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Science Étonnante, (#46) Les prix Nobel 2016 — A chaud #4 - YouTube

(#46) Les prix Nobel 2016 — A chaud #4 - YouTube

Bonjour à tous ! Aujourd'hui je voulais vous faire une petite vidéo pour vous parler des prix Nobel,

donc les prix Nobel 2016 qui ont été annoncés cette semaine

et bien j'avais envie de vous les commenter un petit peu.

Donc je ne vais évidemment parler que des prix Nobel dits scientifiques,

je vais parler du prix Nobel de médecine, du prix Nobel de chimie et du prix Nobel de physique.

Alors on va commencer par le prix Nobel de médecine.

Cette année, il a été décerné à un Japonais qui s'appelle Yoshinori Ohsumi,

pour ses travaux sur ce que l'on appelle l'autophagie.

Alors qu'est ce que c'est l'autophagie? Et bien si l'on prend la racine grecque du mot,

autophagie ça veut dire "se manger soi-même".

Et donc l'autophagie, en fait c'est un mécanisme qui existe au sein des cellules,

qui permet d'éliminer et de recycler des choses.

Alors qu'est ce que ça veut dire ? Déjà on est tous faits de cellules,

tous les organismes vivants sont faits de cellules

et, au sein d'une cellule, en fait on trouve tout un tas de choses.

Vous avez peut-être déjà vu, dans des livres de bio par exemple, un schéma d'une cellule.

Et donc dans une cellule, on trouve tout un tas, par exemple, de protéines

qui permettent d'assurer un certain nombre de fonctions et aussi de construire des structures,

et on trouve tout un tas de structures qu'on regroupe sous le terme générique d'organites.

Il arrive qu'une cellule soit toujours parfaitement fonctionnelle

mais qu'elle ait un certain nombre de protéines ou d'organites

qui soient, par exemple, devenus obsolètes

ou bien qui soient dégradés, abîmés et donc qu'elle ait besoin de se débarrasser de tout ça.

Donc l'autophagie c'est un mécanisme qui permet de faire ça.

Ce mécanisme a été découvert il y a déjà assez longtemps

puisqu'il a été découvert par un Belge qui s'appelle Christian de Duve

qui avait déjà eu le prix Nobel dans les années 70.

Donc le principe de l'autophagie, c'est le suivant.

Imaginons que vous ayez des protéines ou bien un organite dont la cellule veuille se débarrasser.

La cellule va commencer par construire une paroi autour,

sous la forme d'une double membrane, pour enfermer ce dont elle souhaite se débarrasser,

qu'on appelle un autophagosome.

Ensuite cet autophagosome va être mis en contact

avec un autre type de de vésicule qu'on appelle un lysosome

qui contient un certain nombre d'enzymes, qui est dans un milieu assez acide,

qui sont capables de digérer ce qui a été enfermé dans l'autophagosome,

c'est-à-dire de digérer, de décomposer notamment les protéines.

Vous voyez que l'autophagosome, pour prendre une analogie,

c'est en quelque sorte le sac poubelle de la cellule.

Donc ce sac poubelle est amené en contact avec le lysosome

qu'on pourrait comparer, par exemple, à un centre d'incinération des déchets.

En fait ce n'est pas tout à fait un centre d'incinération des déchets puisque la beauté de la chose,

c'est que ce mécanisme d'autophagie permet en fait de recycler la matière première,

c'est-à-dire que les protéines sont dégradées

mais on récupère les briques de base, elles peuvent être réutilisées par la cellule

pour refaire de nouvelles protéines.

J'avais lu ce chiffre, il faudrait que je retrouve la source parce que je ne sais plus exactement d'où ça vient,

mais en gros, le recyclage dû à l'autophagie dans un corps humain typique,

ça représentait à peu près 200g à 300g de protéines.

Vous imaginez que si ces protéines étaient en fait simplement dégradées et éliminées,

ça voudrait dire que pour assurer nos besoins en protéines, en fait on devrait manger chaque jour

200g ou 300g de protéines en plus que ce qu'on mange déjà.

Vous voyez que c'est quand même un mécanisme qui est assez efficace.

Alors du coup, Ohsumi qu'est ce qu'il a fait dans cette histoire ?

Je vous ai dit, ce n'est pas lui qui a découvert le mécanisme de l'autophagie

mais c'est grâce à lui qu'on l'a beaucoup mieux compris et qu'on a notamment pu comprendre

comment certains gènes jouaient un rôle là-dedans.

En fait, Ohsumi a procédé d'une manière qui est assez intéressante.

La première chose qu'il a faite, c'est qu'il a décidé d'utiliser,

non pas des cellules humaines ou des cellules animales mais de la levure de boulanger.

Vous savez peut-être que, contrairement à la levure chimique qui est juste un produit chimique inerte,

la levure de boulanger c'est des organismes, c'est des unicellulaires.

C'est un organisme qu'on utilise assez souvent quand on veut étudier des phénomènes

de biologie moléculaire et cellulaire, notamment quand on veut étudier des phénomènes qui sont assez basiques

et qui existent un peu chez tous les organismes.

Du coup, on utilise la levure de boulanger parce que c'est assez pratique.

Donc il a utilisé la levure de boulanger

et ce qu'il avait envie de faire, c'était de faire des images,

de regarder au microscope ce qu'il se passait.

Le problème, c'est que les mécanismes de l'autophagie, on ne les voit pas très bien,

c'est petit, ça ne dure pas longtemps

et en fait il a eu deux idées.

La première, c'est d'affamer ces levures de boulanger,

c'est-à-dire de ne pas leur donner de nutriments

et du coup, quand on affame les cellules comme ça, en fait ça stimule l'autophagie.

Les cellules ont quand même besoin de matière première, elle ont besoin d'énergie, de protéines

et si on ne leur en donne pas, ça va stimuler le mécanisme de recyclage

pour qu'elles essayent de gratter là où elles peuvent.

Donc il a stimulé l'autophagie chez les levures de boulanger en les affamant.

L'autre truc malin qu'il a fait,

c'est qu'il a désactivé le mécanisme des enzymes qui sont dans le lysosome,

dans cette structure qui contient les enzymes qui vont faire la digestion des protéines,

ce qui fait que, d'un côté il stimule l'autophagie, donc il stimule le recyclage des déchets si vous voulez

et de l'autre côté, il désactive l'usine qui est chargée de faire ce recyclage.

Et donc, qu'est-ce qu'il se passe ?

Il se passe la même chose qu'il se passerait chez vous si jamais les éboueurs ne passaient pas,

les sacs poubelles s'accumulent.

Donc, comme ça, il a pu faire des clichés de levures de boulanger

où on voyait dans les cellules tout un tas d'autophagosomes s'accumuler

puisqu'ils ne pouvaient pas être digérés par les enzymes du lysosome.

C'est comme ça qu'il a pu mettre en évidence ces autophagosomes

qu'autrement on avait beaucoup de mal à voir parce que leur existence était assez transitoire,

ça dure seulement quelques minutes, le temps que ce soit, normalement, ensuite digéré.

Une fois qu'il a mis au point cette méthode, ça lui a permis de très bien visualiser ce phénomène

et donc il a pu l'étudier et notamment étudier les gènes qui étaient impliqués.

La manière dont il a fait ça,

c'est qu'il a engendré un certain nombre de mutations dans les gènes de la levure de boulanger,

il a regardé ce que ça changeait ou pas au phénomène d'autophagie

et comme ça il a pu identifier une quinzaine de gènes

qui manifestement avaient un rôle déterminant pour l'autophagie,

ensuite il les a étudiés un par un en essayant de voir quel était le rôle exact de chacun des gènes.

Voilà la contribution de Ohsumi qui nous permet de mieux comprendre le principe de l'autophagie,

sachant que le principe de l'autophagie est quand même important notamment du point de vue médical

puisqu'il y a un certain nombre de maladies qui peuvent être associés à des dysfonctionnements de ce mécanisme.

Donc, voilà pour le prix Nobel de médecine, on va passer au prix Nobel de chimie.

On va commencer par un petit cocorico parce qu'il a été décerné à trois personnes dont un Français,

Jean-Pierre Sauvage, qui travaille à l'université de Strasbourg.

L'objet du prix Nobel de chimie cette année était ce qu'on appelle les machines moléculaires.

Qu'est-ce que c'est une machine moléculaire ?

En gros, c'est l'idée de fabriquer une ou des molécules

qui se comportent un peu comme des machines qu'on a à notre échelle,

c'est-à-dire qui soient capables d'effectuer un certain nombre de mouvements bien contrôlés

en réponse à un stimulus, par exemple à un apport d'énergie.

Sur le papier, on aurait envie de penser que ce n'est pas trop compliqué,

il suffit de faire des molécules qui miment un peu des machines.

En fait, si on regarde un petit peu plus profond, c'est compliqué, je vais essayer de vous expliquer pourquoi.

Si on prend une molécule, j'ai pris un modèle de molécule, je crois que c'est la caféine, je ne sais plus très bien,

en fait, une molécule on voit que c'est fait de liaisons

et du coup, l'ensemble est quand même assez rigide,

je peux prendre ma molécule, je peux la tordre un peu,

mais vous voyez que je ne peux pas effectuer des rotations avec par exemple,

je ne peux pas effectuer des mouvements tels qu'on aurait par exemple avec des roues.

Si on s'amuse à faire la comparaison, par exemple là j'ai pris un petit bout de Lego Technic,

vous voyez, ici j'ai un axe et mon axe peut tourner

et c'est quoi la grosse différence entre ça et une molécule normale, on va dire,

c'est que la molécule est rigide, tout est lié avec tout et donc on ne peut pas avoir des mouvements

du type de celui qu'on a avec un axe qui passerait dans un trou.

Vous voyez bien qu'ici l'axe et le bout de Lego ne sont pas liés,

ils sont contraints quand on les met ensemble mais ils ne sont pas liés.

Si on veut espérer faire quelque chose qui ressemble à des machines à l'échelle moléculaire,

il faut qu'on arrive à mimer ce genre de principe.

Ce qu'il faut qu'on fasse, c'est faire des molécules

dont certaines parties ne soient pas liées par des liaisons chimiques,

mais soient simplement enchevêtrées comme on a pu l'avoir ici avec l'axe et la brique de Lego.

Je vous montre un exemple, ça c'est des molécules qui n'existent pas mais c'est juste pour vous montrer.

En fait, j'ai deux molécules qui sont de forme un peu circulaire, comme ça

et on pourrait imaginer que ces molécules soient enchevêtrées.

Quand on a deux molécules qui sont enchevêtrées, vous voyez qu'elles peuvent avoir des mouvements libres,

pourtant, elles restent quand même ensemble.

Des molécules de ce genre là, en fait on sait en faire, ça s'appelle des caténanes

et la question est, comment on fait pour arriver à faire des molécules qui soient enchevêtrées comme ça.

En fait c'est très compliqué et pendant longtemps, la seule méthode qu'on avait,

c'est qu'on faisait des molécules en cercle, comme ça

et puis on pariait sur le fait que de temps en temps, par coup de bol,

quand on les faisait et que les cercles se refermaient,

par coup de bol, on pouvait espérer en avoir deux qui soient enchevêtrées.

On savait faire ces caténanes mais c'était très très inefficace .

Donc, toute la beauté du travail de l'équipe de Sauvage à Strasbourg ça a été de trouver

une manière de faire ces molécules-là de manière beaucoup plus efficace, avec un rendement de 90%,

c'est pour ça que c'est vraiment un vrai prix Nobel de chimie.

Je dis ça parce que, de temps en temps, le prix Nobel de chimie on le donne plutôt pour des travaux

de biologie moléculaire qu'on ne peut pas vraiment récompenser avec le prix Nobel de médecine,

alors on leur donne le prix Nobel de chimie.

Là, c'est un vrai prix Nobel de chimie,

l'art du chimiste est de trouver une voie de synthèse pour fabriquer des molécules

et donc l'équipe de Sauvage a trouvé une voie de synthèse,

c'est-à-dire un certain nombre de réactifs, une procédure, des catalyseurs, etc...,

pour arriver à fabriquer des molécules enchevêtrées.

Ça a commencé avec des caténanes

qu'on savait déjà faire mais que, grâce à lui, on a pu faire de manière beaucoup plus efficace

et ensuite un certain nombre d'autres types de molécules, ça a vraiment ouvert des portes

sur quelle est la manière de faire la synthèse de molécules comme ça.

On peut citer d'autres exemples, il y a ce qu'on appelle par exemple les rotaxanes

où cette fois ce n'est pas tout à fait ça, il faut imaginer une longue chaîne plutôt droite

et une molécule plutôt circulaire qu'on arriverait à mettre dessus

puis on met des choses ici pour bloquer et donc on a quelque chose qui peut tourner comme autour d'un axe.

Voilà, ça a été la grande contribution de Sauvage de trouver toutes ces voies de synthèse

qui ont pu permettre de faire des molécules qui avaient des enchevêtrements et des formes

qui étaient très différentes de ce qu'on savait faire avant

et donc il a notamment fait des choses avec des topologies un peu bizarres,

ça parlera aux mathématiciens qui aiment bien la théorie des nœuds ou la théorie des tresses,

par exemple des molécules qui avaient la forme de nœuds, c'est-à-dire qui se renouaient sur elles-mêmes.

Donc ça, ça a ouvert la voie à plein de travaux sur les machines moléculaires

et une des personnes qui a été récompensée avec lui, qui s'appelle Ben Feringa,

a été le premier à arriver à exploiter tous ces principes

pour faire des mouvements qui commençaient à être vraiment complexes

et il a fait notamment ce qu'on a appelé un peu malicieusement la première "nano-voiture",

c'est-à-dire une structure avec quelque chose qui peut vraiment s'apparenter à des roues

et qui est capable de bouger.

Alors, quelque chose qui est quand même important, c'est que comme une vraie machine,

ces molécules qui sont capables d'avoir des mouvements

ne vont pas faire des mouvements comme ça, spontanément, "gratuitement",

comme une vraie machine il faut les alimenter avec de l'énergie

et notamment, les structures créées par Feringa

sont capables de réagir par exemple à un stimulus qui peut être une impulsion lumineuse ou ce genre de chose.

Il y a un truc qu'il faut dire, c'est qu'en matière de machines moléculaires

on est absolument ridicules par rapport à ce que sait faire la vie.

On connait tout un tas de merveilleuses machines moléculaires qui sont dans nos corps,

l'exemple le plus simple c'est ce qui se passe avec nos muscles,

nos muscles sont des machines, ils sont capables de réagir et d'effectuer un mouvement

en réponse à un stimuli en dépensant de l'énergie et tout ça

et parce qu'il existe des molécules très très complexes qui sont synthétisées par notre corps,

des protéines, tout ça, qui sont capables de faire ces mouvements très compliqués.

Des machines moléculaires, on en connait déjà plein, elles sont très compliquées, c'est la vie qui les a créées,

vous pouvez penser à d'autres choses comme par exemple le flagelle du spermatozoïde,

c'est une jolie machine moléculaire.

Donc, on est vraiment à l'enfance de ce domaine-là

par rapport à ce qu'on sait qu'on pourrait faire si on maîtrisait un peu tous les principes qui étaient derrière

et donc il va certainement se passer des choses dans ce domaine là.

On peut déjà imaginer un certain nombre d'applications

notamment à partir du moment où on serait capables de faire des molécules qui seraient un peu plus intelligentes,

qui seraient capables d'effectuer certaines fonctions, de trier certaines cibles, etc...

Voilà, il y a des perspectives énormes mais, encore une fois, on n'en est qu'au début

et tout ça c'est grâce à l'art des chimistes qui sont capables de trouver des voies de synthèse très originales

pour arriver à vraiment produire ces molécules, la clé ce n'est pas juste de les imaginer sur le papier

et de les dessiner, c'est comment on fait pour les fabriquer.

Je vais passer au dernier prix qui est le prix Nobel de physique,

ça va être peut-être le plus complexe des trois.

C'est un prix qui a été décerné cette année à des gens qui font de la physique théorique.

Vous savez que moi, dans le passé, j'ai fait de la physique théorique

et quand je parle de physique théorique sur la chaîne,

généralement je vous parle de physique des particules, de cosmologie, de théorie quantique des champs,

des choses qui sont liées plutôt à ce qu'est la matière au niveau fondamental

et en fait ça pourrait laisser croire que la physique théorique ce n'est que ça, mais en fait ce n'est pas que ça.

Il y a notamment tout un tas de travaux qui sont vraiment très intéressants et très riches

dans un domaine qu'on appelle la physique de la matière condensée.

Qu'est-ce que c'est la matière condensée ?

Pour faire simple, c'est les liquides et les solides.

Il y a beaucoup de travaux en physique de la matière condensée,

de travaux théoriques et aussi expérimentaux

et ce qui est amusant c'est que c'est un peu le contraire de ce qu'on fait dans la physique théorique

des particules par exemple.

En physique des particules, on prend des choses complexes

et on essaye de les casser en des morceaux les plus petits possibles

pour essayer de voir quels sont les constituants élémentaires,

c'est vraiment de descendre à l'échelle la plus petite pour voir de quoi tout ça est fait.

En physique de la matière condensée c'est un peu l'approche inverse, on prend des particules,

par exemple des atomes, dont on pense qu'on sait à peu près comment ils se comportent, on les met ensemble,

on peut faire un liquide, on peut faire un cristal, un solide cristallin

et on essaye de voir quelles sont les propriétés qui apparaissent.

C'est une discipline qui est vraiment très intéressante qui a commencé il y a longtemps,

on a commencé à s'intéresser d'un point de vue théorique aux propriétés des liquides et des solides

principalement au début du 20ème siècle et notamment grâce à l'emergence de la mécanique quantique.

Les premières choses qu'on a étudiées, qu'on a comprises relativement vite, par exemple,

c'est tout simplement pourquoi certains corps,

certains solides sont conducteurs de l'électricité et pas d'autres,

pourquoi il y a des métaux et des isolants.

Ça c'est des choses qu'on a pu comprendre avec une théorie qu'on appelle la théorie des bandes

qui est un dérivé de la mécanique quantique

et qui nous a permis aussi de comprendre quelque chose de très important, c'est les semi-conducteurs,

pour faire simple, c'est à mi-chemin entre un métal et un isolant.

Les semi-conducteurs sont super importants parce que c'est grâce à eux

qu'on fait des transistors, de l'électronique, des microprocesseurs, etc...

Donc si jamais vous êtes capables de regarder cette vidéo sur votre ordinateur,

sur votre téléphone, tout ça, c'est grâce aux semi-conducteurs.

Si on fait des panneaux photovoltaïques, c'est grâce aux semi-conducteurs,

voilà, c'est essentiel dans le monde d'aujourd'hui

donc le prochain qui me dit que la physique théorique ne sert à rien ...

Ça c'est des choses qu'on maîtrise assez bien depuis la première moitié du 20ème siècle

et en fait c'est des choses qui ont été assez faciles, toute proportions gardées, sur le plan théorique

parce que quand on considère, par exemple un métal, qui conduit l'électricité,

on se rend compte que pour comprendre comment il fonctionne,

on peut simplement considérer les électrons comme étant des objets un peu indépendants,

c'est-à-dire qu'on part du principe que les électrons n'interagissent pas trop,

ils ne se voient pas trop, en quelque sorte, les uns les autres

et finalement ça fonctionne assez bien, ça permet de comprendre comment fonctionnent les métaux,

de comprendre comment fonctionnent les isolants et les semi-conducteurs, dans une certaine mesure.

En fait, il existe tout un tas de domaines

où on ne peut plus ignorer ça, on ne peut plus faire comme si les électrons ne se voyaient pas les uns les autres,

c'est ce qu'on appelle parfois le domaine des fermions fortement corrélés

et c'est un sujet extrêmement difficile parce que si vous prenez un morceau de solide,

il y a un paquet d'électrons dedans et donc si tous les électrons interagissent avec tous les électrons,

ça fait une quantité d'interactions qui est vraiment très compliquée à appréhender.

Pourquoi je vous parle de tout ça ?

Je vais en venir au sujet du prix Nobel.

Une des choses qu'on étudie beaucoup quand on fait de la physique de la matière condensée,

c'est notamment les phases de la matière

On dit classiquement qu'il y a trois phases de la matière, liquide, solide et gazeux,

parfois on rajoute le plasma, là on dit qu'il y en a quatre.

En fait ce n'est pas vrai, il y en a beaucoup plus que ça, il n'y en a pas que ni trois ni quatre,

Il y a tout un tas de phases de la matière qu'on connait mais qui sont des phases qu'on appelle plutôt exotiques.

La raison pour laquelle elles sont exotiques, c'est qu'on ne les croise pas tous les jours

et notamment on ne les croise que quand on descend à des températures très basses.

Il y a deux exemples qui sont très importants, c'est la supraconductivité et la superfluidité.

Qu'est-ce que c'est la supraconductivité ?

C'est le fait que certains solides, quand on les refroidit à des températures très basses,

se mettent à conduire l'électricité sans aucune résistance.

Ça, on a envie de penser que c'est quelque chose d'assez original, d'assez anormal,

parce que même les métaux qui conduisent très bien l'électricité ont en fait toujours une petite résistance,

alors que les supraconducteurs, non, ils ont une résistance nulle,

c'est-à-dire qu'ils propagent le courant sans aucune résistance.

Donc ça c'est assez formidable et ça a un certain nombre d'applications par exemple dans des IRM,

un certain nombre de transports à lévitation, etc...

Donc, c'est la supraconductivité.

L'autre sujet qui est assez intéressant dont on entend souvent parler, c'est ce qu'on appelle la superfluidité,

c'est un peu un phénomène cousin, donc là c'est plutôt dans des liquides

qui vont, en dessous d'une certaine température, par exemple ça se produit avec l'hélium,

se mettre à couler sans aucune viscosité, sans aucun frottement

donc le liquide devient superfluide.

Ça c'est des phénomènes qui sont très intrigants et qu'on a voulu comprendre sur le plan théorique

et par exemple pour la supraconductivité, en fait on a une théorie de la supraconductivité,

mais elle n'explique que les phénomènes de supraconductivité en dessous d'une certaine température,

bon, ce n'est pas tout à fait ça mais ça n'explique qu'une partie de la supraconductivité,

seulement la supraconductivité de certains corps.

Il existe tout un tas de solides qui sont supraconducteurs à des températures plus élevées

que ce que prédirait la théorie dont je vous ai parlé

et ceux-là, on ne sait pas du tout expliquer pourquoi ils sont supraconducteurs,

pourquoi cette supraconductivité qu'on appelle haute température existe.

Alors on dit haute température, mais ça reste quand même très très froid.

Ça c'est une question qui est vraiment extrêmement intéressante

parce que, imaginez qu'on comprenne mieux ça et qu'on soit capables de fabriquer des supraconducteurs

peut-être qui fonctionneraient à température ambiante, ça permettrait de transporter du courant

à température ambiante sans pertes donc ça serait vraiment quelque chose d'incroyable.

La supraconductivité haute température, aujourd'hui, personne ne la comprend,

personne n'a de théorie qui vraiment explique la supraconductivité haute température.

Je peux vous dire que le premier qui va se pointer avec une théorie convaincante de ça

peut directement prendre son billet pour Stockholm et aller chercher son prix Nobel.

On n'en est pas encore là, mais il y a tout un tas d'autres phénomènes qui sont un peu connexes à ça

qui concernent des changements de phase un peu exotiques comme ça

qu'on essaye d'étudier dans l'espoir que ça nous amène à une meilleure compréhension de ce qu'il se passe,

notamment dans les supraconducteurs.

Pourquoi je vous parle de tout ça ?

C'est que les trois qui ont eu le prix Nobel de physique cette année,

qui s'appellent Kosterlitz, Thouless et Haldane,

ont travaillé sur certaines phases, certains changements de phase un peu exotiques de la matière.

C'est vraiment exotique parce que, d'une part ça se produit aussi à des températures qui sont très basses

et en plus, eux, ils ont étudié spécifiquement des systèmes qui sont ce qu'on appelle en basse dimension,

ça veut dire en deux dimensions ou en une dimension.

Alors, ça peut paraître un peu stupide parce qu'on sait très bien qu'on vit dans un monde en trois dimensions,

la matière est en trois dimension,

mais en fait il existe un certain nombre de systèmes qui sont des systèmes en deux dimensions.

Par exemple, si on fait des films très minces de supraconducteurs,

ils vont se comporter comme des films en deux dimensions.

Ça marche aussi, par exemple, avec des films de superfluides

et aussi maintenant on est même capables de faire des structures qui soient vraiment bidimensionnelles,

on a pas mal parlé ces dernières années du graphène, qui a eu le prix Nobel il y a quelques années, d'ailleurs.

Le graphène c'est vraiment une structure bidimensionnelle,

c'est une feuille de carbone qui a un atome d'épaisseur.

Donc, ces gens-là ont étudié des changements de phase un peu exotiques

qui se passaient dans des corps en deux dimensions et en une dimension.

Je ne vais pas rentrer dans les détails parce que c'est vraiment compliqué,

si j'ai le courage j'essaierai de faire un billet de blog sur le sujet,

je mettrai le lien quelque part donc si le lien ne marche pas c'est que je n'ai pas eu le courage de faire le billet.

Ce qu'ils ont fait c'est que, d'un point de vue théorique, ils ont trouvé des changements de phase,

notamment un type de changement de phase qu'on appelle la transition KT,

pour Kosterlitz Thouless,

qui en fait a des propriétés qu'on n'avait jamais imaginées avant,

on ne pensait pas que ce type de changement de phase pouvait exister, ils l'ont trouvé sur le plan théorique

et ensuite on a fait un certain nombre d'expériences qui ont permis de vérifier qu'en fait ils avaient raison,

ça marchait vraiment comme ça dans certains systèmes bidimensionnels.

En plus il y a quelque chose d'assez magique avec ces théories sur les changements de phase,

c'est qu'il y a un peu une notion d'universalité, c'est-à-dire qu'une fois qu'on a compris un modèle,

il peut être suffisamment générique et s'appliquer à tout un tas de systèmes différents

et donc il y a tout un tas de systèmes qui ont l'air assez peu reliés les uns aux autres

comme des films de supraconducteurs, des films d'hélium

ou des espèces de réseaux planaires de jonctions supraconductrices

qui, en fait, suivent tous la théorie de la transition KT.

Ils ont vraiment découvert de nouveaux types de changements de phase assez exotiques dans la matière,

on appelle ça parfois les phases topologiques pour des raisons que je vous passe,

la manière dont on décrit les phases et les changements de phase

fait appel à un certain nombre de notions plutôt de topologie

pour ceux qui connaissent la topologie en mathématiques.

Voilà, ça c'était pour le prix Nobel de physique.

J'espère que ce petit descriptif vous aura permis d'y voir un petit peu plus clair

sur quels étaient les prix Nobel de cette année

et au-delà des gens à qui on les donne, parce qu'on les donne toujours à quelques personnes

alors qu'il y a toujours des tas d'équipes derrière,

essayer de vous faire comprendre pourquoi on considère que ces sujets sont importants,

quand on file le Nobel c'est parce que c'est quelque chose d'important

et je voudrais essayer de vous faire sentir pourquoi ces choses étaient importantes.

Voilà, comme je vous le disais, je ferai peut-être un petit billet pour expliquer un petit peu plus le prix Nobel de physique,

d'ici là, si vous voulez une vidéo sur un mode un petit peu plus normal,

enfin pas tout à fait normal, un petit peu différent,

j'ai collaboré il n'y a pas longtemps avec la chaîne String Theory.

J'ai fait un petit épisode avec eux, il y en aura d'autres mais j'ai fait un épisode avec eux

sur l'acoustique et la physique du son, je vous le recommande, vous pouvez aller jeter un œil.

Voilà, d'ici là je vous dis à très bientôt et continuez d'aimer la science.

Merci, à bientôt.


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Bonjour à tous ! Aujourd'hui je voulais vous faire une petite vidéo pour vous parler des prix Nobel,

donc les prix Nobel 2016 qui ont été annoncés cette semaine

et bien j'avais envie de vous les commenter un petit peu.

Donc je ne vais évidemment parler que des prix Nobel dits scientifiques,

je vais parler du prix Nobel de médecine, du prix Nobel de chimie et du prix Nobel de physique.

Alors on va commencer par le prix Nobel de médecine.

Cette année, il a été décerné à un Japonais qui s'appelle Yoshinori Ohsumi,

pour ses travaux sur ce que l'on appelle l'autophagie.

Alors qu'est ce que c'est l'autophagie? Et bien si l'on prend la racine grecque du mot,

autophagie ça veut dire "se manger soi-même".

Et donc l'autophagie, en fait c'est un mécanisme qui existe au sein des cellules,

qui permet d'éliminer et de recycler des choses.

Alors qu'est ce que ça veut dire ? Déjà on est tous faits de cellules,

tous les organismes vivants sont faits de cellules

et, au sein d'une cellule, en fait on trouve tout un tas de choses.

Vous avez peut-être déjà vu, dans des livres de bio par exemple, un schéma d'une cellule.

Et donc dans une cellule, on trouve tout un tas, par exemple, de protéines

qui permettent d'assurer un certain nombre de fonctions et aussi de construire des structures,

et on trouve tout un tas de structures qu'on regroupe sous le terme générique d'organites.

Il arrive qu'une cellule soit toujours parfaitement fonctionnelle

mais qu'elle ait un certain nombre de protéines ou d'organites

qui soient, par exemple, devenus obsolètes

ou bien qui soient dégradés, abîmés et donc qu'elle ait besoin de se débarrasser de tout ça.

Donc l'autophagie c'est un mécanisme qui permet de faire ça.

Ce mécanisme a été découvert il y a déjà assez longtemps

puisqu'il a été découvert par un Belge qui s'appelle Christian de Duve

qui avait déjà eu le prix Nobel dans les années 70.

Donc le principe de l'autophagie, c'est le suivant.

Imaginons que vous ayez des protéines ou bien un organite dont la cellule veuille se débarrasser.

La cellule va commencer par construire une paroi autour,

sous la forme d'une double membrane, pour enfermer ce dont elle souhaite se débarrasser,

qu'on appelle un autophagosome.

Ensuite cet autophagosome va être mis en contact

avec un autre type de de vésicule qu'on appelle un lysosome

qui contient un certain nombre d'enzymes, qui est dans un milieu assez acide,

qui sont capables de digérer ce qui a été enfermé dans l'autophagosome,

c'est-à-dire de digérer, de décomposer notamment les protéines.

Vous voyez que l'autophagosome, pour prendre une analogie,

c'est en quelque sorte le sac poubelle de la cellule.

Donc ce sac poubelle est amené en contact avec le lysosome

qu'on pourrait comparer, par exemple, à un centre d'incinération des déchets.

En fait ce n'est pas tout à fait un centre d'incinération des déchets puisque la beauté de la chose,

c'est que ce mécanisme d'autophagie permet en fait de recycler la matière première,

c'est-à-dire que les protéines sont dégradées

mais on récupère les briques de base, elles peuvent être réutilisées par la cellule

pour refaire de nouvelles protéines.

J'avais lu ce chiffre, il faudrait que je retrouve la source parce que je ne sais plus exactement d'où ça vient,

mais en gros, le recyclage dû à l'autophagie dans un corps humain typique,

ça représentait à peu près 200g à 300g de protéines.

Vous imaginez que si ces protéines étaient en fait simplement dégradées et éliminées,

ça voudrait dire que pour assurer nos besoins en protéines, en fait on devrait manger chaque jour

200g ou 300g de protéines en plus que ce qu'on mange déjà.

Vous voyez que c'est quand même un mécanisme qui est assez efficace.

Alors du coup, Ohsumi qu'est ce qu'il a fait dans cette histoire ?

Je vous ai dit, ce n'est pas lui qui a découvert le mécanisme de l'autophagie

mais c'est grâce à lui qu'on l'a beaucoup mieux compris et qu'on a notamment pu comprendre

comment certains gènes jouaient un rôle là-dedans.

En fait, Ohsumi a procédé d'une manière qui est assez intéressante.

La première chose qu'il a faite, c'est qu'il a décidé d'utiliser,

non pas des cellules humaines ou des cellules animales mais de la levure de boulanger.

Vous savez peut-être que, contrairement à la levure chimique qui est juste un produit chimique inerte,

la levure de boulanger c'est des organismes, c'est des unicellulaires.

C'est un organisme qu'on utilise assez souvent quand on veut étudier des phénomènes

de biologie moléculaire et cellulaire, notamment quand on veut étudier des phénomènes qui sont assez basiques

et qui existent un peu chez tous les organismes.

Du coup, on utilise la levure de boulanger parce que c'est assez pratique.

Donc il a utilisé la levure de boulanger

et ce qu'il avait envie de faire, c'était de faire des images,

de regarder au microscope ce qu'il se passait.

Le problème, c'est que les mécanismes de l'autophagie, on ne les voit pas très bien,

c'est petit, ça ne dure pas longtemps

et en fait il a eu deux idées.

La première, c'est d'affamer ces levures de boulanger,

c'est-à-dire de ne pas leur donner de nutriments

et du coup, quand on affame les cellules comme ça, en fait ça stimule l'autophagie.

Les cellules ont quand même besoin de matière première, elle ont besoin d'énergie, de protéines

et si on ne leur en donne pas, ça va stimuler le mécanisme de recyclage

pour qu'elles essayent de gratter là où elles peuvent.

Donc il a stimulé l'autophagie chez les levures de boulanger en les affamant.

L'autre truc malin qu'il a fait,

c'est qu'il a désactivé le mécanisme des enzymes qui sont dans le lysosome,

dans cette structure qui contient les enzymes qui vont faire la digestion des protéines,

ce qui fait que, d'un côté il stimule l'autophagie, donc il stimule le recyclage des déchets si vous voulez

et de l'autre côté, il désactive l'usine qui est chargée de faire ce recyclage.

Et donc, qu'est-ce qu'il se passe ?

Il se passe la même chose qu'il se passerait chez vous si jamais les éboueurs ne passaient pas,

les sacs poubelles s'accumulent.

Donc, comme ça, il a pu faire des clichés de levures de boulanger

où on voyait dans les cellules tout un tas d'autophagosomes s'accumuler

puisqu'ils ne pouvaient pas être digérés par les enzymes du lysosome.

C'est comme ça qu'il a pu mettre en évidence ces autophagosomes

qu'autrement on avait beaucoup de mal à voir parce que leur existence était assez transitoire,

ça dure seulement quelques minutes, le temps que ce soit, normalement, ensuite digéré.

Une fois qu'il a mis au point cette méthode, ça lui a permis de très bien visualiser ce phénomène

et donc il a pu l'étudier et notamment étudier les gènes qui étaient impliqués.

La manière dont il a fait ça,

c'est qu'il a engendré un certain nombre de mutations dans les gènes de la levure de boulanger,

il a regardé ce que ça changeait ou pas au phénomène d'autophagie

et comme ça il a pu identifier une quinzaine de gènes

qui manifestement avaient un rôle déterminant pour l'autophagie,

ensuite il les a étudiés un par un en essayant de voir quel était le rôle exact de chacun des gènes.

Voilà la contribution de Ohsumi qui nous permet de mieux comprendre le principe de l'autophagie,

sachant que le principe de l'autophagie est quand même important notamment du point de vue médical

puisqu'il y a un certain nombre de maladies qui peuvent être associés à des dysfonctionnements de ce mécanisme.

Donc, voilà pour le prix Nobel de médecine, on va passer au prix Nobel de chimie.

On va commencer par un petit cocorico parce qu'il a été décerné à trois personnes dont un Français,

Jean-Pierre Sauvage, qui travaille à l'université de Strasbourg.

L'objet du prix Nobel de chimie cette année était ce qu'on appelle les machines moléculaires.

Qu'est-ce que c'est une machine moléculaire ?

En gros, c'est l'idée de fabriquer une ou des molécules

qui se comportent un peu comme des machines qu'on a à notre échelle,

c'est-à-dire qui soient capables d'effectuer un certain nombre de mouvements bien contrôlés

en réponse à un stimulus, par exemple à un apport d'énergie.

Sur le papier, on aurait envie de penser que ce n'est pas trop compliqué,

il suffit de faire des molécules qui miment un peu des machines.

En fait, si on regarde un petit peu plus profond, c'est compliqué, je vais essayer de vous expliquer pourquoi.

Si on prend une molécule, j'ai pris un modèle de molécule, je crois que c'est la caféine, je ne sais plus très bien,

en fait, une molécule on voit que c'est fait de liaisons

et du coup, l'ensemble est quand même assez rigide,

je peux prendre ma molécule, je peux la tordre un peu,

mais vous voyez que je ne peux pas effectuer des rotations avec par exemple,

je ne peux pas effectuer des mouvements tels qu'on aurait par exemple avec des roues.

Si on s'amuse à faire la comparaison, par exemple là j'ai pris un petit bout de Lego Technic,

vous voyez, ici j'ai un axe et mon axe peut tourner

et c'est quoi la grosse différence entre ça et une molécule normale, on va dire,

c'est que la molécule est rigide, tout est lié avec tout et donc on ne peut pas avoir des mouvements

du type de celui qu'on a avec un axe qui passerait dans un trou.

Vous voyez bien qu'ici l'axe et le bout de Lego ne sont pas liés,

ils sont contraints quand on les met ensemble mais ils ne sont pas liés.

Si on veut espérer faire quelque chose qui ressemble à des machines à l'échelle moléculaire,

il faut qu'on arrive à mimer ce genre de principe.

Ce qu'il faut qu'on fasse, c'est faire des molécules

dont certaines parties ne soient pas liées par des liaisons chimiques,

mais soient simplement enchevêtrées comme on a pu l'avoir ici avec l'axe et la brique de Lego.

Je vous montre un exemple, ça c'est des molécules qui n'existent pas mais c'est juste pour vous montrer.

En fait, j'ai deux molécules qui sont de forme un peu circulaire, comme ça

et on pourrait imaginer que ces molécules soient enchevêtrées.

Quand on a deux molécules qui sont enchevêtrées, vous voyez qu'elles peuvent avoir des mouvements libres,

pourtant, elles restent quand même ensemble.

Des molécules de ce genre là, en fait on sait en faire, ça s'appelle des caténanes

et la question est, comment on fait pour arriver à faire des molécules qui soient enchevêtrées comme ça.

En fait c'est très compliqué et pendant longtemps, la seule méthode qu'on avait,

c'est qu'on faisait des molécules en cercle, comme ça

et puis on pariait sur le fait que de temps en temps, par coup de bol,

quand on les faisait et que les cercles se refermaient,

par coup de bol, on pouvait espérer en avoir deux qui soient enchevêtrées.

On savait faire ces caténanes mais c'était très très inefficace .

Donc, toute la beauté du travail de l'équipe de Sauvage à Strasbourg ça a été de trouver

une manière de faire ces molécules-là de manière beaucoup plus efficace, avec un rendement de 90%,

c'est pour ça que c'est vraiment un vrai prix Nobel de chimie.

Je dis ça parce que, de temps en temps, le prix Nobel de chimie on le donne plutôt pour des travaux

de biologie moléculaire qu'on ne peut pas vraiment récompenser avec le prix Nobel de médecine,

alors on leur donne le prix Nobel de chimie.

Là, c'est un vrai prix Nobel de chimie,

l'art du chimiste est de trouver une voie de synthèse pour fabriquer des molécules

et donc l'équipe de Sauvage a trouvé une voie de synthèse,

c'est-à-dire un certain nombre de réactifs, une procédure, des catalyseurs, etc...,

pour arriver à fabriquer des molécules enchevêtrées.

Ça a commencé avec des caténanes

qu'on savait déjà faire mais que, grâce à lui, on a pu faire de manière beaucoup plus efficace

et ensuite un certain nombre d'autres types de molécules, ça a vraiment ouvert des portes

sur quelle est la manière de faire la synthèse de molécules comme ça.

On peut citer d'autres exemples, il y a ce qu'on appelle par exemple les rotaxanes

où cette fois ce n'est pas tout à fait ça, il faut imaginer une longue chaîne plutôt droite

et une molécule plutôt circulaire qu'on arriverait à mettre dessus

puis on met des choses ici pour bloquer et donc on a quelque chose qui peut tourner comme autour d'un axe.

Voilà, ça a été la grande contribution de Sauvage de trouver toutes ces voies de synthèse

qui ont pu permettre de faire des molécules qui avaient des enchevêtrements et des formes

qui étaient très différentes de ce qu'on savait faire avant

et donc il a notamment fait des choses avec des topologies un peu bizarres,

ça parlera aux mathématiciens qui aiment bien la théorie des nœuds ou la théorie des tresses,

par exemple des molécules qui avaient la forme de nœuds, c'est-à-dire qui se renouaient sur elles-mêmes.

Donc ça, ça a ouvert la voie à plein de travaux sur les machines moléculaires

et une des personnes qui a été récompensée avec lui, qui s'appelle Ben Feringa,

a été le premier à arriver à exploiter tous ces principes

pour faire des mouvements qui commençaient à être vraiment complexes

et il a fait notamment ce qu'on a appelé un peu malicieusement la première "nano-voiture",

c'est-à-dire une structure avec quelque chose qui peut vraiment s'apparenter à des roues

et qui est capable de bouger.

Alors, quelque chose qui est quand même important, c'est que comme une vraie machine,

ces molécules qui sont capables d'avoir des mouvements

ne vont pas faire des mouvements comme ça, spontanément, "gratuitement",

comme une vraie machine il faut les alimenter avec de l'énergie

et notamment, les structures créées par Feringa

sont capables de réagir par exemple à un stimulus qui peut être une impulsion lumineuse ou ce genre de chose.

Il y a un truc qu'il faut dire, c'est qu'en matière de machines moléculaires

on est absolument ridicules par rapport à ce que sait faire la vie.

On connait tout un tas de merveilleuses machines moléculaires qui sont dans nos corps,

l'exemple le plus simple c'est ce qui se passe avec nos muscles,

nos muscles sont des machines, ils sont capables de réagir et d'effectuer un mouvement

en réponse à un stimuli en dépensant de l'énergie et tout ça

et parce qu'il existe des molécules très très complexes qui sont synthétisées par notre corps,

des protéines, tout ça, qui sont capables de faire ces mouvements très compliqués.

Des machines moléculaires, on en connait déjà plein, elles sont très compliquées, c'est la vie qui les a créées,

vous pouvez penser à d'autres choses comme par exemple le flagelle du spermatozoïde,

c'est une jolie machine moléculaire.

Donc, on est vraiment à l'enfance de ce domaine-là

par rapport à ce qu'on sait qu'on pourrait faire si on maîtrisait un peu tous les principes qui étaient derrière

et donc il va certainement se passer des choses dans ce domaine là.

On peut déjà imaginer un certain nombre d'applications

notamment à partir du moment où on serait capables de faire des molécules qui seraient un peu plus intelligentes,

qui seraient capables d'effectuer certaines fonctions, de trier certaines cibles, etc...

Voilà, il y a des perspectives énormes mais, encore une fois, on n'en est qu'au début

et tout ça c'est grâce à l'art des chimistes qui sont capables de trouver des voies de synthèse très originales

pour arriver à vraiment produire ces molécules, la clé ce n'est pas juste de les imaginer sur le papier

et de les dessiner, c'est comment on fait pour les fabriquer.

Je vais passer au dernier prix qui est le prix Nobel de physique,

ça va être peut-être le plus complexe des trois.

C'est un prix qui a été décerné cette année à des gens qui font de la physique théorique.

Vous savez que moi, dans le passé, j'ai fait de la physique théorique

et quand je parle de physique théorique sur la chaîne,

généralement je vous parle de physique des particules, de cosmologie, de théorie quantique des champs,

des choses qui sont liées plutôt à ce qu'est la matière au niveau fondamental

et en fait ça pourrait laisser croire que la physique théorique ce n'est que ça, mais en fait ce n'est pas que ça.

Il y a notamment tout un tas de travaux qui sont vraiment très intéressants et très riches

dans un domaine qu'on appelle la physique de la matière condensée.

Qu'est-ce que c'est la matière condensée ?

Pour faire simple, c'est les liquides et les solides.

Il y a beaucoup de travaux en physique de la matière condensée,

de travaux théoriques et aussi expérimentaux

et ce qui est amusant c'est que c'est un peu le contraire de ce qu'on fait dans la physique théorique

des particules par exemple.

En physique des particules, on prend des choses complexes

et on essaye de les casser en des morceaux les plus petits possibles

pour essayer de voir quels sont les constituants élémentaires,

c'est vraiment de descendre à l'échelle la plus petite pour voir de quoi tout ça est fait.

En physique de la matière condensée c'est un peu l'approche inverse, on prend des particules,

par exemple des atomes, dont on pense qu'on sait à peu près comment ils se comportent, on les met ensemble,

on peut faire un liquide, on peut faire un cristal, un solide cristallin

et on essaye de voir quelles sont les propriétés qui apparaissent.

C'est une discipline qui est vraiment très intéressante qui a commencé il y a longtemps,

on a commencé à s'intéresser d'un point de vue théorique aux propriétés des liquides et des solides

principalement au début du 20ème siècle et notamment grâce à l'emergence de la mécanique quantique.

Les premières choses qu'on a étudiées, qu'on a comprises relativement vite, par exemple,

c'est tout simplement pourquoi certains corps,

certains solides sont conducteurs de l'électricité et pas d'autres,

pourquoi il y a des métaux et des isolants.

Ça c'est des choses qu'on a pu comprendre avec une théorie qu'on appelle la théorie des bandes

qui est un dérivé de la mécanique quantique

et qui nous a permis aussi de comprendre quelque chose de très important, c'est les semi-conducteurs,

pour faire simple, c'est à mi-chemin entre un métal et un isolant.

Les semi-conducteurs sont super importants parce que c'est grâce à eux

qu'on fait des transistors, de l'électronique, des microprocesseurs, etc...

Donc si jamais vous êtes capables de regarder cette vidéo sur votre ordinateur,

sur votre téléphone, tout ça, c'est grâce aux semi-conducteurs.

Si on fait des panneaux photovoltaïques, c'est grâce aux semi-conducteurs,

voilà, c'est essentiel dans le monde d'aujourd'hui

donc le prochain qui me dit que la physique théorique ne sert à rien ...

Ça c'est des choses qu'on maîtrise assez bien depuis la première moitié du 20ème siècle

et en fait c'est des choses qui ont été assez faciles, toute proportions gardées, sur le plan théorique

parce que quand on considère, par exemple un métal, qui conduit l'électricité,

on se rend compte que pour comprendre comment il fonctionne,

on peut simplement considérer les électrons comme étant des objets un peu indépendants,

c'est-à-dire qu'on part du principe que les électrons n'interagissent pas trop,

ils ne se voient pas trop, en quelque sorte, les uns les autres

et finalement ça fonctionne assez bien, ça permet de comprendre comment fonctionnent les métaux,

de comprendre comment fonctionnent les isolants et les semi-conducteurs, dans une certaine mesure.

En fait, il existe tout un tas de domaines

où on ne peut plus ignorer ça, on ne peut plus faire comme si les électrons ne se voyaient pas les uns les autres,

c'est ce qu'on appelle parfois le domaine des fermions fortement corrélés

et c'est un sujet extrêmement difficile parce que si vous prenez un morceau de solide,

il y a un paquet d'électrons dedans et donc si tous les électrons interagissent avec tous les électrons,

ça fait une quantité d'interactions qui est vraiment très compliquée à appréhender.

Pourquoi je vous parle de tout ça ?

Je vais en venir au sujet du prix Nobel.

Une des choses qu'on étudie beaucoup quand on fait de la physique de la matière condensée,

c'est notamment les phases de la matière

On dit classiquement qu'il y a trois phases de la matière, liquide, solide et gazeux,

parfois on rajoute le plasma, là on dit qu'il y en a quatre.

En fait ce n'est pas vrai, il y en a beaucoup plus que ça, il n'y en a pas que ni trois ni quatre,

Il y a tout un tas de phases de la matière qu'on connait mais qui sont des phases qu'on appelle plutôt exotiques.

La raison pour laquelle elles sont exotiques, c'est qu'on ne les croise pas tous les jours

et notamment on ne les croise que quand on descend à des températures très basses.

Il y a deux exemples qui sont très importants, c'est la supraconductivité et la superfluidité.

Qu'est-ce que c'est la supraconductivité ?

C'est le fait que certains solides, quand on les refroidit à des températures très basses,

se mettent à conduire l'électricité sans aucune résistance.

Ça, on a envie de penser que c'est quelque chose d'assez original, d'assez anormal,

parce que même les métaux qui conduisent très bien l'électricité ont en fait toujours une petite résistance,

alors que les supraconducteurs, non, ils ont une résistance nulle,

c'est-à-dire qu'ils propagent le courant sans aucune résistance.

Donc ça c'est assez formidable et ça a un certain nombre d'applications par exemple dans des IRM,

un certain nombre de transports à lévitation, etc...

Donc, c'est la supraconductivité.

L'autre sujet qui est assez intéressant dont on entend souvent parler, c'est ce qu'on appelle la superfluidité,

c'est un peu un phénomène cousin, donc là c'est plutôt dans des liquides

qui vont, en dessous d'une certaine température, par exemple ça se produit avec l'hélium,

se mettre à couler sans aucune viscosité, sans aucun frottement

donc le liquide devient superfluide.

Ça c'est des phénomènes qui sont très intrigants et qu'on a voulu comprendre sur le plan théorique

et par exemple pour la supraconductivité, en fait on a une théorie de la supraconductivité,

mais elle n'explique que les phénomènes de supraconductivité en dessous d'une certaine température,

bon, ce n'est pas tout à fait ça mais ça n'explique qu'une partie de la supraconductivité,

seulement la supraconductivité de certains corps.

Il existe tout un tas de solides qui sont supraconducteurs à des températures plus élevées

que ce que prédirait la théorie dont je vous ai parlé

et ceux-là, on ne sait pas du tout expliquer pourquoi ils sont supraconducteurs,

pourquoi cette supraconductivité qu'on appelle haute température existe.

Alors on dit haute température, mais ça reste quand même très très froid.

Ça c'est une question qui est vraiment extrêmement intéressante

parce que, imaginez qu'on comprenne mieux ça et qu'on soit capables de fabriquer des supraconducteurs

peut-être qui fonctionneraient à température ambiante, ça permettrait de transporter du courant

à température ambiante sans pertes donc ça serait vraiment quelque chose d'incroyable.

La supraconductivité haute température, aujourd'hui, personne ne la comprend,

personne n'a de théorie qui vraiment explique la supraconductivité haute température.

Je peux vous dire que le premier qui va se pointer avec une théorie convaincante de ça

peut directement prendre son billet pour Stockholm et aller chercher son prix Nobel.

On n'en est pas encore là, mais il y a tout un tas d'autres phénomènes qui sont un peu connexes à ça

qui concernent des changements de phase un peu exotiques comme ça

qu'on essaye d'étudier dans l'espoir que ça nous amène à une meilleure compréhension de ce qu'il se passe,

notamment dans les supraconducteurs.

Pourquoi je vous parle de tout ça ?

C'est que les trois qui ont eu le prix Nobel de physique cette année,

qui s'appellent Kosterlitz, Thouless et Haldane,

ont travaillé sur certaines phases, certains changements de phase un peu exotiques de la matière.

C'est vraiment exotique parce que, d'une part ça se produit aussi à des températures qui sont très basses

et en plus, eux, ils ont étudié spécifiquement des systèmes qui sont ce qu'on appelle en basse dimension,

ça veut dire en deux dimensions ou en une dimension.

Alors, ça peut paraître un peu stupide parce qu'on sait très bien qu'on vit dans un monde en trois dimensions,

la matière est en trois dimension,

mais en fait il existe un certain nombre de systèmes qui sont des systèmes en deux dimensions.

Par exemple, si on fait des films très minces de supraconducteurs,

ils vont se comporter comme des films en deux dimensions.

Ça marche aussi, par exemple, avec des films de superfluides

et aussi maintenant on est même capables de faire des structures qui soient vraiment bidimensionnelles,

on a pas mal parlé ces dernières années du graphène, qui a eu le prix Nobel il y a quelques années, d'ailleurs.

Le graphène c'est vraiment une structure bidimensionnelle,

c'est une feuille de carbone qui a un atome d'épaisseur.

Donc, ces gens-là ont étudié des changements de phase un peu exotiques

qui se passaient dans des corps en deux dimensions et en une dimension.

Je ne vais pas rentrer dans les détails parce que c'est vraiment compliqué,

si j'ai le courage j'essaierai de faire un billet de blog sur le sujet,

je mettrai le lien quelque part donc si le lien ne marche pas c'est que je n'ai pas eu le courage de faire le billet.

Ce qu'ils ont fait c'est que, d'un point de vue théorique, ils ont trouvé des changements de phase,

notamment un type de changement de phase qu'on appelle la transition KT,

pour Kosterlitz Thouless,

qui en fait a des propriétés qu'on n'avait jamais imaginées avant,

on ne pensait pas que ce type de changement de phase pouvait exister, ils l'ont trouvé sur le plan théorique

et ensuite on a fait un certain nombre d'expériences qui ont permis de vérifier qu'en fait ils avaient raison,

ça marchait vraiment comme ça dans certains systèmes bidimensionnels.

En plus il y a quelque chose d'assez magique avec ces théories sur les changements de phase,

c'est qu'il y a un peu une notion d'universalité, c'est-à-dire qu'une fois qu'on a compris un modèle,

il peut être suffisamment générique et s'appliquer à tout un tas de systèmes différents

et donc il y a tout un tas de systèmes qui ont l'air assez peu reliés les uns aux autres

comme des films de supraconducteurs, des films d'hélium

ou des espèces de réseaux planaires de jonctions supraconductrices

qui, en fait, suivent tous la théorie de la transition KT.

Ils ont vraiment découvert de nouveaux types de changements de phase assez exotiques dans la matière,

on appelle ça parfois les phases topologiques pour des raisons que je vous passe,

la manière dont on décrit les phases et les changements de phase

fait appel à un certain nombre de notions plutôt de topologie

pour ceux qui connaissent la topologie en mathématiques.

Voilà, ça c'était pour le prix Nobel de physique.

J'espère que ce petit descriptif vous aura permis d'y voir un petit peu plus clair

sur quels étaient les prix Nobel de cette année

et au-delà des gens à qui on les donne, parce qu'on les donne toujours à quelques personnes

alors qu'il y a toujours des tas d'équipes derrière,

essayer de vous faire comprendre pourquoi on considère que ces sujets sont importants,

quand on file le Nobel c'est parce que c'est quelque chose d'important

et je voudrais essayer de vous faire sentir pourquoi ces choses étaient importantes.

Voilà, comme je vous le disais, je ferai peut-être un petit billet pour expliquer un petit peu plus le prix Nobel de physique,

d'ici là, si vous voulez une vidéo sur un mode un petit peu plus normal,

enfin pas tout à fait normal, un petit peu différent,

j'ai collaboré il n'y a pas longtemps avec la chaîne String Theory.

J'ai fait un petit épisode avec eux, il y en aura d'autres mais j'ai fait un épisode avec eux

sur l'acoustique et la physique du son, je vous le recommande, vous pouvez aller jeter un œil.

Voilà, d'ici là je vous dis à très bientôt et continuez d'aimer la science.

Merci, à bientôt.