×

We use cookies to help make LingQ better. By visiting the site, you agree to our cookie policy.


image

Arthur Bernède- Belphégor, 1-9 L'agonie d'un cœur

1-9 L'agonie d'un cœur

L'agonie d'un cœur

Dans un boudoir de style très moderne, aux meubles bas, massifs, aux tentures sombres et aux murs rectilignes que n'égayait aucun tableau, Simone Desroches, l'air alangui, était étendue sur un divan noir… Debout près d'elle, Maurice de Thouars, dont l'élégance raffinée accusait encore le type de bellâtre qu'il représentait avec une si constante infatuation, la contemplait avec une expression dans laquelle il entrait beaucoup plus de désir que de pitié.

D'une voix à laquelle il s'efforçait de donner une intonation à la fois persuasive et caressante, il lui disait :

– Permettez-moi, ma chère amie de vous affirmer, avec tout l'immense attachement que je vous porte, que vous avez eu tort d'envoyer Mlle Bergen chez Jacques Bellegarde…

« Ce journaliste était le dernier que vous eussiez dû choisir. Son âme est à l'antipode de la vôtre… Il n'a ni les élans, ni les inspirations d'un artiste…

« Ce qu'il vous eût fallu, à vous, c'était l'amant… Oui, l'amant intégral, celui qui ne vit que par l'amour… et pour l'amour…

Maurice de Thouars se pencha vers Simone… Mais, d'un geste las, la jeune femme l'écarta.

– Laissez-moi, fit-elle d'une voix brisée.

Et elle ajouta, le regard perdu et comme fixé sur un rêve entrevu s'envolant lentement :

– Je sens bien que vous avez raison. Mais comment vous écouterais-je, quand je ne m'entends plus moi-même ?

Tout à coup, son visage douloureux s'éclaira d'un furtif rayon d'espoir… Un cri léger lui échappa ; et sans trop d'effort apparent, elle se redressa sur son divan.

Mlle Bergen venait d'entrer dans la pièce… Elle avait encore son manteau et son chapeau… Vite, elle s'en fut vers Simone qui l'interrogeait d'un œil anxieux.

– Il va venir ! déclarait la Scandinave en saisissant les mains que son amie lui tendait.

– Il va venir ! répétait Simone, qui parut renaître subitement à l'existence.

Le visage de Maurice de Thouars se rembrunit.

– Quand cela ! interrogeait la poétesse.

– Dans un instant.

Un taxi stoppait devant l'hôtel… suivi à distance par la voiturette du mystérieux bossu.

Simone fit d'un ton presque impérieux :

– Laissez-moi.

M. de Thouars s'inclina avec déférence… Mlle Bergen lui fit signe de la suivre, et tous deux disparurent par une porte qui donnait dans un salon de même style que le boudoir.

Deux minutes après, un valet de chambre introduisait Jacques Bellegarde dans le boudoir de Simone. Celle-ci, brisée d'émotion, avait dû s'étendre de nouveau sur le divan noir. À la vue de son ami, les larmes qu'elle cherchait à contenir affluèrent à ses yeux… Et se levant, elle tendit ses mains tremblantes vers celui qui s'avançait vers elle, la figure grave et le regard attristé.

Un cri jaillit de ses lèvres :

– Toi enfin ! Toi !…

– Simone !

murmura Jacques, ému par ce grand déchirement.

Elle se laissa tomber dans ses bras en sanglotant :

– Je ne puis croire que tout soit fini !

Et comme il la sentait fléchir, Jacques, avec beaucoup de douceur, la fit asseoir sur le divan.

Il y eut un silence… un de ces silences pesants, presque tragiques qui semblent envelopper de mort les êtres et les choses.

– Jacques, reprenait Simone, je te demande pardon… J'ai eu tort !… mais il ne faut pas trop m'en vouloir… Je t'aime tellement… je t'aime trop !

Et elle soupira :

– J'aurais tant voulu être ta femme !

– Puisque c'est impossible ! déclarait Bellegarde avec un accent de compassion sous lequel on devinait une volonté inébranlable.

– Tu me l'as déjà dit !

Et… tout en désignant des lettres éparpillées sur un petit meuble placé à portée d'elle, la jeune femme ajouta :

– Tu me l'as même écrit… Mais, assieds-toi près de moi ! Que j'aie encore au moins, ne fût-ce que quelques minutes, l'illusion que tu es toujours un peu à moi.

Jacques obéit. Simone reprit aussitôt :

– Tes chères lettres, que chaque jour je trouvais à mon réveil, veux-tu que nous les relisions ensemble ?… Tu ne me réponds pas… Je t'ennuie !… C'est terrible ! Oh ! pourquoi ai-je voulu t'avoir tout à fait ?… Je le sens bien, c'est mon idée de mariage qui a tout gâté… J'ai rompu le charme !… Tu es comme moi autrefois… jaloux de ta liberté.

Sa main s'en fut vers les lettres… Elle en prit une.

Bellegarde eut un geste qui signifiait : À quoi bon ? Mais déjà, Simone, d'une voix désespérée, lisait :

Il faut renoncer à ce projet. Tu es riche et je suis sans fortune… Je ne puis pourtant pas commettre un crime…

– N'ai-je pas raison ? observait Jacques.

Simone reposa sa lettre sur le meuble ; puis elle laissa retomber la tête contre l'épaule de son ami… Elle ne parlait plus… Elle pleurait… Bellegarde sentait son cœur battre précipitamment contre le sien… Elle cherchait sa main timidement, comme si elle craignait qu'elle se refusât à son étreinte… Elle la saisit… l'enserra lentement… lentement…

Envahi d'une pitié qui réveillait en lui ce qu'il avait cru être de l'amour mais n'avait été qu'une fantaisie, Jacques allait, d'un impulsif et brûlant baiser, sceller de nouveau la chaîne qu'il croyait avoir à tout jamais rompue, lorsque la pensée de Colette surgit tout à coup dans son esprit.

L'espace d'un éclair il se figura qu'elle était là, tout près de lui, qu'elle se penchait à son oreille et qu'elle lui murmurait : « Prenez garde ! Instantanément, Bellegarde eut l'impression qu'une main le retenait au bord du précipice… Sa volonté, tout d'un coup, s'en trouva raffermie. Et, avec l'inconsciente cruauté d'un homme qui a hâte d'en finir, il s'écria :

– Non, je ne veux pas !… Je ne peux pas !

Simone s'effondra et se cacha la tête dans les coussins. Jacques la regarda, et se souvenant de ce que Mlle Bergen lui avait dit quelques instants auparavant, il songea :

« Si c'était vrai ? Et son angoisse se traduisit par cette pensée :

« Si j'allais la tuer ! Secoué d'une émotion contre laquelle il était à présent incapable de se défendre, il allait s'approcher d'elle et, sinon lui céder entièrement, mais tout au moins lui rendre assez d'espoir pour qu'elle se reprît à accepter la vie, lorsque, brusquement, Simone se releva.

Bellegarde eut un sursaut d'étonnement… Elle était entièrement transformée. Certes, son visage portait encore la trace mieux que de ses larmes, c'est-à-dire de tout l'affreux désarroi qui l'avait bouleversée… mais il révélait surtout une résignation que seule peut inspirer l'acceptation subite d'un total sacrifice.

Le reporter, troublé par ce si brusque revirement, se demandait :

« Que s'est-il passé en elle et que va-t-elle me dire ? Debout, très calme, d'une voix dans laquelle il n'y avait plus trace de sanglots, toute pleine à la fois de mélancolie et de courage, humaine et touchante expression d'un deuil librement consenti et vaillamment supporté, Simone scanda :

– La lumière vient de se faire en moi… C'est toi qui as raison !… Je t'ai adoré et je t'adore encore… Toi, tu croyais m'aimer lorsque je ne t'avais inspiré qu'un caprice… Prolonger un tel malentendu serait vouloir notre commun malheur… J'abîmerais ta vie et tu désolerais la mienne. Mieux vaut donc nous séparer…

– Simone !

– Tu peux partir sans crainte. Je n'ai contre toi aucune amertume et je ne veux garder, au cours des jours que je vais vivre, que le souvenir d'un rêve qui était trop beau pour ne point s'évanouir.

« Les jours que je vais vivre !… » Ces mots sur lesquels Simone avait particulièrement insisté parurent libérer Bellegarde d'une grande anxiété.

– Simone, fit-il, très ému, c'est à mon tour de te demander pardon.

– Je te le répète, affirmait la jeune femme, je ne t'en veux pas ! Je souhaite, au contraire, que tu réussisses brillamment dans la carrière que tu as choisie… et au cours de laquelle, je m'en rends compte à présent, j'ai été déjà pour toi une entrave… Adieu, Jacques, va et sois heureux !

– Adieu… Simone…, reprit Bellegarde.

Et s'emparant de la main de son amie, pour la dernière fois il y appuya ses lèvres. Simone détourna la tête pour ne pas le voir partir. Quand il eut disparu, sans une larme, sans un soupir, sans une plainte, elle s'en fut, d'un geste las, ramasser les lettres éparses sur le petit meuble ; elle en fit un paquet qu'elle noua avec une faveur bleue qui traînait à côté d'elle… et elle l'enferma dans son secrétaire… Alors… brusquement, elle porta la main à sa poitrine et voulu faire quelques pas… Mais, chancelant et tournant sur elle-même, elle tomba inanimée sur le parquet.

Au même moment, une tenture se soulevait. C'étaient Mlle Bergen et Maurice de Thouars qui se précipitaient à son secours. Tandis que M. de Thouars la transportait sur le divan, Mlle Bergen appelait les domestiques.

Juliette, la femme de chambre, accourut la première.

– Vite, un flacon de sels, réclamait la demoiselle de compagnie, qui avait rejoint Simone et soutenait dans ses bras sa tête pâle et alanguie.

Avec colère, Maurice de Thouars s'écriait :

– Ce journaliste, c'est lui qui l'a assassinée !

Tandis que le bellâtre proférait ce cri de haine contre Jacques, celui-ci filait à bonne allure dans son taxi, toujours suivi par le bossu mystérieux, qui semblait décidé à ne pas lâcher sa proie.

1-9 L'agonie d'un cœur 1-9 Die Agonie eines Herzens 1-9 The agony of a heart 1-9 La agonía de un corazón

L’agonie d’un cœur

Dans un boudoir de style très moderne, aux meubles bas, massifs, aux tentures sombres et aux murs rectilignes que n’égayait aucun tableau, Simone Desroches, l’air alangui, était étendue sur un divan noir… Debout près d’elle, Maurice de Thouars, dont l’élégance raffinée accusait encore le type de bellâtre qu’il représentait avec une si constante infatuation, la contemplait avec une expression dans laquelle il entrait beaucoup plus de désir que de pitié.

D’une voix à laquelle il s’efforçait de donner une intonation à la fois persuasive et caressante, il lui disait :

– Permettez-moi, ma chère amie de vous affirmer, avec tout l’immense attachement que je vous porte, que vous avez eu tort d’envoyer Mlle Bergen chez Jacques Bellegarde…

« Ce journaliste était le dernier que vous eussiez dû choisir. Son âme est à l’antipode de la vôtre… Il n’a ni les élans, ni les inspirations d’un artiste…

« Ce qu’il vous eût fallu, à vous, c’était l’amant… Oui, l’amant intégral, celui qui ne vit que par l’amour… et pour l’amour…

Maurice de Thouars se pencha vers Simone… Mais, d’un geste las, la jeune femme l’écarta.

– Laissez-moi, fit-elle d’une voix brisée.

Et elle ajouta, le regard perdu et comme fixé sur un rêve entrevu s’envolant lentement :

– Je sens bien que vous avez raison. Mais comment vous écouterais-je, quand je ne m’entends plus moi-même ?

Tout à coup, son visage douloureux s’éclaira d’un furtif rayon d’espoir… Un cri léger lui échappa ; et sans trop d’effort apparent, elle se redressa sur son divan.

Mlle Bergen venait d’entrer dans la pièce… Elle avait encore son manteau et son chapeau… Vite, elle s’en fut vers Simone qui l’interrogeait d’un œil anxieux.

– Il va venir ! déclarait la Scandinave en saisissant les mains que son amie lui tendait.

– Il va venir ! répétait Simone, qui parut renaître subitement à l’existence.

Le visage de Maurice de Thouars se rembrunit.

– Quand cela ! interrogeait la poétesse.

– Dans un instant.

Un taxi stoppait devant l’hôtel… suivi à distance par la voiturette du mystérieux bossu.

Simone fit d’un ton presque impérieux :

– Laissez-moi.

M. de Thouars s’inclina avec déférence… Mlle Bergen lui fit signe de la suivre, et tous deux disparurent par une porte qui donnait dans un salon de même style que le boudoir.

Deux minutes après, un valet de chambre introduisait Jacques Bellegarde dans le boudoir de Simone. Celle-ci, brisée d’émotion, avait dû s’étendre de nouveau sur le divan noir. À la vue de son ami, les larmes qu’elle cherchait à contenir affluèrent à ses yeux… Et se levant, elle tendit ses mains tremblantes vers celui qui s’avançait vers elle, la figure grave et le regard attristé.

Un cri jaillit de ses lèvres :

– Toi enfin ! Toi !…

– Simone !

murmura Jacques, ému par ce grand déchirement.

Elle se laissa tomber dans ses bras en sanglotant :

– Je ne puis croire que tout soit fini !

Et comme il la sentait fléchir, Jacques, avec beaucoup de douceur, la fit asseoir sur le divan.

Il y eut un silence… un de ces silences pesants, presque tragiques qui semblent envelopper de mort les êtres et les choses.

– Jacques, reprenait Simone, je te demande pardon… J’ai eu tort !… mais il ne faut pas trop m’en vouloir… Je t’aime tellement… je t’aime trop !

Et elle soupira :

– J’aurais tant voulu être ta femme !

– Puisque c’est impossible ! déclarait Bellegarde avec un accent de compassion sous lequel on devinait une volonté inébranlable.

– Tu me l’as déjà dit !

Et… tout en désignant des lettres éparpillées sur un petit meuble placé à portée d’elle, la jeune femme ajouta :

– Tu me l’as même écrit… Mais, assieds-toi près de moi ! Que j’aie encore au moins, ne fût-ce que quelques minutes, l’illusion que tu es toujours un peu à moi.

Jacques obéit. Simone reprit aussitôt :

– Tes chères lettres, que chaque jour je trouvais à mon réveil, veux-tu que nous les relisions ensemble ?… Tu ne me réponds pas… Je t’ennuie !… C’est terrible ! Oh ! pourquoi ai-je voulu t’avoir tout à fait ?… Je le sens bien, c’est mon idée de mariage qui a tout gâté… J’ai rompu le charme !… Tu es comme moi autrefois… jaloux de ta liberté.

Sa main s’en fut vers les lettres… Elle en prit une.

Bellegarde eut un geste qui signifiait : À quoi bon ? Mais déjà, Simone, d’une voix désespérée, lisait :

Il faut renoncer à ce projet. Tu es riche et je suis sans fortune… Je ne puis pourtant pas commettre un crime…

–  N’ai-je pas raison ? observait Jacques.

Simone reposa sa lettre sur le meuble ; puis elle laissa retomber la tête contre l’épaule de son ami… Elle ne parlait plus… Elle pleurait… Bellegarde sentait son cœur battre précipitamment contre le sien… Elle cherchait sa main timidement, comme si elle craignait qu’elle se refusât à son étreinte… Elle la saisit… l’enserra lentement… lentement…

Envahi d’une pitié qui réveillait en lui ce qu’il avait cru être de l’amour mais n’avait été qu’une fantaisie, Jacques allait, d’un impulsif et brûlant baiser, sceller de nouveau la chaîne qu’il croyait avoir à tout jamais rompue, lorsque la pensée de Colette surgit tout à coup dans son esprit.

L’espace d’un éclair il se figura qu’elle était là, tout près de lui, qu’elle se penchait à son oreille et qu’elle lui murmurait : « Prenez garde ! Instantanément, Bellegarde eut l’impression qu’une main le retenait au bord du précipice… Sa volonté, tout d’un coup, s’en trouva raffermie. Et, avec l’inconsciente cruauté d’un homme qui a hâte d’en finir, il s’écria :

– Non, je ne veux pas !… Je ne peux pas !

Simone s’effondra et se cacha la tête dans les coussins. Jacques la regarda, et se souvenant de ce que Mlle Bergen lui avait dit quelques instants auparavant, il songea :

« Si c’était vrai ? Et son angoisse se traduisit par cette pensée :

« Si j’allais la tuer ! Secoué d’une émotion contre laquelle il était à présent incapable de se défendre, il allait s’approcher d’elle et, sinon lui céder entièrement, mais tout au moins lui rendre assez d’espoir pour qu’elle se reprît à accepter la vie, lorsque, brusquement, Simone se releva.

Bellegarde eut un sursaut d’étonnement… Elle était entièrement transformée. Certes, son visage portait encore la trace mieux que de ses larmes, c’est-à-dire de tout l’affreux désarroi qui l’avait bouleversée… mais il révélait surtout une résignation que seule peut inspirer l’acceptation subite d’un total sacrifice.

Le reporter, troublé par ce si brusque revirement, se demandait :

« Que s’est-il passé en elle et que va-t-elle me dire ? Debout, très calme, d’une voix dans laquelle il n’y avait plus trace de sanglots, toute pleine à la fois de mélancolie et de courage, humaine et touchante expression d’un deuil librement consenti et vaillamment supporté, Simone scanda :

– La lumière vient de se faire en moi… C’est toi qui as raison !… Je t’ai adoré et je t’adore encore… Toi, tu croyais m’aimer lorsque je ne t’avais inspiré qu’un caprice… Prolonger un tel malentendu serait vouloir notre commun malheur… J’abîmerais ta vie et tu désolerais la mienne. Mieux vaut donc nous séparer…

– Simone !

– Tu peux partir sans crainte. Je n’ai contre toi aucune amertume et je ne veux garder, au cours des jours que je vais vivre, que le souvenir d’un rêve qui était trop beau pour ne point s’évanouir.

«  Les jours que je vais vivre !… » Ces mots sur lesquels Simone avait particulièrement insisté parurent libérer Bellegarde d’une grande anxiété.

– Simone, fit-il, très ému, c’est à mon tour de te demander pardon.

– Je te le répète, affirmait la jeune femme, je ne t’en veux pas ! Je souhaite, au contraire, que tu réussisses brillamment dans la carrière que tu as choisie… et au cours de laquelle, je m’en rends compte à présent, j’ai été déjà pour toi une entrave… Adieu, Jacques, va et sois heureux !

– Adieu… Simone…, reprit Bellegarde.

Et s’emparant de la main de son amie, pour la dernière fois il y appuya ses lèvres. Simone détourna la tête pour ne pas le voir partir. Quand il eut disparu, sans une larme, sans un soupir, sans une plainte, elle s’en fut, d’un geste las, ramasser les lettres éparses sur le petit meuble ; elle en fit un paquet qu’elle noua avec une faveur bleue qui traînait à côté d’elle… et elle l’enferma dans son secrétaire… Alors… brusquement, elle porta la main à sa poitrine et voulu faire quelques pas… Mais, chancelant et tournant sur elle-même, elle tomba inanimée sur le parquet.

Au même moment, une tenture se soulevait. C’étaient Mlle Bergen et Maurice de Thouars qui se précipitaient à son secours. Tandis que M. de Thouars la transportait sur le divan, Mlle Bergen appelait les domestiques.

Juliette, la femme de chambre, accourut la première.

– Vite, un flacon de sels, réclamait la demoiselle de compagnie, qui avait rejoint Simone et soutenait dans ses bras sa tête pâle et alanguie.

Avec colère, Maurice de Thouars s’écriait :

– Ce journaliste, c’est lui qui l’a assassinée !

Tandis que le bellâtre proférait ce cri de haine contre Jacques, celui-ci filait à bonne allure dans son taxi, toujours suivi par le bossu mystérieux, qui semblait décidé à ne pas lâcher sa proie.