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Le Comte de Monte-Cristo, Alexandre Dumas, Tome 1, 30. Le cinq septembre

30. Le cinq septembre

Ce délai accordé par le mandataire de la maison Thomson et French, au moment où Morrel s'y attendait le moins, parut au pauvre armateur un de ces retours de bonheur qui annoncent à l'homme que le sort s'est enfin lassé de s'acharner sur lui. Le même jour, il raconta ce qui lui était arrivé à sa fille, à sa femme et à Emmanuel, et un peu d'espérance, sinon de tranquillité, rentra dans la famille. Mais malheureusement, Morrel n'avait pas seulement affaire à la maison Thomson et French, qui s'était montrée envers lui de si bonne composition. Comme il l'avait dit, dans le commerce on a des correspondants et pas d'amis. Lorsqu'il songeait profondément, il ne comprenait même pas cette conduite généreuse de MM. Thomson et French envers lui; il ne se l'expliquait que par cette réflexion intelligemment égoïste que cette maison aurait faite: Mieux vaut soutenir un homme qui nous doit près de trois cent mille francs, et avoir ces trois cent mille francs au bout de trois mois, que de hâter sa ruine et avoir six ou huit pour cent du capital.

Malheureusement, soit haine, soit aveuglement, tous les correspondants de Morrel ne firent pas la même réflexion, et quelques-uns même firent la réflexion contraire. Les traites souscrites par Morrel furent donc présentées à la caisse avec une scrupuleuse rigueur, et, grâce au délai accordé par l'Anglais, furent payées par Coclès à bureau ouvert. Coclès continua donc de demeurer dans sa tranquillité fatidique. M. Morrel seul vit avec terreur que s'il avait eu à rembourser, le 15 les cinquante mille francs de de Boville, et, le 30, les trente-deux mille cinq cents francs de traites pour lesquelles, ainsi que pour la créance de l'inspecteur des prisons, il avait un délai, il était dès ce mois-là un homme perdu.

L'opinion de tout le commerce de Marseille était que, sous les revers successifs qui l'accablaient, Morrel ne pouvait tenir. L'étonnement fut donc grand lorsqu'on vit sa fin de mois remplie avec son exactitude ordinaire. Cependant, la confiance ne rentra point pour cela dans les esprits, et l'on remit d'une voix unanime à la fin du mois prochain la déposition du bilan du malheureux armateur.

Tout le mois se passa dans des efforts inouïs de la part de Morrel pour réunir toutes ses ressources. Autrefois son papier, à quelque date que ce fût, était pris avec confiance, et même demandé. Morrel essaya de négocier du papier à quatre-vingt-dix jours, et trouva les banques fermées. Heureusement, Morrel avait lui-même quelques rentrées sur lesquelles il pouvait compter; ces rentrées s'opérèrent: Morrel se trouva donc encore en mesure de faire face à ses engagements lorsque arriva la fin de juillet.

Au reste, on n'avait pas revu à Marseille le mandataire de la maison Thomson et French; le lendemain ou le surlendemain de sa visite à M. Morrel il avait disparu: or, comme il n'avait eu à Marseille de relations qu'avec le maire, l'inspecteur des prisons et M. Morrel, son passage n'avait laissé d'autre trace que le souvenir différent qu'avaient gardé de lui ces trois personnes. Quant aux matelots du Pharaon , il paraît qu'ils avaient trouvé quelque engagement, car ils avaient disparu aussi.

Le capitaine Gaumard, remis de l'indisposition qui l'avait retenu à Palma, revint à son tour. Il hésitait à se présenter chez M. Morrel: mais celui-ci apprit son arrivée, et l'alla trouver lui-même. Le digne armateur savait d'avance, par le récit de Penelon, la conduite courageuse qu'avait tenue le capitaine pendant tout ce sinistre, et ce fut lui qui essaya de le consoler. Il lui apportait le montant de sa solde, que le capitaine Gaumard n'eût point osé aller toucher.

Comme il descendait l'escalier, M. Morrel rencontra Penelon qui le montait. Penelon avait, à ce qu'il paraissait, fait bon emploi de son argent, car il était tout vêtu de neuf. En apercevant son armateur, le digne timonier parut fort embarrassé; il se rangea dans l'angle le plus éloigné du palier, passa alternativement sa chique de gauche à droite et de droite à gauche, en roulant de gros yeux effarés, et ne répondit que par une pression timide à la poignée de main que lui offrit avec sa cordialité ordinaire M. Morrel. M. Morrel attribua l'embarras de Penelon à l'élégance de sa toilette: il était évident que le brave homme n'avait pas donné à son compte dans un pareil luxe; il était donc déjà engagé sans doute à bord de quelque autre bâtiment, et sa honte lui venait de ce qu'il n'avait pas, si l'on peut s'exprimer ainsi, porté plus longtemps le deuil du Pharaon . Peut-être même venait-il pour faire part au capitaine Gaumard de sa bonne fortune et pour lui faire part des offres de son nouveau maître.

«Braves gens, dit Morrel en s'éloignant, puisse votre nouveau maître vous aimer comme je vous aimais, et être plus heureux que je ne le suis!»

Août s'écoula dans des tentatives sans cesse renouvelées par Morrel de relever son ancien crédit ou de s'en ouvrir un nouveau. Le 20 août, on sut à Marseille qu'il avait pris une place à la malle-poste, et l'on se dit alors que c'était pour la fin du mois courant que le bilan devait être déposé, et que Morrel était parti d'avance pour ne pas assister à cet acte cruel, délégué sans doute à son premier commis Emmanuel et à son caissier Coclès. Mais, contre toutes les prévisions lorsque le 31 août arriva, la caisse s'ouvrit comme d'habitude. Coclès apparut derrière le grillage, calme comme le juste d'Horace, examina avec la même attention le papier qu'on lui présentait, et, depuis la première jusqu'à la dernière, paya les traites avec la même exactitude. Il vint même deux remboursements qu'avait prévus M. Morrel, et que Coclès paya avec la même ponctualité que les traites qui étaient personnelles à l'armateur. On n'y comprenait plus rien, et l'on remettait, avec la ténacité particulière aux prophètes de mauvaises nouvelles, la faillite à la fin de septembre.

Le 1er, Morrel arriva: il était attendu par toute sa famille avec une grande anxiété; de ce voyage à Paris devait surgir sa dernière voie de salut. Morrel avait pensé à Danglars, aujourd'hui millionnaire et autrefois son obligé, puisque c'était à la recommandation de Morrel que Danglars était entré au service du banquier espagnol chez lequel avait commencé son immense fortune. Aujourd'hui Danglars, disait-on, avait six ou huit millions à lui, un crédit illimité. Danglars, sans tirer un écu de sa poche, pouvait sauver Morrel: il n'avait qu'à garantir un emprunt, et Morrel était sauvé. Morrel avait depuis longtemps pensé à Danglars; mais il y a de ces répulsions instinctives dont on n'est pas maître, et Morrel avait tardé autant qu'il lui avait été possible de recourir à ce suprême moyen. Il avait eu raison, car il était revenu brisé sous l'humiliation d'un refus.

Aussi à son retour, Morrel n'avait-il exhalé aucune plainte, proféré aucune récrimination; il avait embrassé en pleurant sa femme et sa fille, avait tendu une main amicale à Emmanuel, s'était enfermé dans son cabinet du second, et avait demandé Coclès.

«Pour cette fois, avaient dit les deux femmes à Emmanuel, nous sommes perdus.»

Puis, dans un court conciliabule tenu entre elles, il avait été convenu que Julie écrirait à son frère, en garnison à Nîmes, d'arriver à l'instant même.

Les pauvres femmes sentaient instinctivement qu'elles avaient besoin de toutes leurs forces pour soutenir le coup qui les menaçait.

D'ailleurs, Maximilien Morrel, quoique âgé de vingt-deux ans à peine, avait déjà une grande influence sur son père.

C'était un jeune homme ferme et droit. Au moment où il s'était agi d'embrasser une carrière, son père n'avait point voulu lui imposer d'avance un avenir et avait consulté les goûts du jeune Maximilien. Celui-ci avait alors déclaré qu'il voulait suivre la carrière militaire; il avait fait, en conséquence, d'excellentes études, était entré par le concours à l'École polytechnique, et en était sorti sous-lieutenant au 53ème de ligne. Depuis un an, il occupait ce grade, et avait promesse d'être nommé lieutenant à la première occasion. Dans le régiment, Maximilien Morrel était cité comme le rigide observateur, non seulement de toutes les obligations imposées au soldat, mais encore de tous les devoirs proposés à l'homme, et on ne l'appelait que le stoïcien. Il va sans dire que beaucoup de ceux qui lui donnaient cette épithète la répétaient pour l'avoir entendue, et ne savaient pas même ce qu'elle voulait dire.

C'était ce jeune homme que sa mère et sa sœur appelaient à leur aide pour les soutenir dans la circonstance grave où elles sentaient qu'elles allaient se trouver.

Elles ne s'étaient pas trompées sur la gravité de cette circonstance, car, un instant après que M. Morrel fut entré dans son cabinet avec Coclès, Julie en vit sortir ce dernier, pâle, tremblant, et le visage tout bouleversé.

Elle voulut l'interroger comme il passait près d'elle; mais le brave homme, continuant de descendre l'escalier avec une précipitation qui ne lui était pas habituelle, se contenta de s'écrier en levant les bras au ciel:

«Ô mademoiselle! mademoiselle! quel affreux malheur! et qui jamais aurait cru cela!»

Un instant après, Julie le vit remonter portant deux ou trois gros registres, un portefeuille et un sac d'argent.

Morrel consulta les registres, ouvrit le portefeuille, compta l'argent.

Toutes ses ressources montaient à six ou huit mille francs, ses rentrées jusqu'au 5 à quatre ou cinq mille; ce qui faisait, en cotant au plus haut, un actif de quatorze mille francs pour faire face à une traite de deux cent quatre-vingt-sept mille cinq cents francs. Il n'y avait pas même moyen d'offrir un pareil acompte.

Cependant, lorsque Morrel descendit pour dîner, il paraissait assez calme. Ce calme effraya plus les deux femmes que n'aurait pu le faire le plus profond abattement.

Après le dîner, Morrel avait l'habitude de sortir; il allait prendre son café au cercle des Phocéens et lire le Sémaphore : ce jour-là il ne sortit point et remonta dans son bureau.

Quant à Coclès, il paraissait complètement hébété. Pendant une partie de la journée il s'était tenu dans la cour, assis sur une pierre, la tête nue, par un soleil de trente degrés.

Emmanuel essayait de rassurer les femmes, mais il était mal éloquent. Le jeune homme était trop au courant des affaires de la maison pour ne pas sentir qu'une grande catastrophe pesait sur la famille Morrel.

La nuit vint: les deux femmes avaient veillé, espérant qu'en descendant de son cabinet Morrel entrerait chez elles; mais elles l'entendirent passer devant leur porte, allégeant son pas dans la crainte sans doute d'être appelé.

Elles prêtèrent l'oreille, il rentra dans sa chambre et ferma sa porte en dedans.

Mme Morrel envoya coucher sa fille; puis, une demi-heure après que Julie se fut retirée, elle se leva, ôta ses souliers et se glissa dans le corridor, pour voir par la serrure ce que faisait son mari.

Dans le corridor, elle aperçut une ombre qui se retirait: c'était Julie, qui, inquiète elle-même, avait précédé sa mère.

La jeune fille alla à Mme Morrel.

«Il écrit», dit-elle.

Les deux femmes s'étaient devinées sans se parler.

Mme Morrel s'inclina au niveau de la serrure. En effet, Morrel écrivait; mais, ce que n'avait pas remarqué sa fille, Mme Morrel le remarqua, elle, c'est que son mari écrivait sur du papier marqué.

Cette idée terrible lui vint, qu'il faisait son testament; elle frissonna de tous ses membres, et cependant elle eut la force de ne rien dire.

Le lendemain, M. Morrel paraissait tout à fait calme; il se tint dans son bureau comme à l'ordinaire, descendit pour déjeuner comme d'habitude, seulement après son dîner il fit asseoir sa fille près de lui, prit la tête de l'enfant dans ses bras et la tint longtemps contre sa poitrine.

Le soir, Julie dit à sa mère que, quoique calme en apparence, elle avait remarqué que le cœur de son père battait violemment.

Les deux autres jours s'écoulèrent à peu près pareils. Le 4 septembre au soir, M. Morrel redemanda à sa fille la clef de son cabinet.

Julie tressaillit à cette demande, qui lui sembla sinistre. Pourquoi son père lui redemandait-il cette clef qu'elle avait toujours eue, et qu'on ne lui reprenait dans son enfance que pour la punir!

La jeune fille regarda M. Morrel.

«Qu'ai-je donc fait de mal, mon père, dit-elle, pour que vous me repreniez cette clef?

—Rien, mon enfant, répondit le malheureux Morrel, à qui cette demande si simple fit jaillir les larmes des yeux; rien, seulement j'en ai besoin.»

Julie fit semblant de chercher la clef.

«Je l'aurai laissée chez moi», dit-elle.

Et elle sortit; mais, au lieu d'aller chez elle, elle descendit et courut consulter Emmanuel.

«Ne rendez pas cette clef à votre père, dit celui-ci, et demain matin, s'il est possible, ne le quittez pas.»

Elle essaya de questionner Emmanuel; mais celui-ci ne savait rien autre chose, ou ne voulait pas dire autre chose.

Pendant toute la nuit du 4 au 5 septembre, Mme Morrel resta l'oreille collée contre la boiserie. Jusqu'à trois heures du matin, elle entendit son mari marcher avec agitation dans sa chambre.

À trois heures seulement, il se jeta sur son lit.

Les deux femmes passèrent la nuit ensemble. Depuis la veille au soir, elles attendaient Maximilien.

À huit heures, M. Morrel entra dans leur chambre. Il était calme, mais l'agitation de la nuit se lisait sur son visage pâle et défait.

Les femmes n'osèrent lui demander s'il avait bien dormi. Morrel fut meilleur pour sa femme, et plus paternel pour sa fille qu'il n'avait jamais été; il ne pouvait se rassasier de regarder et d'embrasser la pauvre enfant.

Julie se rappela la recommandation d'Emmanuel et voulut suivre son père lorsqu'il sortit; mais celui-ci la repoussant avec douceur:

«Reste près de ta mère», lui dit-il.

Julie voulut insister.

«Je le veux!» dit Morrel.

C'était la première fois que Morrel disait à sa fille: Je le veux! mais il le disait avec un accent empreint d'une si paternelle douceur, que Julie n'osa faire un pas en avant.

Elle resta à la même place, debout, muette et immobile. Un instant après, la porte se rouvrit, elle sentit deux bras qui l'entouraient et une bouche qui se collait à son front.

Elle leva les yeux et poussa une exclamation de joie.

«Maximilien mon frère!» s'écria-t-elle.

À ce cri Mme Morrel accourut et se jeta dans les bras de son fils.

«Ma mère, dit le jeune homme, en regardant alternativement Mme Morrel et sa fille; qu'y a-t-il donc et que se passe-t-il? Votre lettre m'a épouvanté et j'accours.

—Julie, dit Mme Morrel en faisant signe au jeune homme, va dire à ton père que Maximilien vient d'arriver.»

La jeune fille s'élança hors de l'appartement, mais, sur la première marche de l'escalier, elle trouva un homme tenant une lettre à la main.

«N'êtes-vous pas mademoiselle Julie Morrel? dit cet homme avec un accent italien des plus prononcés.

—Oui monsieur, répondit Julie toute balbutiante; mais que me voulez-vous? je ne vous connais pas.

—Lisez cette lettre», dit l'homme en lui tendant un billet.

Julie hésitait.

«Il y va du salut de votre père», dit le messager.

La jeune fille lui arracha le billet des mains.

Puis elle l'ouvrit vivement et lut:

»Rendez vous à l'instant même aux Allées de Meilhan, entrez dans la maison nº 15, demandez à la concierge la clef de la chambre du cinquième, entrez dans cette chambre, prenez sur le coin de la cheminée une bourse en filet de soie rouge, et apportez cette bourse à votre père.

»Il est important qu'il l'ait avant onze heures.

»Vous avez promis de m'obéir aveuglement, je vous rappelle votre promesse.

«SIMBAD LE MARIN.»

La jeune fille poussa un cri de joie, leva les yeux, chercha, pour l'interroger, l'homme qui lui avait remis ce billet mais il avait disparu.

Elle reporta alors les yeux sur le billet pour le lire une seconde fois et s'aperçut qu'il avait un post-scriptum .

Elle lut:

«Il est important que vous remplissiez cette mission en personne et seule; si vous veniez accompagnée ou qu'une autre que vous se présentât, le concierge répondrait qu'il ne sait ce que l'on veut dire.»

Ce post-scriptum fut une puissante correction à la joie de la jeune fille. N'avait-elle rien à craindre, n'était-ce pas quelque piège qu'on lui tendait? Son innocence lui laissait ignorer quels étaient les dangers que pouvait courir une jeune fille de son âge, mais on n'a pas besoin de connaître le danger pour craindre; il y a même une chose à remarquer, c'est que ce sont justement les dangers inconnus qui inspirent les plus grandes terreurs.

Julie hésitait, elle résolut de demander conseil.

Mais, par un sentiment étrange, ce ne fut ni à sa mère ni à son frère qu'elle eut recours, ce fut à Emmanuel.

Elle descendit, lui raconta ce qui lui était arrivé le jour où le mandataire de la maison Thomson et French était venu chez son père; elle lui dit la scène de l'escalier, lui répéta la promesse qu'elle avait faite et lui montra la lettre.

«Il faut y aller, mademoiselle, dit Emmanuel.

—Y aller? murmura Julie.

—Oui, je vous y accompagnerai.

—Mais vous n'avez pas vu que je dois être seule? dit Julie.

—Vous serez seule aussi, répondit le jeune homme; moi, je vous attendrai au coin de la rue du Musée; et si vous tardez de façon à me donner quelque inquiétude, alors j'irai vous rejoindre, et, je vous en réponds, malheur à ceux dont vous me diriez que vous auriez eu à vous plaindre!

—Ainsi, Emmanuel, reprit en hésitant la jeune fille, votre avis est donc que je me rende à cette invitation?

—Oui; le messager ne vous a-t-il pas dit qu'il y allait du salut de votre père?

—Mais enfin, Emmanuel, quel danger court-il donc?» demanda la jeune fille.

Emmanuel hésita un instant, mais le désir de décider la jeune fille d'un seul coup et sans retard l'emporta.

«Écoutez, lui dit-il, c'est aujourd'hui le 5 septembre, n'est-ce pas?

—Oui.

—Aujourd'hui, à onze heures, votre père a près de trois cent mille francs à payer.

—Oui, nous le savons.

—Eh bien, dit Emmanuel, il n'en a pas quinze mille en caisse.

—Alors que va-t-il donc arriver?

—Il va arriver que si aujourd'hui, avant onze heures, votre père n'a pas trouvé quelqu'un qui lui vienne en aide, à midi votre père sera obligé de se déclarer en banqueroute.

—Oh! venez! venez!» s'écria la jeune fille en entraînant le jeune homme avec elle.

Pendant ce temps, Mme Morrel avait tout dit à son fils.

Le jeune homme savait bien qu'à la suite des malheurs successifs qui étaient arrivés à son père, de grandes réformes avaient été faites dans les dépenses de la maison; mais il ignorait que les choses en fussent arrivées à ce point.

Il demeura anéanti. Puis tout à coup, il s'élança hors de l'appartement, monta rapidement l'escalier, car il croyait son père à son cabinet, mais il frappa vainement. Comme il était à la porte de ce cabinet, il entendit celle de l'appartement s'ouvrir, il se retourna et vit son père. Au lieu de remonter droit à son cabinet, M. Morrel était rentré dans sa chambre et en sortait seulement maintenant.

M. Morrel poussa un cri de surprise en apercevant Maximilien; il ignorait l'arrivée du jeune homme. Il demeura immobile à la même place, serrant avec son bras gauche un objet qu'il tenait caché sous sa redingote.

Maximilien descendit vivement l'escalier et se jeta au cou de son père; mais tout à coup il se recula, laissant sa main droite seulement appuyée sur la poitrine de son père.

«Mon père, dit-il en devenant pâle comme la mort, pourquoi avez-vous donc une paire de pistolets sous votre redingote?

—Oh! voilà ce que je craignais! dit Morrel.

—Mon père! mon père! au nom du Ciel! s'écria le jeune homme, pourquoi ces armes?

—Maximilien, répondit Morrel en regardant fixement son fils, tu es un homme, et un homme d'honneur; viens, je vais te le dire.»

Et Morrel monta d'un pas assuré à son cabinet tandis que Maximilien le suivait en chancelant.

Morrel ouvrit la porte et la referma derrière son fils; puis il traversa l'antichambre, s'approcha du bureau déposa ses pistolets sur le coin de la table, et montra du bout du doigt à son fils un registre ouvert.

Sur ce registre était consigné l'état exact de la situation.

Morrel avait à payer dans une demi-heure deux cent quatre-vingt-sept mille cinq cents francs.

Il possédait en tout quinze mille deux cent cinquante-sept francs.

«Lis», dit Morrel.

Le jeune homme lut et resta un moment comme écrasé.

Morrel ne disait pas une parole: qu'aurait-il pu dire qui ajoutât à l'inexorable arrêt des chiffres?

«Et vous avez tout fait, mon père, dit au bout d'un instant le jeune homme, pour aller au-devant de ce malheur?

—Oui, répondit Morrel.

—Vous ne comptez sur aucune rentrée?

—Sur aucune.

—Vous avez épuisé toutes vos ressources?

—Toutes.

—Et dans une demi-heure, dit Maximilien d'une voix sombre, notre nom est déshonoré. Le sang lave le déshonneur, dit Morrel.

—Vous avez raison, mon père, et je vous comprends.»

Puis, étendant la main vers les pistolets:

«Il y en a un pour vous et un pour moi, dit-il; merci!»

Morrel lui arrêta la main.

«Et ta mère... et ta sœur..., qui les nourrira?»

Un frisson courut par tout le corps du jeune homme.

«Mon père, dit-il, songez-vous que vous me dites de vivre?

—Oui, je te le dis, reprit Morrel, car c'est ton devoir; tu as l'esprit calme, fort, Maximilien.... Maximilien, tu n'es pas un homme ordinaire; je ne te commande rien, je ne t'ordonne rien, seulement je te dis: Examine ta situation comme si tu y étais étranger, et juge-la toi-même.»

Le jeune homme réfléchit un instant, puis une expression de résignation sublime passa dans ses yeux; seulement il ôta, d'un mouvement lent et triste, son épaulette et sa contre-épaulette, insignes de son grade.

«C'est bien, dit-il en tendant la main à Morrel, mourez en paix, mon père! je vivrai.»

Morrel fit un mouvement pour se jeter aux genoux de son fils. Maximilien l'attira à lui, et ces deux nobles cœurs battirent un instant l'un contre l'autre.

«Tu sais qu'il n'y a pas de ma faute?» dit Morrel.

Maximilien sourit.

«Je sais, mon père, que vous êtes le plus honnête homme que j'aie jamais connu.

—C'est bien, tout est dit: maintenant retourne près de ta mère et de ta sœur.

—Mon père, dit le jeune homme en fléchissant le genou, bénissez-moi!»

Morrel saisit la tête de son fils entre ses deux mains, l'approcha de lui, et, y imprimant plusieurs fois ses lèvres:

«Oh! oui, oui, dit-il, je te bénis en mon nom et au nom de trois générations d'hommes irréprochables; écoute donc ce qu'ils disent par ma voix: l'édifice que le malheur a détruit, la Providence peut le rebâtir. En me voyant mort d'une pareille mort, les plus inexorables auront pitié de toi; à toi peut-être on donnera le temps qu'on m'aurait refusé; alors tâche que le mot infâme ne soit pas prononcé; mets-toi à l'œuvre, travaille, jeune homme, lutte ardemment et courageusement: vis, toi, ta mère et ta sœur, du strict nécessaire afin que, jour par jour le bien de ceux à qui je dois s'augmente et fructifie entre tes mains. Songe que ce sera un beau jour, un grand jour, un jour solennel que celui de la réhabilitation, le jour où, dans ce même bureau, tu diras: Mon père est mort parce qu'il ne pouvait pas faire ce que je fais aujourd'hui; mais il est mort tranquille et calme, parce qu'il savait en mourant que je le ferais.

—Oh! mon père, mon père, s'écria le jeune homme, si cependant vous pouviez vivre!

—Si je vis, tout change; si je vis, l'intérêt se change en doute, la pitié en acharnement; si je vis, je ne suis plus qu'un homme qui a manqué à sa parole, qui a failli à ses engagements, je ne suis plus qu'un banqueroutier enfin. Si je meurs, au contraire, songes-y, Maximilien, mon cadavre n'est plus que celui d'un honnête homme malheureux. Vivant, mes meilleurs amis évitent ma maison; mort, Marseille tout entier me suit en pleurant jusqu'à ma dernière demeure; vivant, tu as honte de mon nom; mort, tu lèves la tête et tu dis:

«—Je suis le fils de celui qui s'est tué, parce que, pour la première fois, il a été forcé de manquer à sa parole.»

Le jeune homme poussa un gémissement, mais il parut résigné. C'était la seconde fois que la conviction rentrait non pas dans son cœur, mais dans son esprit.

«Et maintenant, dit Morrel, laisse-moi seul et tâche d'éloigner les femmes.

—Ne voulez-vous pas revoir ma sœur?» demanda Maximilien.

Un dernier et sourd espoir était caché pour le jeune homme dans cette entrevue, voilà pourquoi il la proposait. M. Morrel secoua la tête.

«Je l'ai vue ce matin, dit-il, et je lui ai dit adieu.

—N'avez-vous pas quelque recommandation particulière à me faire, mon père? demanda Maximilien d'une voix altérée.

—Si fait, mon fils, une recommandation sacrée.

—Dites, mon père.

—La maison Thomson et French est la seule qui, par humanité, par égoïsme peut-être, mais ce n'est pas à moi à lire dans le cœur des hommes, a eu pitié de moi. Son mandataire, celui qui, dans dix minutes, se présentera pour toucher le montant d'une traite de deux cent quatre-vingt-sept mille cinq cents francs, je ne dirai pas m'a accordé, mais m'a offert trois mois. Que cette maison soit remboursée la première, mon fils, que cet homme te soit sacré.

—Oui, mon père, dit Maximilien.

—Et maintenant encore une fois adieu, dit Morrel, va, va, j'ai besoin d'être seul; tu trouveras mon testament dans le secrétaire de ma chambre à coucher.»

Le jeune homme resta debout, inerte, n'ayant qu'une force de volonté, mais pas d'exécution.

«Écoute, Maximilien, dit son père, suppose que je sois soldat comme toi, que j'aie reçu l'ordre d'emporter une redoute, et que tu saches que je doive être tué en l'emportant, ne me dirais-tu pas ce que tu me disais tout à l'heure: «Allez, mon père, car vous vous déshonorez en restant, et mieux vaut la mort que la «honte!»

—Oui, oui, dit le jeune homme, oui.»

Et, serrant convulsivement Morrel dans ses bras:

«Allez, mon père», dit-il.

Et il s'élança hors du cabinet.

Quand son fils fut sorti, Morrel resta un instant debout et les yeux fixés sur la porte; puis il allongea la main, trouva le cordon d'une sonnette et sonna.

Au bout d'un instant, Coclès parut.

Ce n'était plus le même homme; ces trois jours de conviction l'avaient brisé. Cette pensée: la maison Morrel va cesser ses paiements, le courbait vers la terre plus que ne l'eussent fait vingt autres années sur sa tête.

«Mon bon Coclès, dit Morrel avec un accent dont il serait impossible de rendre l'expression, tu vas rester dans l'antichambre. Quand ce monsieur qui est déjà venu il y a trois mois, tu le sais, le mandataire de la maison Thomson et French, va venir, tu l'annonceras.»

Coclès ne répondit point; il fit un signe de tête, alla s'asseoir dans l'antichambre et attendit.

Morrel retomba sur sa chaise; ses yeux se portèrent vers la pendule: il lui restait sept minutes, voilà tout; l'aiguille marchait avec une rapidité incroyable; il lui semblait qu'il la voyait aller.

Ce qui se passa alors, et dans ce moment suprême dans l'esprit de cet homme qui, jeune encore, à la suite d'un raisonnement faux peut-être, mais spécieux du moins, allait se séparer de tout ce qu'il aimait au monde et quitter la vie, qui avait pour lui toutes les douceurs de la famille, est impossible à exprimer: il eût fallu voir, pour en prendre une idée, son front couvert de sueur, et cependant résigné, ses yeux mouillés de larmes, et cependant levés au ciel.

L'aiguille marchait toujours, les pistolets étaient tout chargés; il allongea la main, en prit un, et murmura le nom de sa fille.

Puis il posa l'arme mortelle, prit la plume et écrivit quelques mots.

Il lui semblait alors qu'il n'avait pas assez dit adieu à son enfant chérie.

Puis il se retourna vers la pendule; il ne comptait plus par minute mais par seconde.

Il reprit l'arme, la bouche entrouverte et les yeux fixés sur l'aiguille; puis il tressaillit au bruit qu'il faisait lui-même en armant le chien.

En ce moment, une sueur plus froide lui passa sur le front, une angoisse plus mortelle lui serra le cœur.

Il entendit la porte de l'escalier crier sur ses gonds.

Puis s'ouvrit celle de son cabinet.

La pendule allait sonner onze heures.

Morrel ne se retourna point, il attendait ces mots de Coclès: «Le mandataire de la maison Thomson et French.»

Et il approchait l'arme de sa bouche....

Tout à coup, il entendit un cri: c'était la voix de sa fille.

Il se retourna et aperçut Julie; le pistolet lui échappa des mains.

«Mon père! s'écria la jeune fille hors d'haleine et presque mourante de joie, sauvé! vous êtes sauvé!»

Et elle se jeta dans ses bras en élevant à la main une bourse en filet de soie rouge.

«Sauvé! mon enfant! dit Morrel; que veux-tu dire?

—Oui, sauvé! voyez, voyez!» dit la jeune fille.

Morrel prit la bourse et tressaillit, car un vague souvenir lui rappela cet objet pour lui avoir appartenu. D'un côté était la traite de deux cent quatre-vingt-sept mille cinq cents francs.

La traite était acquittée.

De l'autre, était un diamant de la grosseur d'une noisette, avec ces trois mots écrits sur un petit morceau de parchemin: «Dot de Julie.» Morrel passa sa main sur son front. Il croyait rêver. En ce moment, la pendule sonna onze heures.

Le timbre vibra pour lui comme si chaque coup de marteau d'acier vibrait sur son propre cœur.

«Voyons, mon enfant, dit-il, explique-toi. Où as-tu trouvé cette bourse?

—Dans une maison des Allées de Meilhan, au nº , sur le coin de la cheminée d'une pauvre petite chambre au cinquième étage.

—Mais, s'écria Morrel, cette bourse n'est pas à toi.»

Julie tendit à son père la lettre qu'elle avait reçue le matin.

«Et tu as été seule dans cette maison? dit Morrel après avoir lu.

—Emmanuel m'accompagnait, mon père. Il devait m'attendre au coin de la rue du Musée; mais chose étrange, à mon retour, il n'y était plus.

—Monsieur Morrel! s'écria une voix dans l'escalier, Monsieur Morrel!

—C'est sa voix», dit Julie.

En même temps, Emmanuel entra, le visage bouleversé de joie et d'émotion.

«Le Pharaon ! s'écria-t-il; le Pharaon !

—Eh bien, quoi? le Pharaon !

êtes-vous fou, Emmanuel? Vous savez bien qu'il est perdu.

—Le Pharaon ! monsieur, on signale le Pharaon ; le Pharaon entre dans le port.»

Morrel retomba sur sa chaise, les forces lui manquaient, son intelligence se refusait à classer cette suite d'événements incroyables, inouïs, fabuleux.

Mais son fils entra à son tour.

«Mon père, s'écria Maximilien, que disiez-vous donc que le Pharaon était perdu? La vigie l'a signalé, et il entre dans le port.

—Mes amis, dit Morrel si cela était, il faudrait croire à un miracle de Dieu! Impossible! impossible!»

Mais ce qui était réel et non moins incroyable, c'était cette bourse qu'il tenait dans ses mains, c'était cette lettre de change acquittée, c'était ce magnifique diamant.

«Ah! monsieur, dit Coclès à son tour, qu'est-ce que cela veut dire, le Pharaon ?

—Allons, mes enfants, dit Morrel en se soulevant, allons voir, et que Dieu ait pitié de nous, si c'est une fausse nouvelle.»

Ils descendirent; au milieu de l'escalier attendait Mme Morrel: la pauvre femme n'avait pas osé monter.

En un instant ils furent à la Canebière.

Il y avait foule sur le port.

Toute cette foule s'ouvrit devant Morrel.

«Le Pharaon ! le Pharaon !» disaient toutes ces voix.

En effet, chose merveilleuse, inouïe, en face de la tour Saint-Jean un bâtiment, portant sur sa poupe ces mots écrits en lettres blanches, le Pharaon (Morrel et fils de Marseille), absolument de la contenance de l'autre Pharaon , et chargé comme l'autre de cochenille et d'indigo, jetait l'ancre et carguait ses voiles; sur le pont, le capitaine Gaumard donnait ses ordres, et maître Penelon faisait des signes à M. Morrel.

Il n'y avait plus à en douter: le témoignage des sens était là, et dix mille personnes venaient en aide à ce témoignage.

Comme Morrel et son fils s'embrassaient sur la jetée, aux applaudissements de toute la ville témoin de ce prodige, un homme, dont le visage était à moitié couvert par une barbe noire, et qui, caché derrière la guérite d'un factionnaire, contemplait cette scène avec attendrissement, murmura ces mots:

«Sois heureux, noble cœur; sois béni pour tout le bien que tu as fait et que tu feras encore; et que ma reconnaissance reste dans l'ombre comme ton bienfait.»

Et, avec un sourire où la joie et le bonheur se révélaient, il quitta l'abri où il était caché, et sans que personne fît attention à lui, tant chacun était préoccupé de l'événement du jour, il descendit un de ces petits escaliers qui servent de débarcadère et héla trois fois:

«Jacopo! Jacopo! Jacopo!»

Alors, une chaloupe vint à lui, le reçut à bord, et le conduisit à un yacht richement gréé, sur le pont duquel il s'élança avec la légèreté d'un marin; de là il regarda encore une fois Morrel qui, pleurant de joie, distribuait de cordiales poignées de main à toute cette foule, et remerciait d'un vague regard ce bienfaiteur inconnu qu'il semblait chercher au ciel.

«Et maintenant, dit l'homme inconnu, adieu bonté, humanité reconnaissance.... Adieu à tous les sentiments qui épanouissent le cœur!... Je me suis substitué à la Providence pour récompenser les bons... que le Dieu vengeur me cède sa place pour punir les méchants!»

À ces mots, il fit un signal, et, comme s'il n'eût attendu que ce signal pour partir, le yacht prit aussitôt la mer.

30. Le cinq septembre 30. The fifth of September 30. O quinto dia de setembro

Ce délai accordé par le mandataire de la maison Thomson et French, au moment où Morrel s’y attendait le moins, parut au pauvre armateur un de ces retours de bonheur qui annoncent à l’homme que le sort s’est enfin lassé de s’acharner sur lui. This delay, granted by the agent of Thomson and French, at the moment when Morrel least expected it, appeared to the poor shipowner one of those returns of happiness which announce to the man that fate has at last grown weary of hard on him. Le même jour, il raconta ce qui lui était arrivé à sa fille, à sa femme et à Emmanuel, et un peu d’espérance, sinon de tranquillité, rentra dans la famille. The same day he told what had happened to his daughter, his wife, and Emmanuel, and a little hope, if not tranquility, returned to the family. Mais malheureusement, Morrel n’avait pas seulement affaire à la maison Thomson et French, qui s’était montrée envers lui de si bonne composition. But, unfortunately, Morrel was not only dealing with Thomson and French, who had shown him such a good composition. Comme il l’avait dit, dans le commerce on a des correspondants et pas d’amis. As he had said, in the trade we have correspondents and no friends. Lorsqu’il songeait profondément, il ne comprenait même pas cette conduite généreuse de MM. When he thought deeply, he did not even understand the generous conduct of MM. Thomson et French envers lui; il ne se l’expliquait que par cette réflexion intelligemment égoïste que cette maison aurait faite: Mieux vaut soutenir un homme qui nous doit près de trois cent mille francs, et avoir ces trois cent mille francs au bout de trois mois, que de hâter sa ruine et avoir six ou huit pour cent du capital. Thomson and French towards him; he could only explain himself by this intelligently selfish reflection that this house would have made: Better to support a man who owes us nearly three hundred thousand francs, and to have these three hundred thousand francs at the end of three months, than to hasten his ruin and have six or eight percent of the capital.

Malheureusement, soit haine, soit aveuglement, tous les correspondants de Morrel ne firent pas la même réflexion, et quelques-uns même firent la réflexion contraire. Unfortunately, whether hatred or blindness, not all of Morrel's correspondents thought the same thing, and some even thought otherwise. Les traites souscrites par Morrel furent donc présentées à la caisse avec une scrupuleuse rigueur, et, grâce au délai accordé par l’Anglais, furent payées par Coclès à bureau ouvert. The bills subscribed by Morrel were therefore presented to the fund with scrupulous rigor, and, thanks to the delay granted by the Englishman, were paid by Cocles at an open office. Coclès continua donc de demeurer dans sa tranquillité fatidique. Cocles continued to remain in her fateful tranquility. M. Morrel seul vit avec terreur que s’il avait eu à rembourser, le 15 les cinquante mille francs de de Boville, et, le 30, les trente-deux mille cinq cents francs de traites pour lesquelles, ainsi que pour la créance de l’inspecteur des prisons, il avait un délai, il était dès ce mois-là un homme perdu. M. Morrel alone saw with terror that if he had had to repay, on the 15th, the fifty thousand francs of Boville, and, on the 30th, the thirty-two thousand five hundred francs of bills for which, as well as for the debt of the inspector of prisons, he had a delay, he was a lost man that month.

L’opinion de tout le commerce de Marseille était que, sous les revers successifs qui l’accablaient, Morrel ne pouvait tenir. The opinion of all the commerce of Marseilles was that, under the successive setbacks which overwhelmed it, Morrel could not hold. L’étonnement fut donc grand lorsqu’on vit sa fin de mois remplie avec son exactitude ordinaire. The astonishment was therefore great when one saw his end of the month filled with his ordinary accuracy. Cependant, la confiance ne rentra point pour cela dans les esprits, et l’on remit d’une voix unanime à la fin du mois prochain la déposition du bilan du malheureux armateur. However, confidence did not return to this, and a unanimous vote was handed down at the end of next month to the deposition of the unfortunate shipowner.

Tout le mois se passa dans des efforts inouïs de la part de Morrel pour réunir toutes ses ressources. The whole month passed in unprecedented efforts on the part of Morrel to gather all his resources. Autrefois son papier, à quelque date que ce fût, était pris avec confiance, et même demandé. Formerly his paper, at any time, was taken with confidence, and even asked. Morrel essaya de négocier du papier à quatre-vingt-dix jours, et trouva les banques fermées. Morrel tried to negotiate paper at ninety days, and found the banks closed. Heureusement, Morrel avait lui-même quelques rentrées sur lesquelles il pouvait compter; ces rentrées s’opérèrent: Morrel se trouva donc encore en mesure de faire face à ses engagements lorsque arriva la fin de juillet. Fortunately, Morrel himself had some income on which he could count; These returns were made: Morrel found himself still in a position to meet his engagements when the end of July arrived.

Au reste, on n’avait pas revu à Marseille le mandataire de la maison Thomson et French; le lendemain ou le surlendemain de sa visite à M. Morrel il avait disparu: or, comme il n’avait eu à Marseille de relations qu’avec le maire, l’inspecteur des prisons et M. Morrel, son passage n’avait laissé d’autre trace que le souvenir différent qu’avaient gardé de lui ces trois personnes. For the rest, the agent of Thomson and French had not been seen in Marseilles; the day after, or the day after, his visit to M. Morrel he had disappeared; and as he had had no relations in Marseilles with the mayor, the inspector of prisons, and M. Morrel, his passage had left no other trace than the different memory that these three persons had kept of him. Quant aux matelots du  Pharaon , il paraît qu’ils avaient trouvé quelque engagement, car ils avaient disparu aussi. As for the sailors of Pharaoh, it seems that they had found some commitment, because they had disappeared too.

Le capitaine Gaumard, remis de l’indisposition qui l’avait retenu à Palma, revint à son tour. Captain Gaumard, recovered from the indisposition which had kept him at Palma, returned in his turn. Il hésitait à se présenter chez M. Morrel: mais celui-ci apprit son arrivée, et l’alla trouver lui-même. He hesitated to present himself at M. Morrel's, but he learned of his arrival, and went to find him himself. Le digne armateur savait d’avance, par le récit de Penelon, la conduite courageuse qu’avait tenue le capitaine pendant tout ce sinistre, et ce fut lui qui essaya de le consoler. The worthy shipowner knew in advance, by Penelon's account, of the courageous conduct of the captain during all this sinister, and it was he who tried to console him. Il lui apportait le montant de sa solde, que le capitaine Gaumard n’eût point osé aller toucher. He brought him the amount of his pay, which Captain Gaumard would not have dared to touch.

Comme il descendait l’escalier, M. Morrel rencontra Penelon qui le montait. As he was coming down the stairs, M. Morrel met Penelon, who was coming upstairs. Penelon avait, à ce qu’il paraissait, fait bon emploi de son argent, car il était tout vêtu de neuf. Penelon had, as it seemed, made good use of his money, for he was all dressed in nine. En apercevant son armateur, le digne timonier parut fort embarrassé; il se rangea dans l’angle le plus éloigné du palier, passa alternativement sa chique de gauche à droite et de droite à gauche, en roulant de gros yeux effarés, et ne répondit que par une pression timide à la poignée de main que lui offrit avec sa cordialité ordinaire M. Morrel. On perceiving his shipowner, the worthy helmsman seemed greatly embarrassed; he ranged himself in the farthest angle of the landing, passed alternatively his quid from left to right and from right to left, rolling with frightened eyes, and answered only by a timid pressure on the handshake offered him with his usual cordiality Mr. Morrel. M. Morrel attribua l’embarras de Penelon à l’élégance de sa toilette: il était évident que le brave homme n’avait pas donné à son compte dans un pareil luxe; il était donc déjà engagé sans doute à bord de quelque autre bâtiment, et sa honte lui venait de ce qu’il n’avait pas, si l’on peut s’exprimer ainsi, porté plus longtemps le deuil du  Pharaon . M. Morrel attributed the embarrassment of Penelon to the elegance of his dress. It was evident that the good man had not given his account in such luxury; He was, therefore, already engaged, no doubt, on board some other vessel, and his shame came from what he had not, if one may so express himself, carried on longer the mourning of Pharaoh. Peut-être même venait-il pour faire part au capitaine Gaumard de sa bonne fortune et pour lui faire part des offres de son nouveau maître. Perhaps he even came to tell Captain Gaumard of his good fortune and to inform him of the offers of his new master.

«Braves gens, dit Morrel en s’éloignant, puisse votre nouveau maître vous aimer comme je vous aimais, et être plus heureux que je ne le suis!» "Good people," said Morrel, moving away, "may your new master love you as I loved you, and be happier than I am!"

Août s’écoula dans des tentatives sans cesse renouvelées par Morrel de relever son ancien crédit ou de s’en ouvrir un nouveau. August passed in attempts constantly renewed by Morrel to raise his old credit or to open a new one. Le 20 août, on sut à Marseille qu’il avait pris une place à la malle-poste, et l’on se dit alors que c’était pour la fin du mois courant que le bilan devait être déposé, et que Morrel était parti d’avance pour ne pas assister à cet acte cruel, délégué sans doute à son premier commis Emmanuel et à son caissier Coclès. On the 20th of August, it was known in Marseilles that he had taken a place at the post-office, and it is then said that it was for the end of the current month that the balance sheet was to be deposited, and that Morrel had left in advance not to be present at this cruel act, delegated, no doubt, to his first clerk Emmanuel and his cashier Cocles. Mais, contre toutes les prévisions lorsque le 31 août arriva, la caisse s’ouvrit comme d’habitude. But, against all forecasts when August 31 arrived, the cashier opened as usual. Coclès apparut derrière le grillage, calme comme le juste d’Horace, examina avec la même attention le papier qu’on lui présentait, et, depuis la première jusqu’à la dernière, paya les traites avec la même exactitude. Cocles appeared behind the grating, calm as Horace's fair, examined with the same attention the paper presented to him, and from the first to the last paid the bills with the same exactness. Il vint même deux remboursements qu’avait prévus M. Morrel, et que Coclès paya avec la même ponctualité que les traites qui étaient personnelles à l’armateur. There were even two refunds which M. Morrel had foreseen, and which Cocles paid with the same punctuality as the drafts which were personal to the shipowner. On n’y comprenait plus rien, et l’on remettait, avec la ténacité particulière aux prophètes de mauvaises nouvelles, la faillite à la fin de septembre. There was nothing more to be understood, and, with the particular tenacity of the prophets of bad news, bankruptcy was postponed until the end of September.

Le 1er, Morrel arriva: il était attendu par toute sa famille avec une grande anxiété; de ce voyage à Paris devait surgir sa dernière voie de salut. On the 1st, Morrel arrived: he was expected by all his family with great anxiety; from this trip to Paris was to emerge his last way of salvation. Morrel avait pensé à Danglars, aujourd’hui millionnaire et autrefois son obligé, puisque c’était à la recommandation de Morrel que Danglars était entré au service du banquier espagnol chez lequel avait commencé son immense fortune. Morrel had thought of Danglars, now a millionaire and formerly his obligator, since it was at the recommendation of Morrel that Danglars had entered the service of the Spanish banker, at whom his immense fortune had begun. Aujourd’hui Danglars, disait-on, avait six ou huit millions à lui, un crédit illimité. Today Danglars, it was said, had six or eight millions to himself, unlimited credit. Danglars, sans tirer un écu de sa poche, pouvait sauver Morrel: il n’avait qu’à garantir un emprunt, et Morrel était sauvé. Danglars, without drawing a shield from his pocket, could save Morrel; he had only to secure a loan, and Morrel was saved. Morrel avait depuis longtemps pensé à Danglars; mais il y a de ces répulsions instinctives dont on n’est pas maître, et Morrel avait tardé autant qu’il lui avait été possible de recourir à ce suprême moyen. Morrel had long thought of Danglars; but there are instinctive repulsions of which one is not master, and Morrel was as late as he had been able to resort to this supreme means. Il avait eu raison, car il était revenu brisé sous l’humiliation d’un refus. He had been right, because he had returned broken under the humiliation of a refusal.

Aussi à son retour, Morrel n’avait-il exhalé aucune plainte, proféré aucune récrimination; il avait embrassé en pleurant sa femme et sa fille, avait tendu une main amicale à Emmanuel, s’était enfermé dans son cabinet du second, et avait demandé Coclès. On his return, Morrel had not vented any complaint, uttered any recrimination; he had embraced his wife and daughter in tears, had extended a friendly hand to Emmanuel, had shut himself up in his room on the second floor, and had asked for Cocles.

«Pour cette fois, avaient dit les deux femmes à Emmanuel, nous sommes perdus.» "For this time," said the two women to Emmanuel, "we are lost."

Puis, dans un court conciliabule tenu entre elles, il avait été convenu que Julie écrirait à son frère, en garnison à Nîmes, d’arriver à l’instant même. Then, in a short consultation held between them, it was agreed that Julie would write to her brother, in garrison at Nimes, to arrive at the moment.

Les pauvres femmes sentaient instinctivement qu’elles avaient besoin de toutes leurs forces pour soutenir le coup qui les menaçait. The poor women felt instinctively that they needed all their strength to sustain the blow that threatened them.

D’ailleurs, Maximilien Morrel, quoique âgé de vingt-deux ans à peine, avait déjà une grande influence sur son père. Moreover, Maximilian Morrel, though barely twenty-two years old, already had a great influence on his father.

C’était un jeune homme ferme et droit. He was a firm, upright young man. Au moment où il s’était agi d’embrasser une carrière, son père n’avait point voulu lui imposer d’avance un avenir et avait consulté les goûts du jeune Maximilien. At the moment when it was a question of embracing a career, his father had not wished to impose a future on him, and had consulted the tastes of the young Maximilian. Celui-ci avait alors déclaré qu’il voulait suivre la carrière militaire; il avait fait, en conséquence, d’excellentes études, était entré par le concours à l’École polytechnique, et en était sorti sous-lieutenant au 53ème de ligne. He had then declared that he wanted to follow the military career; he had, as a result, made excellent studies, entered the competition at the École Polytechnique, and was second lieutenant at the 53rd rank of the line. Depuis un an, il occupait ce grade, et avait promesse d’être nommé lieutenant à la première occasion. For a year he had held this rank, and had promised to be appointed lieutenant at the first opportunity. Dans le régiment, Maximilien Morrel était cité comme le rigide observateur, non seulement de toutes les obligations imposées au soldat, mais encore de tous les devoirs proposés à l’homme, et on ne l’appelait que le stoïcien. In the regiment Maximilian Morrel was cited as the rigid observer, not only of all the obligations imposed upon the soldier, but also of all the duties offered to man, and he was only called the Stoic. Il va sans dire que beaucoup de ceux qui lui donnaient cette épithète la répétaient pour l’avoir entendue, et ne savaient pas même ce qu’elle voulait dire. Needless to say, many of those who gave her this epithet repeated it for having heard it, and did not even know what she meant.

C’était ce jeune homme que sa mère et sa sœur appelaient à leur aide pour les soutenir dans la circonstance grave où elles sentaient qu’elles allaient se trouver. It was this young man whom his mother and sister called for their help to support them in the grave circumstances in which they felt they were going to find each other.

Elles ne s’étaient pas trompées sur la gravité de cette circonstance, car, un instant après que M. Morrel fut entré dans son cabinet avec Coclès, Julie en vit sortir ce dernier, pâle, tremblant, et le visage tout bouleversé. They had not been mistaken as to the gravity of this circumstance, for a moment after Monsieur Morrel had entered his study with Cocles, Julie saw the latter come out, pale, trembling, and very much distressed.

Elle voulut l’interroger comme il passait près d’elle; mais le brave homme, continuant de descendre l’escalier avec une précipitation qui ne lui était pas habituelle, se contenta de s’écrier en levant les bras au ciel: She wished to interrogate him as he passed near her; but the good fellow, continuing to descend the stairs with a precipitation which was not usual to him, contented himself with crying, raising his arms to heaven.

«Ô mademoiselle! "O mademoiselle! mademoiselle! quel affreux malheur! what a terrible misfortune! et qui jamais aurait cru cela!» and who would ever have believed that! "

Un instant après, Julie le vit remonter portant deux ou trois gros registres, un portefeuille et un sac d’argent. A moment later, Julie saw him go up carrying two or three big registers, a wallet and a bag of money.

Morrel consulta les registres, ouvrit le portefeuille, compta l’argent. Morrel consulted the registers, opened the wallet, counted the money.

Toutes ses ressources montaient à six ou huit mille francs, ses rentrées jusqu’au 5 à quatre ou cinq mille; ce qui faisait, en cotant au plus haut, un actif de quatorze mille francs pour faire face à une traite de deux cent quatre-vingt-sept mille cinq cents francs. All his resources amounted to six or eight thousand francs, his receipts to five to four or five thousand; which made an asset of fourteen thousand francs, when quoted at the highest, to face a milking of two hundred and eighty-seven thousand five hundred francs. Il n’y avait pas même moyen d’offrir un pareil acompte. There was not even a way to offer such a down payment.

Cependant, lorsque Morrel descendit pour dîner, il paraissait assez calme. However, when Morrel went down to dinner, he seemed quite calm. Ce calme effraya plus les deux femmes que n’aurait pu le faire le plus profond abattement. This calm frightened the two women more than the deepest depression could have done.

Après le dîner, Morrel avait l’habitude de sortir; il allait prendre son café au cercle des Phocéens et lire le  Sémaphore : ce jour-là il ne sortit point et remonta dans son bureau. After dinner, Morrel used to go out; he was going to take his coffee to the circle of the Phocians and read the Semaphore; that day he did not go out and went back to his office.

Quant à Coclès, il paraissait complètement hébété. As for Cocles, he seemed utterly dazed. Pendant une partie de la journée il s’était tenu dans la cour, assis sur une pierre, la tête nue, par un soleil de trente degrés. For part of the day he had stood in the courtyard, sitting on a stone, bareheaded, by a thirty-degree sun.

Emmanuel essayait de rassurer les femmes, mais il était mal éloquent. Emmanuel tried to reassure the women, but he did not speak well. Le jeune homme était trop au courant des affaires de la maison pour ne pas sentir qu’une grande catastrophe pesait sur la famille Morrel. The young man was too familiar with the affairs of the house not to feel that a great catastrophe weighed on the Morrel family.

La nuit vint: les deux femmes avaient veillé, espérant qu’en descendant de son cabinet Morrel entrerait chez elles; mais elles l’entendirent passer devant leur porte, allégeant son pas dans la crainte sans doute d’être appelé. Night came: the two women had watched, hoping that by coming down from his Morrel closet they would go home; but they heard him pass in front of their door, lightening his pace in the fear, no doubt, of being called.

Elles prêtèrent l’oreille, il rentra dans sa chambre et ferma sa porte en dedans. They listened, he went back to his room and closed his door inside.

Mme Morrel envoya coucher sa fille; puis, une demi-heure après que Julie se fut retirée, elle se leva, ôta ses souliers et se glissa dans le corridor, pour voir par la serrure ce que faisait son mari. Madame Morrel sent her daughter to bed; then, half an hour after Julie had retired, she got up, took off her shoes, and slipped into the corridor, to see through the lock what her husband was doing.

Dans le corridor, elle aperçut une ombre qui se retirait: c’était Julie, qui, inquiète elle-même, avait précédé sa mère. In the corridor, she saw a retreating shadow: it was Julie, who, worried herself, had preceded her mother.

La jeune fille alla à Mme Morrel. The girl went to Madame Morrel.

«Il écrit», dit-elle. "He's writing," she says.

Les deux femmes s’étaient devinées sans se parler. The two women had guessed without speaking to each other.

Mme Morrel s’inclina au niveau de la serrure. Madame Morrel bowed at the lock. En effet, Morrel écrivait; mais, ce que n’avait pas remarqué sa fille, Mme Morrel le remarqua, elle, c’est que son mari écrivait sur du papier marqué. In fact, Morrel wrote; but what her daughter had not noticed, Madame Morrel noticed, was that her husband wrote on marked paper.

Cette idée terrible lui vint, qu’il faisait son testament; elle frissonna de tous ses membres, et cependant elle eut la force de ne rien dire. This terrible idea came to him, that he was making his will; she shuddered with all her limbs, and yet she had the strength to say nothing.

Le lendemain, M. Morrel paraissait tout à fait calme; il se tint dans son bureau comme à l’ordinaire, descendit pour déjeuner comme d’habitude, seulement après son dîner il fit asseoir sa fille près de lui, prit la tête de l’enfant dans ses bras et la tint longtemps contre sa poitrine. The next day M. Morrel appeared quite calm; he stood in his office as usual, went down to lunch as usual, only after his dinner he made his daughter sit near him, took the child's head in his arms and held it for a long time against his chest .

Le soir, Julie dit à sa mère que, quoique calme en apparence, elle avait remarqué que le cœur de son père battait violemment. In the evening, Julie told her mother that, although apparently calm, she had noticed that her father's heart was beating violently.

Les deux autres jours s’écoulèrent à peu près pareils. The other two days passed about the same. Le 4 septembre au soir, M. Morrel redemanda à sa fille la clef de son cabinet. On the evening of September 4th M. Morrel asked his daughter again for the key of his cabinet.

Julie tressaillit à cette demande, qui lui sembla sinistre. Julie shuddered at this request, which seemed sinister to her. Pourquoi son père lui redemandait-il cette clef qu’elle avait toujours eue, et qu’on ne lui reprenait dans son enfance que pour la punir! Why did his father ask for the key that she had always had, and that she was only taken back in her childhood to punish her?

La jeune fille regarda M. Morrel. The young girl looked at M. Morrel.

«Qu’ai-je donc fait de mal, mon père, dit-elle, pour que vous me repreniez cette clef? "What have I done wrong, father," she said, "to make you take this key back from me?"

—Rien, mon enfant, répondit le malheureux Morrel, à qui cette demande si simple fit jaillir les larmes des yeux; rien, seulement j’en ai besoin.» "No, my child," replied the unfortunate Morrel, to whom this simple demand made the tears burst from his eyes; nothing, only I need it. "

Julie fit semblant de chercher la clef. Julie pretended to look for the key.

«Je l’aurai laissée chez moi», dit-elle. "I'll leave her at home," she says.

Et elle sortit; mais, au lieu d’aller chez elle, elle descendit et courut consulter Emmanuel. And she went out; but, instead of going to her house, she went down and ran to consult Emmanuel.

«Ne rendez pas cette clef à votre père, dit celui-ci, et demain matin, s’il est possible, ne le quittez pas.» "Do not return this key to your father," said he, "and tomorrow morning, if it is possible, do not leave it."

Elle essaya de questionner Emmanuel; mais celui-ci ne savait rien autre chose, ou ne voulait pas dire autre chose. She tried to question Emmanuel; but he knew nothing else, or did not want to say anything else.

Pendant toute la nuit du 4 au 5 septembre, Mme Morrel resta l’oreille collée contre la boiserie. During the whole of the night from the 4th to the 5th of September, Madame Morrel remained glued to the woodwork. Jusqu’à trois heures du matin, elle entendit son mari marcher avec agitation dans sa chambre. Until three o'clock in the morning, she heard her husband walking restlessly in his room.

À trois heures seulement, il se jeta sur son lit. At only three o'clock he threw himself on his bed.

Les deux femmes passèrent la nuit ensemble. The two women spent the night together. Depuis la veille au soir, elles attendaient Maximilien. Since the evening before, they had been waiting for Maximilian.

À huit heures, M. Morrel entra dans leur chambre. At eight o'clock M. Morrel entered their room. Il était calme, mais l’agitation de la nuit se lisait sur son visage pâle et défait. He was calm, but the restlessness of the night was reflected in his pale, undone face.

Les femmes n’osèrent lui demander s’il avait bien dormi. The women did not dare to ask him if he had slept well. Morrel fut meilleur pour sa femme, et plus paternel pour sa fille qu’il n’avait jamais été; il ne pouvait se rassasier de regarder et d’embrasser la pauvre enfant. Morrel was better for his wife, and more paternal for his daughter than he had ever been; he could not be satisfied with watching and kissing the poor child.

Julie se rappela la recommandation d’Emmanuel et voulut suivre son père lorsqu’il sortit; mais celui-ci la repoussant avec douceur: Julie remembered Emmanuel's recommendation and wanted to follow his father when he went out; but this one pushing it gently:

«Reste près de ta mère», lui dit-il. "Stay close to your mother," he told her.

Julie voulut insister. Julie wanted to insist.

«Je le veux!» dit Morrel. "I want it!" Said Morrel.

C’était la première fois que Morrel disait à sa fille: Je le veux! It was the first time that Morrel said to his daughter: I want it! mais il le disait avec un accent empreint d’une si paternelle douceur, que Julie n’osa faire un pas en avant. but he said it with an accent so paternal sweetness that Julie dared not take a step forward.

Elle resta à la même place, debout, muette et immobile. She remained in the same place, standing, speechless and motionless. Un instant après, la porte se rouvrit, elle sentit deux bras qui l’entouraient et une bouche qui se collait à son front. A moment later, the door opened again, she felt two arms around her and a mouth sticking to her forehead.

Elle leva les yeux et poussa une exclamation de joie. She looked up and exclaimed with joy.

«Maximilien mon frère!» s’écria-t-elle. "Maximilian my brother!" she cried.

À ce cri Mme Morrel accourut et se jeta dans les bras de son fils. At this cry Madame Morrel ran up and threw herself into her son's arms.

«Ma mère, dit le jeune homme, en regardant alternativement Mme Morrel et sa fille; qu’y a-t-il donc et que se passe-t-il? "My mother," said the young man, looking alternately at Madame Morrel and her daughter; what is it and what is happening? Votre lettre m’a épouvanté et j’accours. Your letter has terrified me and I am going.

—Julie, dit Mme Morrel en faisant signe au jeune homme, va dire à ton père que Maximilien vient d’arriver.» "Julie," said Mme Morrel, gesturing to the young man, "go tell your father that Maximilien has just arrived."

La jeune fille s’élança hors de l’appartement, mais, sur la première marche de l’escalier, elle trouva un homme tenant une lettre à la main. The girl sprang out of the apartment, but on the first step of the stairs she found a man holding a letter in her hand.

«N’êtes-vous pas mademoiselle Julie Morrel? "Are not you Mademoiselle Julie Morrel? dit cet homme avec un accent italien des plus prononcés. said this man, with the most pronounced Italian accent.

—Oui monsieur, répondit Julie toute balbutiante; mais que me voulez-vous? "Yes, sir," replied Julie, stammering; but what do you want from me? je ne vous connais pas. I do not know you.

—Lisez cette lettre», dit l’homme en lui tendant un billet. "Read this letter," said the man, handing him a note.

Julie hésitait. Julie hesitated.

«Il y va du salut de votre père», dit le messager. "It's all about your father's salvation," said the messenger.

La jeune fille lui arracha le billet des mains. The girl snatched the note from her hands.

Puis elle l’ouvrit vivement et lut: Then she opened it quickly and read:

»Rendez vous à l’instant même aux Allées de Meilhan, entrez dans la maison nº 15, demandez à la concierge la clef de la chambre du cinquième, entrez dans cette chambre, prenez sur le coin de la cheminée une bourse en filet de soie rouge, et apportez cette bourse à votre père. Go right now to Meilhan's Alleys, enter House No. 15, ask the concierge for the key to the fifth room, enter this room, take a silk purse on the corner of the fireplace. red, and bring this purse to your father.

»Il est important qu’il l’ait avant onze heures. It is important that he has it before eleven o'clock.

»Vous avez promis de m’obéir aveuglement, je vous rappelle votre promesse. You promised to obey me blindly, I remind you of your promise.

«SIMBAD LE MARIN.» "SIMBAD THE SAILOR."

La jeune fille poussa un cri de joie, leva les yeux, chercha, pour l’interroger, l’homme qui lui avait remis ce billet mais il avait disparu. The young girl uttered a cry of joy, raised her eyes, looked for the man who had given her this note to question her, but he had disappeared.

Elle reporta alors les yeux sur le billet pour le lire une seconde fois et s’aperçut qu’il avait un  post-scriptum . She then looked back at the note to read it a second time and found that he had a postscript.

Elle lut: She read:

«Il est important que vous remplissiez cette mission en personne et seule; si vous veniez accompagnée ou qu’une autre que vous se présentât, le concierge répondrait qu’il ne sait ce que l’on veut dire.» "It is important that you fulfill this mission in person and alone; if you came with me or someone else, the concierge would answer that he does not know what you mean. "

Ce  post-scriptum  fut une puissante correction à la joie de la jeune fille. This postscript was a powerful correction to the joy of the young girl. N’avait-elle rien à craindre, n’était-ce pas quelque piège qu’on lui tendait? Had she nothing to fear, was it not some trap laid for her? Son innocence lui laissait ignorer quels étaient les dangers que pouvait courir une jeune fille de son âge, mais on n’a pas besoin de connaître le danger pour craindre; il y a même une chose à remarquer, c’est que ce sont justement les dangers inconnus qui inspirent les plus grandes terreurs. His innocence made him unaware of the dangers a girl of his age might face, but one does not need to know the danger to fear; there is even one thing to remark is that it is precisely the unknown dangers that inspire the greatest terrors.

Julie hésitait, elle résolut de demander conseil. Julie hesitated, she resolved to seek advice.

Mais, par un sentiment étrange, ce ne fut ni à sa mère ni à son frère qu’elle eut recours, ce fut à Emmanuel. But, by a strange feeling, it was neither to her mother nor to her brother that she had recourse, it was to Emmanuel.

Elle descendit, lui raconta ce qui lui était arrivé le jour où le mandataire de la maison Thomson et French était venu chez son père; elle lui dit la scène de l’escalier, lui répéta la promesse qu’elle avait faite et lui montra la lettre. She went downstairs, told him what had happened to her the day the agent of Thomson and French came to her father's house; she told him the scene of the staircase, repeated the promise she had made, and showed him the letter.

«Il faut y aller, mademoiselle, dit Emmanuel. "We must go, miss," said Emmanuel.

—Y aller? -Go? murmura Julie. whispered Julie.

—Oui, je vous y accompagnerai. “Yes, I will accompany you there.

—Mais vous n’avez pas vu que je dois être seule? "But didn't you see that I have to be alone?" dit Julie. Julie said.

—Vous serez seule aussi, répondit le jeune homme; moi, je vous attendrai au coin de la rue du Musée; et si vous tardez de façon à me donner quelque inquiétude, alors j’irai vous rejoindre, et, je vous en réponds, malheur à ceux dont vous me diriez que vous auriez eu à vous plaindre! "You will be alone, too," replied the young man; I'll wait for you at the corner of the Museum Street; and if you delay so as to give me some anxiety, then I will go and join you, and, I answer you, woe to those of whom you would say that you would have had to complain!

—Ainsi, Emmanuel, reprit en hésitant la jeune fille, votre avis est donc que je me rende à cette invitation? "So, Emmanuel," hesitated the young girl, "is your opinion that I am going to this invitation?

—Oui; le messager ne vous a-t-il pas dit qu’il y allait du salut de votre père? -Yes; Did not the messenger tell you that your father's safety was at stake?

—Mais enfin, Emmanuel, quel danger court-il donc?» demanda la jeune fille. "But finally, Emmanuel, what danger is he running?" Asked the girl.

Emmanuel hésita un instant, mais le désir de décider la jeune fille d’un seul coup et sans retard l’emporta. Emmanuel hesitated a moment, but the desire to decide the girl at once and without delay prevailed.

«Écoutez, lui dit-il, c’est aujourd’hui le 5 septembre, n’est-ce pas? “Listen,” he said to her, “today is September 5th, isn't it?

—Oui. -Yes.

—Aujourd’hui, à onze heures, votre père a près de trois cent mille francs à payer. “Today, at eleven o'clock, your father has nearly three hundred thousand francs to pay.

—Oui, nous le savons. “Yes, we know that.

—Eh bien, dit Emmanuel, il n’en a pas quinze mille en caisse. “Well,” said Emmanuel, “he doesn't have fifteen thousand in the box.

—Alors que va-t-il donc arriver? -What will happen then?

—Il va arriver que si aujourd’hui, avant onze heures, votre père n’a pas trouvé quelqu’un qui lui vienne en aide, à midi votre père sera obligé de se déclarer en banqueroute. -It will happen that if today, before eleven o'clock, your father has not found someone who comes to his aid, at noon your father will be forced to declare himself in bankruptcy.

—Oh! venez! come on in! venez!» s’écria la jeune fille en entraînant le jeune homme avec elle. Come on! "cried the girl, dragging the young man with her.

Pendant ce temps, Mme Morrel avait tout dit à son fils. Meanwhile, Mrs. Morrel had told her son everything.

Le jeune homme savait bien qu’à la suite des malheurs successifs qui étaient arrivés à son père, de grandes réformes avaient été faites dans les dépenses de la maison; mais il ignorait que les choses en fussent arrivées à ce point. The young man was well aware that, as a result of the successive misfortunes which had happened to his father, great reforms had been made in the expenses of the house; but he did not know that things had come to this point.

Il demeura anéanti. He remained annihilated. Puis tout à coup, il s’élança hors de l’appartement, monta rapidement l’escalier, car il croyait son père à son cabinet, mais il frappa vainement. Then suddenly he rushed out of the apartment, climbed the stairs quickly, for he believed his father in his study, but he knocked in vain. Comme il était à la porte de ce cabinet, il entendit celle de l’appartement s’ouvrir, il se retourna et vit son père. As he was at the door of this closet, he heard that of the apartment open, he turned and saw his father. Au lieu de remonter droit à son cabinet, M. Morrel était rentré dans sa chambre et en sortait seulement maintenant. Instead of going straight back to his study, Mr. Morrel had returned to his room and was leaving it only now.

M. Morrel poussa un cri de surprise en apercevant Maximilien; il ignorait l’arrivée du jeune homme. Mr. Morrel uttered a cry of surprise on seeing Maximilian; he did not know the arrival of the young man. Il demeura immobile à la même place, serrant avec son bras gauche un objet qu’il tenait caché sous sa redingote. He remained motionless in the same place, clasping with his left arm an object he kept hidden under his frock coat.

Maximilien descendit vivement l’escalier et se jeta au cou de son père; mais tout à coup il se recula, laissant sa main droite seulement appuyée sur la poitrine de son père. Maximilian hurried down the stairs and threw himself on his father's neck; but suddenly he drew back, leaving his right hand only resting on his father's chest.

«Mon père, dit-il en devenant pâle comme la mort, pourquoi avez-vous donc une paire de pistolets sous votre redingote? "My father," he said, turning pale as death, "why do you have a pair of pistols under your frock coat?

—Oh! voilà ce que je craignais! that's what I feared! dit Morrel. said Morrel.

—Mon père! -My father! mon père! au nom du Ciel! in the name of Heaven! s’écria le jeune homme, pourquoi ces armes? cried the young man, why these weapons?

—Maximilien, répondit Morrel en regardant fixement son fils, tu es un homme, et un homme d’honneur; viens, je vais te le dire.» "Maximilian," answered Morrel, staring at his son, "you are a man, and a man of honor; Come, I'll tell you. "

Et Morrel monta d’un pas assuré à son cabinet tandis que Maximilien le suivait en chancelant. And Morrel ascended to his study with an assured step, while Maximilian followed him, staggering.

Morrel ouvrit la porte et la referma derrière son fils; puis il traversa l’antichambre, s’approcha du bureau déposa ses pistolets sur le coin de la table, et montra du bout du doigt à son fils un registre ouvert. Morrel opened the door and closed it behind his son; then he crossed the antechamber, approached the desk, placed his pistols on the corner of the table, and pointed to his son with an open register.

Sur ce registre était consigné l’état exact de la situation. On this register was recorded the exact state of the situation.

Morrel avait à payer dans une demi-heure deux cent quatre-vingt-sept mille cinq cents francs. Morrel had to pay in half an hour two hundred and eighty-seven thousand five hundred francs.

Il possédait en tout quinze mille deux cent cinquante-sept francs. He had fifteen thousand two hundred and fifty-seven francs in all.

«Lis», dit Morrel. "Read," said Morrel.

Le jeune homme lut et resta un moment comme écrasé. The young man read and stood for a moment as if crushed.

Morrel ne disait pas une parole: qu’aurait-il pu dire qui ajoutât à l’inexorable arrêt des chiffres? Morrel did not say a word: what could he have said that would add to the inexorable stop of the numbers?

«Et vous avez tout fait, mon père, dit au bout d’un instant le jeune homme, pour aller au-devant de ce malheur? "And you did everything, father," said the young man after a moment, "to go to meet this misfortune?

—Oui, répondit Morrel. “Yes,” replied Morrel.

—Vous ne comptez sur aucune rentrée? -You do not count on any return?

—Sur aucune. —On none.

—Vous avez épuisé toutes vos ressources? -You have exhausted all your resources?

—Toutes. -All.

—Et dans une demi-heure, dit Maximilien d’une voix sombre, notre nom est déshonoré. “And in half an hour,” said Maximilian in a somber voice, “our name is dishonored. Le sang lave le déshonneur, dit Morrel. Blood cleans dishonor, says Morrel.

—Vous avez raison, mon père, et je vous comprends.» “You are right, father, and I understand you.”

Puis, étendant la main vers les pistolets: Then, extending his hand towards the pistols:

«Il y en a un pour vous et un pour moi, dit-il; merci!» "There is one for you and one for me," he said; thank you!"

Morrel lui arrêta la main. Morrel stopped his hand.

«Et ta mère... et ta sœur..., qui les nourrira?» "And your mother ... and your sister ... who will feed them?"

Un frisson courut par tout le corps du jeune homme. A shiver ran through the young man's body.

«Mon père, dit-il, songez-vous que vous me dites de vivre? "My father," said he, "do you think that you are telling me to live?

—Oui, je te le dis, reprit Morrel, car c’est ton devoir; tu as l’esprit calme, fort, Maximilien.... Maximilien, tu n’es pas un homme ordinaire; je ne te commande rien, je ne t’ordonne rien, seulement je te dis: Examine ta situation comme si tu y étais étranger, et juge-la toi-même.» "Yes, I tell you," said Morrel, "for it is your duty; your mind is calm, strong, Maximilian .... Maximilian, you are not an ordinary man; I command you nothing, I command you nothing, only I tell you: Examine your situation as if you were a stranger to it, and judge it yourself. "

Le jeune homme réfléchit un instant, puis une expression de résignation sublime passa dans ses yeux; seulement il ôta, d’un mouvement lent et triste, son épaulette et sa contre-épaulette, insignes de son grade. The young man thought for a moment, then an expression of sublime resignation passed in his eyes; he only took off, with a slow and sad movement, his epaulet and counter-epaulette, insignia of his rank.

«C’est bien, dit-il en tendant la main à Morrel, mourez en paix, mon père! "That's good," said he, extending his hand to Morrel, "die in peace, my father! je vivrai.» I will live."

Morrel fit un mouvement pour se jeter aux genoux de son fils. Morrel made a movement to throw himself at the knees of his son. Maximilien l’attira à lui, et ces deux nobles cœurs battirent un instant l’un contre l’autre. Maximilian drew him to himself, and these two noble hearts beat one instant against each other.

«Tu sais qu’il n’y a pas de ma faute?» dit Morrel. "Do you know it's not my fault?" said Morrel.

Maximilien sourit. Maximilien smiles.

«Je sais, mon père, que vous êtes le plus honnête homme que j’aie jamais connu. “I know, father, that you are the most honest man I have ever known.

—C’est bien, tout est dit: maintenant retourne près de ta mère et de ta sœur. "That's good, everything is said: now go back to your mother and your sister."

—Mon père, dit le jeune homme en fléchissant le genou, bénissez-moi!» “Father,” said the young man, bending his knee, “bless me!”

Morrel saisit la tête de son fils entre ses deux mains, l’approcha de lui, et, y imprimant plusieurs fois ses lèvres: Morrel took hold of his son's head in both his hands, drew him close to him, and, printing his lips several times,

«Oh! oui, oui, dit-il, je te bénis en mon nom et au nom de trois générations d’hommes irréprochables; écoute donc ce qu’ils disent par ma voix: l’édifice que le malheur a détruit, la Providence peut le rebâtir. yes, yes, he says, I bless you in my name and in the name of three generations of irreproachable men; listen to what they say in my voice: the building that misfortune has destroyed, Providence can rebuild it. En me voyant mort d’une pareille mort, les plus inexorables auront pitié de toi; à toi peut-être on donnera le temps qu’on m’aurait refusé; alors tâche que le mot infâme ne soit pas prononcé; mets-toi à l’œuvre, travaille, jeune homme, lutte ardemment et courageusement: vis, toi, ta mère et ta sœur, du strict nécessaire afin que, jour par jour le bien de ceux à qui je dois s’augmente et fructifie entre tes mains. Seeing me dead from such a death, the most inexorable will have pity on you; perhaps you will be given the time that you would have refused me; then task that the infamous word is not pronounced; get to work, work, young man, fight ardently and courageously: live, you, your mother and your sister, of the strict necessary so that, day by day the good of those to whom I must increase and fructify between your hands. Songe que ce sera un beau jour, un grand jour, un jour solennel que celui de la réhabilitation, le jour où, dans ce même bureau, tu diras: Mon père est mort parce qu’il ne pouvait pas faire ce que je fais aujourd’hui; mais il est mort tranquille et calme, parce qu’il savait en mourant que je le ferais. Remember that it will be a beautiful day, a great day, a solemn day for the day of rehabilitation, the day when, in that same office, you say: My father died because he could not do what I am doing today 'hui; but he died calm and calm, because he knew by dying that I would do it.

—Oh! mon père, mon père, s’écria le jeune homme, si cependant vous pouviez vivre! my father, my father, cried the young man, if you could live!

—Si je vis, tout change; si je vis, l’intérêt se change en doute, la pitié en acharnement; si je vis, je ne suis plus qu’un homme qui a manqué à sa parole, qui a failli à ses engagements, je ne suis plus qu’un banqueroutier enfin. -If I live, everything changes; if I live, the interest changes into doubt, pity into fury; if I live, I am no more than a man who has broken his word, who has failed in his engagements, I am no more than a bankrupt at last. Si je meurs, au contraire, songes-y, Maximilien, mon cadavre n’est plus que celui d’un honnête homme malheureux. If I die, on the contrary, think of it, Maximilian, my corpse is no more than that of an honest unhappy man. Vivant, mes meilleurs amis évitent ma maison; mort, Marseille tout entier me suit en pleurant jusqu’à ma dernière demeure; vivant, tu as honte de mon nom; mort, tu lèves la tête et tu dis: Living, my best friends avoid my house; dead, Marseilles follows me crying to my last home; alive, you are ashamed of my name; Death, you lift your head and say:

«—Je suis le fils de celui qui s’est tué, parce que, pour la première fois, il a été forcé de manquer à sa parole.» "I am the son of the one who killed himself because, for the first time, he was forced to break his word."

Le jeune homme poussa un gémissement, mais il parut résigné. The young man groaned, but he seemed resigned. C’était la seconde fois que la conviction rentrait non pas dans son cœur, mais dans son esprit. It was the second time that conviction had returned not to his heart, but to his mind.

«Et maintenant, dit Morrel, laisse-moi seul et tâche d’éloigner les femmes. "And now," said Morrel, "leave me alone and try to drive the women away.

—Ne voulez-vous pas revoir ma sœur?» demanda Maximilien. "Do not you want to see my sister again?" Asked Maximilian.

Un dernier et sourd espoir était caché pour le jeune homme dans cette entrevue, voilà pourquoi il la proposait. A last and dull hope was hidden for the young man in this interview, that's why he proposed it. M. Morrel secoua la tête. M. Morrel shook his head.

«Je l’ai vue ce matin, dit-il, et je lui ai dit adieu. "I saw her this morning," said he, "and I said good-bye to him.

—N’avez-vous pas quelque recommandation particulière à me faire, mon père? "Do not you have any particular recommendation to make to me, my father? demanda Maximilien d’une voix altérée. asked Maximilian in an altered voice.

—Si fait, mon fils, une recommandation sacrée. “Yes, my son, a sacred recommendation.

—Dites, mon père. “Say, father.

—La maison Thomson et French est la seule qui, par humanité, par égoïsme peut-être, mais ce n’est pas à moi à lire dans le cœur des hommes, a eu pitié de moi. "The Thomson and French House is the only one that, out of humanity, out of selfishness perhaps, but it is not for me to read in the hearts of men, had pity on me. Son mandataire, celui qui, dans dix minutes, se présentera pour toucher le montant d’une traite de deux cent quatre-vingt-sept mille cinq cents francs, je ne dirai pas m’a accordé, mais m’a offert trois mois. His agent, the one who, in ten minutes, will present himself for the amount of one hundred and seventy-seven thousand five hundred francs, I will not say, has granted me, but has given me three months. Que cette maison soit remboursée la première, mon fils, que cet homme te soit sacré. May this house be reimbursed first, my son, that this man be sacred to you.

—Oui, mon père, dit Maximilien. "Yes, father," said Maximilien.

—Et maintenant encore une fois adieu, dit Morrel, va, va, j’ai besoin d’être seul; tu trouveras mon testament dans le secrétaire de ma chambre à coucher.» “And now farewell once again,” said Morrel, “go, go, I need to be alone; you will find my will in the secretary in my bedroom. "

Le jeune homme resta debout, inerte, n’ayant qu’une force de volonté, mais pas d’exécution. The young man remained standing, inert, having only strength of will, but no execution.

«Écoute, Maximilien, dit son père, suppose que je sois soldat comme toi, que j’aie reçu l’ordre d’emporter une redoute, et que tu saches que je doive être tué en l’emportant, ne me dirais-tu pas ce que tu me disais tout à l’heure: «Allez, mon père, car vous vous déshonorez en restant, et mieux vaut la mort que la «honte!» "Listen, Maximilian," said his father, "suppose that I am a soldier like you, that I have been ordered to carry a redoubt, and that you know that I must be killed by taking it with you, will you not say to me? not what you said to me just now: "Come on, father, for you dishonor yourself by staying, and death is better than shame!"

—Oui, oui, dit le jeune homme, oui.» "Yes, yes," said the young man, "yes."

Et, serrant convulsivement Morrel dans ses bras: And, embracing Morrel convulsively in his arms:

«Allez, mon père», dit-il. “Come on, father,” he said.

Et il s’élança hors du cabinet. And he rushed out of the closet.

Quand son fils fut sorti, Morrel resta un instant debout et les yeux fixés sur la porte; puis il allongea la main, trouva le cordon d’une sonnette et sonna. When his son was out, Morrel stood for a moment, staring at the door; then he stretched out his hand, found the cord of a bell and rang the bell.

Au bout d’un instant, Coclès parut. After a moment, Cocles appeared.

Ce n’était plus le même homme; ces trois jours de conviction l’avaient brisé. He was no longer the same man; those three days of conviction had broken him. Cette pensée: la maison Morrel va cesser ses paiements, le courbait vers la terre plus que ne l’eussent fait vingt autres années sur sa tête. This thought: the Morrel house will cease its payments, bending it to the ground more than twenty years would have been on its head.

«Mon bon Coclès, dit Morrel avec un accent dont il serait impossible de rendre l’expression, tu vas rester dans l’antichambre. "My good Cocles," said Morrel, with an accent whose expression would be impossible to express, "you will remain in the antechamber. Quand ce monsieur qui est déjà venu il y a trois mois, tu le sais, le mandataire de la maison Thomson et French, va venir, tu l’annonceras.» When this gentleman who has been here three months ago, you know, the agent of Thomson and French, will come, you will announce it. "

Coclès ne répondit point; il fit un signe de tête, alla s’asseoir dans l’antichambre et attendit. Cocles did not answer; he nodded, went to sit in the antechamber and waited.

Morrel retomba sur sa chaise; ses yeux se portèrent vers la pendule: il lui restait sept minutes, voilà tout; l’aiguille marchait avec une rapidité incroyable; il lui semblait qu’il la voyait aller. Morrel fell back on his chair; his eyes went to the clock; he had seven minutes left, that was all; the needle walked with incredible rapidity; it seemed to him that he saw her go.

Ce qui se passa alors, et dans ce moment suprême dans l’esprit de cet homme qui, jeune encore, à la suite d’un raisonnement faux peut-être, mais spécieux du moins, allait se séparer de tout ce qu’il aimait au monde et quitter la vie, qui avait pour lui toutes les douceurs de la famille, est impossible à exprimer: il eût fallu voir, pour en prendre une idée, son front couvert de sueur, et cependant résigné, ses yeux mouillés de larmes, et cependant levés au ciel. What happened then, and in this supreme moment in the mind of this man who, still young, following a false reasoning perhaps, but specious at least, was going to separate from everything he liked in the world, and to leave life, which had all the comforts of the family for him, is impossible to express. It would have been necessary to see, to take an idea, his brow covered with sweat, and yet resigned, his eyes wet with tears, and yet lifted to heaven.

L’aiguille marchait toujours, les pistolets étaient tout chargés; il allongea la main, en prit un, et murmura le nom de sa fille. The needle was still walking, the pistols were all loaded; he stretched out his hand, took one, and murmured the name of his daughter.

Puis il posa l’arme mortelle, prit la plume et écrivit quelques mots. Then he put down the deadly weapon, took the pen and wrote a few words.

Il lui semblait alors qu’il n’avait pas assez dit adieu à son enfant chérie. It seemed to him that he had not said enough goodbye to his darling child.

Puis il se retourna vers la pendule; il ne comptait plus par minute mais par seconde. Then he turned to the clock; he no longer counted by minute but by second.

Il reprit l’arme, la bouche entrouverte et les yeux fixés sur l’aiguille; puis il tressaillit au bruit qu’il faisait lui-même en armant le chien. He took up the weapon, his mouth ajar and his eyes fixed on the needle; then he shuddered at the noise he made himself by arming the dog.

En ce moment, une sueur plus froide lui passa sur le front, une angoisse plus mortelle lui serra le cœur. At that moment a cold sweat passed over his forehead, a more deadly anguish gripped his heart.

Il entendit la porte de l’escalier crier sur ses gonds. He heard the door of the stairs creak on its hinges.

Puis s’ouvrit celle de son cabinet. Then opened that of his office.

La pendule allait sonner onze heures. The clock was going to ring eleven o'clock.

Morrel ne se retourna point, il attendait ces mots de Coclès: «Le mandataire de la maison Thomson et French.» Morrel did not turn around, he was waiting for Coclès's words: "The agent of Thomson and French."

Et il approchait l’arme de sa bouche.... And he approached the weapon with his mouth ....

Tout à coup, il entendit un cri: c’était la voix de sa fille. Suddenly he heard a cry: it was his daughter's voice.

Il se retourna et aperçut Julie; le pistolet lui échappa des mains. He turned around and saw Julie; the pistol escaped his hands.

«Mon père! "My father! s’écria la jeune fille hors d’haleine et presque mourante de joie, sauvé! exclaimed the girl, out of breath and almost dying with joy, saved! vous êtes sauvé!» you are saved! ”

Et elle se jeta dans ses bras en élevant à la main une bourse en filet de soie rouge. And she threw herself into his arms, raising a purse of red silk in her hand.

«Sauvé! "Safe! mon enfant! my child! dit Morrel; que veux-tu dire? said Morrel; what do you mean?

—Oui, sauvé! “Yes, saved! voyez, voyez!» dit la jeune fille. see, see! ” said the young girl.

Morrel prit la bourse et tressaillit, car un vague souvenir lui rappela cet objet pour lui avoir appartenu. Morrel took the purse and flinched, for a vague memory reminded him of this object for having belonged to him. D’un côté était la traite de deux cent quatre-vingt-sept mille cinq cents francs. On one side was the trade of two hundred and eighty-seven thousand five hundred francs.

La traite était acquittée. The draft was paid.

De l’autre, était un diamant de la grosseur d’une noisette, avec ces trois mots écrits sur un petit morceau de parchemin: «Dot de Julie.» Morrel passa sa main sur son front. On the other, was a diamond the size of a hazelnut, with these three words written on a small piece of parchment: "Dot Julie." Morrel ran his hand over his forehead. Il croyait rêver. He thought he was dreaming. En ce moment, la pendule sonna onze heures. At this moment the clock struck eleven o'clock.

Le timbre vibra pour lui comme si chaque coup de marteau d’acier vibrait sur son propre cœur. The timbre vibrated for him as if every blow of steel hammer vibrated on his own heart.

«Voyons, mon enfant, dit-il, explique-toi. “Come, my child,” he said, “explain yourself. Où as-tu trouvé cette bourse? Where did you get this scholarship?

—Dans une maison des Allées de Meilhan, au nº , sur le coin de la cheminée d’une pauvre petite chambre au cinquième étage. -In a house in Meilhan Alley, on the corner of the chimney of a poor little room on the fifth floor.

—Mais, s’écria Morrel, cette bourse n’est pas à toi.» "But," cried Morrel, "this purse is not yours."

Julie tendit à son père la lettre qu’elle avait reçue le matin. Julie handed her father the letter she had received in the morning.

«Et tu as été seule dans cette maison? "And have you been alone in this house?" dit Morrel après avoir lu. said Morrel after reading.

—Emmanuel m’accompagnait, mon père. “Emmanuel was with me, my father. Il devait m’attendre au coin de la rue du Musée; mais chose étrange, à mon retour, il n’y était plus. He was to be waiting for me at the corner of the rue du Musée; but strangely enough, when I returned, he was no longer there.

—Monsieur Morrel! “Monsieur Morrel! s’écria une voix dans l’escalier, Monsieur Morrel! cried a voice on the stairs, Monsieur Morrel!

—C’est sa voix», dit Julie. “It's his voice,” said Julie.

En même temps, Emmanuel entra, le visage bouleversé de joie et d’émotion. At the same time, Emmanuel entered, his face upset with joy and emotion.

«Le  Pharaon ! “The Pharaoh! s’écria-t-il; le  Pharaon ! he cried; the Pharaoh!

—Eh bien, quoi? “Well, what? le  Pharaon ! the Pharaoh!

êtes-vous fou, Emmanuel? are you crazy, Emmanuel? Vous savez bien qu’il est perdu. You know he is lost.

—Le  Pharaon ! “The Pharaoh! monsieur, on signale le  Pharaon ; le  Pharaon  entre dans le port.» sir, we point out the Pharaoh; the Pharaoh enters the port. "

Morrel retomba sur sa chaise, les forces lui manquaient, son intelligence se refusait à classer cette suite d’événements incroyables, inouïs, fabuleux. Morrel fell back into his chair, his strength was lacking, his intelligence refused to classify this series of incredible, unheard, fabulous events.

Mais son fils entra à son tour. But his son entered in his turn.

«Mon père, s’écria Maximilien, que disiez-vous donc que le  Pharaon  était perdu? "My father," cried Maximilian, "what did you say then that Pharaoh was lost? La vigie l’a signalé, et il entre dans le port. The lookout signaled him, and he enters the harbor.

—Mes amis, dit Morrel si cela était, il faudrait croire à un miracle de Dieu! “My friends,” said Morrel, “if that were so, we would have to believe in a miracle from God! Impossible! Impossible! impossible!»

Mais ce qui était réel et non moins incroyable, c’était cette bourse qu’il tenait dans ses mains, c’était cette lettre de change acquittée, c’était ce magnifique diamant. But what was real and no less incredible was the purse he held in his hands, it was this bill of exchange paid, it was this magnificent diamond.

«Ah! monsieur, dit Coclès à son tour, qu’est-ce que cela veut dire, le  Pharaon ? sir, said Cocles in his turn, what does that mean, Pharaoh?

—Allons, mes enfants, dit Morrel en se soulevant, allons voir, et que Dieu ait pitié de nous, si c’est une fausse nouvelle.» "Come, my children," said Morrel, raising himself, "let us see, and may God have mercy on us, if it is false news."

Ils descendirent; au milieu de l’escalier attendait Mme Morrel: la pauvre femme n’avait pas osé monter. They went down; in the middle of the staircase Madame Morrel was waiting: the poor woman had not dared to go upstairs.

En un instant ils furent à la Canebière. In an instant they were at La Canebiere.

Il y avait foule sur le port. There was a crowd in the harbor.

Toute cette foule s’ouvrit devant Morrel. All this crowd opened up to Morrel.

«Le  Pharaon ! “The Pharaoh! le  Pharaon !» disaient toutes ces voix. the Pharaoh! " all these voices were saying.

En effet, chose merveilleuse, inouïe, en face de la tour Saint-Jean un bâtiment, portant sur sa poupe ces mots écrits en lettres blanches, le  Pharaon  (Morrel et fils de Marseille), absolument de la contenance de l’autre  Pharaon , et chargé comme l’autre de cochenille et d’indigo, jetait l’ancre et carguait ses voiles; sur le pont, le capitaine Gaumard donnait ses ordres, et maître Penelon faisait des signes à M. Morrel. Indeed, a marvelous thing, unheard of, in front of the Tower of St. John a building, bearing on its stern these words written in white letters, the Pharaoh (Morrel and son of Marseilles), absolutely of the capacity of the other Pharaoh, and loaded like the other with cochineal and indigo, cast anchor and carved his sails; on deck Captain Gaumard gave his orders, and Master Penelon made signs to M. Morrel.

Il n’y avait plus à en douter: le témoignage des sens était là, et dix mille personnes venaient en aide à ce témoignage. There was no longer any doubt about it: the testimony of the senses was there, and ten thousand people came to the aid of this testimony.

Comme Morrel et son fils s’embrassaient sur la jetée, aux applaudissements de toute la ville témoin de ce prodige, un homme, dont le visage était à moitié couvert par une barbe noire, et qui, caché derrière la guérite d’un factionnaire, contemplait cette scène avec attendrissement, murmura ces mots: As Morrel and his son were kissing on the pier, to the applause of the whole city witness to this prodigy, a man, whose face was half covered by a black beard, and who, hidden behind the sentry's sentry box, contemplated this scene tenderly, murmured these words:

«Sois heureux, noble cœur; sois béni pour tout le bien que tu as fait et que tu feras encore; et que ma reconnaissance reste dans l’ombre comme ton bienfait.» "Be happy, noble heart; Blessed for all the good that you have done, and that you will do again; and let my gratitude remain in the shadows as your benefit. "

Et, avec un sourire où la joie et le bonheur se révélaient, il quitta l’abri où il était caché, et sans que personne fît attention à lui, tant chacun était préoccupé de l’événement du jour, il descendit un de ces petits escaliers qui servent de débarcadère et héla trois fois: And with a smile where joy and happiness were revealed, he left the shelter where he was hidden, and without anyone paying attention to him, as everyone was concerned about the event of the day, he went down one of these small stairs that serve as a landing stage and hailed three times:

«Jacopo! “Jacopo! Jacopo! Jacopo!»

Alors, une chaloupe vint à lui, le reçut à bord, et le conduisit à un yacht richement gréé, sur le pont duquel il s’élança avec la légèreté d’un marin; de là il regarda encore une fois Morrel qui, pleurant de joie, distribuait de cordiales poignées de main à toute cette foule, et remerciait d’un vague regard ce bienfaiteur inconnu qu’il semblait chercher au ciel. Then a boat came to him, received him on board, and conducted him to a richly rigged yacht, on whose deck he darted with the levity of a sailor; From there he looked once more at Morrel, who, weeping for joy, was cordially shaking hands with all the crowd, and thanking with a vague look this unknown benefactor whom he seemed to seek in heaven.

«Et maintenant, dit l’homme inconnu, adieu bonté, humanité reconnaissance.... Adieu à tous les sentiments qui épanouissent le cœur!... "And now," said the unknown man, "good-bye goodness, gratitude, gratitude. Farewell to all the sentiments which open the heart! Je me suis substitué à la Providence pour récompenser les bons... que le Dieu vengeur me cède sa place pour punir les méchants!» I replaced Providence to reward the good ... may the avenging God give up his place to punish the wicked! ”

À ces mots, il fit un signal, et, comme s’il n’eût attendu que ce signal pour partir, le yacht prit aussitôt la mer. At these words he made a signal, and as if he had only waited for this signal to leave, the yacht immediately set sail.