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Honoré de Balzac. L’Auberge rouge., 01. Honoré de Balzac. L’Auberge rouge. Partie 1/9.

01. Honoré de Balzac. L'Auberge rouge. Partie 1/9.

Honoré de Balzac.

L'Auberge rouge. À monsieur le marquis de Custine [1].

En je ne sais quelle année [2], un banquier de Paris, qui avait des relations commerciales très étendues en Allemagne, fêtait un de ces amis, longtemps inconnus, que les négociants se font de place on place, par correspondance.

Cet ami, chef de je ne sais quelle maison assez importante de Nuremberg, était un bon gros Allemand, homme de goût et d'érudition, homme de pipe surtout, ayant une belle, une large figure nurembergeoise, au front carré, bien découvert, et décoré de quelques cheveux blonds assez rares. Il offrait le type des enfants de cette pure et noble Germanie, si fertile en caractères honorables, et dont les paisibles mœurs ne se sont jamais démenties, même après sept invasions. L'étranger riait avec simplesse [2'], écoutait attentivement, et buvait remarquablement bien, en paraissant aimer le vin de Champagne autant peut-être que les vins paillés du Johannisberg [3]. Il se nommait Hermann, comme presque tous les Allemands mis en scène par les auteurs. En homme qui ne sait rien faire légèrement, il était bien assis à la table du banquier, mangeait avec ce tudesque [4]. appétit si célèbre en Europe, et disait un adieu consciencieux à la cuisine du grand Carême [5]. Pour faire honneur à son hôte, le maître du logis avait convié quelques amis intimes, capitalistes ou commerçants, plusieurs femmes aimables, jolies, dont le gracieux babil [6].et les manières franches étaient en harmonie avec la cordialité germanique. Vraiment, si vous aviez pu voir, comme j'en eus le plaisir, cette joyeuse réunion de gens qui avaient rentré leurs griffes commerciales pour spéculer sur les plaisirs de la vie, il vous eût été difficile de haïr les escomptes usuraires ou de maudire les faillites. L'homme ne peut pas toujours mal faire. Aussi, même dans la société des pirates, doit-il se rencontrer quelques heures douces pendant lesquelles vous croyez être, dans leur sinistre vaisseau, comme sur une escarpolette [7]. – Avant de nous quitter, monsieur Hermann va nous raconter encore, je l'espère, une histoire allemande qui nous fasse bien peur.

Ces paroles furent prononcées au dessert par une jeune personne pâle et blonde qui, sans doute, avait lu les contes d'Hoffmann [8] et les romans de Walter Scott [9].

C'était la fille unique du banquier, ravissante créature dont l'éducation s'achevait au Gymnase [9], et qui raffolait des pièces qu'on y joue. En ce moment les convives se trouvaient dans cette heureuse disposition de paresse et de silence où nous met un repas exquis, quand nous avons un peu trop présumé de notre puissance digestive. Le dos appuyé sur sa chaise, le poignet légèrement soutenu par le bord de la table, chaque convive jouait indolemment [9'] avec la lame dorée de son couteau. Quand un dîner arrive à ce moment de déclin, certaines gens tourmentent le pépin d'une poire ; d'autres roulent une mie de pain entre le pouce et l'index ; les amoureux tracent des lettres informes avec les débris des fruits ; les avares comptent leurs noyaux et les rangent sur leur assiette comme un dramaturge dispose ses comparses au fond d'un théâtre. C'est de petites félicités gastronomiques dont n'a pas tenu compte dans son livre Brillat-Savarin [10], auteur si complet d'ailleurs. Les valets avaient disparu. Le dessert était comme une escadre après le combat, tout désemparé, pillé, flétri. Les plats erraient sur la table, malgré l'obstination avec laquelle la maîtresse du logis essayait de les faire remettre en place. Quelques personnes regardaient des vues de Suisse symétriquement accrochées sur les parois grises de la salle à manger. Nul convive ne s'ennuyait. Nous ne connaissons point d'homme qui se soit encore attristé pendant la digestion d'un bon dîner. Nous aimons alors à rester dans je ne sais quel calme, espèce de juste milieu entre la rêverie du penseur et la satisfaction des animaux ruminants, qu'il faudrait appeler la mélancolie matérielle de la gastronomie. Aussi les convives se tournèrent-ils spontanément vers le bon Allemand, enchantés tous d'avoir une ballade à écouter, fut-elle même sans intérêt. Pendant cette benoîte [11] pause, la voix d'un conteur semble toujours délicieuse à nos sens engourdis, elle en favorise le bonheur négatif. Chercheur de tableaux, j'admirais ces visages égayés par un sourire, éclairés par les bougies, et que la bonne chère [12] avait empourprés ; leurs expressions diverses produisaient de piquants effets à travers les candélabres, les corbeilles en porcelaine, les fruits et les cristaux. Mon imagination fut tout à coup saisie par l'aspect du convive qui se trouvait précisément en face de moi.

C'était un homme de moyenne taille, assez gras, rieur, qui avait la tournure, les manières d'un agent de change, et qui paraissait n'être doué que d'un esprit fort ordinaire, je ne l'avais pas encore remarqué ; en ce moment, sa figure, sans doute assombrie par un faux jour, me parut avoir changé de caractère ; elle était devenue terreuse ; des teintes violâtres la sillonnaient. Vous eussiez dit de la tête cadavérique d'un agonisant. Immobile comme les personnages peints dans un Diorama [13], ses yeux hébétés restaient fixés sur les étincelantes facettes d'un bouchon de cristal ; mais il ne les comptait certes pas, et semblait abîmé dans quelque contemplation fantastique de l'avenir ou du passé. Quand j'eus longtemps examiné cette face équivoque, elle me fit penser : – Souffre-t-il ?

me dis-je. A-t-il trop bu ? Est-il ruiné par la baisse des fonds publics, Songe-t-il à jouer ses créanciers ? – Voyez !

dis-je à ma voisine en lui montrant le visage de l'inconnu, n'est-ce pas une faillite en fleur ? – Oh !

me répondit-elle, il serait plus gai. Puis hochant gracieusement la tête, elle ajouta :

– Si celui-là se ruine jamais, je l'irai dire à Pékin !

Il possède un million en fonds de terre ! C'est un ancien fournisseur des armées impériales, un bon homme assez original. Il s'est remarié par spéculation, et rend néanmoins sa femme extrêmement heureuse. Il a une jolie fille que, pendant fort longtemps, il n'a pas voulu reconnaître ; mais la mort de son fils, tué malheureusement en duel, l'a contraint à la prendre avec lui, car il ne pouvait plus avoir d'enfants. La pauvre fille est ainsi devenue tout à coup une des plus riches héritières de Paris. La perte de son fils unique [14] a plongé ce cher homme dans un chagrin qui reparaît quelquefois. En ce moment, le fournisseur leva les yeux sur moi ; son regard me fit tressaillir, tant il était sombre et pensif !

Assurément ce coup d'œil résumait toute une vie. Mais tout à coup sa physionomie devint gaie ; il prit le bouchon de cristal, le mit, par un mouvement machinal, à une carafe pleine d'eau qui se trouvait devant son assiette, et tourna la tête vers monsieur Hermann en souriant. Cet homme, béatifié par ses jouissances gastronomiques, n'avait sans doute pas deux idées dans la cervelle, et ne songeait à rien. Aussi eus-je en quelque sorte, honte de prodiguer ma science divinatoire « in anima vili » [15] d'un épais financier. Pendant que je faisais, en pure perte, des observations phrénologiques [16], le bon Allemand s'était lesté le nez d'une prise de tabac, et commençait son histoire. Il me serait assez difficile de la reproduire dans les mêmes termes, avec ses interruptions fréquentes et ses digressions verbeuses. Aussi l'ai-je écrite à ma guise, laissant les fautes au Nurembergeois, et m'emparant de ce qu'elle peut avoir de poétique et d'intéressant, avec la candeur des écrivains qui oublient de mettre au titre de leurs livres : traduit de l'allemand.

01. Honoré de Balzac. L’Auberge rouge. Partie 1/9. 01\. Honoré de Balzac. The Red Inn. Part 1/9. 01. Honoré de Balzac. L'Auberge rouge. Parte 1/9. 01. Honoré de Balzac. L'Auberge rouge. Parte 1/9. 01. Honoré de Balzac. L'Auberge rouge. Bölüm 1/9.

Honoré de Balzac. Honoré de Balzac.

L’Auberge rouge. The Red Inn. À monsieur le marquis de Custine [1]. To the Marquis de Custine [1].

En je ne sais quelle année [2], un banquier de Paris, qui avait des relations commerciales très étendues en Allemagne, fêtait un de ces amis, longtemps inconnus, que les négociants se font de place on place, par correspondance. In a certain year, a Paris banker, who had very extensive commercial relations in Germany, was celebrating one of those friends, who for a long time were unknown, that the merchants are making room for each other, by correspondence.

Cet ami, chef de je ne sais quelle maison assez importante de Nuremberg, était un bon gros Allemand, homme de goût et d’érudition, homme de pipe surtout, ayant une belle, une large figure nurembergeoise, au front carré, bien découvert, et décoré de quelques cheveux blonds assez rares. This friend, head of I don't know which fairly important house in Nuremberg, was a good fat German, a man of taste and erudition, especially a pipe man, having a beautiful, broad figure from Nuremberg, with a square forehead, well uncovered, and decorated with some fairly rare blonde hair. Il offrait le type des enfants de cette pure et noble Germanie, si fertile en caractères honorables, et dont les paisibles mœurs ne se sont jamais démenties, même après sept invasions. He offered the kind of children of that pure and noble Germany, so fertile in honorable characters, and whose peaceful manners never failed, even after seven invasions. L’étranger riait avec simplesse [2'], écoutait attentivement, et buvait remarquablement bien, en paraissant aimer le vin de Champagne autant peut-être que les vins paillés du Johannisberg [3]. The stranger laughed with simplicity [2 '], listened attentively, and drank remarkably well, seeming to love the wine of Champagne as much perhaps as the straw wines of Johannisberg [3]. El extranjero reía con sencillez [2], escuchaba con atención y bebía notablemente bien, pareciendo gustarle tanto el vino de Champaña como quizá los vinos pajizos del Johannisberg [3]. Il se nommait Hermann, comme presque tous les Allemands mis en scène par les auteurs. His name was Hermann, like most Germans staged by the authors. En homme qui ne sait rien faire légèrement, il était bien assis à la table du banquier, mangeait avec ce tudesque [4]. Like a man who does not know how to do anything lightly, he was well seated at the banker's table, eating with this tudesque [4]. appétit si célèbre en Europe, et disait un adieu consciencieux à la cuisine du grand Carême [5]. appetite so famous in Europe, and said a conscientious farewell to the cuisine of Great Lent [5]. Pour faire honneur à son hôte, le maître du logis avait convié quelques amis intimes, capitalistes ou commerçants, plusieurs femmes aimables, jolies, dont le gracieux babil [6].et les manières franches étaient en harmonie avec la cordialité germanique. To honor his guest, the master of the house had invited some close friends, capitalists or tradesmen, several kind, pretty women, whose graceful prattle and frank manner were in harmony with Germanic cordiality. Vraiment, si vous aviez pu voir, comme j’en eus le plaisir, cette joyeuse réunion de gens qui avaient rentré leurs griffes commerciales pour spéculer sur les plaisirs de la vie, il vous eût été difficile de haïr les escomptes usuraires ou de maudire les faillites. Really, if you had been able to see, as I had the pleasure, this happy meeting of people who had returned their commercial clutches to speculate on the pleasures of life, it would have been difficult for you to hate the usurious discounts or to curse the bankruptcies. Realmente, si hubieras podido ver, como yo tuve el placer de hacer, esta alegre reunión de personas que habían sacado sus garras comerciales para especular con los placeres de la vida, te habría resultado difícil odiar los descuentos usureros o maldecir las quiebras. L’homme ne peut pas toujours mal faire. The man can not always do wrong. Aussi, même dans la société des pirates, doit-il se rencontrer quelques heures douces pendant lesquelles vous croyez être, dans leur sinistre vaisseau, comme sur une escarpolette [7]. So, even in the pirates' society, it must meet a few sweet hours during which you think you are, in their sinister vessel, like on a hilt [7]. Por eso, incluso en compañía de piratas, debe haber unas horas dulces durante las cuales crees estar, en su siniestro navío, como en una escarpolette [7]. – Avant de nous quitter, monsieur Hermann va nous raconter encore, je l’espère, une histoire allemande qui nous fasse bien peur. - Before we leave, Mr. Hermann will tell us again, I hope, a German story that scares us.

Ces paroles furent prononcées au dessert par une jeune personne pâle et blonde qui, sans doute, avait lu les contes d’Hoffmann [8] et les romans de Walter Scott [9]. These words were spoken at dessert by a pale, blond young person who, no doubt, had read the tales of Hoffmann [8] and the novels of Walter Scott [9].

C’était la fille unique du banquier, ravissante créature dont l’éducation s’achevait au Gymnase [9], et qui raffolait des pièces qu’on y joue. It was the only daughter of the banker, a delightful creature whose education ended at the Gymnase, and who loved plays played there. En ce moment les convives se trouvaient dans cette heureuse disposition de paresse et de silence où nous met un repas exquis, quand nous avons un peu trop présumé de notre puissance digestive. At this moment the guests were in this happy disposition of laziness and silence, where we have an exquisite meal, when we have a little too much presumed of our digestive power. Le dos appuyé sur sa chaise, le poignet légèrement soutenu par le bord de la table, chaque convive jouait indolemment [9'] avec la lame dorée de son couteau. With their backs leaning on their chairs, their wrists lightly supported by the edge of the table, each guest played indolently [9 '] with the golden blade of their knife. Quand un dîner arrive à ce moment de déclin, certaines gens tourmentent le pépin d’une poire ; d’autres roulent une mie de pain entre le pouce et l’index ; les amoureux tracent des lettres informes avec les débris des fruits ; les avares comptent leurs noyaux et les rangent sur leur assiette comme un dramaturge dispose ses comparses au fond d’un théâtre. When a dinner arrives at this time of decline, some people torment the seed of a pear; others roll a crumb of bread between thumb and forefinger; lovers draw shapeless letters with the debris of the fruit; the miser count their stones and arrange them on their plates like a playwright arranges his accomplices at the back of a theater. C’est de petites félicités gastronomiques dont n’a pas tenu compte dans son livre Brillat-Savarin [10], auteur si complet d’ailleurs. It is little gastronomic felicity that was not taken into account in his book Brillat-Savarin [10], author so complete elsewhere. Les valets avaient disparu. The valets had disappeared. Le dessert était comme une escadre après le combat, tout désemparé, pillé, flétri. The dessert was like a squadron after the fight, all helpless, looted, withered. Les plats erraient sur la table, malgré l’obstination avec laquelle la maîtresse du logis essayait de les faire remettre en place. The dishes wandered on the table, despite the obstinacy with which the hostess tried to get them back in place. Quelques personnes regardaient des vues de Suisse symétriquement accrochées sur les parois grises de la salle à manger. A few people were looking at views of Switzerland hanging symmetrically on the gray walls of the dining room. Nul convive ne s’ennuyait. No guest was bored. Nous ne connaissons point d’homme qui se soit encore attristé pendant la digestion d’un bon dîner. We do not know any man who is still saddened during the digestion of a good dinner. Nous aimons alors à rester dans je ne sais quel calme, espèce de juste milieu entre la rêverie du penseur et la satisfaction des animaux ruminants, qu’il faudrait appeler la mélancolie matérielle de la gastronomie. We then like to remain in I know not what calm, a sort of happy medium between the reverie of the thinker and the satisfaction of ruminant animals, which we should call the material melancholy of gastronomy. Aussi les convives se tournèrent-ils spontanément vers le bon Allemand, enchantés tous d’avoir une ballade à écouter, fut-elle même sans intérêt. So the guests spontaneously turned to the good German, all delighted to have a ballad to listen to, even if it was of no interest. Pendant cette benoîte [11] pause, la voix d’un conteur semble toujours délicieuse à nos sens engourdis, elle en favorise le bonheur négatif. During this benoîte [11] pause, the voice of a storyteller always seems delicious to our numb senses, it promotes negative happiness. Durante esta pausa benigna [11], la voz de un narrador siempre parece deliciosa para nuestros sentidos adormecidos, promoviendo una felicidad negativa. Chercheur de tableaux, j’admirais ces visages égayés par un sourire, éclairés par les bougies, et que la bonne chère [12] avait empourprés ; leurs expressions diverses produisaient de piquants effets à travers les candélabres, les corbeilles en porcelaine, les fruits et les cristaux. Seeker of paintings, I admired these faces brightened by a smile, lit by candles, and which the good dear [12] had reddened; their various expressions produced spicy effects through the candelabras, the porcelain baskets, the fruits and the crystals. Como cazador de imágenes, admiraba los rostros sonrientes, iluminados por velas, que habían sido blasonados de buena comida [12]; sus diferentes expresiones producían efectos picantes a través de los candelabros, las cestas de porcelana, las frutas y los cristales. Mon imagination fut tout à coup saisie par l’aspect du convive qui se trouvait précisément en face de moi. My imagination was suddenly seized by the appearance of the guest who was precisely in front of me.

C’était un homme de moyenne taille, assez gras, rieur, qui avait la tournure, les manières d’un agent de change, et qui paraissait n’être doué que d’un esprit fort ordinaire, je ne l’avais pas encore remarqué ; en ce moment, sa figure, sans doute assombrie par un faux jour, me parut avoir changé de caractère ; elle était devenue terreuse ; des teintes violâtres la sillonnaient. He was a man of medium height, rather fat, laughing, who had the appearance and manners of a stockbroker, and who seemed to be endowed with only a very ordinary mind, I did not yet have it. Note ; at this moment her face, doubtless darkened by a false light, seemed to me to have changed character; it had become earthy; purple tints furrowed it. Era un hombre de mediana estatura, más bien gordo, risueño, con el porte y los modales de un corredor de bolsa, y que sólo parecía estar dotado de una mente muy ordinaria, en la que yo aún no había reparado; en este momento, su rostro, sin duda oscurecido por un falso día, me pareció que había cambiado de carácter; se había vuelto terroso; tintes violáceos lo surcaban. Vous eussiez dit de la tête cadavérique d’un agonisant. You would have said of the cadaverous head of a dying man. Immobile comme les personnages peints dans un Diorama [13], ses yeux hébétés restaient fixés sur les étincelantes facettes d’un bouchon de cristal ; mais il ne les comptait certes pas, et semblait abîmé dans quelque contemplation fantastique de l’avenir ou du passé. Motionless like the figures painted in a Diorama [13], his dazed eyes remained fixed on the sparkling facets of a crystal stopper; but he certainly did not count them, and seemed sunk in some fantastic contemplation of the future or the past. Inmóvil como las figuras pintadas en un Diorama [13], sus ojos aturdidos permanecían fijos en las centelleantes facetas de un corcho de cristal; pero desde luego no las estaba contando, y parecía absorto en alguna fantástica contemplación del futuro o del pasado. Quand j’eus longtemps examiné cette face équivoque, elle me fit penser : When I had long examined this ambiguous face, it made me think: – Souffre-t-il ? - Is he in pain?

me dis-je. I say to myself. A-t-il trop bu ? Has he drunk too much? Est-il ruiné par la baisse des fonds publics, Songe-t-il à jouer ses créanciers ? Is he ruined by the decline of public funds, Does he dream of playing his creditors? – Voyez ! - Look!

dis-je à ma voisine en lui montrant le visage de l’inconnu, n’est-ce pas une faillite en fleur ? I say to my neighbor, showing her the face of the unknown, isn't this a blossoming bankruptcy? – Oh !

me répondit-elle, il serait plus gai. she replied, he would be more cheerful. Puis hochant gracieusement la tête, elle ajouta : Then graciously nodding her head, she added:

– Si celui-là se ruine jamais, je l’irai dire à Pékin ! – If that one ever goes to ruin, I'll go and tell it to Peking!

Il possède un million en fonds de terre ! He owns a million in land! C’est un ancien fournisseur des armées impériales, un bon homme assez original. He is a former supplier to the Imperial armies, a rather original good man. Il s’est remarié par spéculation, et rend néanmoins sa femme extrêmement heureuse. He remarried by speculation, and nevertheless makes his wife extremely happy. Il a une jolie fille que, pendant fort longtemps, il n’a pas voulu reconnaître ; mais la mort de son fils, tué malheureusement en duel, l’a contraint à la prendre avec lui, car il ne pouvait plus avoir d’enfants. He has a pretty girl whom, for a very long time, he did not want to recognize; but the death of his son, unfortunately killed in a duel, forced him to take her with him, because he could no longer have children. La pauvre fille est ainsi devenue tout à coup une des plus riches héritières de Paris. The poor girl thus suddenly became one of the richest heiresses in Paris. La perte de son fils unique [14] a plongé ce cher homme dans un chagrin qui reparaît quelquefois. The loss of his only son [14] plunged this dear man into a grief that sometimes reappears. En ce moment, le fournisseur leva les yeux sur moi ; son regard me fit tressaillir, tant il était sombre et pensif ! At this moment, the supplier looked up at me; his look made me flinch, so dark and thoughtful!

Assurément ce coup d’œil résumait toute une vie. Surely this glance summed up a whole life. Mais tout à coup sa physionomie devint gaie ; il prit le bouchon de cristal, le mit, par un mouvement machinal, à une carafe pleine d’eau qui se trouvait devant son assiette, et tourna la tête vers monsieur Hermann en souriant. But suddenly her countenance became gay; he took the crystal stopper, mechanically moved it to a carafe full of water before his plate, and turned his head towards Monsieur Hermann, smiling. Cet homme, béatifié par ses jouissances gastronomiques, n’avait sans doute pas deux idées dans la cervelle, et ne songeait à rien. This man, beatified by his gastronomic pleasures, doubtless had not two ideas in his brain, and dreamed of nothing. Aussi eus-je en quelque sorte, honte de prodiguer ma science divinatoire « in anima vili » [15] d’un épais financier. So I had somehow, ashamed to lavish my divinatory science "in anima vili" [15] of a thick financial. Pendant que je faisais, en pure perte, des observations phrénologiques [16], le bon Allemand s’était lesté le nez d’une prise de tabac, et commençait son histoire. While I was making phrenological observations in vain, [16] the good German weighed his nose with a snuff, and began his story. Mientras yo hacía observaciones frenológicas en vano [16], el buen alemán se había tapado la nariz con tabaco y comenzaba su relato. Il me serait assez difficile de la reproduire dans les mêmes termes, avec ses interruptions fréquentes et ses digressions verbeuses. It would be rather difficult for me to reproduce it in the same terms, with its frequent interruptions and wordy digressions. Aussi l’ai-je écrite à ma guise, laissant les fautes au Nurembergeois, et m’emparant de ce qu’elle peut avoir de poétique et d’intéressant, avec la candeur des écrivains qui oublient de mettre au titre de leurs livres : traduit de l’allemand. So I have written it to myself, leaving the faults to the Nuremberg, and seizing what it may have poetic and interesting, with the candor of writers who forget to put under the title of their books: translated from German.