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La Tronche en Biais, 03b. La dissonance cognitive. Partie 2/2.

03b. La dissonance cognitive. Partie 2/2.

[Mendax] La dissonance cognitive, est-ce que ça marche seulement avec les histoires de fin du monde ?

Non. On la retrouve dans toutes sortes de situations, et en particulier en présence d'une croyance dont il est possible de démontrer qu'elle est fausse, mais que certaines personnes continuent de croire. [Mendax] Ok. Comme l'homéopathie. C'est un bon exemple, mais on fera de la polémique dans un prochain épisode, si tu veux bien ! [Mendax] Ou comme la psychanalyse ?

C'est… Oui, bon... [Mendax] Et toutes les religions.

Crois-tu, Mendax, qu'il soit plus utile de partager avec une telle insistance ton avis (au demeurant fort pertinent) sur des croyances particulières, plutôt que d'expliquer comment il se fait que ce soit si facile et intuitif de défendre des croyances fausses ? [Mendax] Fausse dichotomie, monsieur Tapas ! Cette question est en soi un sophisme que je tiens à dénoncer. On peut très bien expliquer la dissonance cognitive et en même temps faire remarquer que les médiums sont tous des manipulateurs ou des gens perturbés. Ou les deux.

(Soupir) Pour bien comprendre l'état d'une personne souffrant de dissonance cognitive, songeons au ministre de la magie Cornelius Fudge. [Mendax] Hein... Ben v'là autre chose. Malgré les preuves et les témoignages qui s'accumulent, il refuse de croire au retour de « Vous-Savez-Qui » parce qu'il veut absolument que ce soit faux. C'est un peu comme le sens de l'équilibre. Le cerveau analyse le signal de l'oreille interne qui le renseigne sur la position du haut et du bas ; mais si ces infos ne coïncident pas avec les données visuelles, on ressent un vertige, un désagréable malaise. Le fond du problème est que notre estime de nous-mêmes - mine de rien - est l'un de nos biens les plus précieux. Pour certaines personnes, il peut être très humiliant d'admettre qu'on a tort, qu'on a eu tort, ou même que l'on a été trompé. Plus nous avons défendu avec force une opinion de manière publique, plus l'humiliation est cuisante. Nous cherchons donc des moyens d'évacuer ce malaise. Les psychologues appellent ça réduire la dissonance.

[Mendax] Eh bien je pense, mon cher Vled, qu'il serait vraiment très intéressant que tu nous expliques les stratégies à employer pour retrouver une totale congruence mentale en osmose avec notre estime de nous-mêmes. Tu serais mignon. En fait je n'ai pas vraiment de recette à proposer ; nous employons tous les mêmes stratégies de manière inconsciente. On a même découvert chez certains singes des mécanismes mentaux similaires, car eux aussi font la douloureuse expérience de la dissonance cognitive. En quoi consistent ces réponses universelles de réduction de la dissonance ?

● 1. Rajouter des éléments consonants. C'est-à-dire trouver des arguments à l'appui de notre opinion, des raisons de penser ce qu'on pense, ou au contraire changer d'avis en accumulant des raisons de le faire. ● 2. Ôter des éléments dissonants. C'est-à-dire renoncer à un comportement qui n'est pas en accord avec nos valeurs, ou bien renoncer à croire quelque chose. ● Mais le mécanisme le plus intéressant est le troisième : 3. Modifier l'importance relative des éléments dissonants par rapport aux éléments consonants. Par exemple si un individu résiste à une tentation particulièrement dévorante. Pour lui, avoir conscience des récompenses auxquelles il a renoncé (jouissances, satisfaction, soulagement, etc.) est une source de dissonance : pourquoi renoncer à ce dont on a envie ?

Pour retrouver un bon équilibre cognitif, l'individu va accroitre l'importance morale de son acte, accroitre la valeur qu'il accorde à la récompense mentale d'avoir vaincu cette vile tentation. Ce faisant, son positionnement sur les questions morales devient plus strict, et se renforce à chaque fois que la tentation se présente. Cela incite à penser que les personnes qui se montrent publiquement les plus sévères sur les questions morales sont aussi celles qui doivent produire les efforts les plus intenses pour repousser la tentation d'enfreindre les règles qu'ils professent. Une multitude d'exemples semblent corroborer cette idée dans le paysage politique américain où bon nombre des personnages publics les plus homophobes ont été éclaboussés par des scandales homosexuels. [Mendax] On a droit à quelques noms en France ?

[Mendax] Non non ‘dax. Cette émission n'est pas un tabloïde. Fiche-moi le camp !

[Mendax] Oh ! Tu tiens si… Ah, rabat-joie. Je m'en vais comme un prince. Voilà… En m'excusant, mais comme un prince… Le malaise que provoque la dissonance cognitive est un phénomène normal, et il est même bénéfique. C'est parce que nous avons un besoin impérieux de cohérence que nous parvenons à construire une pensée, que nous avons accès à la logique. Et inversement, c'est parce que la logique et la cohérence apportent à notre lignée biologique des avantages de poids, que nous avons hérité de ce besoin impérieux. [Mendax] En somme, sans besoin de cohérence, pas de pensée méthodique.

Voilà.

[Mendax] Mais à trop vouloir de la cohérence là où il n'y en a pas, on manque parfois de pensée méthodique. C'est ça Mendax, t'as tout compris ! [Mendax] J'aime quand j'ai tout compris ! Parce que notre cerveau n'est pas une machine parfaite, parce que nous nous laissons souvent guidés dans nos choix par des éléments irrationnels, nous nous retrouvons tous, de temps à autre, dans des situations de dissonance cognitive. Mais le plus souvent elles sont bénignes et ne menacent pas notre vision du monde, ce qui fait que nous sommes capables de changer d'avis ou bien de considérer que le problème est mineur. Mais parfois… C'est douloureux… Les candidats aux programmes de téléréalité savent à quoi ils s'exposent : une notoriété probablement éphémère et un risque très fort d'être tourné en ridicule et de jouer le rôle d'idiot du village. Ils participent en connaissance de cause, et pourtant quand le jury les écarte après une prestation dispensable, certains d'entre eux se rebiffent et critiquent d'autant plus le jury qu'ils étaient investis dans leur participation. On peut supposer qu'ils n'auraient pas éprouvé le besoin de rabaisser à ce point le jury s'ils avaient été retenus. Rabaisser le jugement des jurés leur évite de se déjuger eux-mêmes.

[Mendax] Et quand les jurés sont des trous du cul, est-ce que ça marche quand même ?

Oui, parce que ça ne change pas vraiment les données du problème. À cause de notre peur de l'humiliation, bien souvent nous croyons penser comme des scientifiques, alors qu'en fait, nous raisonnons comme des avocats : nous défendons une thèse, pas parce qu'elle est vraie, mais parce que c'est la nôtre, qu'on y tient et qu'on ne veut pas perdre. [Mendax] Oh, c'est génial, la dissonance cognitive, ça explique tout ! Non, justement. Ça n'a pas vocation à tout expliquer, et c'est pour ça que c'est un concept valable. La dissonance cognitive éclaire les mécanismes par lesquels nous sommes capables de persister dans des croyances réfutées, mais pas pourquoi on se met à croire dans des choses étranges, loufoques, absurdes, arriérées ou dangereuses.

Mais il est vrai que le besoin de réduire la dissonance peut expliquer ce qui motive certaines attaques personnelles lors de débats : réduire la valeur de l'individu qui défend une opinion contraire devient un moyen de réduire la dissonance. Si j'ai de l'estime pour celui qui me contredit, je me retrouve dans une situation très inconfortable ; car l'estime, le respect que j'éprouve pour cette personne se répercute sur la valeur de ce qu'elle a à dire, des idées qu'elle défend. Si je la rabaisse, si je la compare aux nazis des heures les plus sombres de notre Histoire, j'éprouve un soulagement, j'ai souillé la personne et par une sorte d'Effet Halo j'ai en même temps ôté de la valeur aux idées qu'elle défend. [Mendax] Oh là là ! Tu es l'air tellement sûr de toi quand tu dis ça. Tu sais qui était aussi sûr de lui comme ça ? Adolf Hitler !! Merci Mendax de participer brillamment à cette démonstration.

[Mendax] Le bon côté des choses, c'est que les millions de gens qui verront cette vidéo, pourront mettre fin aux attaques « ad hominem » qui pullulent sur Internet. … J'ai comme un doute.

03b. La dissonance cognitive. Partie 2/2. 03b. Die kognitive Dissonanz. Teil 2/2. 03b. Cognitive dissonance. Part 2/2. 03b. Dissonanza cognitiva. Parte 2/2. 03b. Kognitiv dissonans. Del 2/2. 03b.认知失调。第 2/2 部分。

[Mendax] La dissonance cognitive, est-ce que ça marche seulement avec les histoires de fin du monde ?

Non. On la retrouve dans toutes sortes de situations, et en particulier en présence d'une croyance dont il est possible de démontrer qu'elle est fausse, mais que certaines personnes continuent de croire. [Mendax] Ok. Comme l'homéopathie. C'est un bon exemple, mais on fera de la polémique dans un prochain épisode, si tu veux bien ! [Mendax] Ou comme la psychanalyse ?

C'est… Oui, bon... [Mendax] Et toutes les religions.

Crois-tu, Mendax, qu'il soit plus utile de partager avec une telle insistance ton avis (au demeurant fort pertinent) sur des croyances particulières, plutôt que d'expliquer comment il se fait que ce soit si facile et intuitif de défendre des croyances fausses ? Denken Sie, Mendax, dass es sinnvoller ist, Ihre (übrigens sehr relevante) Meinung zu bestimmten Überzeugungen mit solcher Beharrlichkeit zu teilen, anstatt zu erklären, wie es so einfach und intuitiv ist, falsche Überzeugungen zu verteidigen? [Mendax] Fausse dichotomie, monsieur Tapas ! Cette question est en soi un sophisme que je tiens à dénoncer. On peut très bien expliquer la dissonance cognitive et en même temps faire remarquer que les médiums sont tous des manipulateurs ou des gens perturbés. Ou les deux.

(Soupir) Pour bien comprendre l'état d'une personne souffrant de dissonance cognitive, songeons au ministre de la magie Cornelius Fudge. [Mendax] Hein... Ben v'là autre chose. Malgré les preuves et les témoignages qui s'accumulent, il refuse de croire au retour de « Vous-Savez-Qui » parce qu'il veut absolument que ce soit faux. Trotz der sich häufenden Beweise und Zeugenaussagen weigert er sich, an die Rückkehr von „You-know-who“ zu glauben, weil er unbedingt will, dass sie falsch ist. C'est un peu comme le sens de l'équilibre. Le cerveau analyse le signal de l'oreille interne qui le renseigne sur la position du haut et du bas ; mais si ces infos ne coïncident pas avec les données visuelles, on ressent un vertige, un désagréable malaise. Le fond du problème est que notre estime de nous-mêmes - mine de rien - est l'un de nos biens les plus précieux. Pour certaines personnes, il peut être très humiliant d'admettre qu'on a tort, qu'on a eu tort, ou même que l'on a été trompé. Plus nous avons défendu avec force une opinion de manière publique, plus l'humiliation est cuisante. Nous cherchons donc des moyens d'évacuer ce malaise. Les psychologues appellent ça réduire la dissonance.

[Mendax] Eh bien je pense, mon cher Vled, qu'il serait vraiment très intéressant que tu nous expliques les stratégies à employer pour retrouver une totale congruence mentale en osmose avec notre estime de nous-mêmes. Tu serais mignon. Du wärst süß. En fait je n'ai pas vraiment de recette à proposer ; nous employons tous les mêmes stratégies de manière inconsciente. On a même découvert chez certains singes des mécanismes mentaux similaires, car eux aussi font la douloureuse expérience de la dissonance cognitive. En quoi consistent ces réponses universelles de réduction de la dissonance ? Was sind diese universellen Dissonanzreduktionsreaktionen?

● 1. Rajouter des éléments consonants. C'est-à-dire trouver des arguments à l'appui de notre opinion, des raisons de penser ce qu'on pense, ou au contraire changer d'avis en accumulant des raisons de le faire. ● 2. Ôter des éléments dissonants. C'est-à-dire renoncer à un comportement qui n'est pas en accord avec nos valeurs, ou bien renoncer à croire quelque chose. ● Mais le mécanisme le plus intéressant est le troisième : 3. Modifier l'importance relative des éléments dissonants par rapport aux éléments consonants. Par exemple si un individu résiste à une tentation particulièrement dévorante. Pour lui, avoir conscience des récompenses auxquelles il a renoncé (jouissances, satisfaction, soulagement, etc.) est une source de dissonance : pourquoi renoncer à ce dont on a envie ?

Pour retrouver un bon équilibre cognitif, l'individu va accroitre l'importance morale de son acte, accroitre la valeur qu'il accorde à la récompense mentale d'avoir vaincu cette vile tentation. Ce faisant, son positionnement sur les questions morales devient plus strict, et se renforce à chaque fois que la tentation se présente. Cela incite à penser que les personnes qui se montrent publiquement les plus sévères sur les questions morales sont aussi celles qui doivent produire les efforts les plus intenses pour repousser la tentation d'enfreindre les règles qu'ils professent. Une multitude d'exemples semblent corroborer cette idée dans le paysage politique américain où bon nombre des personnages publics les plus homophobes ont été éclaboussés par des scandales homosexuels. [Mendax] On a droit à quelques noms en France ?

[Mendax] Non non ‘dax. Cette émission n'est pas un tabloïde. Fiche-moi le camp !

[Mendax] Oh ! Tu tiens si…  Ah, rabat-joie. Je m'en vais comme un prince. Voilà… En m'excusant, mais comme un prince… Le malaise que provoque la dissonance cognitive est un phénomène normal, et il est même bénéfique. C'est parce que nous avons un besoin impérieux de cohérence que nous parvenons à construire une pensée, que nous avons accès à la logique. Et inversement, c'est parce que la logique et la cohérence apportent à notre lignée biologique des avantages de poids, que nous avons hérité de ce besoin impérieux. [Mendax] En somme, sans besoin de cohérence, pas de pensée méthodique.

Voilà.

[Mendax] Mais à trop vouloir de la cohérence là où il n'y en a pas, on manque parfois de pensée méthodique. C'est ça Mendax, t'as tout compris ! [Mendax] J'aime quand j'ai tout compris ! Parce que notre cerveau n'est pas une machine parfaite, parce que nous nous laissons souvent guidés dans nos choix par des éléments irrationnels, nous nous retrouvons tous, de temps à autre, dans des situations de dissonance cognitive. Mais le plus souvent elles sont bénignes et ne menacent pas notre vision du monde, ce qui fait que nous sommes capables de changer d'avis ou bien de considérer que le problème est mineur. Mais parfois… C'est douloureux… Les candidats aux programmes de téléréalité savent à quoi ils s'exposent : une notoriété probablement éphémère et un risque très fort d'être tourné en ridicule et de jouer le rôle d'idiot du village. Ils participent en connaissance de cause, et pourtant quand le jury les écarte après une prestation dispensable, certains d'entre eux se rebiffent et critiquent d'autant plus le jury qu'ils étaient investis dans leur participation. On peut supposer qu'ils n'auraient pas éprouvé le besoin de rabaisser à ce point le jury s'ils avaient été retenus. Rabaisser le jugement des jurés leur évite de se déjuger eux-mêmes.

[Mendax] Et quand les jurés sont des trous du cul, est-ce que ça marche quand même ?

Oui, parce que ça ne change pas vraiment les données du problème. À cause de notre peur de l'humiliation, bien souvent nous croyons penser comme des scientifiques, alors qu'en fait, nous raisonnons comme des avocats : nous défendons une thèse, pas parce qu'elle est vraie, mais parce que c'est la nôtre, qu'on y tient et qu'on ne veut pas perdre. [Mendax] Oh, c'est génial, la dissonance cognitive, ça explique tout ! Non, justement. Ça n'a pas vocation à tout expliquer, et c'est pour ça que c'est un concept valable. La dissonance cognitive éclaire les mécanismes par lesquels nous sommes capables de persister dans des croyances réfutées, mais pas pourquoi on se met à croire dans des choses étranges, loufoques, absurdes, arriérées ou dangereuses.

Mais il est vrai que le besoin de réduire la dissonance peut expliquer ce qui motive certaines attaques personnelles lors de débats : réduire la valeur de l'individu qui défend une opinion contraire devient un moyen de réduire la dissonance. Si j'ai de l'estime pour celui qui me contredit, je me retrouve dans une situation très inconfortable ; car l'estime, le respect que j'éprouve pour cette personne se répercute sur la valeur de ce qu'elle a à dire, des idées qu'elle défend. Si je la rabaisse, si je la compare aux nazis des heures les plus sombres de notre Histoire, j'éprouve un soulagement, j'ai souillé la personne et par une sorte d'Effet Halo j'ai en même temps ôté de la valeur aux idées qu'elle défend. [Mendax] Oh là là ! Tu es l'air tellement sûr de toi quand tu dis ça. Tu sais qui était aussi sûr de lui comme ça ? Adolf Hitler !! Merci Mendax de participer brillamment à cette démonstration.

[Mendax] Le bon côté des choses, c'est que les millions de gens qui verront cette vidéo, pourront mettre fin aux attaques « ad hominem » qui pullulent sur Internet. … J'ai comme un doute.