#92 - De Paris au Pérou (2)
Très bien, donc tu as commencé comme pigiste. Est-ce que dès le départ, tu avais des thèmes privilégiés ? Ou est-ce que tu as cherché à te positionner dans un secteur particulier, comment tu as fait au début pour trouver des contrats, justement ?
Alors, j'ai trouvé un contrat assez régulier dès le début. Et puis après, j'ai envoyé des mails. Des choses comme ça. Et puis finalement, je ne suis pas restée pigiste très longtemps au début, parce que j'ai eu une opportunité qui s'est présentée pour un média que j'adorais. Mais vraiment, j'adorais, qui est Les Échos Start, qui est un média qui… Des Échos, donc le jour, le premier journal économique de France. Mais c'est le site web qui était réservé aux jeunes, à la start-up, ces choses-là, qui ne sont pas forcément des choses qui me, que j'adore, en soi… la « Start-up Nation »
…la Start-up Nation ! Voilà, c'est des choses que je critique beaucoup, mais à l'intérieur, c'est, c'est un média qui permettait de parler de choses un peu sur faire sa vie à l'étranger. Changer complètement de carrière, avoir un travail qui ait du sens. Des choses comme ça, en fait, c'est plutôt c'était le contre-sens de la vie dans les grosses entreprises. C'est un peu le média pour les Hugo, finalement, les jeunes qui sortent d'écoles de commerce et qui se rendent compte : « mais qu'est-ce que je fais là ? Ça n'a aucun sens, je faire quelque chose de plus intéressant ». Donc, c'est vrai que ça me permettait d'écrire pour des personnes qui, qui peut être, avaient cru que leur vie allait être toute tracée et finalement se rendaient compte que ils avaient envie de faire d'autres choses, qu'ils avaient envie de s'intéresser à des choses, à s'intéresser à des choses plus sociales, qu'ils avaient envie de voyager… Des choses comme ça. Et donc, j'ai commencé à travailler pour les Échos Start. J'ai continué très longtemps puisque j'ai travaillé 6 mois en rédaction, puis j'ai travaillé avec eux, comme pigiste. Et là, je me suis spécialisée de plus en plus sur justement, l'expatriation, qui est un mot que j'aime pas trop, mais que l'on comprend. C'est le fait d'aller vivre à l'étranger de façon volontaire, donc qui est une immigration, mais une immigration de riches, en réalité, de personnes occidentales qui ont la chance de pouvoir voyager, etc. Comme moi, j'ai pu faire et donc je me suis spécialisée petit à petit sur ce genre de mode de vie. En fait, des personnes qui travaillent en voyageant ou qui font des années sabbatiques ou qui vont à l'étranger pour trouver l'inspiration, voilà des choses comme ça. Et c'est en écrivant ces articles que toi, tu a commencé à prévoir de t'expatrier, ou alors au contraire c'était une idée que tu avais déjà dans un coin de la tête, et justement, tu as pu la creuser en interviewant des gens etc ? Alors là, c'est vraiment une question de qui de la poule ou de l'oeuf est arrivé en premier parce que je pense que j'avais déjà au fond de moi l'idée puisque j'ai toujours voulu travailler de façon indépendante, etc. J'avais jam… J'avais pas mal voyagé quand j'étais… À partir du moment où j'étais étudiante, j'avais profité du fait qu'en Europe, c'est assez facile de faire des week-ends à l'étranger, etc. Mais j'étais jamais sortie d'Europe et c'était quelque chose que je voulais vraiment, je sentais que j'étais appelée à voyager et à sortir, à connaître autre chose. Et plus j'écrivais sur des personnes qui le faisaient et plus je me disais : « mais qu'est ce que tu fous encore à Paris ? » Genre vraiment, c'est… À un moment, je me suis dit : « mais attends, c'est ridicule d'être là à écrire toute la journée… » Parce que tous les sujets que je proposais, c'était « Jobs de rêve ! Ils voyagent ! Ils travaillent tout en voyageant ! Ils ont fait une année sabbatique, etc. » Et donc…
Et pourquoi tu as choisi le Pérou ?
Donc, pourquoi le Pérou ? Parce que donc moi, j'ai fait classe européenne espagnol au collège, donc collège-lycée. Classe européenne, c'est une option en France qui permet de apprendre une langue de façon un peu plus approfondie, avec des heures supplémentaires. Donc, en apprenant aussi la géographie, l'histoire, etc. Et donc, dans cette classe, évidemment, on faisait l'histoire de l'Espagne, mais aussi de toute l'Amérique latine. Donc, avec ma meilleure amie, on était restées sur l'idée que quand on sera grandes, on voyagera en Amérique latine et donc elle m'a accompagnée pour les deux premières semaines de mon voyage. Et donc, c'est elle qui a choisi de commencer par le Pérou. Dans tous les cas, moi, je voulais aller en Amérique latine. Je pensais à d'autres destinations comme Cuba, Cuba qui m'a toujours beaucoup attiré aussi. Ou bon voilà toute façon je voulais faire tout le continent, pratiquement. Et donc, c'est elle qui a dit « Allez, moi je vais aller au Pérou, je veux voir le Machu Picchu, etc ». Donc voilà, c'est comme ça que je me suis retrouvée au Pérou en juillet 2017. Donc à la base, c'était simplement censé être un voyage ? Ouais. Euh moi, j'avais pris un billet aller, mais je n'avais pas pris de billet de retour. Donc déjà là, il y avait quelque chose un petit peu. J'avais pas prévu de date de retour. J'avais dit à ma famille, mes amis, je pense que je reviens à peu près pour fin novembre début décembre, que c'est mon anniversaire et Noël. Donc ça me paraît assez assez correct comme date de retour. Et mais voilà, j'avais pas d'itinéraire précis, j'avais prévu quelques petits, quelques petits spots sur la route, retrouver certaines personnes, etc. Mais voilà, j'avais pas une idée très précise de ce que j'allais faire, ni de quand j'allais rentrer. Et tu avais rendu les clefs de ton appartement ? À ton travail, tu leur avais dit tu partais ou ?
Ouais, alors mon travail. j'ai eu cet dilemme qui n'a pas été un dilemme, c'est que j'ai été interviewée, etc. J'avais fait tous les entretiens pour un CDI tout en me disant « mince, qu'est ce que je fais ? J'ai pas envie d'un CDI, mais j'ai très envie de ce travail ». Et au final, encore une fois, le destin. Finalement, le poste qu'ils avaient de libre, c'était que pour 6 mois, parce qu'il y a eu un petit changement interne. Donc en fait là, pour moi, ça a été vraiment la décision. C'était évident. C'était… C'était un signe. Voilà, c'était un signe totalement. Et pour l'appartement, j'étais en coloc chez une copine. C'était son appartement à elle, donc que j'avais sous-loué à une autre personne et donc j'avais laissé quand même mes affaires là-bas. Donc c'est vrai que quand j'ai décidé… Quand j'ai décidé de ne plus rentrer, j'ai dû appeler ma copine, lui dire « Je suis désolée, je rentre plus ». Et puis j'ai deux… J'ai plusieurs potes en fait qui sont allées chez moi et qui ont fait tout mon, qui ont fait mon déménagement pour moi, qui ont mis mes affaires dans des valises, etc. Donc ça a été un peu,
Ça c'est des vrais amis. Ouais, c'est vrai que du coup je leur ai fait peser quelque chose d'assez lourd. Je les remercie.
Donc, tu es arrivée au Pérou avec ta meilleure amie, et tu es restée là-bas, finalement ? Ou t'as voyagé… comme… tu as fait ce que vous aviez prévu et ? Alors j'ai fait, donc là c'est l'histoire, le fond de l'histoire pourquoi je suis resté au Pérou ? J'ai fait 2 semaines, j'ai voyagé pendant deux semaines avec elle et après, et elle est repartie. Et c'est là qu'entre en scène celui qui est devenu mon mari aujourd'hui que j'ai rencontré du coup le jour, le premier jour où j'étais toute seule, qui m'a fait visiter sa ville. Et en fait, on s'est jamais quitté. Il a voyagé avec moi. On est partis jusqu'à la frontière de l'Équateur et après, j'ai continué à voyager toute seule. Mais tout en restant en contact. On s'est retrouvé en Colombie et de là, on a décidé de.. Je suis repartie au Pérou. On a voyagé de nouveau en Bolivie, au Chili. Mais petit à petit, le Pérou est devenu un peu ma deuxième maison. C'est vrai que du coup, j'y suis retourné avec un Péruvien qui m'a fait rencontrer sa famille. Je suis beaucoup plus rentrée dans la culture péruvienne que j'ai adorée. D'un autre point de vue. Parce que c'est vrai que c'est, c'est différent. Quand on est dans un endroit comme touriste pendant deux semaines. Et puis en parlant à peine la langue. Et puis, quand on commence à vivre sur place, à parler de plus en plus, à rencontrer des personnes vraiment de là-bas, à aller dans des endroits où les touristes ne vont pas, etc. Donc voilà, je suis, je suis restée au Pérou, mais pas pas tout de suite. J'ai voyagé en même temps. Je pense que tout 2017/2018, j'ai voyagé. J'ai voyagé énormément, mais avec un peu ma deuxième maison, c'était le Pérou. Ok, et à ce moment-là, tu travaillais comme pigiste ou comment ça se passait ?
Ouais. Je travaillais comme pigiste. Ouais, ouais. J'ai travaillé comme pigiste jusqu'à, enfin seulement comme pigiste, jusqu'à, je pense pendant un an, quelque chose comme ça. Et c'est au bout de un an, quand je suis retournée au Pérou après, après être allée aux Etats-Unis, en Europe, je sais plus… Voilà, je suis revenue pour plusieurs mois et je me suis dit « bon, maintenant, je vais commencer à donner des cours » et j'ai commencé à m'intéresser aux formations avec l'Alliance française, etc. Mais tout en continuant les piges. Dans tous les cas, j'ai jamais arrêté les piges. Mais c'est vrai que les piges, c'est quelque chose qu'on fait, c'est pas du tout régulier. Il y a des mois où je vais en faire quatre et écrire des longs articles. Puis, à des mois où, du coup, je proposais rien pour être plus tranquille et voyager. Voilà.
Ok, et comment ça s'est passé tes début de prof ? Mes débuts de prof. C'était. C'était en fait une grande révélation parce que je savais pas exactement ce que je faisais. Mais bon, je connais. Ce qui est bien, c'est que la grammaire, j'avais absolument aucun problème, contrairement, parce qu'on dit parfois, il suffit pas de parler français pour pouvoir l'expliquer. Pour le coup, je savais plutôt bien tous les mécanismes grammaticaux grâce à mes études et parce que je m'y intéressais. Et en fait, le côté pédagogique, c'est quelque chose que j'ai improvisé au départ et en fait, que ça s'est super bien passé. J'ai adoré. J'ai vu que les élèves étaient contents et c'est aussi ce qui m'a donné envie de faire une formation supplémentaire pour connaître un peu mieux quels sont les différents courants de pédagogie et comment, et comment en fait on peut apprendre ça, mais tout en sentant que j'avais la fibre, non ? Donc c'était. C'était quelque chose qui, ouais ça a été un peu un, je sais pas, un coup de foudre professionnel, à partir, dès le premier cours en fait. Et ce premier cours, c'était dans une école de langues ? Non. J'ai donné des cours particuliers, au début. J'ai donné des cours particuliers. J'avoue que je ne me sentais pas du tout légitime dans des, dans des institutions un peu plus sérieuses, entre guillemets. C'est vrai que j'ai tendance à ne pas me lancer dans quelque chose… Ne faites pas comme moi, faites les choses sans… Nan parce que c'est vrai que sans avoir la formation, sans avoir de l'expérience, etc. J'avais l'impression que j'allais être une fraude. Et au final, j'ai mis du temps avant d'aller donner mon CV à une institution et de commencer à travailler comme je l'ai fait après, en donnant des classes à des grands groupes, etc. C'est le célèbre syndrome de l'imposteur. Ouais, exactement, c'est quelque chose, c'est… D'ailleurs, j'avais pensé « ça pourrait faire un bon podcast ça. Je pourrais proposer à Hugo de faire ça parce que c'est un truc, vraiment… » C'est vrai. Moi, j'ai eu la même chose mais j'ai pas le choix, donc on m'a vraiment, la directrice de l'Institut français de Varsovie m'a dit « On a un cours de conversation. On aimerait bien que vous soyez le prof ». Elle savait que j'avais aucune expérience en la matière. Donc voilà, juste après l'entretien, elle m'a proposé ça. Donc, je ne me suis pas trop posé de questions parce que je n'ai pas eu le temps d'y réfléchir, tout simplement. Mais c'est vrai que c'était un peu inconscient. Et c'était vraiment comme toi, ou voilà, dès le premier cours, je me suis rendu compte que j'adorais ça, le contact avec les élèves, d'avoir des gens qui étaient tellement passionnés par le français, c'était vraiment quelque chose qui faisait chaud au cœur. Et je me suis formé sur le tas. Mais toi, tu as fait une formation vraiment à distance, donc une formation officielle par correspondance ?
Ouais, après. Mais au début, ouais, c'était des cours particuliers. Et c'est vrai que comme tu dis, ça fait chaud au coeur de voir à quel point des personnes peuvent être passionnées par un pays dont on se plaint tout le temps, nous, habituellement. Donc c'est intéressant ouais de… Puis, je trouve que, je sais pas si toi, ça t'a fait ça, mais aussi quand tu vis dans un autre pays, ça permet d'avoir un contact avec son pays toujours, et puis d'avoir un échange culturel avec des personnes qui s'intéressent aussi à comment toi, tu vis la réalité de leur pays, puis en leur expliquant : « mais non en France, c'est pas comme ça » ou « ça, ça m'a surpris ». Et puis, ça permet d'avoir des échanges assez intéressants. Nan, c'est vrai. Moi, je ne me suis jamais senti autant français que depuis que je vis plus en France. Donc c'est un peu paradoxal, mais effectivement, tu te rends compte de toutes les différences, de ce qui est bien en France, de ce qui est moins bien, t'as plus de recul. Et voilà, des choses qui toi, te semblaient complètement évidente. Surtout, j'ai l'impression qu'on a un peu le même profil que toi aussi, quand tu étais enfant, tu as pas forcément voyagé beaucoup à l'étranger. C'est plus quelque chose que tu as découvert ensuite pendant tes études, non ? Ouais, complètement, complètement. De fait, je me rappelle que quand je suis rentrée, à un moment, j'étais en France après avoir déjà voyagé. Enfin, je sais plus à quel moment, mais bon bref. Ma petite sœur est un peu dans le même… Par exemple, ma sœur elle dans le même… Un, deux, trois, je recommence… Oui, c'est vrai. Je me souviens que une fois, il y a pas si longtemps, mon père nous a fait une remarque avec ma petite sœur, qui aussi a commencé à voyager. Elle a fait tout un tour de l'Amérique du Sud toute seule en stop. Là, elle est en République démocratique du Congo, donc aussi un profil aventurier, mais récent. Et je me souviens que notre père nous a dit « Mais je ne comprends pas pourquoi vous voyagez tellement. Parce que nous, on n'a jamais voyagé. Moi, je ne suis pas… » Et on lui a dit « Ben justement, c'est peut être pour ça ». On est tellement restées en France, en France, en France que au final, dès a pu, ça a été d'abord les voyages en Europe, et puis après essayer de partir plus loin, découvrir d'autres cultures, ne pas rester dans un métro-boulot-dodo parisien. C'est vrai que c'est quelque chose, c'est quelque chose qui est venu après, peut être par le manque dans l'enfance de ce genre de choses. C'est vrai. Je pense que c'est assez générationnel aussi ou voilà, à l'époque de nos parents. Il y avait pas forcément Ryan Air etc, les vols low cost, et donc c'était plus difficile. C'était moins à la mode de voyager. C'était plutôt… Voilà, aller faire des festivals en France. Tu sais qu'à contrario, mes parents connaissent beaucoup mieux la France que moi parce que quand ils étaient jeunes, ils ont baroudé vraiment dans tout le pays en faisant du stop, etc. Alors que nous, quand on était jeunes entre… On se sent déjà vieux, mais… Bon, quand on était étudiant, en tout cas, voilà, tout le monde se faisait des week-ends à l'étranger, à Barcelone, etc. Tout le monde sautait dans l'avion dès qu'on avait 3, 4 jours pour aller quelques fois. Enfin, tout le monde, les étudiants qui avaient les moyens en tout cas.
Ouais, ouais, ouais. C'est vrai, c'est vrai. Que du coup, moi, je connais pas du tout la France. C'est d'ailleurs mon prochain objectif de voyage, c'est la France. Mais ouais, effectivement, que… On allait à Barcelone pour 20 euros. Et puis on se retrouvait qu'avec des Français qui finalement pouvaient très bien, auraient pu aller dans le sud de la France pour avoir la mer et faire la fête. Mais non, il fallait aller en Europe, ailleurs, dans une autre ville avec un vol low cost.
C'est vrai. Donc, tu a posé des valises au Pérou, tu a commencé ta carrière de prof et tu me disais qu'au début, ton espagnol c'était pas non plus… Tu avais pas l'impression de pouvoir parler couramment ? Ah non, pas du tout. C'était horrible. C'était… En fait, moi j'ai appris l'espagnol comme, donc comme je te disais, au collège-lycée. Et j'ai fait même de l'espagnol renforcé. Mais ça suffit pas pour parler correctement, pour comprendre correctement après…
Surtout que nous, à l'école, on nous enseigne vraiment l'espagnol d'Espagne, avec l'accent d'Espagne. Et pas du tout l'accent d'Amérique latine. Ouais, ouais. Exactement. Donc c'est encore, c'est encore différent. Il faut s'adapter. Et puis, et puis en plus, ça faisait des années quand même que j'avais, puisqu'au final, quand j'avais fini le lycée, je sais plus combien de temps il s'était passé, peut-être 10 ans, quelque chose comme ça. Et l'espagnol, c'est pas quelque chose qu'on pratique en regardant des séries ou en écoutant… Enfin voilà, j'écoutais un peu de reggaeton de temps en temps, c'est pas du tout du tout compréhensible. C'est pas de l'espagnol. C'est un vocabulaire très spécifique. Voilà.
Donc, j'allais pas sortir les quelques mots du reggaeton. Non, du coup, j'ai dû apprendre sur le… Par la force des choses. Mais après, il faut reconnaitre qu'en ayant des bases pour la grammaire, la conjugaison, etc, qui étaient quand même enfouies dans mon cerveau, et en parlant français, qui est une langue assez proche. En vivant sur place, c'est allé, c'est allé assez rapidement. Et puis, et puis après j'ai fait, j'ai pris des cours d'espagnol, mais alors j'avoue que j'ai pris des cours d'espagnol avant tout pour me faire des amis. Donc, quand j'avais déjà un niveau avancé, j'avais déjà un niveau avancé et j'ai pris des cours pour vraiment améliorer tout ce qui est, par exemple utiliser le subjonctif, utiliser l'hypothèse, des choses comme ça, qui sont… qui existent en espagnol, comme en français, mais qui ne s'utilise pas de la même manière. Donc en fait, on a des temps équivalents, mais qu'on n'utilise pas au même moment. Donc là, c'est vrai que j'étais perdue et quand je demandais à mon copain, il me disait « bah je sais pas, c'est comme ça, c'est tout ». J'étais là : ok, merci merci. Donc du coup, je savais qu'un prof, ce serait mieux. Mais, mais ouais. C'était quand même pas, je parlais pas du tout, mais c'était pas si difficile, grâce à la proximité de la langue, grâce aux bases que j'avais. Et puis bon, faut avouer que j'ai quand même de la facilité avec les langues, donc en connaissant bien le français et l'étymologie des choses comme ça, c'est allé assez facilement. Avec ton mari vous parliez espagnol dès le départ ? Ou comment ça s'est passé ? Non, on parlait anglais, on parlait anglais. C'était drôle parce qu'il parlait anglais avec… Lui, il a vécu à New York, donc il parlait bien anglais, mais avec un accent latino puisqu'à New York, c'est comme ça, il y a beaucoup, beaucoup de Latinos qui parlent dans leur langage un peu mix… comment on dit… spanglish. Et moi, je parlais anglais avec un accent français très très important. Donc, au début, on parlait comme ça, mais on se disait quelques mots en français, en espagnol. Parce que au final, quand tu connais pas un mot en anglais, tu le dis en français, et finalement, il comprend parce qu'en espagnol, c'est la même chose. Donc, on faisait anglais, avec quelques explications en espagnol, en français et quand j'ai, quand je me suis installée pour de bon, entre guillemets, en tout cas, pour plusieurs mois, je lui ai dit « Tu me parles pas l'anglais. Vraiment, ne me parle plus du tout anglais ». Parce qu'en plus, quand il me parlait anglais devant des gens, les gens pensaient que je pouvais pas comprendre du tout l'espagnol. Donc, ils me parlaient pas en espagnol. Et moi, je voulais au contraire que les gens me parlent en espagnol pour que mon oreille s'habitue comme ça et me forcer. Donc voilà.
Donc la transition était vraiment radicale.
Ouais, ouais, ouais. Après c'est sûr que c'était cool d'avoir l'anglais en commun parce que quand je bloquais vraiment, je disais « comment on dit… ? » Je me rappelle que mon beau-frère se foutait tout de temps de ma gueule, parce que parce que je disais tout le temps, j'étais en plein milieu d'une phrase et je disais « Comment on dit… ? » Et soit j'expliquais en espagnol ce que je voulais dire, soit je le disais en anglais, donc, en fait, j'arrivais pas à raconter quelque chose d'une traite. Je faisais des pauses. Et puis il y a eu un moment où mon mari était le seul qui me… Enfin, on parlait un peu un langage secret. Les autres, ils le regardaient, genre « Elle a dit quoi là ? » Et donc il expliquait : « ah oui, c'est parce qu'elle se trompe entre ça et ça… » Non, c'est vrai que vraiment à l'intérieur du couple, tu développes ton propre langage. C'est la même chose avec ma copine ou voilà, on parle anglais, mais forcément, c'est pas ma langue maternelle ni la sienne. Donc, c'est vraiment un anglais qu'on a complètement adapté en fonction de notre quotidien, nos besoins, etc. Et je pense que… Je caricature, forcément des anglophones nous comprendraient parfaitement, mais de temps en temps, je pense que voilà, on a notre propre vocabulaire qui est pas forcément intelligible par tous. Donc je comprends ça tout à fait.
Ouais parfois tu inventes. D'ailleurs en espagnol, moi ça m'arrive encore de dire « ce mot-là, il manque en espagnol ». Et du coup, on invente un mot, je lui dis en français, on peut dire ça. « Ah ouais ? Ouais, bah c'est trop bien, qu'il y ait ce mot qui existe en français. » Et à l'inverse, quand je parle avec des amis francophones qui vivent à, au Pérou, parfois à l'intérieur de nos conversations en français, on utilise des mots espagnols parce qu'il n'y a pas d'équivalent en français et du coup, ça fait encore plus de richesse de vocabulaire quand on peut mélanger plusieurs langues. C'est vrai, c'est vrai. Et ton mari apprend le français ?
Bah, disons que par la force des choses, il le comprend de plus en plus. Il a des conversations très intéressantes avec ma mère ou les deux se parlent beaucoup avec les gestes, avec le regard, etc. Mais mais là, on va aller en France dans pas longtemps. Donc il va devoir s'y mettre sérieusement. Mais c'est vrai que je crois que t'as connu ça aussi, c'est la grosse frustration du cor… des cordonniers qui sont les plus mal chaussés. Une expression française qui, je pense, existe, en tout cas, il doit y avoir un équivalent dans toutes les langues.
Ouais est-ce que tu peux l'expliquer quand même ? C'est… Le cordonnier, c'est la personne qui répare les chaussures et donc être chaussé. Être mal chaussé, c'est avoir des chaussures en mauvais état ou ne pas avoir de chaussures, ou quoi. Donc c'est que la personne qui est chargée, qui a comme métier de réparer des chaussures, est celui qui n'a pas des bonnes chaussures. Et donc là, c'est la même chose : nous qui sommes profs de FLE, on a des compagnons qui, la personne qui partage notre vie, qui ne parlent pas français parce que c'est pas parce qu'on est prof de français qu'on peut leur enseigner comme ça dans la vie quotidienne. Exactement exactement. C'est très mauvais pour mon marketing. D'ailleurs, c'est pour ça que vous avez jamais vu ma copine dans les vidéos Youtube. Bon, c'est vrai que c'est assez difficile. Je sais pas si c'est encore plus difficile en étant prof, mais nous, on a essayé au début d'avoir quelques leçons, etc. Mais voilà, moi, c'est quelque chose que je faisais déjà toute la semaine et j'avais pas envie, quand j'étais avec ma copine, d'encore travailler encore donner des leçons. Et puis, la relation prof-élève mélangée avec la relation copains-copines, bon ça fonctionne pas toujours très bien, donc on a un peu fini par abandonner.
Ouais, je suis d'accord. J'ai essayé aussi. On a fait de temps en temps, surtout au début de confinement. On se faisait des sessions « allez tous les mardis et jeudis on fait ». Donc il prenait son petit cahier, et puis je voyais qu'en fait il m'écoutait ou moi, je voulais juste faire des blagues. Au final, ça fonctionne pas
Ok. Et tu disais donc que vous allez, vous prévoyez de rentrer en France ?
Ouais, ouais. Bah là, c'est le départ est imminent. On va voir comment ça se passe au niveau des frontières du covid, etc. Mais comme ça fait assez longtemps que je suis au Pérou par… sans pouvoir ni voyager ni rendre visite, avoir des visites de ma famille ou quoi, et qu'on a l'impression que la situation est partie pour durer. Du coup, là, on s'est organisé et on va s'installer en France pour, je ne sais pas pour combien de temps, je ne sais pas combien de temps on tiendra dans la stabilité sans voyager, sans aller ailleurs. Mais en tout cas pour l'instant, peut-être une petite année pour que je sois plus proche de ma famille, comme ça lui il peut apprendre le français. Et puis, ça permet aussi d'être un peu plongée de nouveau dans la culture française. Ok, très bien. Et peut-être que nous on pourra enfin se rencontrer en vrai.
Ouais, ce serait bien. Ce serait plus facile, en tout cas, de Pologne en France.
C'est sûr. Et moi aussi, je compte passer un peu plus de temps en France là dans le futur. Je pense qu'il y a beaucoup de personnes qui ont ressenti parmi les gens qui vivent à distance, qui vivent loin de leurs familles, qui ressentent là vraiment ce besoin de passer du temps avec ses proches. Et voilà, c'est quelque chose que je vais essayer de faire. Ah d'accord. Donc toi tu prévois de, enfin de passer plus de temps, de revenir régulièrement ou de s'installer en France ? C'est ça. Non, non, non. De revenir un peu plus régulièrement. Quand je vais en France de rester un peu plus longtemps parce qu'en général, quand j'y vais, j'ai toujours plein de personnes à voir, aussi bien la famille que les amis. Donc voilà, en une semaine, j'essaie de voir tout le monde. Mais bon, c'est assez court. Et prochainement, je pense, la prochaine fois, je pense que j'essaierai de rester un peu plus longtemps pour, voilà vraiment mentir en France l'espace de quelques temps. Ouais, je comprends pas. Du coup, on se verra à ce moment-là. Rencontre française.
Très bien. Bon, bah je pense qu'on va s'arrêter là. Merci beaucoup, Ingrid, pour tes réponses. Je pense que les auditeurs te connaissent un peu mieux, réussissent à cerner le personnage, maintenant. Et à mon avis, c'est pas la dernière fois qu'on t'entendra dans le podcast. Donc voilà, merci beaucoup.
Bah merci à toi pour l'invitation. J'espère que ça pourra répondre à certains doutes, et puis que… Ouais, ça me ferait plaisir de revenir et puis, de faire, de travailler sur le podcast. Donc on se réécoute bientôt bientôt.
Très bien, merci beaucoup. À bientôt.
Merci à toi. Salut.
Voilà, maintenant, vous savez tout ou presque sur Ingrid. J'espère que cette discussion vous a plu. J'en profite pour vous dire que le mois prochain, en mai, on va rouvrir les inscriptions pour le cours Raconte ton histoire. Donc, si vous aimez ce genre de conversation authentique et que vous voulez apprendre à mieux les comprendre, vous savez ce qu'il vous reste à faire. Merci à toutes et à tous. Et on se retrouve bientôt pour un nouvel épisode. Salut !