelle on se soulage. Pas de chance : le

duc y tombe. Il se noie dans son contenu, et  meurt...sans jamais goûter le blé nouveau !

Soyons francs : cette histoire aux allures de  fable morale est contredite par une autre source,

les Annales du Bambou, qui est un peu plus  fiable aux yeux des historiens. Selon le Bambou,

Jin n'a tout simplement pas pu exister,  puisque la dynastie Jin était éteinte bien

avant lui. L'histoire ne serait qu'une légende.  N'empêche : le royaume Jin a bel et bien sombré,

aussi profondément que son souverain, ce qui  a déclenché une nouvelle ère sanglante pour la

Chine, celle des Royaumes Combattants (453-221 av.  JC). Au 14 siècle, dans ce qui est aujourd'hui la

République tchèque et qui était jadis la Bohème,  un certain Venceslas III se fait une bonne place.

A ce moment-là, ça fait longtemps que la dynastie  des Přemyslides marque l'Europe de l'Est. Ces

princes locaux, ducs de Bohême, ont réussi à  s'élever et à devenir rois de Bohême : ils ont

préservé leur autonomie face au Saint Empire  Romain Germanique. Mieux : ils ont même lancé

de grandes guerres de conquête, et leur expansion  ne tarde pas à leur donner des titres en Pologne

et en Hongrie. Mais leur position est très dure  à défendre : autour d'eux, les barons locaux ne

cessent de se révolter. Et au-dessus de  leur tête plane l'ombre de l'Empereur,

qui aimerait bien intégrer toutes leurs terres  au Saint-Empire. Heureusement pour consolider

leur pouvoir, les Přemyslides ont une belle  légende familiale : leur propagande les fait

remonter à un ancêtre mythique, Przemysł  Oracz. Traduisez Přemysl le Laboureur.

Eh ouais, si certains princes n'hésitent pas à  faire remonter leurs origines jusqu'aux empereurs

de Rome, aux princes de Troie, ou à de lointaines  peuplades de guerriers héroïques. En Bohême,

il n y a pas de ça : l'ancêtre, c'est un  énorme laboureur super-costaud et super beau,

qui séduit une reine. Ensemble, ils fondent  la ville de Prague, le royaume de Bohême,

et engendre une lignée de sang  royal. Voilà pour l'ambiance.

Donc il faut vraiment des épaules  sacrément solides pour assumer un

tel héritage, à la fois mythique et historique !

Ces épaules, le pauvre Venceslas ne les a pas  encore en 1298. Il faut dire que tout va un

peu trop vite pour lui : à seulement 9 ans, il  est fiancé à la fille du roi de Hongrie. Quand

beau-papa décède, il est donc fait roi de Hongrie  : il a 11 ans. En 1305, son propre père, Venceslas

II, casse sa pipe. Le fiston lui succède : ça y  est, il a 15 ans, et le voilà roi de Hongrie, de

Pologne et de Bohême. Boum. Est-ce que vous sentez  venir la grosse tension, ou faut-il vous rappeler

le contexte politique : des barons rebelles, et  un empereur qui a envie de le manger tout cru ?

Comme si ce n'était pas suffisant, Venceslas  a déjà la réputation d'être un bon vivant,

trop jeune dans sa tête. Tout  juste sorti de l'adolescence,

on dit de lui qu'il préfère festoyer plutôt que  de faire de la politique. Enfin bon, les on-dits

aussi...c'est facile de trouver des critiques,  surtout avec autant d'adversaires politiques !

En Hongrie, Charles-Robert le chasse du trône  en 1308. Oui, avec un nom pareil vous vous en

doutez : Charles-Robert vient de France, il  descend de la maison d'Anjou. En Pologne,

c'est l'ambitieux Ladislas Ier qui s'oppose  à lui avec vigueur. Et même en Bohême,

la mère-patrie de ses ancêtres, le  jeune Venceslas n'a, franchement,

aucun succès ! L'empereur lui met la pression et  Venceslas se tourne vers le pape Boniface VIII.

Malheureusement pour lui, il est accueilli par  un long silence. Le pape lui a mis un gros vent,

Venceslas est seul, et bien seul. Alors tant pis,

il va se débrouiller. Il monte une  armée, et marche sur la Pologne,

histoire de montrer à Ladislas qui est  le patron. Mais...tout s'arrête là !

Dans des circonstances mystérieuses, le jeune  Venceslas est assassiné à l'âge de 16 ans,

sans descendance. C'était le  dernier des rois Přemyslides.

Les chroniques mentionnent une mise  à mort déshonorante, humiliante,

sans en dire plus. Elle aurait en effet eu  lieu dans la garde-robe du château d'Olomouc.

Et à l'époque, la garde-robe est un  réduit qui sert à stocker les vêtements,

à faire sa toilette et...à  se soulager, via un conduit,

type latrine, qui évacue les besoins. Qui  est le commanditaire du meurtre ? Mystère,

même si les regards pointent spontanément  vers le polonais Ladislas qui parviendra, plus

tard, à devenir roi d'une Pologne autonome. Le  problème c'est que l'assassin est instantanément

tué à son tour par les gardes du roi, sans avoir  le temps d'être interrogé...comme par hasaaaaard !

Allez, donnons un bon point au très court règne  de Venceslas : au 14e siècle, il a incarné une

alliance, Hongrie-Pologne-Bohême, qui s'est  reformée en...1991. Oui, le Groupe de Visegrád,

ou “V4”, réunit à présent les Etats de Hongrie,  Pologne, République tchèque et Slovaquie. Ils ont

travaillé des politiques communes pour, ensemble,  s'extraire de l'ère post-soviétique, s'intégrer à

l'Union Européenne et promouvoir le marché commun  sans se faire marcher dessus par l'Allemagne.

Marrant comme l'histoire se répète non  ?! Notre histoire commence en 1075,

quand la Basse-Lotharingie, une région  située grosso modo sur la Belgique actuelle,

est plongée au cœur d'un très  long conflit : la querelle des

investitures. Mais qu'est-ce que  c'est que ça vous allez me dire ?

Pour faire simple, le pape Grégoire VII et  l'empereur Henri IV se disputent pour savoir qui

nommera les évêques dans le Saint Empire Romain  Germanique. En effet, un évêque, une fois investi

de sa charge (on parle d'investiture), a accès à  un domaine, des biens, des pouvoirs...et surtout,

il soutient celui qui le nomme. Donc forcément  : le pape Grégoire veut un religieux obéissant

à Rome, le véritable phare de la chrétienté.  C'est la réforme grégorienne : l'Europe

s'unifie dans la foi, elle se christianise  en profondeur. Mais l'empereur Henri, lui,

a plutôt besoin de placer à ce poste administratif  de bons gestionnaires -et tant pis s'ils n'ont pas

la vocation religieuse ! Il voudrait pouvoir  donner cette charge politique à ses proches,

à ses partisans. La querelle finit par éclater,  et c'est le chaos. De 1075 à 1122, chaque noble,

duc, ou prince du Saint Empire Romain  Germanique choisit son camp : pour le pape,

ou pour l'empereur. Par exemple, le duc de Saxe  Magnus Ier soutient le pape, et entre en guerre

contre son voisin le duc de Basse-Lotharingie,  Godefroid III, qui prend le parti de l'empereur.

Godefroid III n'a donc pas une vie facile : le  conflit s'annonce long et dangereux. En plus,

il a épousé Mathilde de Toscane,  une région du Sud de l'Empire.

Et si Godefroid est du côté de l'empereur,  Mathilde soutient elle le pape à fond ! Vraiment,

vraiment à fond, puisque cette puissante  politicienne et cheffe de guerre a même

la réputation de se donner au souverain  pontife, corps et âme si vous voyez ce

que je veux dire. Le chroniqueur Benzo  d'Alba, furieux partisan de l'empereur,

n'hésite pas à la traiter de “face de  vulve” et à l'accuser de mille perversités.

Le mariage de Godefroid est complètement  raté : le couple n'a pas d'enfants, donc

pas de descendance pour le duché. Leurs opinions  politiques sont opposées, ils ne s'entendent pas,

se querellent, et finissent par ne plus se  voir du tout : Mathilde reste chez elle,

en Italie, près du pape. Son attachement  à l'église est tel que sa dépouille sera

transférée au 17e siècle (oui, 6 siècles plus  tard !) dans la basilique Saint-Pierre de Rome.

Bref : Godefroid a vraiment fait une  mauvaise alliance. Et il sait qu'il

prend un risque à partir faire la guerre  pour l'empereur, surtout sans descendant.

Il décide donc nommer son héritier : ce sera son  neveu, le jeune Godefroid de Bouillon. Apaisé, le

duc peut s'attaquer à la Saxe, à l'Est, puis à la  Hollande au Nord. L'évêque d'Utrecht est en effet

attaqué par Robert le Frison, comte de Flandres.  Godefroid soutient l'évêque avec succès, et peut

même passer Noël peinard en sa compagnie. Mais la  guerre contre le Frison est loin d'être terminée :

Godefroid s'installe dans un château au bord de la  Meuse, dans la région de Vlaardingen. Une nouvelle

bataille est imminente. Mais Godefroid mourra  avant. L'historien Néerlandais Kees Nieuwenhuijsen

a réuni 24 sources médiévales pour nous raconter  sa mort en détail. Robert le Frison la joue pas

cool, il achète les services d'un sicarius, un  assassin qui s'appelle Giselbert. Ce dernier est,

selon les sources, soit un spiculator,  un garde, soit un coque...un cuisinier.

Le traître a un plan bien rodé : avec l'aide  d'une servante, il repère les latrines de la

chambre de Godefroid, qui débouchent en dehors  du château. Giselbert attend patiemment que le

duc soit poussé par la nature. Et là, il  l'attaque par en-dessous, à l'aide d'une

longue arme métallique acérée. Godefroid aura  eu un horrible mariage et une mort atroce. Et

comment cet héroïque sacrifice est-il récompensé  ? Quand son neveu se présente comme convenu pour

hériter de la Lotharingie, L'empereur Henri  IV a la gratitude des rois : il l'écarte,

et nomme son propre fils Conrad à sa  place. Tant pis, le jeune Godefroid

de Bouillon devra aller chercher gloire et  aventure ailleurs... à Jérusalem. Mais ça,

on en a parlé dans d'autres épisodes de Nota  Bene ! Laissez moi vous raconter l'Histoire

d'Edmond Côte-de-Fer ! Edmond voit le jour en  988, dans une Angleterre en fâcheuse posture.

Pour le contexte lointain, je vous laisse  visionner l'excellente série The Last Kingdom

qui raconte comment les rois Anglais successifs  (Alfred, Edouard, Aethelstan) parviennent à

unifier leur pays face aux attaques  des Danois. Malgré ces beaux succès,

un gros souci arrive en 978, quand  le roi Aethelred monte sur le trône.

Je dis ça parce que Aethelred est tellement

mauvais qu'après sa mort, on le surnomme  Aethelred le Malavisé. Quand même…

Il subit des défaites face au chef Danois  Sven à la Barbe Fourchue. Et en plus,

il le paie ! Il verse le Danegeld,  littéralement “l'Or des Danois”,

une rançon censée garantir que  les étrangers repartent. Bon,

l'année suivante les Danois reviennent, mais avec  plus de navires achetés avec l'argent des Anglais.

Le coup classique ! Tout va tellement mal  qu'Aethelred est même obligé de fuir en exil,

pendant que Sven se fait couronner roi à sa  place ! Coup de chance, Sven meurt, et Aethelred

reprend le trône. Tout pourrait s'arrêter là,  mais non, le clash devient inter-générationnel.

Car Sven a un fils : Knut. Knut le Grand. Encore  plus balèze que son viking de père. Et Aethelred

a aussi un descendant : Edmond. Edmond  Côte-de-Fer. Entre ces deux grosses brutes,

la lutte peut commencer. Et ils ont de beaux CV ! Knut ne collectionne pas les vignettes-frigo,

mais plutôt les cicatrices. Il a déjà fait la  guerre auprès de son père. Edmond aussi est

redoutable. Par exemple, en 1015, son  père le roi envoie son homme de main,

Eadric Streona (retenez bien ce nom),  ravager l'Est, tuer les seigneurs locaux,

et même placer une belle héritière en pension  à vie dans une abbaye. Le fougueux Edmond,

qui devait passer par là et s'ennuyer, défonce  l'abbaye, “libère” la damoiselle contre son gré,

l'épouse, revendique tout l'Est  et...entre en rébellion contre son père.

Mais c'est à ce moment-là que Knut réapparaît sur  scène ! La guerre reprend, mais avec trois camps

au lieu de deux. Edmond affronte les Vikings,  mais il se bat aussi contre Eadric Streona,

le conseiller de son père. Quand le roi meurt,  Edmond hérite de son titre, et Eadric apprend

à lui obéir. Mais les batailles et les sièges  s'enchaînent, la guerre dure, la victoire va

tantôt aux Anglo-Saxons, tantôt aux Danois. De  fatigue, les deux combattants se rencontrent

sur l'île d'Alney en 1016. Après plusieurs  années à se fracasser, Edmond Côte-de-Fer et

Knut le Grand peuvent enfin se serrer la main.  Ils décident de partager l'Angleterre en deux.

Mais… à peine quelques semaines plus tard, Edmond  meurt. Aujourd'hui la majorité des historiens,

comme M.K. Lawson, soutient que c'est d'une  mort tout à fait naturelle. Ça n'empêche pas

les chroniqueurs médiévaux de s'en donner à  coeur joie : c'est forcément un coup de Knut,

qui devient ainsi roi de l'Angleterre, et forme un  véritable empire transmarin en cumulant avec les

titres de roi du Danemark et de la Norvège. Il  est aussi pote avec l'Empereur du Saint-Empire,

qui lui laisse gérer des provinces  voisines comme la Poméranie. Et il

fait un pèlerinage à Rome en 1027, à l'époque  les Danois sont déjà pas mal christianisés.

Bref, ça commence à être risqué d'accuser  un aussi puissant souverain de meurtre,

alors certains auteurs n'hésitent pas à  donner le mauvais rôle à...Eadric Streona,

eh oui, le fameux homme de main, qui fait  un traître idéal ! Dommage pour lui !

C'est le cas par exemple du chroniqueur Henri  de Huntington qui décrit cet acte ignoble,

en plaçant l'assassinat dans des toilettes :

“Le roi Edmond est traîtreusement assassiné  quelques jours plus tard. Voici ce qui se

passa : une nuit, ce grand et puissant souverain  se retira pour répondre aux besoins naturels,

et le fils d'Eadric Streona, d'après un  stratagème de son père, s'enferma dans

la fosse d'aisance, et poignarda par deux  fois le roi par-derrière avec une dague

tranchante. Laissant son arme plantée  dans ses intestins, il prit la fuite.”

C'est toujours sympa ! D'ailleurs  Huntington conclu sur un ton moraliste :

“Eadric se présenta alors à Knut, et le salua  ainsi : “Salut, toi qui est le seul souverain

d'Angleterre !” Une fois les explications  faites, Knut lui répondit : “Pour cet exploit

je te récompenserais, selon ton mérite, plus  grandement que tous les nobles d'Angleterre.

Il ordonna alors qu'Eadric soit décapité, et sa  tête suspendue au sommet de la tour de Londres.”

Vous le connaissez sans aucun doute pour être  le grand méchant de Robin des bois : Jean sans

Terre ! Il veut qu'on l'appelle Jean le  Preux, mais il est mort ...affreusement !

Jean est issu de la Maison Plantagenêt, une  famille originaire non pas d'Angleterre mais du

Maine, du Gâtinais et de l'Anjou en France.  Elle conquiert d'abord la Normandie et ses

principales bases sont en Aquitaine, Poitou,  Normandie, bref : la France de l'Ouest. Et si

les Plantagenêts finissent par perdre du terrain  et se rétracter en Angleterre, c'est...à cause de

Jean Sans Terre, qui porte décidément bien  son nom ! Il faut dire que dès le début,

c'était mal parti : Jean est le petit dernier  de plusieurs frères prestigieux : Guillaume de

Poitiers, Geoffroy de Bretagne, et Richard  d'Angleterre, dit “Coeur-de-Lion”. En plus,

le roi Henri II décide de déclarer son fils  “sine terra”, sans terre, à la naissance.

Jean n'a donc aucun héritage. Mais on lui  promet de conquérir l'Irlande. Enfin...s'il

en est capable ! Mais pas de chance, il essuie  au contraire un désastre : Jean se retrouve

bon dernier parmi ses frères, toujours sans  terre, et en plus avec une sale réputation.

Pendant ce temps, Richard guerroie  en France, combat son propre père,

et s'aventure dans une croisade en  Orient. A Jean, il laisse les tâches

administratives : gérer le royaume, sévèrement  encadré par un conseil de régence. Et le pire,

c'est qu'au moment de choisir un héritier, Richard  refuse Jean : il lui préfère Arthur de Bretagne.

Pour Jean, c'est le bouquet. Il pète une durite,  et se révolte. Et...il se fait tataner par le

grand-frère. Tout ça vous connaissez si vous  avez vu ou lu ne serait-ce qu'une œuvre sur le

légendaire Robin des Bois comme je le disais tout  à l'heure. Mais finalement, quand Richard meurt,

Jean revient. Le problème, c'est que les  précédentes années l'ont rendu violent,

furieux, jaloux de son pouvoir. Il se  met à dos tout le monde : ses voisins,

ses alliés, ses nobles, et même son  peuple. En fait, il réussit l'exploit

d'être le pire roi d'Angleterre aux yeux du  grand public...et des historiens ! C'est pas

qu'il est gentil ou méchant...c'est qu'il  est mauvais ! Il perd plein de terres,

accumule les querelles, subit les révoltes,  et voit son pouvoir fortement diminué.

Mais était-il si mauvais homme ? Ce n'est pas ce  que pensent des historiens comme Stephen Church ou

Paul Webster. D'ailleurs, et c'est ça qui nous  intéresse, ce dernier a étudié son rapport à

la religion, notamment lors de sa fin de vie.  Jean faisait souvent la charité aux pauvres,

participait aux offices religieux, faisait des  dons à des maisons religieuses (qui à l'époque,

rappelons-le, assurent certains services publics  comme les hôpitaux). Homme d'art et de culture,

porté sur la philosophie et les sciences,  Jean possédait une belle bibliothèque,

et de nombreuses reliques saintes. Mais  aux derniers jours de sa vie ratée,

tout son bagage finit emporté dans le torrent  d'une rivière. Frappé de douleur, le roi y

voit dans cette perte une punition divine.  Abattu, déprimé, il renonce et s'affaiblit.

C'est à ce moment là qu'une dysenterie  foudroyante le frappe. Il est victime de

violentes diarrhées et il est transporté  en litière. Il meurt dans ses excréments,

demandant le pardon pour son âme. Désolé si  vous vous attendiez à un superbe assassinat

ou à un dramatique accident... Mais quand il est  mort, Jean était constamment aux toilettes. Bien

sûr, les chroniqueurs qui le détestaient ont  bâti sa légende noire à l'époque. Ce qui est

sûr c'et que le roi est mort en pleine dysenteri.  Mais s'il avait aussi été assassiné ? Et si le

poison avait déclenché la maladie ? Les  rumeurs vont bon train, mais à ce jour,

y'a pas de piste de piste solide ! Et c'est sur  ce jeu de mot de l'enfer que l'on termine cet

épisode ! Comme on l'a vu encore une fois, on peut  donc collectionner les titres et les conquêtes,

être duc d'Empire, roi indépendant ou souverain  déchu, rien ne nous empêche de salement finir

aux toilettes...alors faites pas trop les malins  ! Merci à Jean de Boisséson pour la préparation de

cet épisode, comme toujours c'est un plaisir  de bosser avec lui ! Encore merci à tous,

n'hésitez pas à partager l'épisode et à vous  abonner, à très vite sur Nota Bene ! Ciao !