Leçon 27: Transports en tous genres I
(A neuf heures une, lundi matin, le téléphone sonne chez les Belleau. Mireille, qui, par hasard, se trouve près du téléphone, décroche.)
Mireille: Allô?
La voix: Allô, l'Armée du Salut?
Mireille: Ah, non, Madame, ce n'est pas l'Armée du Salut. Vous vous êtes trompée de numéro. C'est la caserne des pompiers, ici. Vous avez un faux numéro.
La voix: Ah . . . Je me suis trompée de numéro?
Mireille: Oui, vous vous êtes trompée de numéro, Madame.
La voix: Oh, excusez-moi, Mademoiselle, excusez-moi.
Mireille: Il n'y a pas de mal, Madame, ce n'est pas grave; vous voulez l'Armée du Salut?
La voix: Oui, l'Armée du Salut.
Mireille: Attendez, je vais vérifier le numéro. Ne quittez pas. Allô, Madame? C'est le 43.87.41.19.
La voix: Ah, oh, vous êtes bien aimable, Mademoiselle. Je vous remercie, Mademoiselle.
Mireille: De rien, il n'y a pas de quoi, je vous en prie, c'est la moindre des choses. Au revoir, Madame.
(Mireille raccroche. À neuf heures trois, le téléphone sonne de nouveau. Mireille décroche aussitôt.)
Mireille: Allô, ici l'Armée du Salut, le Major Barbara à l'appareil!
Robert: Allô . . . est-ce que je pourrais parler à Mademoiselle Mireille Belleau, s'il vous plaît?
Mireille: Ah, c'est vous, Robert? Comment allez-vous?
Robert: Ça va, merci. Vous aussi? Je . . . je vous téléphone parce que l'autre soir, là, vendredi, vous m'avez dit de vous téléphoner ce matin. Je voulais vous demander quand je pourrais vous revoir—enfin—si vous vouliez.
Mireille: Ah, c'est gentil, mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, je dois aller à Chartres.
Robert: Mais je croyais que vous étiez allée à Chartres l'autre jour, jeudi.
Mireille: Non, jeudi je n'ai pas pu y aller, mais aujourd'hui, je dois absolument y aller.
Robert: Moi aussi, je devrais aller à Chartres: la cathédrale! Est-ce que je ne pourrais pas y aller avec vous?
Mireille: Oh, si vous y tenez. Mais vous savez, moi, je ne vais pas à Chartres pour voir la cathédrale. J'y vais pour aller au musée et pour parler au conservateur.
Robert: Oh, ben, ce n'est pas un problème: je pourrais visiter la cathédrale pendant que vous verriez ce monsieur!
Mireille: D'abord, le conservateur n'est pas un monsieur, c'est une dame. Et je trouve que vous arrangez bien facilement les choses!
Robert: Oh, vous savez, s'il n'y avait que des difficultés comme ça, la vie serait facile, non? Et comment comptez-vous aller à Chartres? En auto, par la route?
Mireille: Non, je n'ai pas de voiture.
Robert: Je pourrais en louer une, si vous vouliez!
Mireille: Non, c'est trop cher, et puis, avec une voiture de location, j'aurais trop peur de tomber en panne.
Robert: Pourquoi? Enfin, si vous ne voulez pas louer de voiture, prenons l'autocar: ça ne doit pas être très cher.
Mireille: Ah, non, l'autocar, ce n'est pas cher; mais ce n'est pas commode: ça ne va pas vite.
Robert: Alors, allons-y en avion! Ça, au moins, c'est rapide!
Mireille: Mais non, voyons! On ne peut pas aller à Chartres en avion: c'est tout près! Chartres est trop près de Paris!
Robert: Ah . . . eh bien, alors, si c'est tout près, allons-y à pied! J'aime bien marcher.
Mireille: Tout de même, ce n'est pas loin, mais ce n'est pas si près que ça!
Robert: Eh bien alors, allons-y à bicyclette, ou à cheval!
Mireille: Ah, à cheval, ce serait bien. J'aimerais bien y aller à cheval, et ça peut se faire, c'est possible, mais je n'ai pas le temps.
Robert: Alors, si vous êtes pressée, allons-y à motocyclette! Vrrraoum! Vrrraoum! J'adore la moto, pas vous?
Mireille: Ouh, je ne sais pas! C'est un peu dangereux! Et puis, de toute façon, je n'ai pas de casque, et le casque est obligatoire à moto.
Robert: Mais alors, je suppose qu'on ne peut pas y aller en bateau. Alors qu'est-ce qu'il reste? L'hélicoptère? L'aéroglisseur?
Mireille: Il y a bien un service d'aéroglisseurs entre Boulogne et Douvres, mais pas entre Paris et Chartres. Et il n'y a pas de service d'hélicoptères non plus. Il y a bien les hélicoptères de la gendarmerie, mais ils ne prennent pas de passagers, sauf pour les transporter à l'hôpital.
Robert: Alors, vous allez y aller en train?
Mireille: Ben, oui, bien sûr! Vous avez deviné! Le train, vous savez, c'est encore ce qu'il y a de mieux!
Robert: Chic! Je vais pouvoir prendre le TGV!
Mireille: Mais non, voyons! Il n'y a pas de TGV entre Paris et Chartres! Le TGV va trop vite, c'est trop près. Avec le TGV, on serait arrivé avant d'être parti!
Robert: Dommage! Mais TGV ou pas TGV, si vous vouliez bien, j'irais volontiers avec vous.
Mireille: Bon, eh bien, entendu! Rendez-vous à 11 heures à la gare Montparnasse, côté banlieue.
Robert: Comment est-ce qu'on va à la gare Montparnasse?
Mireille: C'est facile, vous n'avez qu'à prendre le métro!
Robert: Vous croyez?
Mireille: Ben, bien sûr! Pourquoi pas?
Robert: L'autre jour, j'ai voulu prendre le métro, je me suis complètement perdu.
Mireille: Sans blague? Ce n'est pas possible! On ne peut pas se perdre dans le métro!
Robert: Moi, si!
Mireille: Eh bien, écoutez, ce n'est pas difficile. Vous prenez le métro à la station Odéon ou Saint-Michel; vous prenez la ligne Porte de Clignancourt–Porte d'Orléans, direction Porte d'Orléans. Et attention! Vous ne prenez pas le métro qui va à la Porte de Clignancourt, vous prenez celui qui en vient et qui va à la Porte d'Orléans. Et vous descendez à Montparnasse–Bienvenüe. C'est simple, c'est direct, il n'y a pas de changement. Vous ne pouvez pas vous tromper. Et vous achèterez un carnet de tickets; c'est moins cher.
(Dans le métro, Robert, l'homme qui se perd partout. Face à lui, quatre portillons, deux couloirs, 100 kilomètres de tunnels, le plus grand réseau souterrain du monde! Une fois de plus, Robert va faire la preuve de son exceptionnelle facilité à se perdre. Robert, l'homme qui se perd partout—enfin, presque partout. Quand Robert arrive à la gare Montparnasse, Mireille est déjà là. Elle l'attend en lisant un journal.)
Robert: Salut! Excusez-moi, je suis un peu en retard; j'ai failli me perdre. Où est le guichet?
Mireille: Là-bas.
Robert: Je prends deux allers retours de première, n'est-ce pas?
Mireille: Non, un seul billet. J'ai déjà acheté mon billet. Et moi, je voyage en seconde. Alors, si vous aviez l'intention, par hasard, de voyager dans le même wagon que moi, vous feriez mieux d'acheter un billet de seconde.
(Robert va acheter un billet au guichet.)
Robert: Un aller-retour de seconde pour Chartres, s'il vous plaît. C'est par où?
Mireille: C'est par là. . . . Hé! Il faut composter votre billet!
(Ils compostent tous deux leurs billets et montent dans le train qui part peu après, exactement à l'heure indiquée.)
(Une douzaine de minutes plus tard, le train passe en gare de Versailles, sans s'arrêter.)
Robert: Ah, Versailles! Le château, le Grand Trianon, les grilles, la galerie des glaces, le parc, les parterres dessinés par Le Nôtre, les bassins, le hameau de Marie Antoinette. Je devrais aller à Versailles un de ces jours. Ce serait bien si je pouvais visiter ça avec une spécialiste d'histoire de l'art comme vous!
(Mireille reste perdue dans ses pensées. Puis tout à coup . . . )
Mireille: Je voulais vous dire: Nous ne devrions pas nous vouvoyer comme ça.
(Robert ne comprend pas.)
Mireille: Oui, nous vouvoyer, nous dire “vous.” Vous savez, les jeunes se tutoient très vite. Je ne voulais pas vous tutoyer devant les Courtois, l'autre jour, parce qu'ils sont un peu vieux jeu. Mais j'ai l'habitude de tutoyer tous mes copains. Alors on peut se tutoyer? À propos, mes parents aimeraient bien faire votre connaissance. Ils aimeraient vous avoir à dîner un de ces soirs. Les Courtois leur ont beaucoup parlé de vous. Jeudi soir, ça vous irait? On pourrait peut-être aller au cinéma, si vous voulez, après.
Robert: Oui, si vous voulez. Mais je croyais qu'on se tutoyait?