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Marcel Proust. Sur la Lecture ; Un Baiser & La madeleine de Proust., 01. Marcel Proust. Sur la Lecture. Partie 1/9.

01. Marcel Proust. Sur la Lecture. Partie 1/9.

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[Introduction à lire impérativement pour la compréhension de la pièce :

« Nous détachons ces pages d'une préface que Monsieur Marcel Proust a écrite pour une traduction des "Trésors des Rois" (Sésame et les Lys), de John Ruskin, qu'il doit publier prochainement aux éditions du Mercure de France.

Des "Trésors et des Rois"et de Ruskin, il est ici fort peu question, comme on le verra.

Monsieur Marcel Proust s'est réservé d'accompagner le texte de Ruskin d'un fréquent et minutieux commentaire.

Mais dans la préface que nous donnons ici, prenant seulement texte et prétexte de ce que le sujet des "Trésors des Rois" est l'utilité de la Lecture, il n'a au contraire visé qu'à exposer ses propres idées sur la Lecture, très différentes de celles de Ruskin.

Ce n'est donc pas en somme une étude ruskinienne, mais une sorte d'essai purement personnel que Monsieur Marcel Proust s'est trouvé peu à peu amené à écrire et dont nos lecteurs auront aujourd'hui la primeur.

» ]

================================================================== Marcel Proust. Sur la Lecture.

Il n'y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré.

Tout ce qui, semblait-il, les remplissait pour les autres et que nous écartions comme un obstacle vulgaire à un plaisir divin ; le jeu pour lequel un ami venait nous chercher au passage le plus intéressant, l'abeille ou le rayon de soleil gênants qui nous forçaient à lever les yeux de sur la page ou à changer de place, les provisions de goûter qu'on nous avait fait emporter et que nous laissions à côté de nous sur le banc, sans y toucher, tandis qu'au-dessus de notre tête le soleil diminuait de force dans le ciel bleu, le dîner pour lequel il avait fallu rentrer et où nous ne pensions qu'à monter tout de suite après, finir le chapitre interrompu, tout cela, dont la lecture aurait dû nous empêcher de percevoir autre chose que l'importunité, elle en gravait au contraire en nous un souvenir tellement doux, tellement plus précieux – à notre jugement actuel – que ce que nous lisions alors avec tant d'amour que, s'il nous arrive encore aujourd'hui de feuilleter ces livres d'autrefois, ce n'est plus que comme les seuls calendriers que nous ayons gardés des jours enfuis, et avec l'espoir de voir réflétés sur leurs pages les demeures et les étangs qui n'existent plus.

Qui ne se souvient comme moi de ces lectures faites au temps des vacances; qu'on allait cacher successivement dans toutes celles des heures du jour qui étaient assez paisibles et assez inviolables pour pouvoir leur donner asile.

Le matin, en rentrant du parc, quand tout le monde était parti « faire une promenade », je me glissais dans la salle à manger où, jusqu'à l'heure encore lointaine du déjeuner, personne n'entrerait que la vieille Félicie relativement silencieuse, et où je n'aurais pour compagnons, très respectueux de la lecture, que les assiettes peintes accrochées au mur, le calendrier dont la feuille de la veille avait été fraîchement arrachée, la pendule et le feu qui parlent sans demander qu'on leur réponde et dont les doux propos vides de sens ne viennent pas comme les paroles des hommes se substituer un différent à celui des mots que vous lisez. Je m'installais sur une chaise, près du petit feu de bois, dont, pendant le déjeuner, l'oncle matinal et jardinier dirait : « Il ne fait pas de mal! On supporte très bien un peu de feu; je vous assure qu'à six heures il faisait joliment froid dans le potager. Et dire que c'est dans huit jours Pâques! » Avant le déjeuner qui, hélas!, mettrait fin à la lecture, on avait encore deux grandes heures. De temps en temps on entendait le bruit de la pompe d'où l'eau allait découler et qui vous faisait lever les yeux vers elle et la regarder à travers la fenêtre fermée, là, tout près, dans l'unique allée du jardinet qui bordait de briques et de faïences en demi-lunes ses plates-bandes de pensées, des pensées cueillies, semblait-il, dans ces ciels trop beaux, ces ciels versicolores et comme reflétés des vitraux de l'église qu'on voyait parfois entre les toits du village, ciels tristes qui apparaissaient avant les orages, ou après, trop tard, quand la journée allait finir. Malheureusement la cuisinière venait longtemps d'avance mettre le couvert; et encore elle l'avait mis sans parler ! Mais elle croyait devoir dire : « Vous n'êtes pas bien comme cela ; si je vous approchais une table ? » Et rien que pour répondre : « Non, merci bien », il fallait arrêter net et ramener de loin sa voix qui, en dedans des lèvres, répétait sans bruit, en courant, tous les mots que les yeux avaient lus ; il fallait l'arrêter, la faire sortir, et, pour dire convenablement : « Non, merci bien », lui donner une apparence de vie ordinaire, une intonation de réponse, qu'elle avait perdues. L'heure passait ; souvent, longtemps avant le déjeuner, commençaient à arriver dans la salle à manger ceux qui, étant fatigués, avaient abrégé la promenade, avaient « pris par Méséglise », ou ceux qui n'étaient pas sortis ce matin-là, « ayant à écrire ». Ils disaient bien : « Je ne veux pas te déranger », mais commençaient aussitôt à s'approcher du feu, à consulter l'heure, à déclarer que le déjeuner « ne serait pas mal accueilli ». Quelques-uns, sans plus attendre, s'asseyaient d'avance à table, à leurs places. Cela, c'était la désolation, car ce serait d'un mauvais exemple pour les autres arrivants, allait faire croire qu'il était déjà midi, et prononcer trop tôt à mes parents la parole fatale : « Allons, ferme ton livre, on va déjeuner. » Tout était prêt, le couvert était entièrement mis sur la table, où manquait seulement ce qu'on n'apportait qu'à la fin du repas, l'appareil en verre où l'oncle horticulteur et cuisinier faisait lui-même le café à table, tubulaire et compliqué comme un instrument de physique qui aurait senti bon ; et où c'était si agréable de voir monter dans la cloche de verre l'ébullition soudaine qui laissait ensuite aux parois embuées une cendre odorante et brune ; et aussi la crème et les fraises que le même oncle mêlait, dans des proportions toujours identiques, s'arrêtant exactement au rose qu'il fallait avec l'expérience d'un coloriste et la divination d'un gourmand. Que le déjeuner me paraissait long ! Ma grand'tante ne faisait que goûter aux plats, pour donner son avis avec une douceur qui supportait, mais n'admettait pas la contradiction. Pour un roman, pour des vers, choses où elle se connaissait très bien, elle s'en remettait toujours, avec une humilité de femme, à l'avis de plus compétents. Elle pensait que c'était là le domaine flottant du caprice où le goût d'un seul ne peut pas fixer la vérité. Mais sur les choses dont les règles et les principes lui avaient été enseignés par sa mère, sur la manière de faire certains plats, de jouer les sonates de Beethoven, et de recevoir avec amabilité, elle était certaine d'avoir une idée juste de la perfection et de discerner si les autres s'en rapprochaient plus ou moins. Pour les trois choses, d'ailleurs, la perfection était presque la même : c'était une sorte de simplicité dans les moyens, de sobriété et de charme. Elle repoussait avec horreur qu'on mît des épices dans les plats qui n'en exigent pas absolument, qu'on jouât avec affectation et abus de pédales, qu'en « recevant » on sortit d'un naturel parfait et parlât de soi avec exagération. Dès la première bouchée, aux premières notes, sur un simple billet, elle avait la prétention de savoir si elle avait affaire à une bonne cuisinière, à un vrai musicien, à une femme bien élevée. « Elle peut avoir beaucoup plus de doigté que moi, mais elle manque de goût en jouant avec tant d'emphase cet andante si simple. » « Ce peut être une femme très brillante et remplie de qualités, mais c'est un manque de tact de parler de soi en cette circonstance. » « Ce peut être une cuisinière très savante, mais elle ne sait pas faire le bifteck aux pommes. » Le bifteck aux pommes ! morceau de concours idéal, difficile par sa simplicité même, sorte de « Sonate pathétique » de la cuisine, équivalent gastronomique de ce qu'est dans la vie sociale la visite de la dame qui vient vous demander des renseignements sur un domestique et qui, dans un acte si simple, peut à tel point faire preuve, ou manquer, de tact et d'éducation. Mon grand-père avait tant d'amour-propre qu'il aurait voulu que tous les plats fussent réussis, et s'y connaissait trop peu en cuisine pour jamais savoir quand ils étaient manqués. Il voulait bien admettre qu'ils le fussent parfois, très rarement d'ailleurs, mais seulement par un pur effet du hasard. Les critiques toujours motivées de ma grand'tante, impliquant au contraire que la cuisinière n'avait pas su faire tel plat, ne pouvaient manquer de paraître particulièrement intolérables à mon grand-père. Souvent, pour éviter des discussions avec lui, ma grand'tante, après avoir goûté du bout des lèvres, ne donnait pas son avis, ce qui, d'ailleurs, nous faisait connaître immédiatement qu'il était défavorable. Elle se taisait, mais nous lisions dans ses yeux doux une désapprobation inébranlable et réfléchie qui avait le don de mettre mon grand-père en fureur. Il la priait ironiquement de donner son avis, s'impatientait de son silence, la pressait de questions, s'emportait, mais on sentait qu'on l'aurait conduite au martyre plutôt que de lui faire confesser la croyance de mon grand-père : que l'entremets n'était pas trop sucré.


01. Marcel Proust. Sur la Lecture. Partie 1/9. 01. Marcel Proust. Über das Lesen. Teil 1/9. 01\. Marcel Proust. On Reading. Part 1/9. 01. Marcel Proust. Sobre la lectura. Parte 1/9. 01. مارسل پروست. در مورد خواندن. قسمت 1/9. 01. Marcel Proust. O czytaniu. Część 1/9. 01\. Marcel Proust. Na Leitura. Parte 1/9. 01. Marcel Proust. Om att läsa. Del 1/9. 01\. Marcel Proust. Okuma Üzerine. Bölüm 1/9. 01.马塞尔·普鲁斯特。论读书。第 1/9 部分。

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[Introduction à lire impérativement pour la compréhension de la pièce : [Einleitung zum Verständnis des Stücks unbedingt lesen : [Introduction to read imperatively for the understanding of the piece: [Introdução a ler imperativamente para a compreensão da peça: [Bölümün anlaşılması için zorunlu olarak okunması gereken giriş:

« Nous détachons ces pages d'une préface que Monsieur Marcel Proust a écrite pour une traduction des "Trésors des Rois" (Sésame et les Lys), de John Ruskin, qu'il doit publier prochainement aux éditions du Mercure de France. „Wir trennen diese Seiten von einem Vorwort, das Herr Marcel Proust für eine Übersetzung von „Schätze der Könige“ (Sesam und die Lilien) von John Ruskin geschrieben hat, die er in Kürze mit den Ausgaben des Mercure de France veröffentlichen wird. "We detach these pages from a preface that Mr. Marcel Proust wrote for a translation of" Treasures of Kings "(Sesame and the Lilies), by John Ruskin, which he will soon publish in the editions of Mercure de France. “Bu sayfaları, Bay Marcel Proust'un John Ruskin'in Mercure de France baskılarıyla birlikte yakında yayınlayacağı “Kralların Hazineleri”nin (Susam ve Zambaklar) çevirisi için yazdığı önsözden ayırıyoruz.

Des "Trésors et des Rois"et de Ruskin, il est ici fort peu question, comme on le verra. Von „Treasures and Kings“ und von Ruskin wird hier kaum gesprochen, wie wir sehen werden. "Treasures and Kings" and Ruskin, there is very little question here, as we will see. De "Tesouros e Reis" e de Ruskin, há poucas dúvidas aqui, como veremos. "Hazineler ve Krallar" ve Ruskin hakkında, göreceğimiz gibi, burada çok az soru var.

Monsieur Marcel Proust s'est réservé d'accompagner le texte de Ruskin d'un fréquent et minutieux commentaire. Monsieur Marcel Proust behielt sich das Recht vor, Ruskins Text häufig und sorgfältig zu kommentieren. Mr. Marcel Proust has reserved to accompany the text of Ruskin of a frequent and minute commentary. O Sr. Marcel Proust reservou-se o direito de acompanhar o texto de Ruskin com comentários frequentes e meticulosos. Mösyö Marcel Proust, Ruskin'in metnine sık ve titiz bir yorumla eşlik etme hakkını saklı tuttu.

Mais dans la préface que nous donnons ici, prenant seulement texte et prétexte de ce que le sujet des "Trésors des Rois" est l'utilité de la Lecture, il n'a au contraire visé qu'à exposer ses propres idées sur la Lecture, très différentes de celles de Ruskin. In dem Vorwort, das wir hier geben, nahm er jedoch nur den Text und den Vorwand, dass das Thema der "Schätze der Könige" der Nutzen des Lesens ist, und zielte stattdessen nur darauf ab, seine eigenen Ideen über das Lesen darzulegen, die sich sehr von denen Ruskins unterscheiden. But in the preface that we give here, taking only text and pretext that the subject of the "Treasures of Kings" is the usefulness of Reading, it has on the contrary aimed only at exposing one's own ideas on reading , very different from those of Ruskin. Ancak burada vereceğimiz önsözde, "Kralların Hazineleri"nin konusunun Okuma'nın yararlılığı olduğu yalnızca metin ve bahaneyi alarak, tam tersine, yalnızca Okuma konusundaki kendi fikirlerini ortaya koymayı amaçlamıştır. Ruskin. 但我们在此给出的序言中,仅以文字和借口说《王者至宝》的主题是阅读的用处,相反,他只是为了暴露自己对阅读的看法,与之前的观点大相径庭。拉斯金。

Ce n'est donc pas en somme une étude ruskinienne, mais une sorte d'essai purement personnel que Monsieur Marcel Proust s'est trouvé peu à peu amené à écrire et dont nos lecteurs auront aujourd'hui la primeur. It is not, therefore, a Ruskinian study, but a kind of purely personal essay that Marcel Proust has gradually been led to write, and which our readers will have today.

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================================================================== Marcel Proust. Sur la Lecture.

Il n'y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré. There may not be days of our childhood that we lived so fully as those that we thought we left without living them, those that we spent with a favorite book. Pode não haver dias em nossa infância em que vivemos tão plenamente quanto aqueles que pensamos ter deixado sem vivê-los, aqueles que passamos com um livro favorito.

Tout ce qui, semblait-il, les remplissait pour les autres et que nous écartions comme un obstacle vulgaire à un plaisir divin ; le jeu pour lequel un ami venait nous chercher au passage le plus intéressant, l'abeille ou le rayon de soleil gênants qui nous forçaient à lever les yeux de sur la page ou à changer de place, les provisions de goûter qu'on nous avait fait emporter et que nous laissions à côté de nous sur le banc, sans y toucher, tandis qu'au-dessus de notre tête le soleil diminuait de force dans le ciel bleu, le dîner pour lequel il avait fallu rentrer et où nous ne pensions qu'à monter tout de suite après, finir le chapitre interrompu, tout cela, dont la lecture aurait dû nous empêcher de percevoir autre chose que l'importunité, elle en gravait au contraire en nous un souvenir tellement doux, tellement plus précieux – à notre jugement actuel – que ce que nous lisions alors avec tant d'amour que, s'il nous arrive encore aujourd'hui de feuilleter ces livres d'autrefois, ce n'est plus que comme les seuls calendriers que nous ayons gardés des jours enfuis, et avec l'espoir de voir réflétés sur leurs pages les demeures et les étangs qui n'existent plus. There may be no days of our childhood that we have so fully experienced as those we thought we left without living, those we passed with a favorite book.

Qui ne se souvient comme moi de ces lectures faites au temps des vacances; qu'on allait cacher successivement dans toutes celles des heures du jour qui étaient assez paisibles et assez inviolables pour pouvoir leur donner asile. Who does not remember, as I do, those readings done during vacation time; which we were going to hide successively in all those hours of the day which were sufficiently peaceful and sufficiently inviolable to be able to give them asylum. Wie herinnert zich niet, zoals ik, het lezen tijdens de vakantie; dat we ons achtereenvolgens gingen verbergen in al die uren van de dag die voldoende vredig en voldoende onschendbaar waren om het lezen asiel te kunnen geven.

Le matin, en rentrant du parc, quand tout le monde était parti « faire une promenade », je me glissais dans la salle à manger où, jusqu'à l'heure encore lointaine du déjeuner, personne n'entrerait que la vieille Félicie relativement silencieuse, et où je n'aurais pour compagnons, très respectueux de la lecture, que les assiettes peintes accrochées au mur, le calendrier dont la feuille de la veille avait été fraîchement arrachée, la pendule et le feu qui parlent sans demander qu'on leur réponde et dont les doux propos vides de sens ne viennent pas comme les paroles des hommes se substituer un différent à celui des mots que vous lisez. In the mornings, on my way back from the park, when everyone had gone for a "walk", I would slip into the dining room where, until the still distant hour of lunch, no one would enter but the relatively silent old Félicie, and where I would have for companions, very respectful of reading, would be the painted plates hanging on the wall, the calendar from which the previous day's leaf had been freshly torn, the clock and the fire, which spoke without asking to be answered, and whose sweet, empty words did not, like the words of men, substitute themselves for the words you read. 's Morgens, toen ik terugkwam uit het park, toen iedereen "voor een wandeling" was gaan wandelen, glipte ik de eetkamer binnen waar, tot het nog verre lunchuurtje, niemand binnen zou komen behalve de relatief oude Félicie. mijn enige metgezellen, met veel respect voor lezen, waren de beschilderde borden die aan de muur hingen, de kalender waaruit het blad van de vorige dag vers was gescheurd, de klok en het vuur die spreken zonder te vragen dat we erop reageren en waarvan de zoete betekenisloze woorden komen niet zoals de woorden van mannen om een andere te vervangen voor die van de woorden die je leest. Je m'installais sur une chaise, près du petit feu de bois, dont, pendant le déjeuner, l'oncle matinal et jardinier dirait : « Il ne fait pas de mal! I sat down on a chair, near the little wood fire, to which, during lunch, the early-morning uncle and gardener would say: "It doesn't hurt!" On supporte très bien un peu de feu; je vous assure qu'à six heures il faisait joliment froid dans le potager. We can put up with a little fire; I can assure you that at six o'clock it was pretty cold in the vegetable garden. Een beetje vuur wordt heel goed verdragen; Ik verzeker je dat het om zes uur behoorlijk koud was in de moestuin. Et dire que c'est dans huit jours Pâques! And to think that it's Easter in eight days! En dan te bedenken dat het over acht dagen Pasen is! » Avant le déjeuner qui, hélas!, mettrait fin à la lecture, on avait encore deux grandes heures. "Before lunch, which, alas, would put an end to the reading, we still had two long hours. Voor de lunch, die helaas een einde zou maken aan het voorlezen, hadden we nog twee volle uren. De temps en temps on entendait le bruit de la pompe d'où l'eau allait découler et qui vous faisait lever les yeux vers elle et la regarder à travers la fenêtre fermée, là, tout près, dans l'unique allée du jardinet qui bordait de briques et de faïences en demi-lunes ses plates-bandes de pensées, des pensées cueillies, semblait-il, dans ces ciels trop beaux, ces ciels versicolores et comme reflétés des vitraux de l'église qu'on voyait parfois entre les toits du village, ciels tristes qui apparaissaient avant les orages, ou après, trop tard, quand la journée allait finir. From time to time you could hear the noise of the pump from which the water was going to flow and which made you raise your eyes towards it and look at it through the closed window, there, very close, in the only path of the garden which bordered with bricks and earthenware in half-moons its flowerbeds of pansies, pansies plucked, it seemed, from these overly beautiful skies, these multi-colored skies, as if reflected from the stained-glass windows of the church which one sometimes saw between the roofs of the village, sad skies which appeared before the storms, or afterwards, too late, when the day was about to end. Van tijd tot tijd hoorde je het geluid van de pomp waaruit het water zou stromen en waardoor je je ogen ernaar opsloeg en ernaar keek door het gesloten raam, daar, heel dichtbij, in het enige pad van de tuin die omzoomd was met bakstenen en aardewerk in halve manen zijn bloembedden van viooltjes, viooltjes geplukt, het leek, uit deze al te mooie luchten, deze veelkleurige luchten, alsof ze weerspiegeld werden door de glas-in-loodramen van de kerk die je soms zag tussen de daken van het dorp, droevige luchten die voor de stormen verschenen, of daarna, te laat, toen de dag op het punt stond te eindigen. Malheureusement la cuisinière venait longtemps d'avance mettre le couvert; et encore elle l'avait mis sans parler ! Unfortunately the cook came a long time in advance to set the table; and yet she had put it on without speaking! Helaas kwam de kok lang van tevoren om de tafel te dekken; en toch had ze het zonder te spreken omgedaan! Mais elle croyait devoir dire : « Vous n'êtes pas bien comme cela ; si je vous approchais une table ? But she thought she had to say: “You're not well like that; if I approached you a table? Maar ze dacht dat ze moest zeggen: 'Zo gaat het niet goed met je; als ik je een tafel zou benaderen? » Et rien que pour répondre : « Non, merci bien », il fallait arrêter net et ramener de loin sa voix qui, en dedans des lèvres, répétait sans bruit, en courant, tous les mots que les yeux avaient lus ; il fallait l'arrêter, la faire sortir, et, pour dire convenablement : « Non, merci bien », lui donner une apparence de vie ordinaire, une intonation de réponse, qu'elle avait perdues. But she thought she must say, "You are not well like that; if I approached you a table? En gewoon om te antwoorden: "Nee, heel erg bedankt", je moest doodstil blijven staan en je stem van ver terugbrengen, die binnen je lippen geruisloos herhaalde, rennend, alle woorden die je ogen hadden gelezen; Ik moest haar tegenhouden, haar eruit halen en, om het goed te zeggen: 'Nee, heel erg bedankt', haar een schijn van gewoon leven geven, een intonatie van antwoord, die ze was kwijtgeraakt. L'heure passait ; souvent, longtemps avant le déjeuner, commençaient à arriver dans la salle à manger ceux qui, étant fatigués, avaient abrégé la promenade, avaient « pris par Méséglise », ou ceux qui n'étaient pas sortis ce matin-là, « ayant à écrire ». Time passed; often, long before lunch, began to arrive in the dining room those who, being tired, had shortened the walk, had "taken by Méséglise", or those who had not gone out that morning, "having to write ". Verstreken tijd; vaak begonnen lang voor de lunch degenen in de eetzaal aan te komen die, omdat ze moe waren, de wandeling hadden ingekort, "door Méséglise hadden genomen", of degenen die die ochtend niet waren uitgegaan, "moeten schrijven". Ils disaient bien : « Je ne veux pas te déranger », mais commençaient aussitôt à s'approcher du feu, à consulter l'heure, à déclarer que le déjeuner « ne serait pas mal accueilli ». They'd say, "I don't want to bother you", but then immediately start approaching the fire, consulting the time, declaring that lunch "wouldn't be unwelcome". Ze zeiden wel: "Ik wil je niet storen", maar begonnen meteen naar het vuur te gaan, om de tijd te controleren, om te verklaren dat de lunch "niet onwelkom zou zijn". Quelques-uns, sans plus attendre, s'asseyaient d'avance à table, à leurs places. Some, without further ado, took their seats at the table. Sommigen gingen, zonder verder oponthoud, vooraf aan tafel zitten, op hun plaats. Cela, c'était la désolation, car ce serait d'un mauvais exemple pour les autres arrivants, allait faire croire qu'il était déjà midi, et prononcer trop tôt à mes parents la parole fatale : « Allons, ferme ton livre, on va déjeuner. Dat was desolaat, want het zou een slecht voorbeeld zijn voor andere nieuwkomers, zou mensen doen geloven dat het al middag was, en te vroeg de fatale woorden tegen mijn ouders zeggen: "Kom op, sluit je boek, we gaan lunchen. » Tout était prêt, le couvert était entièrement mis sur la table, où manquait seulement ce qu'on n'apportait qu'à la fin du repas, l'appareil en verre où l'oncle horticulteur et cuisinier faisait lui-même le café à table, tubulaire et compliqué comme un instrument de physique qui aurait senti bon ; et où c'était si agréable de voir monter dans la cloche de verre l'ébullition soudaine qui laissait ensuite aux parois embuées une cendre odorante et brune ; et aussi la crème et les fraises que le même oncle mêlait, dans des proportions toujours identiques, s'arrêtant exactement au rose qu'il fallait avec l'expérience d'un coloriste et la divination d'un gourmand. "Everything was ready, the place setting was completely set on the table, where only what was missing was what was brought only at the end of the meal, the glass apparatus where the uncle horticulturist and cook made coffee himself at the table, tubular and complicated like a physics instrument that would have smelled good ; and where it was so pleasant to watch the sudden boiling in the glass bell, which then left a fragrant brown ash on the misty walls; and also the cream and strawberries that the same uncle mixed, always in identical proportions, stopping at exactly the right pink with the experience of a colorist and the divination of a gourmand. Alles stond klaar, het bestek stond helemaal op tafel, waar alleen wat pas aan het einde van de maaltijd was gebracht ontbrak, het glazen apparaat waar de oom, tuinder en kok, zelf de koffie zette. ingewikkeld als een natuurkundig instrument dat goed zou hebben geroken; en waar het zo aangenaam was om de plotselinge kook te zien stijgen in de stolp, die vervolgens de dampende muren verliet met een geurige, bruine as; en ook de room en de aardbeien die dezelfde oom mengde, in altijd identieke verhoudingen, precies stoppend bij het roze dat nodig was met de ervaring van een colorist en het giswerk van een fijnproever. Que le déjeuner me paraissait long ! How long lunch seemed to me! Wat leek de lunch mij lang! Ma grand'tante ne faisait que goûter aux plats, pour donner son avis avec une douceur qui supportait, mais n'admettait pas la contradiction. My great-aunt only tasted the dishes, giving her opinion with a gentleness that tolerated, but did not admit, contradiction. Mijn oudtante proefde alleen de gerechten, om haar mening te geven met een zachtheid die ondersteunde, maar geen tegenspraak toegaf. Pour un roman, pour des vers, choses où elle se connaissait très bien, elle s'en remettait toujours, avec une humilité de femme, à l'avis de plus compétents. When it came to novels and verses, things she knew very well, she always deferred, with a woman's humility, to the advice of those more competent. Voor een roman, voor poëzie, dingen waarin ze zichzelf heel goed kende, liet ze het altijd, met de nederigheid van een vrouw, over aan het advies van meer competente mensen. Elle pensait que c'était là le domaine flottant du caprice où le goût d'un seul ne peut pas fixer la vérité. She thought this was the floating realm of whimsy, where the taste of one cannot fix the truth. Ze dacht dat dat het zwevende rijk van grillen was waar je smaak de waarheid niet kan bepalen. Mais sur les choses dont les règles et les principes lui avaient été enseignés par sa mère, sur la manière de faire certains plats, de jouer les sonates de Beethoven, et de recevoir avec amabilité, elle était certaine d'avoir une idée juste de la perfection et de discerner si les autres s'en rapprochaient plus ou moins. But on the things whose rules and principles her mother had taught her, on how to make certain dishes, how to play Beethoven sonatas, and how to receive with friendliness, she was sure she had a fair idea of perfection and could discern whether others came closer or less. Maar van de dingen waarvan haar moeder de regels en principes had geleerd, van het koken van bepaalde gerechten, het spelen van de sonates van Beethoven en het vriendelijk entertainen, wist ze zeker dat ze een goed idee had van de perfectie. en om te onderscheiden of de anderen er dichterbij of dichterbij kwamen. Pour les trois choses, d'ailleurs, la perfection était presque la même : c'était une sorte de simplicité dans les moyens, de sobriété et de charme. For all three things, moreover, the perfection was almost the same: it was a kind of simplicity of means, sobriety and charm. Voor de drie dingen was de perfectie bovendien bijna hetzelfde: het was een soort eenvoud in middelen, van nuchterheid en charme. Elle repoussait avec horreur qu'on mît des épices dans les plats qui n'en exigent pas absolument, qu'on jouât avec affectation et abus de pédales, qu'en « recevant » on sortit d'un naturel parfait et parlât de soi avec exagération. She repelled with horror that we put spices in dishes that do not absolutely require it, that we played with affectation and abuse of pedals, that in "receiving" we came out of a perfect naturalness and spoke of ourselves with exaggeration. Ze stootte met afschuw af dat we kruiden in gerechten stopten die het niet absoluut nodig hadden, dat we speelden met affectie en misbruik van pedalen, dat we bij het "ontvangen" uit een volmaakte natuurlijkheid kwamen en over onszelf spraken met overdrijving. Dès la première bouchée, aux premières notes, sur un simple billet, elle avait la prétention de savoir si elle avait affaire à une bonne cuisinière, à un vrai musicien, à une femme bien élevée. From the first bite, to the first notes, on a simple bill, she had the pretension to know if she was dealing with a good cook, a true musician, a well-bred woman. « Elle peut avoir beaucoup plus de doigté que moi, mais elle manque de goût en jouant avec tant d'emphase cet andante si simple. "She may have much better fingering than me, but she lacks taste in playing this simple andante so emphatically. » « Ce peut être une femme très brillante et remplie de qualités, mais c'est un manque de tact de parler de soi en cette circonstance. » « Ce peut être une cuisinière très savante, mais elle ne sait pas faire le bifteck aux pommes. "She may be a very savvy cook, but she doesn't know how to make apple steak. 'Ze is misschien een zeer kundige kokkin, maar ze kan geen appelbiefstuk maken.' » Le bifteck aux pommes ! »The apple steak! “De appelsteak! morceau de concours idéal, difficile par sa simplicité même, sorte de « Sonate pathétique » de la cuisine, équivalent gastronomique de ce qu'est dans la vie sociale la visite de la dame qui vient vous demander des renseignements sur un domestique et qui, dans un acte si simple, peut à tel point faire preuve, ou manquer, de tact et d'éducation. an ideal piece of competition, difficult by its very simplicity, a sort of "Pathetic Sonata" of the kitchen, the gastronomic equivalent of the visit of the lady who comes to ask about a servant and who, in such a simple act, can be so tactful and educated, or so lacking in it. ideaal wedstrijdstuk, moeilijk door zijn eenvoud, een soort "zielige sonate" van koken, het gastronomische equivalent van wat in het sociale leven het bezoek is van de dame die u informatie komt vragen over een bediende en die, in zo'n een simpele handeling kan een dergelijke tact en opvoeding aantonen of ontbreken. Mon grand-père avait tant d'amour-propre qu'il aurait voulu que tous les plats fussent réussis, et s'y connaissait trop peu en cuisine pour jamais savoir quand ils étaient manqués. My grandfather had so much self-esteem that he wanted every dish to be a success, and knew too little about cooking to ever know when they were missing. Il voulait bien admettre qu'ils le fussent parfois, très rarement d'ailleurs, mais seulement par un pur effet du hasard. He was willing to admit that they were sometimes, very rarely indeed, but only by pure chance. Les critiques toujours motivées de ma grand'tante, impliquant au contraire que la cuisinière n'avait pas su faire tel plat, ne pouvaient manquer de paraître particulièrement intolérables à mon grand-père. My grandfather could not fail to find particularly intolerable my great-aunt's criticism, which was always well-founded and always implied that the cook hadn't known how to make a particular dish. Souvent, pour éviter des discussions avec lui, ma grand'tante, après avoir goûté du bout des lèvres, ne donnait pas son avis, ce qui, d'ailleurs, nous faisait connaître immédiatement qu'il était défavorable. Elle se taisait, mais nous lisions dans ses yeux doux une désapprobation inébranlable et réfléchie qui avait le don de mettre mon grand-père en fureur. She was silent, but we could see in her gentle eyes an unshakeable, thoughtful disapproval that had the gift of infuriating my grandfather. Ze zweeg, maar we lezen in haar zachte ogen een onwrikbare en bedachtzame afkeuring die de gave had om mijn grootvader woedend te maken. Il la priait ironiquement de donner son avis, s'impatientait de son silence, la pressait de questions, s'emportait, mais on sentait qu'on l'aurait conduite au martyre plutôt que de lui faire confesser la croyance de mon grand-père : que l'entremets n'était pas trop sucré. He would ironically ask her for her opinion, get impatient with her silence, press her with questions, get carried away, but you could tell that he would have driven her to martyrdom rather than make her confess my grandfather's belief: that the entremets weren't too sweet. Hij smeekte haar ironisch om haar mening te geven, werd ongeduldig door haar stilzwijgen, drukte haar met vragen, verloor zijn geduld, maar men had het gevoel dat ze haar naar het martelaarschap zouden hebben geleid in plaats van haar het geloof van mijn grootvader te laten bekennen. te lief.