×

We use cookies to help make LingQ better. By visiting the site, you agree to our cookie policy.


image

George Sand : La Mare au Diable, [21] Appendice - IV

[21] Appendice - IV

IV LE CHOU

On remonta à cheval et on revint très vite à Belair. Le repas fut splendide, et dura, entremêlé de danses et de chants, jusqu'à minuit. Les vieux ne quittèrent point la table pendant quatorze heures. Le fossoyeur fit la cuisine et la fit fort bien. Il était renommé pour cela, et il quittait ses fourneaux pour venir danser et chanter entre chaque service. Il était épileptique pourtant, ce pauvre père Bontemps! Qui s'en serait douté? Il était frais, fort, et gai comme un jeune homme. Un jour nous le trouvâmes comme mort, tordu par son mal dans un fossé, à l'entrée de la nuit. Nous le rapportâmes chez nous dans une brouette, et nous passâmes la nuit à le soigner. Trois jours après il était de noce, chantait comme une grive et sautait comme un cabri, se trémoussant à l'ancienne mode. En sortant d'un mariage, il allait creuser une fosse et clouer une bière. Il s'en acquittait pieusement, et quoiqu'il n'y parût point ensuite à sa belle humeur, il en conservait une impression sinistre qui hâtait le retour de son accès. Sa femme, paralytique, ne bougeait de sa chaise depuis vingt ans. Sa mère en a cent quarante et vit encore. Mais lui, le pauvre homme, si gai, si bon, si amusant, il s'est tué l'an dernier en tombant de son grenier sur le pavé. Sans doute, il était en proie au fatal accès de son mal, et, comme d'habitude, il s'était caché dans le foin pour ne pas effrayer et affliger sa famille. Il termina ainsi, d'une manière tragique, une vie étrange comme lui-même, un mélange de choses lugubres et folles, terribles et riantes, au milieu desquelles son cur était toujours resté bon et son caractère aimable. Mais nous arrivons à la troisième journée des noces, qui est la plus curieuse, et qui s'est maintenue dans toute sa rigueur jusqu'à nos jours. Nous ne parlerons pas de la rôtie que l'on porte au lit nuptial; c'est un assez sot usage qui fait souffrir la pudeur de la mariée et tend à détruire celle des jeunes filles qui y assistent. D'ailleurs je crois que c'est un usage de toutes les provinces, et qui n'a chez nous rien de particulier. De même que la cérémonie des livrées est le symbole de la prise de possession du cur et du domicile de la mariée, celle du chou est le symbole de la fécondité de l'hymen. Après le déjeuner du lendemain de noces commence cette bizarre représentation d'origine gauloise, mais qui, en passant par le christianisme primitif, est devenue peu à peu une sorte de mystère , ou de moralité bouffonne du moyen âge. Deux garçons (les plus enjoués et les mieux disposés de la bande) disparaissent pendant le déjeuner, vont se costumer, et enfin reviennent escortés de la musique, des chiens, des enfants et des coups de pistolet. Ils représentent un couple de gueux, mari et femme, couverts des haillons les plus misérables. Le mari est le plus sale des deux: c'est le vice qui l'a ainsi dégradé; la femme n'est que malheureuse et avilie par les désordres de son époux. Ils s'intitulent le jardinier et la jardinière , et se disent préposés à la garde et à la culture du chou sacré. Mais le mari porte diverses qualifications qui toutes ont un sens. On l'appelle indifféremment le pailloux , parce qu'il est coiffé d'une perruque de paille ou de chanvre, et que, pour cacher sa nudité mal garantie par ses guenilles, il s'entoure les jambes et une partie du corps de paille. Il se fait aussi un gros ventre ou une bosse avec de la paille ou du foin cachés sous sa blouse. Le peilloux , parce qu'il est couvert de peille (de guenilles). Enfin, le païen , ce qui est plus significatif encore, parce qu'il est censé, par son cynisme et ses débauches, résumer en lui l'antipode de toutes les vertus chrétiennes. Il arrive, le visage barbouillé de suie et de lie de vin, quelquefois affublé d'un masque grotesque. Une mauvaise tasse de terre ébréchée, ou un vieux sabot, pendu à sa ceinture par une ficelle, lui sert à demander l'aumône du vin. Personne ne lui refuse, et il feint de boire, puis il répand le vin par terre, en signe de libation. À chaque pas, il tombe, il se roule dans la boue; il affecte d'être en proie à l'ivresse la plus honteuse. Sa pauvre femme court après lui, le ramasse, appelle au secours, arrache les cheveux de chanvre qui sortent en mèches hérissées de sa cornette immonde, pleure sur l'abjection de son mari et lui fait des reproches pathétiques. Malheureux! lui dit-elle, vois où nous a réduits ta mauvaise conduite! J'ai beau filer, travailler pour toi, raccommoder tes habits! tu te déchires, tu te souilles sans cesse. Tu m'as mangé mon pauvre bien, nos six enfants sont sur la paille, nous vivons dans une étable avec les animaux; nous voilà réduits à demander l'aumône, et encore tu es si laid, si dégoûtant, si méprisé, que bientôt on nous jettera le pain comme à des chiens. Hélas! mes pauvres mondes (mes pauvres gens), ayez pitié de nous! ayez pitié de moi! Je n'ai pas mérité mon sort, et jamais femme n'a eu un mari plus malpropre et plus détestable. Aidez-moi à le ramasser, autrement les voitures l'écraseront comme un vieux tesson de bouteille, et je serai veuve, ce qui achèverait de me faire mourir de chagrin, quoique tout le monde dise que ce serait un grand bonheur pour moi. Tel est le rôle de la jardinière et ses lamentations continuelles durant toute la pièce. Car c'est une véritable comédie libre, improvisée, jouée en plein air, sur les chemins, à travers champs, alimentée par tous les accidents fortuits qui se présentent, et à laquelle tout le monde prend part, gens de la noce et du dehors, hôtes des maisons et passants des chemins pendant trois ou quatre heures de la journée, ainsi qu'on va le voir. Le thème est invariable, mais on brode à l'infini sur ce thème, et c'est là qu'il faut voir l'instinct mimique, l'abondance d'idées bouffonnes, la faconde, l'esprit de repartie, et même l'éloquence naturelle de nos paysans. Le rôle de la jardinière est ordinairement confié à un homme mince, imberbe et à teint frais, qui sait donner une grande vérité à son personnage, et jouer le désespoir burlesque avec assez de naturel pour qu'on en soit égayé et attristé en même temps comme d'un fait réel. Ces hommes maigres et imberbes ne sont pas rares dans nos campagnes, et, chose étrange, ce sont parfois les plus remarquables pour la force musculaire.

Après que le malheur de la femme est constaté, les jeunes gens de la noce l'engagent à laisser là son ivrogne de mari, et à se divertir avec eux. Ils lui offrent le bras et l'entraînent. Peu à peu elle s'abandonne, s'égaie et se met à courir, tantôt avec l'un, tantôt avec l'autre, prenant des allures dévergondées: nouvelle moralité , l'inconduite du mari provoque et amène celle de la femme. Le païen se réveille alors de son ivresse, il cherche des yeux sa compagne, s'arme d'une corde et d'un bâton, et court après elle. On le fait courir, on se cache, on passe la femme de l'un à l'autre, on essaie de la distraire et de tromper le jaloux. Ses amis s'efforcent de l'enivrer. Enfin il rejoint son infidèle et veut la battre. Ce qu'il y a de plus réel et de mieux observé dans cette parodie des misères de la vie conjugale, c'est que le jaloux ne s'attaque jamais à ceux qui lui enlèvent sa femme. Il est fort poli et prient avec eux, il ne veut s'en prendre qu'à la coupable, parce qu'elle est censée ne pouvoir lui résister. Mais au moment où il lève son bâton et apprête sa corde pour attacher la délinquante, tous les hommes de la noce s'interposent et se jettent entre les deux époux. Ne la battez pas! ne battez jamais votre femme! est la formule qui se répète à satiété dans ces scènes. On désarme le mari, on le force à pardonner, à embrasser sa femme, et bientôt il affecte de l'aimer plus que jamais. Il s'en va bras dessus, bras dessous avec elle, en chantant et en dansant, jusqu'à ce qu'un nouvel accès d'ivresse le fasse rouler par terre: et alors recommencent les lamentations de la femme, son découragement, ses égarements simulés, la jalousie du mari, l'intervention des voisins, et le raccommodement. Il y a dans tout cela un enseignement naïf, grossier même, qui sent fort son origine moyen âge, mais qui fait toujours impression, sinon sur les mariés, trop amoureux ou trop raisonnables aujourd'hui pour en avoir besoin, du moins sur les enfants et les adolescents. Le païen effraie et dégoûte tellement les jeunes filles, en courant après elles et en feignant de vouloir les embrasser, qu'elles fuient avec une émotion qui n'a rien de joué. Sa face barbouillée et son grand bâton (inoffensif pourtant) font jeter les hauts cris aux marmots. C'est de la comédie de murs à l'état le plus élémentaire, mais aussi le plus frappant. Quand cette farce est bien mise en train, on se dispose à aller chercher le chou. On apporte une civière sur laquelle on place le païen armé d'une bêche, d'une corde et d'une grande corbeille. Quatre hommes vigoureux l'enlèvent sur leurs épaules. Sa femme le suit à pied, les anciens viennent en groupe après lui d'un air grave et pensif; puis la noce marche par couples au pas réglé par la musique. Les coups de pistolet recommencent, les chiens hurlent plus que jamais à la vue du païen immonde, ainsi porté en triomphe. Les enfants l'encensent dérisoirement avec des sabots au bout d'une ficelle. Mais pourquoi cette ovation à un personnage si repoussant? On marche à la conquête du chou sacré, emblème de la fécondité matrimoniale, et c'est cet ivrogne abruti qui, seul, peut porter la main sur la plante symbolique. Sans doute il y a là un mystère antérieur au christianisme, et qui rappelle la fête des Saturnales, ou quelque bacchanale antique. Peut-être ce païen, qui est en même temps le jardinier par excellence, n'est-il rien moins que Priape en personne, le dieu des jardins et de la débauche, divinité qui dut être pourtant chaste et sérieuse dans son origine, comme le mystère de la reproduction, mais que la licence des murs et l'égarement des idées ont dégradée insensiblement. Quoi qu'il en soit, la marche triomphale arrive au logis de la mariée et s'introduit dans son jardin. Là on choisit le plus beau chou, ce qui ne se fait pas vite, car les anciens tiennent conseil et discutent à perte de vue, chacun plaidant pour le chou qui lui paraît le plus convenable. On va aux voix, et quand le choix est fixé, le jardinier attache sa corde autour de la tige, et s'éloigne autant que le permet l'étendue du jardin. La jardinière veille à ce que, dans sa chute, le légume sacré ne soit point endommagé. Les Plaisants de la noce, le chanvreur, le fossoyeur le charpentier ou le sabotier (tous ceux enfin qui ne travaillent pas la terre, et qui, passant leur vie chez les autres, sont réputés avoir, et ont réellement plus d'esprit et de babil que les simples ouvriers agriculteurs), se rangent autour du chou. L'un ouvre une tranchée à la bêche, si profonde qu'on dirait qu'il s'agit d'abattre un chêne. L'autre met sur son nez une drogue en bois ou en carton qui simule une paire de lunettes: il fait l'office d' ingénieur s'approche, s'éloigne, lève un plan, lorgne les travailleurs, tire des lignes, fait le pédant, s'écrie qu'on va tout gâter, fait abandonner et reprendre le travail selon sa fantaisie, et le plus longuement, le plus ridiculement possible dirige la besogne. Ceci est-il une addition au formulaire antique de la cérémonie, en moquerie des théoriciens en général que le paysan coutumier méprise souverainement, ou en haine des arpenteurs qui règlent le cadastre et répartissent l'impôt, ou enfin des employés aux ponts et chaussées qui convertissent des communaux en routes, et font supprimer de vieux abus chers au paysan? Tant il y a que ce personnage de la comédie s'appelle le géomètre , et qu'il fait son possible pour se rendre insupportable à ceux qui tiennent la pioche et la pelle. Enfin, après un quart d'heure de difficultés et de momeries, pour ne pas couper les racines du chou et le déplanter sans dommage, tandis que des pelletées de terre sont lancées au nez des assistants (tant pis pour qui ne se range pas assez vite; fût-il évêque ou prince, il faut qu'il reçoive le baptême de la terre), le païen tire la corde, la païenne tend son tablier, et le chou tombe majestueusement aux vivat des spectateurs. Alors on apporte la corbeille, et le couple païen y plante le chou avec toutes sortes de soins et de précautions. On l'entoure de terre fraîche, on le soutient avec des baguettes et des liens, comme font les bouquetières des villes pour leurs splendides camélias en pot; on pique des pommes rouges au bout des baguettes, des branches de thym, de sauge et de laurier tout autour; on chamarre le tout de rubans et de banderoles; on recharge le trophée sur la civière avec le païen, qui doit le maintenir en équilibre et le préserver d'accident, et enfin on sort du jardin en bon ordre et au pas de marche. Mais là quand il s'agit de franchir la porte, de même lorsque ensuite il s'agit d'entrer dans la cour de la maison du marié, un obstacle imaginaire si oppose au passage. Les porteurs du fardeau trébuchent, poussent de grandes exclamations, reculent, avancent encore, et, comme repoussés par une force invincible, feignent de succomber sous le poids. Pendant cela, les assistants crient, excitent et calment l'attelage humain. "Bellement, bellement, enfant! Là, là, courage! Prenez garde! patience! Baissez-vous. La porte est trop basse! Serrez-vous, elle est trop étroite! un peu à gauche; à droite à présent! allons, du cur, vous y êtes!" C'est ainsi que dans les années de récolte abondante, le char à bufs, chargé outre mesure de fourrage ou de moissons, se trouve trop large ou trop haut pour entrer sous le porche de la grange. C'est ainsi qu'on crie après les robustes animaux pour les retenir ou les exciter; c'est ainsi qu'avec de l'adresse et de vigoureux efforts on fait passer la montagne des richesses, sans l'écrouler, sous l'arc de triomphe rustique. C'est surtout le dernier charroi, appelé la gerbaude , qui demande ces précautions, car c'est aussi une fête champêtre, et la dernière gerbe enlevée au dernier sillon est placée au sommet du char, ornée de rubans et de fleurs, de même que le front des bufs et l'aiguillon du bouvier Ainsi, l'entrée triomphale et pénible du chou dans la maison est un simulacre de la prospérité et de la fécondité qu'il représente. Arrivé dans la cour du marié, le chou est enlevé et porté au plus haut de la maison ou de la grange. S'il est une cheminée, un pignon, un pigeonnier plus élevé que les autres faîtes, il faut, à tout risque, porter ce fardeau au point culminant de l'habitation. Le païen l'accompagne jusque-là, le fixe, et l'arrose d'un grand broc de vin, tandis qu'une salve de coups de pistolet et les contorsions joyeuses de la païenne signalent son inauguration. La même cérémonie recommence immédiatement. On va déterrer un autre chou dans le jardin du marié pour le porter avec les mêmes formalités sur le toit que sa femme vient d'abandonner pour le suivre. Ces trophées restent là jusqu'à ce que le vent et la pluie détruisent les corbeilles et emportent le chou. Mais ils y vivent assez longtemps pour donner quelque chance de succès à la prédiction que font les anciens et les matrones en le saluant: "Beau chou, disent-ils, vis et fleuris, afin que notre jeune mariée ait un beau petit enfant avant la fin de l'année; car si tu mourais trop vite ce serait signe de stérilité, et tu serais là-haut sur sa maison comme un mauvais présage." La journée est déjà avancée quand toutes ces choses sont accomplies. Il ne reste plus qu'à faire la conduite aux parrains et marraines des conjoints. Quand ces parents putatifs demeurent au loin, on les accompagne avec la musique et toute la noce jusqu'aux limites de la paroisse. Là, on danse encore sur le chemin et on les embrasse en se séparant d'eux. Le païen et sa femme sont alors débarbouillés et rhabillés proprement, quand la fatigue de leur rôle ne les a pas forcés à aller faire un somme.

On dansait, on chantait et on mangeait encore à la métairie de Belair, ce troisième jour de noce, à minuit, lors du mariage de Germain. Les anciens, attablés, ne pouvaient s'en aller, et pour cause. Ils ne retrouvèrent leurs jambes et leurs esprits que le lendemain au petit jour. Alors, tandis que ceux-là regagnaient leurs demeures, silencieux et trébuchants, Germain, fier et dispos, sortit pour aller lier ses bufs, laissant sommeiller sa jeune compagne jusqu'au lever du soleil. L'alouette, qui chantait en montant vers les cieux, lui semblait être la voix de son cur rendant grâce à la Providence. Le givre, qui brillait aux buissons décharnés, lui semblait la blancheur des fleurs d'avril précédant l'apparition des feuilles. Tout était riant et serein pour lui dans la nature. Le petit Pierre avait tant ri et tant sauté la veille, qu'il ne vint pas l'aider à conduire ses bufs; mais Germain était content d'être seul. Il se mit à genoux dans le sillon qu'il allait refendre, et fit la prière du matin avec une effusion si grande que deux larmes coulèrent sur ses joues encore humides de sueur On entendait au loin les chants des jeunes garçons des paroisses voisines, qui partaient pour retourner chez eux, et qui redisaient d'une voix un peu enrouée les refrains joyeux de la veille.


[21] Appendice - IV [21] Appendix - IV [21] Apêndice - IV

IV LE CHOU

On remonta à cheval et on revint très vite à Belair. We got back on our horses and quickly returned to Belair. Le repas fut splendide, et dura, entremêlé de danses et de chants, jusqu'à minuit. The meal was splendid, and lasted, interspersed with dances and songs, until midnight. Les vieux ne quittèrent point la table pendant quatorze heures. The old people did not leave the table for fourteen hours. Le fossoyeur fit la cuisine et la fit fort bien. The gravedigger did the cooking and did it very well. Il était renommé pour cela, et il quittait ses fourneaux pour venir danser et chanter entre chaque service. He was famous for this, and he left his kitchen to come dance and sing between each service. Il était épileptique pourtant, ce pauvre père Bontemps! He was epileptic, however, poor Father Bontemps! Qui s'en serait douté? Who would have suspected it? Il était frais, fort, et gai comme un jeune homme. He was cool, strong, and cheerful as a young man. Un jour nous le trouvâmes comme mort, tordu par son mal dans un fossé, à l'entrée de la nuit. One day we found him dead, twisted by his pain in a ditch, at the start of night. Nous le rapportâmes chez nous dans une brouette, et nous passâmes la nuit à le soigner. We brought him home in a wheelbarrow, and spent the night looking after him. Trois jours après il était de noce, chantait comme une grive et sautait comme un cabri, se trémoussant à l'ancienne mode. Three days later he was in the wedding party, singing like a thrush and jumping like a kid, jiggling in the old fashion. En sortant d'un mariage, il allait creuser une fosse et clouer une bière. Coming out of a wedding, he was going to dig a pit and nail a beer. Il s'en acquittait pieusement, et quoiqu'il n'y parût point ensuite à sa belle humeur, il en conservait une impression sinistre qui hâtait le retour de son accès. He acquitted himself of it piously, and although it did not appear to his good humor afterwards, he retained a sinister impression of it which hastened the return of his attack. Sa femme, paralytique, ne bougeait de sa chaise depuis vingt ans. His paralytic wife had not moved from her chair for twenty years. Sa mère en a cent quarante et vit encore. Her mother is a hundred and forty and still lives. Mais lui, le pauvre homme, si gai, si bon, si amusant, il s'est tué l'an dernier en tombant de son grenier sur le pavé. But he, the poor man, so cheerful, so good, so funny, he killed himself last year by falling from his attic onto the pavement. Sans doute, il était en proie au fatal accès de son mal, et, comme d'habitude, il s'était caché dans le foin pour ne pas effrayer et affliger sa famille. No doubt he was in the grip of the fatal fit of his illness, and, as usual, he had hidden himself in the hay so as not to frighten and distress his family. Il termina ainsi, d'une manière tragique, une vie étrange comme lui-même, un mélange de choses lugubres et folles, terribles et riantes, au milieu desquelles son cur était toujours resté bon et son caractère aimable. He thus ended, in a tragic way, a strange life like himself, a mixture of lugubrious and mad, terrible and laughing things, in the midst of which his heart had always remained good and his character amiable. Mais nous arrivons à la troisième journée des noces, qui est la plus curieuse, et qui s'est maintenue dans toute sa rigueur jusqu'à nos jours. But we come to the third day of the wedding, which is the most curious, and which has been maintained in all its rigor until today. Nous ne parlerons pas de la rôtie que l'on porte au lit nuptial; c'est un assez sot usage qui fait souffrir la pudeur de la mariée et tend à détruire celle des jeunes filles qui y assistent. We will not speak of the roast that one carries to the nuptial bed; it is a rather foolish use which makes the bride's modesty suffer and tends to destroy that of the young girls who attend. D'ailleurs je crois que c'est un usage de toutes les provinces, et qui n'a chez nous rien de particulier. Besides, I believe that it is a custom of all the provinces, and which has nothing in particular with us. De même que la cérémonie des  livrées est le symbole de la prise de possession du cur et du domicile de la mariée, celle du  chou est le symbole de la fécondité de l'hymen. Just as the livery ceremony is the symbol of taking possession of the bride's heart and domicile, that of the cabbage is the symbol of the fertility of the hymen. Après le déjeuner du lendemain de noces commence cette bizarre représentation d'origine gauloise, mais qui, en passant par le christianisme primitif, est devenue peu à peu une sorte de  mystère , ou de moralité bouffonne du moyen âge. After lunch the day after the wedding begins this bizarre representation of Gallic origin, but which, passing through primitive Christianity, has gradually become a sort of mystery, or buffoonish morality of the Middle Ages. Deux garçons (les plus enjoués et les mieux disposés de la bande) disparaissent pendant le déjeuner, vont se costumer, et enfin reviennent escortés de la musique, des chiens, des enfants et des coups de pistolet. Two boys (the most playful and well-disposed of the gang) disappear during lunch, go to dress up, and finally come back escorted by music, dogs, children and pistol shots. Ils représentent un couple de gueux, mari et femme, couverts des haillons les plus misérables. They represent a couple of beggars, husband and wife, covered in the most miserable rags. Le mari est le plus sale des deux: c'est le vice qui l'a ainsi dégradé; la femme n'est que malheureuse et avilie par les désordres de son époux. The husband is the dirtier of the two: it is vice which has degraded him thus; the woman is only unhappy and degraded by the disorders of her husband. Ils s'intitulent  le jardinier et la jardinière , et se disent préposés à la garde et à la culture du chou sacré. They call themselves the gardener and the gardener, and claim to be in charge of the care and cultivation of sacred cabbage. Mais le mari porte diverses qualifications qui toutes ont un sens. But the husband carries various qualifications, all of which make sense. On l'appelle indifféremment le  pailloux , parce qu'il est coiffé d'une perruque de paille ou de chanvre, et que, pour cacher sa nudité mal garantie par ses guenilles, il s'entoure les jambes et une partie du corps de paille. It is called indifferently the pailloux, because he wears a wig of straw or hemp, and that, to hide his nudity badly guaranteed by his rags, he surrounds his legs and part of his body with straw. . Il se fait aussi un gros ventre ou une bosse avec de la paille ou du foin cachés sous sa blouse. He also makes a big belly or a bump with straw or hay hidden under his blouse. Le peilloux , parce qu'il est couvert de  peille (de guenilles). The peilloux, because it is covered with peille (rags). Enfin, le  païen , ce qui est plus significatif encore, parce qu'il est censé, par son cynisme et ses débauches, résumer en lui l'antipode de toutes les vertus chrétiennes. Finally, the pagan, which is even more significant, because he is supposed, by his cynicism and his debauchery, to sum up in him the antipode of all the Christian virtues. Il arrive, le visage barbouillé de suie et de lie de vin, quelquefois affublé d'un masque grotesque. He arrives, his face smeared with soot and wine lees, sometimes decked out in a grotesque mask. Une mauvaise tasse de terre ébréchée, ou un vieux sabot, pendu à sa ceinture par une ficelle, lui sert à demander l'aumône du vin. A bad mug of chipped earth, or an old hoof, hung from his belt by a string, is used to ask for alms of wine. Personne ne lui refuse, et il feint de boire, puis il répand le vin par terre, en signe de libation. Nobody refuses him, and he pretends to drink, then he spills the wine on the ground, as a sign of libation. À chaque pas, il tombe, il se roule dans la boue; il affecte d'être en proie à l'ivresse la plus honteuse. With each step he falls, he rolls in the mud; he affects to be a prey to the most shameful intoxication. Sa pauvre femme court après lui, le ramasse, appelle au secours, arrache les cheveux de chanvre qui sortent en mèches hérissées de sa cornette immonde, pleure sur l'abjection de son mari et lui fait des reproches pathétiques. His poor wife runs after him, picks him up, calls for help, tears the hemp hair which sticks out in strands bristling with his filthy cap, weeps over her husband's abjection and reproaches him pathetically. Malheureux! Unfortunate! lui dit-elle, vois où nous a réduits ta mauvaise conduite! she said to him, see where your bad behavior has reduced us! J'ai beau filer, travailler pour toi, raccommoder tes habits! No matter how much I spin, work for you, mend your clothes! tu te déchires, tu te souilles sans cesse. you tear yourself apart, you defile yourself ceaselessly. Tu m'as mangé mon pauvre bien, nos six enfants sont sur la paille, nous vivons dans une étable avec les animaux; nous voilà réduits à demander l'aumône, et encore tu es si laid, si dégoûtant, si méprisé, que bientôt on nous jettera le pain comme à des chiens. You ate my poor good, our six children are on the straw, we live in a stable with the animals; here we are reduced to begging for alms, and yet you are so ugly, so disgusting, so despised, that soon we will be thrown bread like dogs. Hélas! Alas! mes pauvres  mondes (mes pauvres gens), ayez pitié de nous! my poor worlds (my poor people), have mercy on us! ayez pitié de moi! have mercy on me! Je n'ai pas mérité mon sort, et jamais femme n'a eu un mari plus malpropre et plus détestable. I have not deserved my lot, and never has a wife had a more messy and detestable husband. Aidez-moi à le ramasser, autrement les voitures l'écraseront comme un vieux tesson de bouteille, et je serai veuve, ce qui achèverait de me faire mourir de chagrin, quoique tout le monde dise que ce serait un grand bonheur pour moi. Help me to pick it up, otherwise the cars will crush it like an old shard of a bottle, and I will be a widow, which would complete my death of grief, although everyone says it would be a great happiness for me. Tel est le rôle de la jardinière et ses lamentations continuelles durant toute la pièce. This is the role of the gardener and her continual lamentations throughout the play. Car c'est une véritable comédie libre, improvisée, jouée en plein air, sur les chemins, à travers champs, alimentée par tous les accidents fortuits qui se présentent, et à laquelle tout le monde prend part, gens de la noce et du dehors, hôtes des maisons et passants des chemins pendant trois ou quatre heures de la journée, ainsi qu'on va le voir. Because it is a real free, improvised comedy, played in the open air, on the paths, across the fields, fueled by all the fortuitous accidents that arise, and in which everyone takes part, people of the wedding party and outside. , guests of the houses and passers-by on the paths for three or four hours of the day, as we shall see. Le thème est invariable, mais on brode à l'infini sur ce thème, et c'est là qu'il faut voir l'instinct mimique, l'abondance d'idées bouffonnes, la faconde, l'esprit de repartie, et même l'éloquence naturelle de nos paysans. The theme is invariable, but we embroider ad infinitum on this theme, and it is there that we must see the instinct of mimicry, the abundance of buffoonish ideas, the profligacy, the spirit of repartition, and even the natural eloquence of our peasants. Le rôle de la jardinière est ordinairement confié à un homme mince, imberbe et à teint frais, qui sait donner une grande vérité à son personnage, et jouer le désespoir burlesque avec assez de naturel pour qu'on en soit égayé et attristé en même temps comme d'un fait réel. The role of the gardener is usually entrusted to a thin, beardless man with a fresh complexion, who knows how to give great truth to his character, and to play burlesque despair with enough naturalness to be cheerful and saddened at the same time. as of a real fact. Ces hommes maigres et imberbes ne sont pas rares dans nos campagnes, et, chose étrange, ce sont parfois les plus remarquables pour la force musculaire. These skinny, hairless men are not uncommon in our countryside, and, strangely enough, they are sometimes the most notable for muscle strength.

Après que le malheur de la femme est constaté, les jeunes gens de la noce l'engagent à laisser là son ivrogne de mari, et à se divertir avec eux. After the woman's misfortune is ascertained, the young men of the wedding invite her to leave her drunken husband there, and to have fun with them. Ils lui offrent le bras et l'entraînent. They offer him their arm and drag him away. Peu à peu elle s'abandonne, s'égaie et se met à courir, tantôt avec l'un, tantôt avec l'autre, prenant des allures dévergondées: nouvelle  moralité , l'inconduite du mari provoque et amène celle de la femme. Little by little she abandons herself, cheers up and starts running, sometimes with one, sometimes with the other, assuming a wanton gait: a new morality, the misconduct of the husband provokes and leads to that of the wife. Le païen se réveille alors de son ivresse, il cherche des yeux sa compagne, s'arme d'une corde et d'un bâton, et court après elle. The pagan then wakes up from his intoxication, he looks for his companion, arms himself with a rope and a stick, and runs after her. On le fait courir, on se cache, on passe la femme de l'un à l'autre, on essaie de la distraire et de tromper le jaloux. We make him run, we hide, we pass the woman from one to the other, we try to distract her and deceive the jealous. Ses  amis s'efforcent de l'enivrer. His friends try to intoxicate him. Enfin il rejoint son infidèle et veut la battre. Finally he joins his infidel and wants to beat her. Ce qu'il y a de plus réel et de mieux observé dans cette parodie des misères de la vie conjugale, c'est que le jaloux ne s'attaque jamais à ceux qui lui enlèvent sa femme. What is most real and best observed in this parody of the miseries of married life is that the jealous person never attacks those who take his wife from him. Il est fort poli et prient avec eux, il ne veut s'en prendre qu'à la coupable, parce qu'elle est censée ne pouvoir lui résister. He is very polite and pray with them, he only wants to attack the culprit, because she is supposed to be unable to resist him. Mais au moment où il lève son bâton et apprête sa corde pour attacher la délinquante, tous les hommes de la noce s'interposent et se jettent entre les deux époux. But when he lifts his stick and prepares his rope to tie up the delinquent, all the men of the wedding intervene and throw themselves between the two spouses. Ne la battez pas! Don't beat her! ne battez jamais votre femme! never beat your wife! est la formule qui se répète à satiété dans ces scènes. is the formula that is repeated to satiety in these scenes. On désarme le mari, on le force à pardonner, à embrasser sa femme, et bientôt il affecte de l'aimer plus que jamais. The husband is disarmed, he is forced to forgive, to kiss his wife, and soon he affects to love her more than ever. Il s'en va bras dessus, bras dessous avec elle, en chantant et en dansant, jusqu'à ce qu'un nouvel accès d'ivresse le fasse rouler par terre: et alors recommencent les lamentations de la femme, son découragement, ses égarements simulés, la jalousie du mari, l'intervention des voisins, et le raccommodement. He goes away arm in arm with her, singing and dancing, until a new fit of drunkenness makes him roll on the ground: and then the woman's lamentations begin again, her discouragement, her feelings. simulated errors, the jealousy of the husband, the intervention of the neighbors, and the mending. Il y a dans tout cela un enseignement naïf, grossier même, qui sent fort son origine moyen âge, mais qui fait toujours impression, sinon sur les mariés, trop amoureux ou trop raisonnables aujourd'hui pour en avoir besoin, du moins sur les enfants et les adolescents. There is in all this a naive teaching, even crude, which has a strong sense of its Middle Ages origin, but which still makes an impression, if not on the married couple, too in love or too reasonable today to need it, at least on the children. and adolescents. Le païen effraie et dégoûte tellement les jeunes filles, en courant après elles et en feignant de vouloir les embrasser, qu'elles fuient avec une émotion qui n'a rien de joué. The pagan frightens and disgusts the young girls so much, by running after them and pretending to want to kiss them, that they flee with an emotion that has nothing to do with it. Sa face barbouillée et son grand bâton (inoffensif pourtant) font jeter les hauts cris aux marmots. His smeared face and his large stick (harmless, however) make the kids cry out loud. C'est de la comédie de murs à l'état le plus élémentaire, mais aussi le plus frappant. It is wall comedy at its most basic, but also the most striking. Quand cette farce est bien mise en train, on se dispose à aller chercher le chou. When this farce is well under way, we get ready to go get the cabbage. On apporte une civière sur laquelle on place le païen armé d'une bêche, d'une corde et d'une grande corbeille. We bring a stretcher on which we place the pagan armed with a spade, a rope and a large basket. Quatre hommes vigoureux l'enlèvent sur leurs épaules. Four strong men lift it onto their shoulders. Sa femme le suit à pied, les  anciens viennent en groupe après lui d'un air grave et pensif; puis la noce marche par couples au pas réglé par la musique. His wife follows him on foot, the elders come in groups after him with a serious and pensive air; then the wedding party marches in pairs at a pace regulated by the music. Les coups de pistolet recommencent, les chiens hurlent plus que jamais à la vue du païen immonde, ainsi porté en triomphe. The pistol shots begin again, the dogs howl more than ever at the sight of the filthy pagan, thus carried in triumph. Les enfants l'encensent dérisoirement avec des sabots au bout d'une ficelle. Children ridiculously incense it with hooves at the end of a string. Mais pourquoi cette ovation à un personnage si repoussant? But why this ovation to such a repulsive character? On marche à la conquête du chou sacré, emblème de la fécondité matrimoniale, et c'est cet ivrogne abruti qui, seul, peut porter la main sur la plante symbolique. We march to conquer the sacred cabbage, emblem of matrimonial fertility, and it is this stupid drunkard who, alone, can lay his hand on the symbolic plant. Sans doute il y a là un mystère antérieur au christianisme, et qui rappelle la fête des Saturnales, ou quelque bacchanale antique. Doubtless there is here a mystery anterior to Christianity, and which recalls the feast of Saturnalia, or some ancient Bacchanalia. Peut-être ce païen, qui est en même temps le jardinier par excellence, n'est-il rien moins que Priape en personne, le dieu des jardins et de la débauche, divinité qui dut être pourtant chaste et sérieuse dans son origine, comme le mystère de la reproduction, mais que la licence des murs et l'égarement des idées ont dégradée insensiblement. Perhaps this pagan, who is at the same time the gardener par excellence, is nothing less than Priapus in person, the god of gardens and debauchery, a divinity who must have been chaste and serious in his origin, however. the mystery of reproduction, but which the license of the walls and the distraction of ideas have imperceptibly degraded. Quoi qu'il en soit, la marche triomphale arrive au logis de la mariée et s'introduit dans son jardin. Be that as it may, the triumphal march arrives at the bride's home and enters her garden. Là on choisit le plus beau chou, ce qui ne se fait pas vite, car les anciens tiennent conseil et discutent à perte de vue, chacun plaidant pour le chou qui lui paraît le plus convenable. There we choose the most beautiful cabbage, which is not done quickly, because the elders hold advice and discuss as far as the eye can see, each pleading for the cabbage which seems to him the most suitable. On va aux voix, et quand le choix est fixé, le jardinier attache sa corde autour de la tige, et s'éloigne autant que le permet l'étendue du jardin. We go to the votes, and when the choice is fixed, the gardener ties his rope around the stem, and moves away as far as the extent of the garden allows. La jardinière veille à ce que, dans sa chute, le légume sacré ne soit point endommagé. The gardener sees to it that, in its fall, the sacred vegetable is not damaged. Les  Plaisants de la noce, le chanvreur, le fossoyeur le charpentier ou le sabotier (tous ceux enfin qui ne travaillent pas la terre, et qui, passant leur vie chez les autres, sont réputés avoir, et ont réellement plus d'esprit et de babil que les simples ouvriers agriculteurs), se rangent autour du chou. The Pleasers of the wedding, the hemp, the gravedigger, the carpenter or the clog maker (all those who do not work the land, and who, spending their lives with others, are reputed to have, and really have more wit and babil than simple farm workers), line up around the cabbage. L'un ouvre une tranchée à la bêche, si profonde qu'on dirait qu'il s'agit d'abattre un chêne. One is opening a trench with a spade, so deep it looks like it is about chopping an oak. L'autre met sur son nez une  drogue en bois ou en carton qui simule une paire de lunettes: il fait l'office d' ingénieur s'approche, s'éloigne, lève un plan, lorgne les travailleurs, tire des lignes, fait le pédant, s'écrie qu'on va tout gâter, fait abandonner et reprendre le travail selon sa fantaisie, et le plus longuement, le plus ridiculement possible dirige la besogne. The other puts a wooden or cardboard drug on his nose which simulates a pair of glasses: he acts as an engineer, approaches, walks away, draws up a plan, ogles the workers, draws lines, makes the pedant, exclaims that everything is going to be spoiled, has the work abandoned and resumed according to his fancy, and as long as possible, as ridiculously as possible, directs the work. Ceci est-il une addition au formulaire antique de la cérémonie, en moquerie des théoriciens en général que le paysan coutumier méprise souverainement, ou en haine des arpenteurs qui règlent le cadastre et répartissent l'impôt, ou enfin des employés aux ponts et chaussées qui convertissent des communaux en routes, et font supprimer de vieux abus chers au paysan? Is this an addition to the ancient form of the ceremony, in mockery of theorists in general whom the customary peasant sovereignly despises, or in hatred of surveyors who regulate the cadastre and distribute the tax, or finally of the employees in the bridges and roadways who convert commons into roads, and suppress old abuses dear to the peasantry? Tant il y a que ce personnage de la comédie s'appelle le  géomètre , et qu'il fait son possible pour se rendre insupportable à ceux qui tiennent la pioche et la pelle. So much so that this comedy character is called the geometer, and that he does his utmost to make himself unbearable to those who hold the pickaxe and the shovel. Enfin, après un quart d'heure de difficultés et de momeries, pour ne pas couper les racines du chou et le déplanter sans dommage, tandis que des pelletées de terre sont lancées au nez des assistants (tant pis pour qui ne se range pas assez vite; fût-il évêque ou prince, il faut qu'il reçoive le baptême de la terre), le  païen tire la corde, la païenne tend son tablier, et le chou tombe majestueusement aux  vivat des spectateurs. Finally, after a quarter of an hour of difficulties and mummies, so as not to cut the roots of the cabbage and unpack it without damage, while shovelfuls of earth are thrown at the noses of the assistants (too bad for those who do not tidy up enough quickly; be he bishop or prince, he must receive the baptism of the earth), the pagan pulls the rope, the pagan holds out her apron, and the cabbage falls majestically to the cheers of the spectators. Alors on apporte la corbeille, et le couple païen y plante le chou avec toutes sortes de soins et de précautions. So we bring the basket, and the pagan couple plant the cabbage there with all kinds of care and precautions. On l'entoure de terre fraîche, on le soutient avec des baguettes et des liens, comme font les bouquetières des villes pour leurs splendides camélias en pot; on pique des pommes rouges au bout des baguettes, des branches de thym, de sauge et de laurier tout autour; on chamarre le tout de rubans et de banderoles; on recharge le trophée sur la civière avec le païen, qui doit le maintenir en équilibre et le préserver d'accident, et enfin on sort du jardin en bon ordre et au pas de marche. They surround it with fresh earth, support it with sticks and ties, as the flower-girls of the cities do for their splendid potted camellias; we prick red apples at the end of the chopsticks, branches of thyme, sage and bay leaf all around; the whole thing is decorated with ribbons and banners; we reload the trophy on the stretcher with the pagan, who must keep it in balance and protect it from accidents, and finally we leave the garden in good order and at a walking pace. Mais là quand il s'agit de franchir la porte, de même lorsque ensuite il s'agit d'entrer dans la cour de la maison du marié, un obstacle imaginaire si oppose au passage. But there when it comes to crossing the door, the same when it comes to entering the courtyard of the groom's house, such an imaginary obstacle in the way. Les porteurs du fardeau trébuchent, poussent de grandes exclamations, reculent, avancent encore, et, comme repoussés par une force invincible, feignent de succomber sous le poids. The bearers of the burden stumble, utter loud exclamations, recoil, advance again, and, as if repelled by an invincible force, pretend to succumb under the weight. Pendant cela, les assistants crient, excitent et calment l'attelage humain. During this, the assistants shout, excite and calm the human team. "Bellement, bellement, enfant! "Beautiful, beautiful, child! Là, là, courage! There, there, courage! Prenez garde! Take care! patience! patience! Baissez-vous. Get down. La porte est trop basse! The door is too low! Serrez-vous, elle est trop étroite! Hold tight, it's too narrow! un peu à gauche; à droite à présent! a little to the left; right now! allons, du cur, vous y êtes!" come on, you are there! " C'est ainsi que dans les années de récolte abondante, le char à bufs, chargé outre mesure de fourrage ou de moissons, se trouve trop large ou trop haut pour entrer sous le porche de la grange. Thus, in years of abundant harvest, the oxcart, overloaded with fodder or harvests, is too wide or too high to enter under the porch of the barn. C'est ainsi qu'on crie après les robustes animaux pour les retenir ou les exciter; c'est ainsi qu'avec de l'adresse et de vigoureux efforts on fait passer la montagne des richesses, sans l'écrouler, sous l'arc de triomphe rustique. It is thus that one shouts after the robust animals to restrain them or to excite them; thus, with skill and vigorous effort, the mountain of riches is made to pass, without collapsing it, under the rustic triumphal arch. C'est surtout le dernier charroi, appelé la  gerbaude , qui demande ces précautions, car c'est aussi une fête champêtre, et la dernière gerbe enlevée au dernier sillon est placée au sommet du char, ornée de rubans et de fleurs, de même que le front des bufs et l'aiguillon du bouvier Ainsi, l'entrée triomphale et pénible du chou dans la maison est un simulacre de la prospérité et de la fécondité qu'il représente. It is especially the last cart, called the gerbaude, which requires these precautions, because it is also a country feast, and the last sheaf removed at the last furrow is placed at the top of the chariot, decorated with ribbons and flowers, likewise that the brow of the oxen and the sting of the herdsman. Thus, the triumphal and painful entry of the cabbage into the house is a simulacrum of the prosperity and fertility that it represents. Arrivé dans la cour du marié, le chou est enlevé et porté au plus haut de la maison ou de la grange. Arrived in the groom's yard, the cabbage is removed and carried to the top of the house or barn. S'il est une cheminée, un pignon, un pigeonnier plus élevé que les autres faîtes, il faut, à tout risque, porter ce fardeau au point culminant de l'habitation. If there is a chimney, a gable, a dovecote higher than the others, it is necessary, at all risk, to carry this burden to the highest point of the dwelling. Le païen l'accompagne jusque-là, le fixe, et l'arrose d'un grand broc de vin, tandis qu'une salve de coups de pistolet et les contorsions joyeuses de la païenne signalent son inauguration. The heathen accompanies him there, fixes him, and waters him with a large jug of wine, while a salute of pistol shots and the joyful contortions of the heathen signal his inauguration. La même cérémonie recommence immédiatement. The same ceremony begins again immediately. On va déterrer un autre chou dans le jardin du marié pour le porter avec les mêmes formalités sur le toit que sa femme vient d'abandonner pour le suivre. We are going to dig up another cabbage in the groom's garden to carry it with the same formalities on the roof that his wife has just abandoned to follow him. Ces trophées restent là jusqu'à ce que le vent et la pluie détruisent les corbeilles et emportent le chou. These trophies stay there until the wind and rain destroy the baskets and wash away the cabbage. Mais ils y vivent assez longtemps pour donner quelque chance de succès à la prédiction que font les anciens et les matrones en le saluant: "Beau chou, disent-ils, vis et fleuris, afin que notre jeune mariée ait un beau petit enfant avant la fin de l'année; car si tu mourais trop vite ce serait signe de stérilité, et tu serais là-haut sur sa maison comme un mauvais présage." But they live there long enough to give some chance of success to the prediction that the elders and matrons make when they greet him: "Beautiful cabbage," they say, "live and flower, so that our young bride may have a beautiful little child before the end of the year; for if you died too soon it would be a sign of sterility, and you would be up there on his house like a bad omen. " La journée est déjà avancée quand toutes ces choses sont accomplies. The day is already late when all of these things are done. Il ne reste plus qu'à faire la conduite aux parrains et marraines des conjoints. All that remains is to do the driving to the godfathers and godmothers of the spouses. Quand ces parents putatifs demeurent au loin, on les accompagne avec la musique et toute la noce jusqu'aux limites de la paroisse. When these putative parents remain far away, they are accompanied with music and the whole wedding party to the limits of the parish. Là, on danse encore sur le chemin et on les embrasse en se séparant d'eux. There, we still dance on the path and we embrace them while separating from them. Le païen et sa femme sont alors débarbouillés et rhabillés proprement, quand la fatigue de leur rôle ne les a pas forcés à aller faire un somme. The pagan and his wife are then washed and dressed properly, when the fatigue of their role has not forced them to take a nap.

On dansait, on chantait et on mangeait encore à la métairie de Belair, ce troisième jour de noce, à minuit, lors du mariage de Germain. We danced, we sang and we still ate at Belair's farm, this third wedding day, at midnight, at Germain's wedding. Les anciens, attablés, ne pouvaient s'en aller, et pour cause. The elders, seated at tables, could not go away, and for good reason. Ils ne retrouvèrent leurs jambes et leurs esprits que le lendemain au petit jour. They did not regain their legs and their spirits until the next day at dawn. Alors, tandis que ceux-là regagnaient leurs demeures, silencieux et trébuchants, Germain, fier et dispos, sortit pour aller lier ses bufs, laissant sommeiller sa jeune compagne jusqu'au lever du soleil. So, while these were returning to their homes, silent and stumbling, Germain, proud and ready, went out to bind his oxen, letting his young companion doze until sunrise. L'alouette, qui chantait en montant vers les cieux, lui semblait être la voix de son cur rendant grâce à la Providence. The lark, which sang as it ascended towards the heavens, seemed to him to be the voice of his heart giving thanks to Providence. Le givre, qui brillait aux buissons décharnés, lui semblait la blancheur des fleurs d'avril précédant l'apparition des feuilles. The frost, which shone on the gaunt bushes, seemed to him the whiteness of the April flowers preceding the appearance of the leaves. Tout était riant et serein pour lui dans la nature. Everything was laughing and serene for him in nature. Le petit Pierre avait tant ri et tant sauté la veille, qu'il ne vint pas l'aider à conduire ses bufs; mais Germain était content d'être seul. Little Pierre had laughed and jumped so much the day before that he did not come to help him drive his oxen; but Germain was happy to be alone. Il se mit à genoux dans le sillon qu'il allait refendre, et fit la prière du matin avec une effusion si grande que deux larmes coulèrent sur ses joues encore humides de sueur He knelt in the furrow he was going to cut, and said the morning prayer with an effusion so great that two tears rolled down his cheeks still wet with sweat. On entendait au loin les chants des jeunes garçons des paroisses voisines, qui partaient pour retourner chez eux, et qui redisaient d'une voix un peu enrouée les refrains joyeux de la veille. In the distance we could hear the songs of young boys from neighboring parishes, who were leaving to return to their homes, and who repeated in a somewhat hoarse voice the joyous refrains of the day before.