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Honoré de Balzac. L’Auberge rouge., 03. Honoré de Balzac. L’Auberge rouge. Partie 3/9.

03. Honoré de Balzac. L'Auberge rouge. Partie 3/9.

Le bon Allemand reprit sa narration après avoir ainsi, sans respect pour le romantisme et la couleur locale, baptisé le sous-aide français d'un nom germanique.

– Au moment où les deux jeunes gens arrivèrent à Andernach, il était donc nuit close. Présumant qu'ils perdraient beaucoup de temps à trouver leurs chefs, à s'en faire reconnaître, à obtenir d'eux un gîte militaire dans une ville déjà pleine de soldats, ils avaient résolu de passer leur dernière nuit de liberté dans une auberge située à une centaine de pas d'Andernach, et de laquelle ils avaient admiré, du haut des rochers, les riches couleurs embellies par les feux du soleil couchant. Entièrement peinte en rouge, cette auberge produisait un piquant effet dans le paysage, soit en se détachant sur la masse générale de la ville, soit en opposant son large rideau de pourpre à la verdure des différents feuillages, et sa teinte vive aux tons grisâtres de l'eau. Cette maison devait son nom à la décoration extérieure qui lui avait été sans doute imposée depuis un temps immémorial par le caprice de son fondateur. Une superstition mercantile assez naturelle aux différents possesseurs de ce logis, renommé parmi les mariniers du Rhin, en avait fait soigneusement conserver le costume. En entendant le pas des chevaux, le maître de l'Auberge rouge vint sur le seuil de la porte.

– Par Dieu, s'écria-t-il, messieurs, un peu plus tard vous auriez été forcés de coucher à la belle étoile, comme la plupart de vos compatriotes qui bivouaquent de l'autre côté d'Andernach. Chez moi, tout est occupé ! Si vous tenez à coucher dans un bon lit, je n'ai plus que ma propre chambre à vous offrir. Quant à vos chevaux, je vais leur faire mettre une litière dans un coin de la cour. Aujourd'hui, mon écurie est pleine de chrétiens.

– Ces messieurs viennent de France, reprit-il après une légère pause.

– De Bonn, s'écria Prosper. Et nous n'avons encore rien mangé depuis ce matin.

– Oh ! quant aux vivres ! dit l'aubergiste en hochant la tête. On vient de dix lieues à la ronde faire des noces à l'Auberge rouge. Vous allez avoir un festin de prince, le poisson du Rhin [1] ! c'est tout dire.

Après avoir confié leurs montures fatiguées aux soins de l'hôte, qui appelait assez inutilement ses valets, les sous-aides entrèrent dans la salle commune de l'auberge. Les nuages épais et blanchâtres exhalés par une nombreuse assemblée de fumeurs ne leur permirent pas de distinguer d'abord les gens avec lesquels ils allaient se trouver ; mais lorsqu'ils se furent assis près d'une table, avec la patience pratique de ces voyageurs philosophes qui ont reconnu l'inutilité du bruit, ils démêlèrent, à travers les vapeurs du tabac, les accessoires obligés d'une auberge allemande : le poêle, l'horloge, les tables, les pots de bière, les longues pipes ; çà et là des figures hétéroclites, juives, allemandes ; puis les visages rudes de quelques mariniers. Les épaulettes de plusieurs officiers français étincelaient dans ce brouillard, et le cliquetis des éperons et des sabres retentissait incessamment sur le carreau. Les uns jouaient aux cartes, d'autres se disputaient, se taisaient, mangeaient, buvaient ou se promenaient. Une grosse petite femme, ayant le bonnet de velours noir, la pièce d'estomac [2] bleu et argent, la pelote, le trousseau de clefs, l'agrafe d'argent, les cheveux tressés, marques distinctives de toutes les maîtresses d'auberges allemandes, et dont le costume est, d'ailleurs, si exactement colorié dans une foule d'estampes, qu'il est trop vulgaire pour être décrit, la femme de l'aubergiste donc, fit patienter et impatienter les deux amis avec une habileté fort remarquable. Insensiblement le bruit diminua, les voyageurs se retirèrent, et le nuage de fumée se dissipa. Lorsque le couvert des sous-aides fut mis, que la classique carpe du Rhin parut sur la table, onze heures sonnaient, et la salle était vide. Le silence de la nuit laissait entendre vaguement, et le bruit que faisaient les chevaux en mangeant leur provende [3] ou en piaffant, et le murmure des eaux du Rhin, et ces espèces de rumeurs indéfinissables qui animent une auberge pleine quand chacun s'y couche. Les portes et les fenêtres s'ouvraient et se fermaient, des voix murmuraient de vagues paroles, et quelques interpellations retentissaient dans les chambres. En ce moment de silence et de tumulte, les deux Français, et l'hôte occupé à leur vanter Andernach, le repas, son vin du Rhin, l'armée républicaine et sa femme, écoutèrent avec une sorte d'intérêt les cris rauques de quelques mariniers et les bruissements d'un bateau qui abordait au port. L'aubergiste, familiarisé sans doute avec les interrogations gutturales de ces bateliers, sortit précipitamment, et revint bientôt. Il ramena un gros petit homme derrière lequel marchaient deux mariniers portant une lourde valise et quelques ballots. Ses paquets déposés dans la salle, le petit homme prit lui-même sa valise et la garda près de lui, en s'asseyant sans cérémonie à table devant les deux sous-aides.

– Allez coucher à votre bateau, dit-il aux mariniers, puisque l'auberge est pleine. Tout bien considéré, cela vaudra mieux.

– Monsieur, dit l'hôte au nouvel arrivé, voilà tout ce qui me reste de provisions.

Et il montrait le souper servi aux deux Français.

– Je n'ai pas une croûte de pain, pas un os.

– Et de la choucroute ?

– Pas de quoi mettre dans le dé de ma femme ! Comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, vous ne pouvez avoir d'autre lit que la chaise sur laquelle vous êtes, et d'autre chambre que cette salle.

À ces mots, le petit homme jeta sur l'hôte, sur la salle et sur les deux Français, un regard où la prudence et l'effroi se peignirent également.

– Ici je dois vous faire observer, dit monsieur Hermann en s'interrompant, que nous n'avons jamais su ni le véritable nom ni l'histoire de cet inconnu ; seulement, ses papiers ont appris qu'il venait d'Aix-la-Chapelle ; il avait pris le nom de Walhenfer, et possédait aux environs de Neuwied une manufacture d'épingles assez considérable. Comme tous les fabricants de ce pays, il portait une redingote de drap commun, une culotte et un gilet en velours vert foncé, des bottes et une large ceinture de cuir. Sa figure était toute ronde, ses manières franches et cordiales ; mais pendant cette soirée il lui fut très difficile de déguiser entièrement des appréhensions secrètes ou peut- être de cruels soucis. L'opinion de l'aubergiste a toujours été que ce négociant allemand fuyait son pays. Plus tard, j'ai su que sa fabrique avait été brûlée par un de ces hasards malheureusement si fréquents en temps de guerre. Malgré son expression généralement soucieuse, sa physionomie annonçait une grande bonhomie. Il avait de beaux traits, et surtout un large cou dont la blancheur était si bien relevée par une cravate noire, que Wilhem le montra par raillerie à Prosper.....

Ici, monsieur Taillefer but un verre d'eau.

– Prosper offrit avec courtoisie au négociant de partager leur souper, et Wahlenfer accepta sans façon, comme un homme qui se sentait en mesure de reconnaître cette politesse ; il coucha sa valise à terre, mit ses pieds dessus, ôta son chapeau, s'attabla, se débarrassa de ses gants et de deux pistolets qu'il avait à sa ceinture. L'hôte ayant promptement donné un couvert, les trois convives commencèrent à satisfaire assez silencieusement leur appétit. L'atmosphère de la salle était si chaude et les mouches si nombreuses, que Prosper pria l'hôte d'ouvrir la croisée qui donnait sur la porte, afin de renouveler l'air. Cette fenêtre était barricadée par une barre de fer dont les deux bouts entraient dans des trous pratiqués aux deux coins de l'embrasure. Pour plus de sécurité, deux écrous, attachés à chacun des volets, recevaient deux vis. Par hasard, Prosper examina la manière dont s'y prenait l'hôte pour ouvrir la fenêtre.

– Mais, puisque je vous parle des localités, nous dit monsieur Hermann, je dois vous dépeindre les dispositions intérieures de l'auberge ; car, de la connaissance exacte des lieux, dépend l'intérêt de celle histoire. La salle où se trouvaient les trois personnages dont je vous parle avait deux portes de sortie. L'une donnait sur le chemin d'Andernach qui longe le Rhin. Là, devant l'auberge, se trouvait naturellement un petit débarcadère où le bateau, loué par le négociant pour son voyage, était amarré. L'autre porte avait sa sortie sur la cour de l'auberge. Cette cour était entourée de murs très élevés, et remplie, pour le moment, de bestiaux et de chevaux, les écuries étant pleines de monde. La grande porte venait d'être si soigneusement barricadée, que, pour plus de promptitude, l'hôte avait fait entrer le négociant et les mariniers par la porte de la salle qui donnait sur la rue. Après avoir ouvert la fenêtre, selon le désir de Prosper Magnan, il se mit à fermer cette porte, glissa les barres dans leurs trous, et vissa les écrous. La chambre de l'hôte, où devaient coucher les deux sous-aides était contiguë à la salle commune, et se trouvait séparée par un mur assez léger de la cuisine, où l'hôtesse et son mari devaient probablement passer la nuit. La servante venait de sortir, et d'aller chercher son gîte dans quelque crèche, dans le coin d'un grenier, ou partout ailleurs. Il est facile de comprendre que la salle commune, la chambre de l'hôte et la cuisine, étaient en quelque sorte isolées du reste de l'auberge. Il y avait dans la cour deux gros chiens, dont les aboiements graves annonçaient des gardiens vigilants et très irritables.

– Quel silence et quelle belle nuit ! dit Wilhem en regardant le ciel, lorsque l'hôte eut fini de fermer la porte.

Alors le clapotis des flots était le seul bruit qui se fit entendre.

– Messieurs, dit le négociant aux deux Français, permettez-moi de vous offrir quelques bouteilles de vin pour arroser votre carpe. Nous nous délasserons de la fatigue de la journée en buvant. À votre air et à l'état de vos vêtements, je vois que, comme moi, vous avez bien fait du chemin aujourd'hui.

Les deux amis acceptèrent, et l'hôte sortit par la porte de la cuisine pour aller à sa cave, sans doute située sous cette partie du bâtiment. Lorsque cinq vénérables bouteilles, apportées par l'aubergiste, furent sur la table, sa femme achevait de servir le repas. Elle donna à la salle et aux mets son coup d'œil de maîtresse de maison ; puis, certaine d'avoir prévenu toutes les exigences des voyageurs, elle rentra dans la cuisine.


03. Honoré de Balzac. L’Auberge rouge. Partie 3/9. 03. Honoré de Balzac. L'Auberge rouge. Part 3/9. 03. Honoré de Balzac. L'Auberge rouge. Parte 3/9. 03. Honoré de Balzac. L'Auberge rouge. Parte 3/9.

Le bon Allemand reprit sa narration après avoir ainsi, sans respect pour le romantisme et la couleur locale, baptisé le sous-aide français d’un nom germanique. The good German resumed his narration after having thus, without respect for romanticism and local color, baptized the French assistant with a Germanic name.

– Au moment où les deux jeunes gens arrivèrent à Andernach, il était donc nuit close. – When the two young people arrived in Andernach, it was therefore closed night. Présumant qu’ils perdraient beaucoup de temps à trouver leurs chefs, à s’en faire reconnaître, à obtenir d’eux un gîte militaire dans une ville déjà pleine de soldats, ils avaient résolu de passer leur dernière nuit de liberté dans une auberge située à une centaine de pas d’Andernach, et de laquelle ils avaient admiré, du haut des rochers, les riches couleurs embellies par les feux du soleil couchant. Presuming that they would lose a great deal of time in finding their chiefs, in making themselves known to them, in obtaining from them a military lodging in a city already full of soldiers, they had resolved to pass their last night of freedom in an inn situated a hundred paces from Andernach, and from which they had admired, from the top of the rocks, the rich colors embellished by the lights of the setting sun. Presumiendo que perderían mucho tiempo en encontrar a sus jefes, hacer que les reconocieran y conseguir que les dieran alojamiento militar en una ciudad que ya estaba llena de soldados, habían decidido pasar su última noche de libertad en una posada situada a unos cien pasos de Andernach, desde donde habían admirado, desde lo alto de las rocas, los ricos colores embellecidos por los fuegos del sol poniente. Entièrement peinte en rouge, cette auberge produisait un piquant effet dans le paysage, soit en se détachant sur la masse générale de la ville, soit en opposant son large rideau de pourpre à la verdure des différents feuillages, et sa teinte vive aux tons grisâtres de l’eau. Entirely painted in red, this inn produced a piquant effect in the landscape, either by standing out against the general mass of the city, or by contrasting its wide purple curtain with the greenery of the various foliage, and its lively hue with the grayish tones of the water. Cette maison devait son nom à la décoration extérieure qui lui avait été sans doute imposée depuis un temps immémorial par le caprice de son fondateur. This house owed its name to the exterior decoration which had undoubtedly been imposed on it from time immemorial by the whim of its founder. Une superstition mercantile assez naturelle aux différents possesseurs de ce logis, renommé parmi les mariniers du Rhin, en avait fait soigneusement conserver le costume. A mercantile superstition, quite natural to the various owners of this dwelling, renowned among the Rhine sailors, had carefully preserved its costume. En entendant le pas des chevaux, le maître de l’Auberge rouge vint sur le seuil de la porte. Hearing the footsteps of the horses, the master of the Red Inn came to the doorstep.

– Par Dieu, s’écria-t-il, messieurs, un peu plus tard vous auriez été forcés de coucher à la belle étoile, comme la plupart de vos compatriotes qui bivouaquent de l’autre côté d’Andernach. “By God,” he cried, “gentlemen, a little later you would have been forced to sleep under the stars, like most of your compatriots who bivouac on the other side of Andernach. Chez moi, tout est occupé ! At home, everything is busy! Si vous tenez à coucher dans un bon lit, je n’ai plus que ma propre chambre à vous offrir. If you want to sleep in a good bed, I have only my own room to offer you. Quant à vos chevaux, je vais leur faire mettre une litière dans un coin de la cour. As for your horses, I will have them put litter in a corner of the yard. En cuanto a tus caballos, haré que les pongan una litera en un rincón del patio. Aujourd’hui, mon écurie est pleine de chrétiens. Today my stable is full of Christians.

– Ces messieurs viennent de France, reprit-il après une légère pause. “These gentlemen come from France,” he went on after a slight pause.

– De Bonn, s’écria Prosper. “From Bonn!” exclaimed Prosper. Et nous n’avons encore rien mangé depuis ce matin. And we haven't eaten anything since this morning.

– Oh ! quant aux vivres ! as for food! dit l’aubergiste en hochant la tête. said the innkeeper, shaking his head. On vient de dix lieues à la ronde faire des noces à l’Auberge rouge. People have come from ten leagues around to have a wedding at the Auberge rouge. Vous allez avoir un festin de prince, le poisson du Rhin [1] ! You are going to have a princely feast, the Rhine fish [1]! c’est tout dire. that says it all.

Après avoir confié leurs montures fatiguées aux soins de l’hôte, qui appelait assez inutilement ses valets, les sous-aides entrèrent dans la salle commune de l’auberge. After entrusting their weary mounts to the care of the host, who called his valets rather uselessly, the assistants entered the common room of the inn. Les nuages épais et blanchâtres exhalés par une nombreuse assemblée de fumeurs ne leur permirent pas de distinguer d’abord les gens avec lesquels ils allaient se trouver ; mais lorsqu’ils se furent assis près d’une table, avec la patience pratique de ces voyageurs philosophes qui ont reconnu l’inutilité du bruit, ils démêlèrent, à travers les vapeurs du tabac, les accessoires obligés d’une auberge allemande : le poêle, l’horloge, les tables, les pots de bière, les longues pipes ; çà et là des figures hétéroclites, juives, allemandes ; puis les visages rudes de quelques mariniers. The thick, whitish clouds exhaled by a large assembly of smokers did not allow them to distinguish at first the people with whom they were going to be; but when they were seated near a table, with the practical patience of those philosophical travelers who have recognized the uselessness of noise, they disentangled, through the fumes of tobacco, the obligatory accessories of a German inn: the stove, clock, tables, pots of beer, long pipes; here and there heterogeneous figures, Jewish, German; then the rough faces of a few sailors. Las espesas y blanquecinas nubes exhaladas por una gran asamblea de fumadores no les permitieron al principio distinguir a las personas con las que iban a encontrarse; pero cuando se hubieron sentado cerca de una mesa, con la paciencia práctica de aquellos viajeros filosóficos que han reconocido la inutilidad del ruido, desentrañaron, a través de los vapores del tabaco, los accesorios obligatorios de una posada alemana: la estufa, el reloj, las mesas, las jarras de cerveza, las largas pipas; aquí y allá figuras abigarradas, judías, alemanas; luego los rostros rudos de algunos barqueros. Les épaulettes de plusieurs officiers français étincelaient dans ce brouillard, et le cliquetis des éperons et des sabres retentissait incessamment sur le carreau. The epaulettes of several French officers sparkled in this mist, and the clanking of spurs and sabers resounded incessantly on the tiled floor. Les uns jouaient aux cartes, d’autres se disputaient, se taisaient, mangeaient, buvaient ou se promenaient. Some played cards, others argued, were silent, ate, drank or walked. Une grosse petite femme, ayant le bonnet de velours noir, la pièce d’estomac [2] bleu et argent, la pelote, le trousseau de clefs, l’agrafe d’argent, les cheveux tressés, marques distinctives de toutes les maîtresses d’auberges allemandes, et dont le costume est, d’ailleurs, si exactement colorié dans une foule d’estampes, qu’il est trop vulgaire pour être décrit, la femme de l’aubergiste donc, fit patienter et impatienter les deux amis avec une habileté fort remarquable. A fat little woman, with the black velvet bonnet, the blue and silver stomach piece [2], the pincushion, the bunch of keys, the silver clasp, the braided hair, distinctive marks of all the mistresses of German inns, and whose costume is, moreover, so exactly colored in a crowd of prints, that it is too vulgar to be described, the innkeeper's wife, therefore, made the two friends patient and impatient with a very remarkable skill. Una mujercita gorda, con la cofia de terciopelo negro, el parche azul y plateado en el vientre [2], el manguito, el manojo de llaves, el broche de plata, el pelo trenzado, las señas de identidad de todas las dueñas de posadas alemanas, La mujer del posadero hizo esperar e impacientar a los dos amigos con notable habilidad. Insensiblement le bruit diminua, les voyageurs se retirèrent, et le nuage de fumée se dissipa. Insensibly the noise diminished, the travelers withdrew, and the cloud of smoke dissipated. Lorsque le couvert des sous-aides fut mis, que la classique carpe du Rhin parut sur la table, onze heures sonnaient, et la salle était vide. When the cover of sub-aids was laid, the classic Rhine carp appeared on the table, eleven o'clock struck, and the room was empty. Le silence de la nuit laissait entendre vaguement, et le bruit que faisaient les chevaux en mangeant leur provende [3] ou en piaffant, et le murmure des eaux du Rhin, et ces espèces de rumeurs indéfinissables qui animent une auberge pleine quand chacun s’y couche. The silence of the night hinted vaguely, and the noise made by the horses eating their feed [3] or stamping their feet, and the murmur of the waters of the Rhine, and those kinds of indefinable rumors which animate a full inn when everyone sleeps there. Les portes et les fenêtres s’ouvraient et se fermaient, des voix murmuraient de vagues paroles, et quelques interpellations retentissaient dans les chambres. Doors and windows opened and closed, voices murmured vague words, and a few interpellations resounded in the rooms. En ce moment de silence et de tumulte, les deux Français, et l’hôte occupé à leur vanter Andernach, le repas, son vin du Rhin, l’armée républicaine et sa femme, écoutèrent avec une sorte d’intérêt les cris rauques de quelques mariniers et les bruissements d’un bateau qui abordait au port. At this moment of silence and tumult, the two Frenchmen, and the host busy boasting to them of Andernach, the meal, his Rhine wine, the Republican army and his wife, listened with a kind of interest to the hoarse cries of a few boatmen and the rustling of a boat which approached the port. En ese momento de silencio y tumulto, los dos franceses y el anfitrión, ocupado en presumir de Andernach, de la comida, de su vino del Rin, del ejército republicano y de su mujer, escucharon con una especie de interés los gritos roncos de unos marineros y el susurro de un barco que llegaba a puerto. L’aubergiste, familiarisé sans doute avec les interrogations gutturales de ces bateliers, sortit précipitamment, et revint bientôt. The innkeeper, no doubt acquainted with the guttural interrogations of these boatmen, hurried out, and returned soon. Il ramena un gros petit homme derrière lequel marchaient deux mariniers portant une lourde valise et quelques ballots. He brought back a fat little man, behind whom were two sailors carrying a heavy suitcase and a few bales. Ses paquets déposés dans la salle, le petit homme prit lui-même sa valise et la garda près de lui, en s’asseyant sans cérémonie à table devant les deux sous-aides. His packets dropped in the hall, the little man took his own suitcase and kept it near him, sitting unceremoniously at the table in front of the two subaids.

– Allez coucher à votre bateau, dit-il aux mariniers, puisque l’auberge est pleine. "Go and sleep at your boat," he said to the sailors, "since the inn is full. Tout bien considéré, cela vaudra mieux. All things considered, it will be better.

– Monsieur, dit l’hôte au nouvel arrivé, voilà tout ce qui me reste de provisions. "Monsieur," said the guest to the newcomer, "that's all I have left.

Et il montrait le souper servi aux deux Français. And he showed the supper served to the two Frenchmen.

– Je n’ai pas une croûte de pain, pas un os. – I don't have a crust of bread, not a bone.

– Et de la choucroute ? "And sauerkraut?" - ¿Y chucrut?

– Pas de quoi mettre dans le dé de ma femme ! - Not enough to put in my wife's thimble! Comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, vous ne pouvez avoir d’autre lit que la chaise sur laquelle vous êtes, et d’autre chambre que cette salle. As I have had the honor to tell you, you can have no other bed than the chair on which you are, and no other room than this room.

À ces mots, le petit homme jeta sur l’hôte, sur la salle et sur les deux Français, un regard où la prudence et l’effroi se peignirent également. At these words, the little man cast a look on the host, on the hall, and on the two Frenchmen, in which prudence and terror were also depicted.

– Ici je dois vous faire observer, dit monsieur Hermann en s’interrompant, que nous n’avons jamais su ni le véritable nom ni l’histoire de cet inconnu ; seulement, ses papiers ont appris qu’il venait d’Aix-la-Chapelle ; il avait pris le nom de Walhenfer, et possédait aux environs de Neuwied une manufacture d’épingles assez considérable. "Here I must make you observe," said Mr. Hermann, interrupting himself, "that we have never known either the true name or the story of this stranger; only his papers have learned that he came from Aix-la-Chapelle; he had taken the name Walhenfer, and possessed in the neighborhood of Neuwied a considerable manufactory of pins. Comme tous les fabricants de ce pays, il portait une redingote de drap commun, une culotte et un gilet en velours vert foncé, des bottes et une large ceinture de cuir. Like all manufacturers in this country, he wore a frock coat of common cloth, breeches and a waistcoat of dark green velvet, boots and a wide leather belt. Sa figure était toute ronde, ses manières franches et cordiales ; mais pendant cette soirée il lui fut très difficile de déguiser entièrement des appréhensions secrètes ou peut- être de cruels soucis. His face was round, his manners frank and cordial; but during this evening it was very difficult for him to disguise entirely secret apprehensions or perhaps cruel worries. L’opinion de l’aubergiste a toujours été que ce négociant allemand fuyait son pays. The innkeeper's opinion has always been that this German merchant fled his country. Plus tard, j’ai su que sa fabrique avait été brûlée par un de ces hasards malheureusement si fréquents en temps de guerre. Later, I knew that his factory had been burned by one of those coincidences unfortunately so frequent in time of war. Malgré son expression généralement soucieuse, sa physionomie annonçait une grande bonhomie. In spite of his generally worried expression, his countenance announced a great good-nature. Il avait de beaux traits, et surtout un large cou dont la blancheur était si bien relevée par une cravate noire, que Wilhem le montra par raillerie à Prosper..... He had fine features, and especially a broad neck, the whiteness of which was so well raised by a black tie, that Wilhem mocked it to Prosper.

Ici, monsieur Taillefer but un verre d’eau. Here, Mr. Taillefer drank a glass of water.

– Prosper offrit avec courtoisie au négociant de partager leur souper, et Wahlenfer accepta sans façon, comme un homme qui se sentait en mesure de reconnaître cette politesse ; il coucha sa valise à terre, mit ses pieds dessus, ôta son chapeau, s’attabla, se débarrassa de ses gants et de deux pistolets qu’il avait à sa ceinture. – Prosper courteously offered the merchant to share their supper, and Wahlenfer accepted without ceremony, like a man who felt able to recognize this politeness; he laid his suitcase on the ground, put his feet on it, took off his hat, sat down to a table, got rid of his gloves and the two pistols he had in his belt. L’hôte ayant promptement donné un couvert, les trois convives commencèrent à satisfaire assez silencieusement leur appétit. The host having promptly given a place, the three guests began to satisfy their appetites rather silently. L’atmosphère de la salle était si chaude et les mouches si nombreuses, que Prosper pria l’hôte d’ouvrir la croisée qui donnait sur la porte, afin de renouveler l’air. The atmosphere of the room was so hot and the flies so numerous that Prosper begged the guest to open the window that opened on the door to renew the air. Cette fenêtre était barricadée par une barre de fer dont les deux bouts entraient dans des trous pratiqués aux deux coins de l’embrasure. This window was barricaded by an iron bar, the two ends of which entered into holes made at the two corners of the embrasure. Esta ventana estaba atrincherada con una barra de hierro, cuyos dos extremos encajaban en los agujeros practicados en las dos esquinas de la tronera. Pour plus de sécurité, deux écrous, attachés à chacun des volets, recevaient deux vis. For added security, two nuts, attached to each shutter, received two screws. Par hasard, Prosper examina la manière dont s’y prenait l’hôte pour ouvrir la fenêtre. By chance, Prosper examined the host's way of opening the window.

– Mais, puisque je vous parle des localités, nous dit monsieur Hermann, je dois vous dépeindre les dispositions intérieures de l’auberge ; car, de la connaissance exacte des lieux, dépend l’intérêt de celle histoire. “But, since I am speaking to you of localities,” Monsieur Hermann told us, “I must describe to you the interior arrangements of the inn; because, on the exact knowledge of the places, depends the interest of this history. - Pero ya que le hablo de las localidades -dice el señor Hermann-, debo describirle la distribución interior de la posada, porque el interés de esta historia depende de un conocimiento exacto del lugar. La salle où se trouvaient les trois personnages dont je vous parle avait deux portes de sortie. The room where the three characters I am talking about were located had two exit doors. L’une donnait sur le chemin d’Andernach qui longe le Rhin. One overlooked the Chemin d'Andernach which runs along the Rhine. Là, devant l’auberge, se trouvait naturellement un petit débarcadère où le bateau, loué par le négociant pour son voyage, était amarré. There, in front of the inn, was naturally a small landing stage where the boat, rented by the trader for his journey, was moored. L’autre porte avait sa sortie sur la cour de l’auberge. The other door had its exit on the courtyard of the inn. Cette cour était entourée de murs très élevés, et remplie, pour le moment, de bestiaux et de chevaux, les écuries étant pleines de monde. This courtyard was surrounded by very high walls, and filled, for the moment, with cattle and horses, the stables being full of people. La grande porte venait d’être si soigneusement barricadée, que, pour plus de promptitude, l’hôte avait fait entrer le négociant et les mariniers par la porte de la salle qui donnait sur la rue. The main door had just been so carefully barricaded that, for greater promptness, the host had made the merchant and the bargees enter by the door of the room which opened on the street. Après avoir ouvert la fenêtre, selon le désir de Prosper Magnan, il se mit à fermer cette porte, glissa les barres dans leurs trous, et vissa les écrous. After opening the window, according to Prosper Magnan's wishes, he began to close this door, slipped the bars into their holes, and screwed the nuts. La chambre de l’hôte, où devaient coucher les deux sous-aides était contiguë à la salle commune, et se trouvait séparée par un mur assez léger de la cuisine, où l’hôtesse et son mari devaient probablement passer la nuit. The host's room, where the two subaids were supposed to sleep, was contiguous to the common room, and was separated by a rather light wall from the kitchen, where the hostess and her husband were probably to spend the night. La servante venait de sortir, et d’aller chercher son gîte dans quelque crèche, dans le coin d’un grenier, ou partout ailleurs. The servant had just gone out, and went to find her lodging in some manger, in the corner of an attic, or everywhere else. Il est facile de comprendre que la salle commune, la chambre de l’hôte et la cuisine, étaient en quelque sorte isolées du reste de l’auberge. It is easy to understand that the common room, the guest bedroom and the kitchen, were somehow isolated from the rest of the inn. Il y avait dans la cour deux gros chiens, dont les aboiements graves annonçaient des gardiens vigilants et très irritables. There were two large dogs in the yard, whose grave barking announced vigilant and very irritable guardians.

– Quel silence et quelle belle nuit ! – What a silence and what a beautiful night! dit Wilhem en regardant le ciel, lorsque l’hôte eut fini de fermer la porte. said Wilhem, looking up at the sky, when the host had finished closing the door.

Alors le clapotis des flots était le seul bruit qui se fit entendre. Then the lapping of the waves was the only sound that was heard.

– Messieurs, dit le négociant aux deux Français, permettez-moi de vous offrir quelques bouteilles de vin pour arroser votre carpe. “Gentlemen,” said the merchant to the two Frenchmen, “allow me to offer you a few bottles of wine to wash down your carp. Nous nous délasserons de la fatigue de la journée en buvant. We will relax from the fatigue of the day by drinking. À votre air et à l’état de vos vêtements, je vois que, comme moi, vous avez bien fait du chemin aujourd’hui. From your appearance and the state of your clothes, I see that, like me, you have come a long way today.

Les deux amis acceptèrent, et l’hôte sortit par la porte de la cuisine pour aller à sa cave, sans doute située sous cette partie du bâtiment. The two friends agreed, and the host went out through the kitchen door to his cellar, no doubt under that part of the building. Lorsque cinq vénérables bouteilles, apportées par l’aubergiste, furent sur la table, sa femme achevait de servir le repas. When five venerable bottles, brought by the innkeeper, were on the table, his wife was finishing serving the meal. Elle donna à la salle et aux mets son coup d’œil de maîtresse de maison ; puis, certaine d’avoir prévenu toutes les exigences des voyageurs, elle rentra dans la cuisine. She gave the dining room and the dishes her hostess' glance; then, certain of having anticipated all the demands of the travellers, she returned to the kitchen.