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Oscar Wilde - Le Portrait de Dorian Gray, Le portrait de Dorian Gray Chapitre 2

Le portrait de Dorian Gray Chapitre 2

Chapitre II

En entrant, ils aperçurent Dorian Gray. Il était assis au piano, leur tournant le dos, feuilletant les pages d'un volume des « Scènes de la Forêt » de Schumann.

– Vous allez me les prêter, Basil, cria-t-il... Il faut que je les apprenne. C'est tout à fait charmant.

– Cela dépend comment vous poserez aujourd'hui, Dorian...

– Oh ! Je suis fatigué de poser, et je n'ai pas besoin d'un portrait grandeur naturelle, riposta l'adolescent en évoluant sur le tabouret du piano d'une manière pétulante et volontaire...

Une légère rougeur colora ses joues quand il aperçut lord Henry, et il s'arrêta court...

– Je vous demande pardon, Basil, mais je ne savais pas que vous étiez avec quelqu'un...

– C'est lord Henry Wotton, Dorian, un de mes vieux amis d'Oxford. Je lui disais justement quel admirable modèle vous étiez, et vous venez de tout gâter...

– Mais mon plaisir n'est pas gâté de vous rencontrer, Mr Gray, dit lord Henry en s'avançant et lui tendant la main. Ma tante m'a parlé souvent de vous. Vous êtes un de ses favoris, et, je le crains, peut-être aussi... une de ses victimes...

– Hélas ! Je suis à présent dans ses mauvais papiers, répliqua Dorian avec une moue drôle de repentir. Mardi dernier, je lui avais promis de l'accompagner à un club de Whitechapel et j'ai parfaitement oublié ma promesse. Nous devions jouer ensemble un duo... ; un duo, trois duos, plutôt !... Je ne sais pas ce qu'elle va me dire ; je suis épouvanté à la seule pensée d'aller la voir.

– Oh ! Je vous raccommoderai avec ma tante. Elle vous est toute dévouée, et je ne crois pas qu'il y ait réellement matière à fâcherie. L'auditoire comptait sur un duo ; quant ma tante Agathe se met au piano, elle fait du bruit pour deux...

– C'est méchant pour elle... et pas très gentil pour moi, dit Dorian en éclatant de rire...

Lord Henry l'observait... Certes, il était merveilleusement beau avec ses lèvres écarlates finement dessinées, ses clairs yeux bleus, sa chevelure aux boucles dorées. Tout dans sa face attirait la confiance ; on y trouvait la candeur de la jeunesse jointe à la pureté ardente de l'adolescence. On sentait que le monde ne l'avait pas encore souillé. Comment s'étonner que Basil Hallward l'estimât pareillement ?...

– Vous êtes vraiment trop charmant pour vous occuper de philanthropie, Mr Gray, trop charmant...

Et lord Henry, s'étendant sur le divan, ouvrit son étui à cigarettes.

Le peintre s'occupait fiévreusement de préparer sa palette et ses pinceaux... Il avait l'air ennuyé ; quand il entendit la dernière remarque de lord Henry il le fixa... Il hésita un moment, puis se décidant :

– Harry, dit-il, j'ai besoin de finir ce portrait aujourd'hui. M'en voudriez-vous si je vous demandais de partir... ?

Lord Henry sourit et regarda Dorian Gray.

– Dois-je m'en aller, Mr Gray ? interrogea-t-il.

– Oh ! non, je vous en prie, lord Henry. Je vois que Basil est dans de mauvaises dispositions et je ne puis le supporter quand il fait la tête... D'abord, j'ai besoin de vous demander pourquoi je ne devrais pas m'occuper de philanthropie.

– Je ne sais ce que je dois vous répondre, Mr Gray. C'est un sujet si assommant qu'on ne peut en parler que sérieusement... Mais je ne m'en irai certainement pas, puisque vous me demandez de rester. Vous ne tenez pas absolument à ce que je m'en aille, Basil, n'est-ce pas ? Ne m'avez-vous dit souvent que vous aimiez avoir quelqu'un pour bavarder avec vos modèles ?

Hallward se mordit les lèvres...

– Puisque Dorian le désire, vous pouvez rester. Ses caprices sont des lois pour chacun, excepté pour lui.

Lord Henry prit son chapeau et ses gants.

– Vous êtes trop bon, Basil, mais je dois m'en aller. J'ai un rendez-vous avec quelqu'un à l'« Orléans » ... adieu, Mr Gray. Venez me voir une de ces après-midi à Curzon Street. Je suis presque toujours chez moi vers cinq heures. Écrivez-moi quand vous viendrez : je serais désolé de ne pas vous rencontrer.

– Basil, s'écria Dorian Gray, si lord Henry Wotton s'en va, je m'en vais aussi. Vous n'ouvrez jamais la bouche quand vous peignez et c'est horriblement ennuyeux de rester planté sur une plate-forme et d'avoir l'air aimable. Demandez-lui de rester. J'insiste pour qu'il reste.

– Restez donc, Harry, pour satisfaire Dorian et pour me satisfaire, dit Hallward regardant attentivement le tableau. C'est vrai, d'ailleurs, je ne parle jamais quand je travaille, et n'écoute davantage, et je comprends que ce soit agaçant pour mes infortunés modèles. Je vous prie de rester.

– Mais que va penser la personne qui m'attend à l'« Orléans » ?

Le peintre se mit à rire.

– Je pense que cela s'arrangera tout seul... Asseyez-vous, Harry... Et maintenant, Dorian, montez sur la plate-forme ; ne bougez pas trop et tâchez de n'apporter aucune attention à ce que vous dira lord Henry. Son influence est mauvaise pour tout le monde, sauf pour lui-même...

Dorian Gray gravit la plate-forme avec l'air d'un jeune martyr grec, en faisant une petite moue de mécontentement à lord Henry qu'il avait déjà pris en affection ; il était si différent de Basil, tous deux ils formaient un délicieux contraste... et lord Henry avait une voix si belle... Au bout de quelques instants, il lui dit :

– Est-ce vrai que votre influence soit aussi mauvaise que Basil veut bien le dire ?

– J'ignore ce que les gens entendent par une bonne influence, Mr Gray. Toute influence est immorale... immorale, au point de vue scientifique...

– Et pourquoi ?

– Parce que je considère qu'influencer une personne, c'est lui donner un peu de sa propre âme. Elle ne pense plus avec ses pensées naturelles, elle ne brûle plus avec ses passions naturelles. Ses vertus ne sont plus siennes. Ses péchés, s'il y a quelque chose de semblable à des péchés, sont empruntés. Elle devient l'écho d'une musique étrangère, l'acteur d'une pièce qui ne fut point écrite pour elle. Le but de la vie est le développement de la personnalité. Réaliser sa propre nature : c'est ce que nous tâchons tous de faire. Les hommes sont effrayés d'eux-mêmes aujourd'hui. Ils ont oublié le plus haut de tous les devoirs, le devoir que l'on se doit à soi-même. Naturellement ils sont charitables. Ils nourrissent le pauvre et vêtent le loqueteux ; mais ils laissent crever de faim leurs âmes et vont nus. Le courage nous a quittés ; peut-être n'en eûmes-nous jamais ! La terreur de la Société, qui est la base de toute morale, la terreur de Dieu, qui est le secret de la religion : voilà les deux choses qui nous gouvernent. Et encore...

– Tournez votre tête un peu plus à droite, Dorian, comme un bon petit garçon, dit le peintre enfoncé dans son œuvre, venant de surprendre dans la physionomie de l'adolescent un air qu'il ne lui avait jamais vu.

– Et encore, continua la voix musicale de lord Henry sur un mode bas, avec cette gracieuse flexion de la main qui lui était particulièrement caractéristique et qu'il avait déjà au collège d'Eton, je crois que si un homme voulait vivre sa vie pleinement et complètement, voulait donner une forme à chaque sentiment, une expression à chaque pensée, une réalité à chaque rêve, je crois que le monde subirait une telle poussée nouvelle de joie que nous en oublierions toutes les maladies médiévales pour nous en retourner vers l'idéal grec, peut-être même à quelque chose de plus beau, de plus riche que cet idéal ! Mais le plus brave d'entre nous est épouvanté de lui-même. Le reniement de nos vies est tragiquement semblable à la mutilation des fanatiques. Nous sommes punis pour nos refus. Chaque impulsion que nous essayons d'anéantir, germe en nous et nous empoisonne. Le corps pèche d'abord, et se satisfait avec son péché, car l'action est un mode de purification. Rien ne nous reste que le souvenir d'un plaisir ou la volupté d'un regret. Le seul moyen de se débarrasser d'une tentation est d'y céder. Essayez de lui résister, et votre âme aspire maladivement aux choses qu'elle s'est défendues ; avec, en plus, le désir pour ce que des lois monstrueuses ont fait illégal et monstrueux.

« Ceci a été dit que les grands événements du monde prennent place dans la cervelle. C'est dans la cervelle, et là, seulement, que prennent aussi place les grands péchés du monde. Vous, Mr Gray, vous-même avec votre jeunesse rose-rouge, et votre enfance rose-blanche, vous avez eu des passions qui vous ont effrayé, des pensées qui vous rempli de terreur, des jours de rêve et des nuits de rêve dont le simple rappel colorerait de honte vos joues...

– Arrêtez, dit Dorian Gray hésitant, arrêtez ! vous m'embarrassez. Je ne sais que vous répondre. J'ai une réponse à vous faire que je ne puis trouver. Ne parlez pas ! Laissez-moi penser ! Par grâce ! Laissez-moi essayer de penser !

Pendant presque dix minutes, il demeura sans faire un mouvement, les lèvres entr'ouvertes et les yeux étrangement brillants. Il semblait avoir obscurément conscience que le travaillaient des influences tout à fait nouvelles, mais elles lui paraissaient venir entièrement de lui-même. Les quelques mots que l'ami de Basil lui avait dits – mots dits sans doute par hasard et chargés de paradoxes voulus – avaient touché quelque corde secrète qui n'avait jamais été touchée auparavant mais qu'il sentait maintenant palpitante et vibrante en lui.

La musique l'avait ainsi remué déjà ; elle l'avait troublé bien des fois. Ce n'est pas un nouveau monde, mais bien plutôt un nouveau chaos qu'elle crée en nous...

Les mots ! Les simples mots ! Combien ils sont terribles ! Combien limpides, éclatants ou cruels ! On voudrait leur échapper. Quelle subtile magie est donc en eux ?... On dirait qu'ils donnent une forme plastique aux choses informes, et qu'ils ont une musique propre à eux-mêmes aussi douce que celle du luth ou du violon ! Les simples mots ! Est-il quelque chose de plus réel que les mots ?

Oui, il y avait eu des choses dans son enfance qu'il n'avait point comprises ; il les comprenait maintenant. La vie lui apparut soudain ardemment colorée. Il pensa qu'il avait jusqu'alors marché à travers les flammes ! Pourquoi ne s'était-il jamais douté de cela ?

Lord Henry le guettait, son mystérieux sourire aux lèvres. Il connaissait le moment psychologique du silence... Il se sentait vivement intéressé. Il s'étonnait de l'impression subite que ses paroles avaient produite ; se souvenant d'un livre qu'il avait lu quand il avait seize ans et qui lui avait révélé ce qu'il avait toujours ignoré, il s'émerveilla de voir Dorian Gray passer par une semblable expérience. Il avait simplement lancé une flèche en l'air. Avait-elle touché le but ?... Ce garçon était vraiment intéressant.

Hallward peignait avec cette remarquable sûreté de main, qui le caractérisait ; il possédait cette élégance, cette délicatesse parfaite qui, en art, proviennent toujours de la vraie force. Il ne faisait pas attention au long silence planant dans l'atelier.

– Basil, je suis fatigué de poser, cria tout à coup Dorian Gray. J'ai besoin de sortir et d'aller dans le jardin. L'air ici est suffocant...

– Mon cher ami, j'en suis désolé. Mais quand je peins, je ne pense à rien autre chose. Vous n'avez jamais mieux posé. Vous étiez parfaitement immobile, et j'ai saisi l'effet que je cherchais : les lèvres demi-ouvertes et l'éclair des yeux... Je ne sais pas ce que Harry a pu vous dire, mais c'est à lui certainement que vous devez cette merveilleuse expression. Je suppose qu'il vous a complimenté. Il ne faut pas croire un mot de ce qu'il dit.

– Il ne m'a certainement pas complimenté. Peut-être est-ce la raison pour laquelle je ne veux rien croire de ce qu'il m'a raconté.

– Bah !... Vous savez bien que vous croyez tout ce que je vous ai dit, riposta Lord Henry, le regardant avec ses yeux langoureux et rêveurs. Je vous accompagnerai au jardin. Il fait une chaleur impossible dans cet atelier... Basil, faites-nous donc servir quelque chose de glacé, une boisson quelconque aux fraises.

– Comme il vous conviendra, Harry... Sonnez Parker ; quand il viendra, je lui dirai ce que vous désirez... J'ai encore à travailler le fond du portrait, je vous rejoindrai bientôt. Ne me gardez pas Dorian trop longtemps. Je n'ai jamais été pareillement disposé à peindre. Ce sera sûrement mon chef-d'œuvre... et ce l'est déjà.

Lord Henry, en pénétrant dans le jardin, trouva Dorian Gray la face ensevelie dans un frais bouquet de lilas en aspirant ardemment le parfum comme un vin précieux... Il s'approcha de lui et mit la main sur son épaule...

– Très bien, lui dit-il ; rien ne peut mieux guérir l'âme que les sens, comme rien ne saurait mieux que l'âme guérir les sens.

L'adolescent tressaillit et se retourna... Il était tête nue, et les feuilles avaient dérangé ses boucles rebelles, emmêlé leurs fils dorés. Dans ses yeux nageait comme de la crainte, cette crainte que l'on trouve dans les yeux des gens éveillés en sursaut... Ses narines finement dessinées palpitaient, et quelque trouble caché aviva le carmin de ses lèvres frissonnantes.

– Oui, continua lord Henry, c'est un des grands secrets de la vie, guérir l'âme au moyen des sens, et les sens au moyen de l'âme. Vous êtes une admirable créature. Vous savez plus que vous ne pensez savoir, tout ainsi que vous pensez connaître moins que vous ne connaissez.

Dorian Gray prit un air chagrin et tourna la tête. Certes, il ne pouvait s'empêcher d'aimer le beau et gracieux jeune homme qu'il avait en face de lui. Sa figure olivâtre et romanesque, à l'expression fatiguée, l'intéressait. Il y avait quelque chose d'absolument fascinant dans sa voix languide et basse. Ses mains mêmes, ses mains fraîches et blanches, pareilles à des fleurs, possédaient un charme curieux. Ainsi que sa voix elles semblaient musicales, elles semblaient avoir un langage à elles. Il lui faisait peur, et il était honteux d'avoir peur... Il avait fallu que cet étranger vint pour le révéler à lui-même. Depuis des mois, il connaissait Basil Hallward et son amitié ne l'avait pas changé ; quelqu'un avait passé dans son existence qui lui avait découvert le mystère de la vie. Qu'y avait-il donc qui l'effrayait ainsi. Il n'était ni une petite fille, ni un collégien ; c'était ridicule, vraiment...

– Allons nous asseoir à l'ombre, dit lord Henry. Parker nous a servi à boire, et si vous restez plus longtemps au soleil vous pourriez vous abîmer le teint et Basil ne voudrait plus vous peindre. Ne risquez pas d'attraper un coup de soleil, ce ne serait pas le moment.

– Qu'est-ce que cela peut faire, s'écria Dorian Gray en riant comme il s'asseyait au fond du jardin.

– C'est pour vous de toute importance, Mr Gray.

– Tiens, et pourquoi ?

– Parce que vous possédez une admirable jeunesse et que la jeunesse est la seule chose désirable.

– Je ne m'en soucie pas.

– Vous ne vous en souciez pas... maintenant. Un jour viendra, quand vous serez vieux, ridé, laid, quand la pensée aura marqué votre front de sa griffe, et la passion flétri vos lèvres de stigmates hideux, un jour viendra, dis-je, où vous vous en soucierez amèrement. Où que vous alliez actuellement, vous charmez. En sera-t-il toujours ainsi ? Vous avez une figure adorablement belle, Mr Gray... Ne vous fâchez point, vous l'avez... Et la Beauté est une des formes du Génie, la plus haute même, car elle n'a pas besoin d'être expliquée ; c'est un des faits absolus du monde, comme le soleil, le printemps, ou le reflet dans les eaux sombres de cette coquille d'argent que nous appelons la lune ; cela ne peut être discuté ; c'est une souveraineté de droit divin, elle fait des princes de ceux qui la possèdent... vous souriez ?... Ah ! vous ne sourirez plus quand vous l'aurez perdue... On dit parfois que la beauté n'est que superficielle, cela peut être, mais tout au moins elle est moins superficielle que la Pensée. Pour moi, la Beauté est la merveille des merveilles. Il n'y a que les gens bornés qui ne jugent pas sur l'apparence. Le vrai mystère du monde est le visible, non l'invisible... Oui, Mr Gray, les Dieux vous furent bons. Mais ce que les Dieux donnent, ils le reprennent vite. Vous n'avez que peu d'années à vivre réellement, parfaitement, pleinement ; votre beauté s'évanouira avec votre jeunesse, et vous découvrirez tout à coup qu'il n'est plus de triomphes pour vous et qu'il vous faudra vivre désormais sur ces menus triomphes que la mémoire du passé rendra plus amers que des défaites. Chaque mois vécu vous approche de quelque chose de terrible. Le temps est jaloux de vous, et guerroie contre vos lys et vos roses.

« Vous blêmirez, vos joues se creuseront et vos regards se faneront. Vous souffrirez horriblement... Ah ! réalisez votre jeunesse pendant que vous l'avez !...

« Ne gaspillez pas l'or de vos jours, en écoutant les sots essayant d'arrêter l'inéluctable défaite et gardez-vous de l'ignorant, du commun et du vulgaire... C'est le but maladif, l'idéal faux de notre âge. Vivez ! vivez la merveilleuse vie qui est en vous ! N'en laissez rien perdre ! Cherchez de nouvelles sensations, toujours ! Que rien ne vous effraie... Un nouvel Hédonisme, voilà ce que le siècle demande. Vous pouvez en être le tangible symbole. Il n'est rien avec votre personnalité que vous ne puissiez faire. Le monde vous appartient pour un temps !

« Alors que je vous rencontrai, je vis que vous n'aviez point conscience de ce que vous étiez, de ce que vous pouviez être... Il y avait en vous quelque chose de si particulièrement attirant que je sentis qu'il me fallait vous révéler à vous-même, dans la crainte tragique de vous voir vous gâcher... car votre jeunesse a si peu de temps à vivre... si peu !... Les fleurs se dessèchent, mais elles refleurissent... Cet aubour sera aussi florissant au mois de juin de l'année prochaine qu'il l'est à présent. Dans un mois, cette clématite portera des fleurs pourprées, et d'année en année, ses fleurs de pourpre illumineront le vert de ses feuilles... Mais nous, nous ne revivrons jamais notre jeunesse. Le pouls de la joie qui bat en nous à vingt ans, va s'affaiblissant, nos membres se fatiguent et s'alourdissent nos sens !... Tous, nous deviendrons d'odieux polichinelles, hantés par la mémoire de ce dont nous fûmes effrayés, par les exquises tentations que nous n'avons pas eu le courage de satisfaire... Jeunesse ! Jeunesse ! Rien n'est au monde que la jeunesse !...

Les yeux grands ouverts, Dorian Gray écoutait, s'émerveillant... La branche de lilas tomba de sa main à terre. Une abeille se précipita, tourna autour un moment, bourdonnante, et ce fut un frisson général des globes étoilés des mignonnes fleurs. Il regardait cela avec cet étrange intérêt que nous prenons aux choses menues quand nous sommes préoccupés de problèmes qui nous effraient, quand nous sommes ennuyés par une nouvelle sensation pour laquelle nous ne pouvons trouver d'expression, ou terrifiés par une obsédante pensée à qui nous nous sentons forcés de céder... Bientôt l'abeille prit son vol. Il l'aperçut se posant sur le calice tacheté d'un convolvulus tyrien. La fleur s'inclina et se balança dans le vide, doucement...

Soudain, le peintre apparut à la porte de l'atelier et leur fit des signes réitérés... Ils se tournèrent l'un vers l'autre en souriant...

– Je vous attends. Rentrez donc. La lumière est très bonne en ce moment et vous pouvez apporter vos boissons.

Ils se levèrent et paresseusement, marchèrent le long du mur. Deux papillons verts et blancs voltigeaient devant eux, et dans un poirier situé au coin du mur, une grive se mit à chanter.

– Vous êtes content, Mr Gray, de m'avoir rencontré ?... demanda lord Henry le regardant.

– Oui, j'en suis content, maintenant ; j'imagine que je le serai toujours !...

– Toujours !... C'est un mot terrible qui me fait frémir quand je l'entends : les femmes l'emploient tellement. Elles abîment tous les romans en essayant de les faire s'éterniser. C'est un mot sans signification, désormais. La seule différence qui existe entre un caprice et une éternelle passion est que le caprice... dure plus longtemps...

Comme ils entraient dans l'atelier, Dorian Gray mit sa main sur le bras de lord Harry :

– Dans ce cas, que notre amitié ne soit qu'un caprice, murmura-t-il, rougissant de sa propre audace...

Il monta sur la plate-forme et reprit sa pose...

Lord Harry s'était étendu dans un large fauteuil d'osier et l'observait... Le va et vient du pinceau sur la toile et les allées et venues de Hallward se reculant pour juger de l'effet, brisaient seuls le silence... Dans les rayons obliques venant de la porte entr'ouverte, une poussière dorée dansait. La senteur lourde des roses semblait peser sur toute chose.

Au bout d'un quart d'heure, Hallward s'arrêta de travailler, en regardant alternativement longtemps Dorian Gray et le portrait, mordillant le bout de l'un de ses gros pinceaux, les sourcils crispés...

– Fini ! cria-t-il, et se baissant, il écrivit son nom en hautes lettres de vermillon sur le coin gauche de la toile.

Lord Henry vint regarder le tableau. C'était une admirable œuvre d'art d'une ressemblance merveilleuse.

– Mon cher ami, permettez-moi de vous féliciter chaudement, dit-il. C'est le plus beau portrait des temps modernes. Mr Gray, venez-vous regarder.

L'adolescent tressaillit comme éveillé de quelque rêve.

– Est-ce réellement fini ? murmura-t-il en descendant de la plate-forme.

– Tout à fait fini, dit le peintre. Et vous avez aujourd'hui posé comme un ange. Je vous suis on ne peut plus obligé.

– Cela m'est entièrement dû, reprit lord Henry. N'est-ce pas, Mr Gray ?

Dorian ne répondit pas ; il arriva nonchalamment vers son portrait et se tourna vers lui... Quand il l'aperçut, il sursauta et ses joues rougirent un moment de plaisir. Un éclair de joie passa dans ses yeux, car il se reconnut pour la première fois. Il demeura quelque temps immobile, admirant, se doutant que Hallward lui parlait, sans comprendre la signification de ses paroles. Le sens de sa propre beauté surgit en lui comme une révélation. Il ne l'avait jusqu'alors jamais perçu. Les compliments de Basil Hallward lui avait semblé être simplement des exagérations charmantes d'amitié. Il les avait écoutés en riant, et vite oubliés... son caractère n'avait point été influencé par eux. Lord Henry Wotton était venu avec son étrange panégyrique de la jeunesse, l'avertissement terrible de sa brièveté. Il en avait été frappé à point nommé, et à présent, en face de l'ombre de sa propre beauté, il en sentait la pleine réalité s'épandre en lui.

Oui, un jour viendrait où sa face serait ridée et plissée, ses yeux creusés et sans couleur, la grâce de sa figure brisée et déformée. L'écarlate de ses lèvres passerait, comme se ternirait l'or de sa chevelure. La vie qui devait façonner son âme abîmerait son corps ; il deviendrait horrible, hideux, baroque...

Comme il pensait à tout cela, une sensation aiguë de douleur le traversa comme une dague, et fit frissonner chacune des délicates fibres de son être...

L'améthyste de ses yeux se fonça ; un brouillard de larmes les obscurcit... Il sentit qu'une main de glace se posait sur son cœur...

– Aimez-vous cela, cria enfin Hallward, quelque peu étonné du silence de l'adolescent, qu'il ne comprenait pas...

– Naturellement, il l'aime, dit lord Henry. Pourquoi ne l'aimerait-il pas. C'est une des plus nobles choses de l'art contemporain. Je vous donnerai ce que vous voudrez pour cela. Il faut que je l'aie !...

– Ce n'est pas ma propriété, Harry.

– À qui est-ce donc alors ?

– À Dorian, pardieu ! répondit le peintre.

– Il est bien heureux...

– Quelle chose profondément triste, murmurait Dorian, les yeux encore fixés sur son portrait. Oh ! oui, profondément triste !... Je deviendrai vieux, horrible, affreux !... Mais cette peinture restera toujours jeune. Elle ne sera jamais plus vieille que ce jour même de juin... Ah ! si cela pouvait changer ; si c'était moi qui toujours devais rester jeune, et si cette peinture pouvait vieillir !... Pour cela, pour cela je donnerais tout !... Il n'est rien dans le monde que je ne donnerais... Mon âme, même !...

– Vous trouveriez difficilement un pareil arrangement, cria lord Henry, en éclatant de rire...

– Eh ! eh ! je m'y opposerais d'ailleurs, dit le peintre.

Dorian Gray se tourna vers lui.

– Je le crois, Basil... Vous aimez votre art mieux que vos amis. Je ne vous suis ni plus ni moins qu'une de vos figures de bronze vert. À peine autant, plutôt...

Le peintre le regarda avec étonnement. Il était si peu habitué à entendre Dorian s'exprimer ainsi. Qu'était il donc arrivé ? C'est vrai qu'il semblait désolé ; sa face était toute rouge et ses joues allumées.

– Oui, continua-t-il. Je vous suis moins que votre Hermès d'ivoire ou que votre Faune d'argent. Vous les aimerez toujours, eux. Combien de temps m'aimerez-vous ? Jusqu'à ma première ride, sans doute... Je sais maintenant que quand on perd ses charmes, quels qu'ils puissent être, on perd tout. Votre œuvre m'a appris cela ! Oui, lord Henry Wotton a raison tout à fait. La jeunesse est la seule chose qui vaille. Quand je m'apercevrai que je vieillis, je me tuerai !

Hallward pâlit et prit sa main.

– Dorian ! Dorian, cria-t-il, ne parlez pas ainsi ! Je n'eus jamais un ami tel que vous et jamais je n'en aurai un autre ! Vous ne pouvez être jaloux des choses matérielles, n'est-ce pas ? N'êtes-vous pas plus beau qu'aucune d'elles ?

– Je suis jaloux de toute chose dont la beauté ne meurt pas. Je suis jaloux de mon portrait !... Pourquoi gardera-t-il ce que moi je perdrai. Chaque moment qui passe me prend quelque chose, et embellit ceci. Oh ! si cela pouvait changer ! Si ce portrait pouvait vieillir ! Si je pouvais rester tel que je suis !... Pourquoi avez-vous peint cela ? Quelle ironie, un jour ! Quelle terrible ironie !

Des larmes brûlantes emplissaient ses yeux... Il se tordait les mains. Soudain il se précipita sur le divan et ensevelit sa face dans les coussins, à genoux comme s'il priait...

– Voilà votre œuvre, Harry, dit le peintre amèrement.

Lord Henry leva les épaules.

– Voilà le vrai Dorian Gray vous voulez dire !...

– Ce n'est pas...

– Si ce n'est pas, comment cela me regarde-t-il alors ?...

– Vous auriez dû vous en aller quand je vous le demandais, souffla-t-il.

– Je suis resté parce que vous me l'avez demandé, riposta lord Henry.

– Harry, je ne veux pas me quereller maintenant avec mes deux meilleurs amis, mais par votre faute à tous les deux, vous me faites détester ce que j'ai jamais fait de mieux et je vais l'anéantir. Qu'est-ce après tout qu'une toile et des couleurs ? Je ne veux point que ceci puisse abîmer nos trois vies.

Dorian Gray leva sa tête dorée de l'amas des coussins et, sa face pâle baignée de larmes, il regarda le peintre marchant vers une table située sous les grands rideaux de la fenêtre. Qu'allait-il faire ? Ses doigts, parmi le fouillis des tubes d'étain et des pinceaux secs, cherchaient quelque chose... Cette lame mince d'acier flexible, le couteau à palette... Il l'avait trouvée ! Il allait anéantir la toile...

Suffoquant de sanglots, le jeune homme bondit du divan, et se précipitant vers Hallward, arracha le couteau de sa main, et le lança à l'autre bout de l'atelier.

– Basil, je vous en prie !... Ce serait un meurtre !

– Je suis charmé de vous voir apprécier enfin mon œuvre, dit le peintre froidement, en reprenant son calme. Je n'aurais jamais attendu cela de vous...

– L'apprécier ?... Je l'adore, Basil. Je sens que c'est un peu de moi-même.

– Alors bien ! Aussitôt que « vous » serez sec, « vous » serez verni, encadré, et expédié chez « vous ». Alors, vous ferez ce que vous jugerez bon de « vous-même ».

Il traversa la chambre et sonna pour le thé.

– Vous voulez du thé, Dorian ? Et vous aussi, Harry ? ou bien présentez-vous quelque objection à ces plaisirs simples.

– J'adore les plaisirs simples, dit lord Henry. Ce sont les derniers refuges des êtres complexes. Mais je n'aime pas les... scènes, excepté sur les planches. Quels drôles de corps vous êtes, tous deux ! Je m'étonne qu'on ait défini l'homme un animal raisonnable ; pour prématurée, cette définition l'est. L'homme est bien des choses, mais il n'est pas raisonnable... Je suis charmé qu'il ne le soit pas après tout... Je désire surtout que vous ne vous querelliez pas à propos de ce portrait ; tenez Basil, vous auriez mieux fait de me l'abandonner. Ce méchant garçon n'en a pas aussi réellement besoin que moi...

– Si vous le donniez à un autre qu'à moi, Basil, je ne vous le pardonnerais jamais, s'écria Dorian Gray ; et je ne permets à personne de m'appeler un méchant garçon...

– Vous savez que ce tableau vous appartient, Dorian. Je vous le donnai avant qu'il ne fût fait.

– Et vous savez aussi que vous avez été un petit peu méchant, Mr Gray, et que vous ne pouvez vous révolter quand on vous fait souvenir que vous êtes extrêmement jeune.

– Je me serais carrément révolté ce matin, lord Henry.

– Ah ! ce matin !... Vous avez vécu depuis...

On frappa à la porte, et le majordome entra portant un service à thé qu'il disposa sur une petite table japonaise. Il y eut un bruit de tasses et de soucoupes et la chanson d'une bouillotte cannelée de Géorgie... Deux plats chinois en forme de globe furent apportés par un valet. Dorian Gray se leva et servit le thé. Les deux hommes s'acheminèrent paresseusement vers la table, et examinèrent ce qui était sous les couvercles des plats.

– Allons au théâtre ce soir, dit lord Henry. Il doit y avoir du nouveau quelque part.

– J'ai promis de dîner chez White, mais comme c'est un vieil ami, je puis lui envoyer un télégramme pour lui dire que je suis indisposé, ou que je suis empêché de venir par suite d'un engagement postérieur. Je pense que cela serait plutôt une jolie excuse ; elle aurait tout le charme de la candeur.

– C'est assommant de passer un habit, ajouta Hallward ; et quand on l'a mis, on est parfaitement horrible.

– Oui, répondit lord Henry, rêveusement, le costume du XIXesiècle est détestable. C'est sombre, déprimant... Le péché est réellement le seul élément de quelque couleur dans la vie moderne.

– Vous ne devriez pas dire de telles choses devant Dorian, Henry.

– Devant quel Dorian ?... Celui qui nous verse du thé ou celui du portrait ?...

– Devant les deux.

– J'aimerais aller au théâtre avec vous, lord Henry, dit le jeune homme.

– Eh bien, venez, et vous aussi, n'est-ce pas, Basil.

– Je ne puis pas, vraiment... Je préfère rester, j'ai un tas de choses à faire.

– Bien donc ; vous et moi, Mr Gray, nous sortirons ensemble.

– Je le désire beaucoup...

Le peintre se mordit les lèvres et, la tasse à la main, il se dirigea vers le portrait.

– Je resterai avec le réel Dorian Gray, dit-il tristement.

– Est-ce là le réel Dorian Gray, cria l'original du portrait, s'avançant vers lui. Suis-je réellement comme cela ?

– Oui, vous êtes comme cela.

– C'est vraiment merveilleux, Basil.

– Au moins, vous l'êtes en apparence... Mais cela ne changera jamais, ajouta Hallward... C'est quelque chose.

– Voici bien des affaires à propos de fidélité ! s'écria lord Henry. Même en amour, c'est purement une question de tempérament, cela n'a rien à faire avec notre propre volonté. Les jeunes gens veulent être fidèles et ne le sont point ; les vieux veulent être infidèles et ne le peuvent ; voilà tout ce qu'on en sait.

– N'allez pas au théâtre ce soir, Dorian, dit Hallward... Restez dîner avec moi.

– Je ne le puis, Basil.

– Pourquoi ?

– Parce que j'ai promis à lord Henry Wotton d'aller avec lui.

– Il ne vous en voudra pas beaucoup de manquer à votre parole ; il manque assez souvent à la sienne. Je vous demande de n'y pas aller.

Dorian Gray se mit à rire en secouant la tête...

– Je vous en conjure...

Le jeune homme hésitait, et jeta un regard vers lord Henry qui les guettait de la table où il prenait le thé, avec un sourire amusé.

– Je veux sortir, Basil, décida-t-il.

– Très bien, répartit Hallward, et il alla remettre sa tasse sur le plateau. Il est tard, et comme vous devez vous habiller, vous feriez bien de ne pas perdre de temps. Au revoir, Harry. Au revoir, Dorian. Venez me voir bientôt, demain si possible.

– Certainement...

– Vous n'oublierez pas...

– Naturellement...

– Et... Harry ?

– Moi non plus, Basil.

– Souvenez-vous de ce que je vous ai demandé, quand nous étions dans le jardin ce matin...

– Je l'ai oublié...

– Je compte sur vous.

– Je voudrais bien pouvoir compter sur moi-même, dit en riant lord Henry... Venez, Mr Gray, mon cabriolet est en bas et je vous déposerai chez vous. Adieu, Basil ! Merci pour votre charmante après-midi.

Comme la porte se fermait derrière eux, le peintre s'écroula sur un sofa, et une expression de douleur se peignit sur sa face.


Le portrait de Dorian Gray Chapitre 2 Das Bildnis des Dorian Gray Kapitel 2 The Picture of Dorian Gray Chapter 2 Obraz Doriana Graya Rozdział 2 "Портрет Доріана Грея" Розділ 2

Chapitre II

En entrant, ils aperçurent Dorian Gray. As they entered, they saw Dorian Gray. Il était assis au piano, leur tournant le dos, feuilletant les pages d'un volume des « Scènes de la Forêt » de Schumann. He was seated at the piano, his back to them, leafing through the pages of a volume of Schumann's Forest Scenes.

– Vous allez me les prêter, Basil, cria-t-il... Il faut que je les apprenne. "You will lend them to me, Basil," he shouted. "I must learn them. C'est tout à fait charmant. It's quite charming.

– Cela dépend comment vous poserez aujourd'hui, Dorian... - It depends how you ask today, Dorian ...

– Oh ! Je suis fatigué de poser, et je n'ai pas besoin d'un portrait grandeur naturelle, riposta l'adolescent en évoluant sur le tabouret du piano d'une manière pétulante et volontaire... I'm tired of posing, and I do not need a life-size portrait, "the teenager replied, moving on the piano stool in a petulant and deliberate way.

Une légère rougeur colora ses joues quand il aperçut lord Henry, et il s'arrêta court... A slight blush colored his cheeks when he saw Lord Henry, and he stopped short ...

– Je vous demande pardon, Basil, mais je ne savais pas que vous étiez avec quelqu'un... - I beg your pardon, Basil, but I did not know you were with anyone ...

– C'est lord Henry Wotton, Dorian, un de mes vieux amis d'Oxford. “It is Lord Henry Wotton, Dorian, an old friend of mine from Oxford. Je lui disais justement quel admirable modèle vous étiez, et vous venez de tout gâter... I told him exactly what an admirable model you were, and you just spoil everything ...

– Mais mon plaisir n'est pas gâté de vous rencontrer, Mr Gray, dit lord Henry en s'avançant et lui tendant la main. "But my pleasure is not spoiled to meet you, Mr. Gray," said Lord Henry, advancing and extending his hand. Ma tante m'a parlé souvent de vous. My aunt often told me about you. Vous êtes un de ses favoris, et, je le crains, peut-être aussi... une de ses victimes... You are one of his favorites, and, I fear, maybe also ... one of his victims ...

– Hélas ! - Alas! Je suis à présent dans ses mauvais papiers, répliqua Dorian avec une moue drôle de repentir. I'm now in his bad papers, "said Dorian with a pout of repentance. Mardi dernier, je lui avais promis de l'accompagner à un club de Whitechapel et j'ai parfaitement oublié ma promesse. Last Tuesday, I had promised to accompany him to a club in Whitechapel and I completely forgot my promise. Nous devions jouer ensemble un duo... ; un duo, trois duos, plutôt !... We had to play together a duet ...; a duet, three duets, rather! Je ne sais pas ce qu'elle va me dire ; je suis épouvanté à la seule pensée d'aller la voir. I do not know what she's going to tell me; I am appalled at the thought of going to see her.

– Oh ! Je vous raccommoderai avec ma tante. - Oh ! I'll patch you up with my aunt. Elle vous est toute dévouée, et je ne crois pas qu'il y ait réellement matière à fâcherie. I'll mend you with my aunt. L'auditoire comptait sur un duo ; quant ma tante Agathe se met au piano, elle fait du bruit pour deux... She is very devoted to you, and I do not think there is any real reason for anger.

– C'est méchant pour elle... et pas très gentil pour moi, dit Dorian en éclatant de rire... The audience relied on a duet; when my aunt Agathe goes to the piano, she makes a noise for two ...

Lord Henry l'observait... Certes, il était merveilleusement beau avec ses lèvres écarlates finement dessinées, ses clairs yeux bleus, sa chevelure aux boucles dorées. - That's mean to her ... and not very nice to me, said Dorian, bursting with laughter ... Tout dans sa face attirait la confiance ; on y trouvait la candeur de la jeunesse jointe à la pureté ardente de l'adolescence. Lord Henry was watching him ... Of course, he was wonderfully handsome with his finely drawn scarlet lips, clear blue eyes, and golden locks of hair. On sentait que le monde ne l'avait pas encore souillé. Everything in his face attracted confidence; there was the candor of youth, joined to the ardent purity of adolescence. Comment s'étonner que Basil Hallward l'estimât pareillement ?... We felt that the world had not yet soiled it.

– Vous êtes vraiment trop charmant pour vous occuper de philanthropie, Mr Gray, trop charmant... How surprised that Basil Hallward estimated it similarly?

Et lord Henry, s'étendant sur le divan, ouvrit son étui à cigarettes. - You are really too charming to take care of philanthropy, Mr Gray, too charming ...

Le peintre s'occupait fiévreusement de préparer sa palette et ses pinceaux... Il avait l'air ennuyé ; quand il entendit la dernière remarque de lord Henry il le fixa... Il hésita un moment, puis se décidant : And Lord Henry, laying on the couch, opened his cigarette case.

– Harry, dit-il, j'ai besoin de finir ce portrait aujourd'hui. “Harry,” he said, “I need to finish this portrait today. M'en voudriez-vous si je vous demandais de partir... ? Would you mind if I asked you to leave...?

Lord Henry sourit et regarda Dorian Gray. Would you mind if I asked you to leave ...?

– Dois-je m'en aller, Mr Gray ? 'Should I go, Mr Gray? interrogea-t-il.

– Oh ! non, je vous en prie, lord Henry. he asked. Je vois que Basil est dans de mauvaises dispositions et je ne puis le supporter quand il fait la tête... D'abord, j'ai besoin de vous demander pourquoi je ne devrais pas m'occuper de philanthropie. I see that Basil is in a bad mood and I can't bear it when he sulks... First, I need to ask you why I shouldn't be involved in philanthropy.

– Je ne sais ce que je dois vous répondre, Mr Gray. No, I beg you, Lord Henry. C'est un sujet si assommant qu'on ne peut en parler que sérieusement... Mais je ne m'en irai certainement pas, puisque vous me demandez de rester. It's such a boring subject that it can only be discussed seriously... But I certainly won't be leaving, since you're asking me to stay. Vous ne tenez pas absolument à ce que je m'en aille, Basil, n'est-ce pas ? "I do not know what to say to you, Mr. Gray. Ne m'avez-vous dit souvent que vous aimiez avoir quelqu'un pour bavarder avec vos modèles ? It's such a boring subject that you can only talk about it seriously ... But I certainly will not go away, since you're asking me to stay.

Hallward se mordit les lèvres... You do not really want me to go, Basil, do you?

– Puisque Dorian le désire, vous pouvez rester. “Since Dorian wishes, you may stay. Ses caprices sont des lois pour chacun, excepté pour lui. His whims are laws for everyone except him.

Lord Henry prit son chapeau et ses gants. - Since Dorian wants it, you can stay.

– Vous êtes trop bon, Basil, mais je dois m'en aller. His caprices are laws for everyone except for him. J'ai un rendez-vous avec quelqu'un à l'« Orléans » ... adieu, Mr Gray. I have an appointment with someone in "Orleans" ... goodbye, Mr. Gray. Venez me voir une de ces après-midi à Curzon Street. "You are too good, Basil, but I must go. Je suis presque toujours chez moi vers cinq heures. I'm almost always home around five o'clock. Écrivez-moi quand vous viendrez : je serais désolé de ne pas vous rencontrer. Come see me one of these afternoons at Curzon Street.

– Basil, s'écria Dorian Gray, si lord Henry Wotton s'en va, je m'en vais aussi. I am almost always at home around five o'clock. Vous n'ouvrez jamais la bouche quand vous peignez et c'est horriblement ennuyeux de rester planté sur une plate-forme et d'avoir l'air aimable. Write to me when you come: I would be sorry not to meet you. Demandez-lui de rester. "Basil," cried Dorian Gray, "if Lord Henry Wotton leaves, I'll go too." J'insiste pour qu'il reste. You never open your mouth when you paint and it's awfully boring to stay on a platform and look kind.

– Restez donc, Harry, pour satisfaire Dorian et pour me satisfaire, dit Hallward regardant attentivement le tableau. Ask him to stay. C'est vrai, d'ailleurs, je ne parle jamais quand je travaille, et n'écoute davantage, et je comprends que ce soit agaçant pour mes infortunés modèles. I insist he stays. Je vous prie de rester. Please stay.

– Mais que va penser la personne qui m'attend à l'« Orléans » ? It is true, moreover, I never speak when I work, and do not listen more, and I understand that it is annoying for my unfortunate models.

Le peintre se mit à rire. Please stay.

– Je pense que cela s'arrangera tout seul... Asseyez-vous, Harry... Et maintenant, Dorian, montez sur la plate-forme ; ne bougez pas trop et tâchez de n'apporter aucune attention à ce que vous dira lord Henry. 'I think it will work itself out... Sit down, Harry... And now, Dorian, step onto the platform; don't move too much and try not to pay any attention to what Lord Henry says to you. Son influence est mauvaise pour tout le monde, sauf pour lui-même... His influence is bad for everyone except himself...

Dorian Gray gravit la plate-forme avec l'air d'un jeune martyr grec, en faisant une petite moue de mécontentement à lord Henry qu'il avait déjà pris en affection ; il était si différent de Basil, tous deux ils formaient un délicieux contraste... et lord Henry avait une voix si belle... Au bout de quelques instants, il lui dit : - I think it'll work out by itself ... Sit down, Harry ... And now, Dorian, get on the platform; do not move too much and try to pay no attention to what Lord Henry will tell you.

– Est-ce vrai que votre influence soit aussi mauvaise que Basil veut bien le dire ? His influence is bad for everyone, except for himself ...

– J'ignore ce que les gens entendent par une bonne influence, Mr Gray. Dorian Gray climbed the platform with the air of a young Greek martyr, pouting displeasure at Lord Henry, whom he had already become fond of; he was so different from Basil, they both made a delicious contrast ... and Lord Henry had such a beautiful voice ... After a few moments, he said to him: Toute influence est immorale... immorale, au point de vue scientifique... "Is it true that your influence is as bad as Basil would like to say?

– Et pourquoi ? - I do not know what people mean by good influence, Mr Gray.

– Parce que je considère qu'influencer une personne, c'est lui donner un peu de sa propre âme. – Because I consider that to influence a person is to give him a bit of his own soul. Elle ne pense plus avec ses pensées naturelles, elle ne brûle plus avec ses passions naturelles. She no longer thinks with her natural thoughts, she no longer burns with her natural passions. Ses vertus ne sont plus siennes. His virtues are no longer his. Ses péchés, s'il y a quelque chose de semblable à des péchés, sont empruntés. His sins, if there is anything like sins, are borrowed. Elle devient l'écho d'une musique étrangère, l'acteur d'une pièce qui ne fut point écrite pour elle. She becomes the echo of foreign music, the actor in a play that was not written for her. Le but de la vie est le développement de la personnalité. His sins, if there is anything like sin, are borrowed. Réaliser sa propre nature : c'est ce que nous tâchons tous de faire. Realize one's own nature: that's what we all strive to do. Les hommes sont effrayés d'eux-mêmes aujourd'hui. Men are afraid of themselves today. Ils ont oublié le plus haut de tous les devoirs, le devoir que l'on se doit à soi-même. Realizing one's own nature: that's what we all try to do. Naturellement ils sont charitables. Men are scared of themselves today. Ils nourrissent le pauvre et vêtent le loqueteux ; mais ils laissent crever de faim leurs âmes et vont nus. They have forgotten the highest of all the duties, the duty that one owes oneself to oneself. Le courage nous a quittés ; peut-être n'en eûmes-nous jamais ! Courage has left us; perhaps we never had one! La terreur de la Société, qui est la base de toute morale, la terreur de Dieu, qui est le secret de la religion : voilà les deux choses qui nous gouvernent. They feed the poor and clothe the ragged; but they let their souls starve and go naked. Et encore... Courage has passed away; perhaps we never did!

– Tournez votre tête un peu plus à droite, Dorian, comme un bon petit garçon, dit le peintre enfoncé dans son œuvre, venant de surprendre dans la physionomie de l'adolescent un air qu'il ne lui avait jamais vu. "Turn your head a little more to the right, Dorian, like a good little boy," said the painter, sunk in his work, having just caught an air in the adolescent's face that he had never seen in him.

– Et encore, continua la voix musicale de lord Henry sur un mode bas, avec cette gracieuse flexion de la main qui lui était particulièrement caractéristique et qu'il avait déjà au collège d'Eton, je crois que si un homme voulait vivre sa vie pleinement et complètement, voulait donner une forme à chaque sentiment, une expression à chaque pensée, une réalité à chaque rêve, je crois que le monde subirait une telle poussée nouvelle de joie que nous en oublierions toutes les maladies médiévales pour nous en retourner vers l'idéal grec, peut-être même à quelque chose de plus beau, de plus riche que cet idéal ! "And again," continued Lord Henry's musical voice in a low key, "with that graceful flexion of the hand which was peculiarly characteristic of him, and which he had already had at Eton College, "I believe that if a man would live his life fully and completely, wanted to give shape to every feeling, expression to every thought, reality to every dream, I believe that the world would undergo such a new surge of joy that we would forget all the medieval diseases and return to the world. Greek ideal, perhaps even to something more beautiful, richer than this ideal! Mais le plus brave d'entre nous est épouvanté de lui-même. "Turn your head a little further to the right, Dorian, like a good little boy," said the painter, stuck in his work, coming to surprise in the countenance of the adolescent an air he had never seen. Le reniement de nos vies est tragiquement semblable à la mutilation des fanatiques. - And again, Lord Henry's musical voice continued in a low fashion, with that graceful bending of the hand that was particularly characteristic of him and that he already had in Eton's college, I believe that if a man wanted to live his life fully and completely, wanted to give shape to each feeling, an expression to every thought, a reality to every dream, I believe that the world would undergo such a new thrust of joy that we would forget all the medieval diseases to return to the Greek ideal, perhaps even something more beautiful, richer than this ideal! Nous sommes punis pour nos refus. But the bravest of us is terrified of himself. Chaque impulsion que nous essayons d'anéantir, germe en nous et nous empoisonne. Every impulse that we try to annihilate germinates in us and poisons us. Le corps pèche d'abord, et se satisfait avec son péché, car l'action est un mode de purification. The body sins first, and is satisfied with its sin, for action is a mode of purification. Rien ne nous reste que le souvenir d'un plaisir ou la volupté d'un regret. Nothing remains to us except the memory of a pleasure or the pleasure of a regret. Le seul moyen de se débarrasser d'une tentation est d'y céder. The body sins first, and is satisfied with its sin, because the action is a mode of purification. Essayez de lui résister, et votre âme aspire maladivement aux choses qu'elle s'est défendues ; avec, en plus, le désir pour ce que des lois monstrueuses ont fait illégal et monstrueux. Nothing remains to us but the memory of a pleasure or the pleasure of a regret.

« Ceci a été dit que les grands événements du monde prennent place dans la cervelle. “It has been said that the great events of the world take place in the brain. C'est dans la cervelle, et là, seulement, que prennent aussi place les grands péchés du monde. Try to resist him, and your soul craves sickly for the things it has defended; with, in addition, the desire for what monstrous laws have made illegal and monstrous. Vous, Mr Gray, vous-même avec votre jeunesse rose-rouge, et votre enfance rose-blanche, vous avez eu des passions qui vous ont effrayé, des pensées qui vous rempli de terreur, des jours de rêve et des nuits de rêve dont le simple rappel colorerait de honte vos joues... "This has been said that the great events of the world take place in the brains.

– Arrêtez, dit Dorian Gray hésitant, arrêtez ! It is in the brains, and there only, that the great sins of the world are also placed. vous m'embarrassez. You, Mr Gray, yourself with your pink-red youth, and your pink-white childhood, have had passions that have frightened you, thoughts that fill you with terror, dream days and dream nights of which the simple reminder would shame your cheeks ... Je ne sais que vous répondre. I don't know how to answer you. J'ai une réponse à vous faire que je ne puis trouver. I have an answer for you that I cannot find. Ne parlez pas ! I do not know what to answer you. Laissez-moi penser ! I have an answer to you that I can not find. Par grâce ! By grace! Laissez-moi essayer de penser ! Let me try to think!

Pendant presque dix minutes, il demeura sans faire un mouvement, les lèvres entr'ouvertes et les yeux étrangement brillants. By grace! Il semblait avoir obscurément conscience que le travaillaient des influences tout à fait nouvelles, mais elles lui paraissaient venir entièrement de lui-même. He seemed to be dimly aware that quite new influences were working on him, but they seemed to him to come entirely from himself. Les quelques mots que l'ami de Basil lui avait dits – mots dits sans doute par hasard et chargés de paradoxes voulus – avaient touché quelque corde secrète qui n'avait jamais été touchée auparavant mais qu'il sentait maintenant palpitante et vibrante en lui. For almost ten minutes he remained motionless, his lips half-opened and his eyes shining brightly.

La musique l'avait ainsi remué déjà ; elle l'avait troublé bien des fois. He seemed to have an obscure sense of the fact that he was working with entirely new influences, but they seemed to him to come entirely from himself. Ce n'est pas un nouveau monde, mais bien plutôt un nouveau chaos qu'elle crée en nous... It is not a new world, but rather a new chaos that it creates in us...

Les mots ! The music had stirred it already; she had troubled him many times. Les simples mots ! This is not a new world, but rather a new chaos it creates in us ... Combien ils sont terribles ! How terrible they are! Combien limpides, éclatants ou cruels ! How clear, bright or cruel! On voudrait leur échapper. We want to escape them. Quelle subtile magie est donc en eux ?... How limpid, brilliant or cruel! On dirait qu'ils donnent une forme plastique aux choses informes, et qu'ils ont une musique propre à eux-mêmes aussi douce que celle du luth ou du violon ! We would like to escape them. Les simples mots ! Est-il quelque chose de plus réel que les mots ? Simple words! Is there anything more real than words?

Oui, il y avait eu des choses dans son enfance qu'il n'avait point comprises ; il les comprenait maintenant. Yes, there had been things in his childhood that he had not understood; he understood them now. La vie lui apparut soudain ardemment colorée. Life suddenly appeared to him ardently colored. Il pensa qu'il avait jusqu'alors marché à travers les flammes ! He thought he had walked through the flames so far! Pourquoi ne s'était-il jamais douté de cela ? Why had he never suspected that?

Lord Henry le guettait, son mystérieux sourire aux lèvres. Life suddenly appeared to her ardently colored. Il connaissait le moment psychologique du silence... Il se sentait vivement intéressé. He knew the psychological moment of silence... He felt keenly interested. Il s'étonnait de l'impression subite que ses paroles avaient produite ; se souvenant d'un livre qu'il avait lu quand il avait seize ans et qui lui avait révélé ce qu'il avait toujours ignoré, il s'émerveilla de voir Dorian Gray passer par une semblable expérience. Why had he never thought of that? Il avait simplement lancé une flèche en l'air. Lord Henry was watching him, his mysterious smile on his lips. Avait-elle touché le but ?... Did she hit the target?... Ce garçon était vraiment intéressant. He was astonished at the sudden impression that his words had produced; remembering a book he had read when he was sixteen and who had revealed to him what he had always ignored, he marveled at seeing Dorian Gray go through such an experience.

Hallward peignait avec cette remarquable sûreté de main, qui le caractérisait ; il possédait cette élégance, cette délicatesse parfaite qui, en art, proviennent toujours de la vraie force. Hallward painted with that remarkable sureness of hand which characterized him; he possessed that elegance, that perfect delicacy which, in art, always comes from true strength. Il ne faisait pas attention au long silence planant dans l'atelier. He paid no attention to the long hovering silence in the workshop.

– Basil, je suis fatigué de poser, cria tout à coup Dorian Gray. "Basil, I'm tired of posing," cried Dorian Gray suddenly. J'ai besoin de sortir et d'aller dans le jardin. Hallward painted with that remarkable security of hand which characterized him; he possessed that elegance, that perfect delicacy which, in art, always comes from true strength. L'air ici est suffocant... He was not paying attention to the long silence hovering in the studio.

– Mon cher ami, j'en suis désolé. - My dear friend, I'm sorry. Mais quand je peins, je ne pense à rien autre chose. But when I paint, I think of nothing else. Vous n'avez jamais mieux posé. You have never posed better. Vous étiez parfaitement immobile, et j'ai saisi l'effet que je cherchais : les lèvres demi-ouvertes et l'éclair des yeux... Je ne sais pas ce que Harry a pu vous dire, mais c'est à lui certainement que vous devez cette merveilleuse expression. You were perfectly still, and I got the effect I was looking for: the half-open lips and the flash of the eyes... I don't know what Harry could have told you, but it's certainly his that you owe this wonderful expression. Je suppose qu'il vous a complimenté. I guess he complimented you. Il ne faut pas croire un mot de ce qu'il dit. You have never posed better.

– Il ne m'a certainement pas complimenté. “He certainly didn't compliment me. Peut-être est-ce la raison pour laquelle je ne veux rien croire de ce qu'il m'a raconté. I guess he complimented you.

– Bah !... Do not believe a word of what he says. Vous savez bien que vous croyez tout ce que je vous ai dit, riposta Lord Henry, le regardant avec ses yeux langoureux et rêveurs. You know very well that you believe everything I have told you, retorted Lord Henry, looking at him with his languorous and dreamy eyes. Je vous accompagnerai au jardin. Maybe that's why I do not want to believe anything he told me. Il fait une chaleur impossible dans cet atelier... Basil, faites-nous donc servir quelque chose de glacé, une boisson quelconque aux fraises. It's impossibly hot in this workshop... Basil, get us some ice cream, some strawberry drink.

– Comme il vous conviendra, Harry... Sonnez Parker ; quand il viendra, je lui dirai ce que vous désirez... J'ai encore à travailler le fond du portrait, je vous rejoindrai bientôt. 'As you will, Harry... Ring Parker; when he comes, I'll tell him what you want... I still have to work on the background of the portrait, I'll join you soon. Ne me gardez pas Dorian trop longtemps. Don't keep me Dorian too long. Je n'ai jamais été pareillement disposé à peindre. I have never been so willing to paint. Ce sera sûrement mon chef-d'œuvre... et ce l'est déjà. It will surely be my masterpiece... and it already is.

Lord Henry, en pénétrant dans le jardin, trouva Dorian Gray la face ensevelie dans un frais bouquet de lilas en aspirant ardemment le parfum comme un vin précieux... Il s'approcha de lui et mit la main sur son épaule... Do not keep me Dorian too long.

– Très bien, lui dit-il ; rien ne peut mieux guérir l'âme que les sens, comme rien ne saurait mieux que l'âme guérir les sens. I have never been similarly disposed to paint.

L'adolescent tressaillit et se retourna... Il était tête nue, et les feuilles avaient dérangé ses boucles rebelles, emmêlé leurs fils dorés. It will surely be my masterpiece ... and it already is. Dans ses yeux nageait comme de la crainte, cette crainte que l'on trouve dans les yeux des gens éveillés en sursaut... Ses narines finement dessinées palpitaient, et quelque trouble caché aviva le carmin de ses lèvres frissonnantes. Lord Henry, entering the garden, found Dorian Gray's face buried in a fresh bunch of lilacs, eagerly inhaling the perfume as a precious wine. He approached him and put his hand on his shoulder.

– Oui, continua lord Henry, c'est un des grands secrets de la vie, guérir l'âme au moyen des sens, et les sens au moyen de l'âme. "Very well," said he; nothing can heal the soul better than the senses, as nothing can better than the soul heal the senses. Vous êtes une admirable créature. The boy shuddered and turned around ... He was bareheaded, and the leaves had upset his rebellious curls, tangled their golden threads. Vous savez plus que vous ne pensez savoir, tout ainsi que vous pensez connaître moins que vous ne connaissez. In his eyes swam like fear, that fear that is found in the eyes of people awake with a start ... His finely drawn nostrils palpitated, and some hidden trouble swept the carmine of his shuddering lips.

Dorian Gray prit un air chagrin et tourna la tête. "Yes," continued Lord Henry, "it is one of the great secrets of life, to heal the soul by means of the senses, and the senses by means of the soul. Certes, il ne pouvait s'empêcher d'aimer le beau et gracieux jeune homme qu'il avait en face de lui. Certainly, he couldn't help loving the handsome and graceful young man he had in front of him. Sa figure olivâtre et romanesque, à l'expression fatiguée, l'intéressait. You know more than you think you know, everything that you think you know less than you know. Il y avait quelque chose d'absolument fascinant dans sa voix languide et basse. Dorian Gray looked sad and turned his head. Ses mains mêmes, ses mains fraîches et blanches, pareilles à des fleurs, possédaient un charme curieux. Certainly, he could not help but love the handsome and graceful young man he had in front of him. Ainsi que sa voix elles semblaient musicales, elles semblaient avoir un langage à elles. Like her voice, they seemed musical, they seemed to have a language of their own. Il lui faisait peur, et il était honteux d'avoir peur... Il avait fallu que cet étranger vint pour le révéler à lui-même. He frightened her, and he was ashamed of being afraid... This stranger had to come to reveal it to himself. Depuis des mois, il connaissait Basil Hallward et son amitié ne l'avait pas changé ; quelqu'un avait passé dans son existence qui lui avait découvert le mystère de la vie. For months he had known Basil Hallward and his friendship had not changed him; someone had passed in his existence who had discovered to him the mystery of life. Qu'y avait-il donc qui l'effrayait ainsi. And as his voice sounded musical, they seemed to have a language of their own. Il n'était ni une petite fille, ni un collégien ; c'était ridicule, vraiment... He scared her, and it was ashamed to be afraid ... It had been necessary for this stranger to come to reveal it to himself.

– Allons nous asseoir à l'ombre, dit lord Henry. For months he had known Basil Hallward, and his friendship had not changed him; someone had gone through his life who had discovered the mystery of life. Parker nous a servi à boire, et si vous restez plus longtemps au soleil vous pourriez vous abîmer le teint et Basil ne voudrait plus vous peindre. What was there that frightened him so? Ne risquez pas d'attraper un coup de soleil, ce ne serait pas le moment. Don't risk getting sunburned, now is not the time.

– Qu'est-ce que cela peut faire, s'écria Dorian Gray en riant comme il s'asseyait au fond du jardin. "Let us sit in the shade," said Lord Henry.

– C'est pour vous de toute importance, Mr Gray. Parker used to drink, and if you stay longer in the sun you could damage your complexion and Basil would not want to paint you any more.

– Tiens, et pourquoi ? Do not risk getting a sunburn, it would not be the moment.

– Parce que vous possédez une admirable jeunesse et que la jeunesse est la seule chose désirable. "What can it do?" Cried Dorian Gray, laughing as he sat down in the garden.

– Je ne m'en soucie pas. - I do not care.

– Vous ne vous en souciez pas... maintenant. - Why, and why? Un jour viendra, quand vous serez vieux, ridé, laid, quand la pensée aura marqué votre front de sa griffe, et la passion flétri vos lèvres de stigmates hideux, un jour viendra, dis-je, où vous vous en soucierez amèrement. - Because you have an admirable youth and youth is the only desirable thing. Où que vous alliez actuellement, vous charmez. - I do not care. En sera-t-il toujours ainsi ? Will it always be so? Vous avez une figure adorablement belle, Mr Gray... Ne vous fâchez point, vous l'avez... Et la Beauté est une des formes du Génie, la plus haute même, car elle n'a pas besoin d'être expliquée ; c'est un des faits absolus du monde, comme le soleil, le printemps, ou le reflet dans les eaux sombres de cette coquille d'argent que nous appelons la lune ; cela ne peut être discuté ; c'est une souveraineté de droit divin, elle fait des princes de ceux qui la possèdent... vous souriez ?... A day will come, when you are old, wrinkled, ugly, when thought has marked your forehead with its claw, and passion withered your lips with hideous stigmata, a day will come, I say, where you will care bitterly. Ah ! Wherever you go now, you charm. vous ne sourirez plus quand vous l'aurez perdue... On dit parfois que la beauté n'est que superficielle, cela peut être, mais tout au moins elle est moins superficielle que la Pensée. Will it always be like this? Pour moi, la Beauté est la merveille des merveilles. You have an adorably beautiful figure, Mr Gray ... Do not be angry, you have it ... And Beauty is one of the forms of engineering, the highest even, because it does not need to be explained ; it is one of the absolute facts of the world, like the sun, the spring, or the reflection in the dark waters of that silver shell which we call the moon; this can not be discussed; it is a sovereignty of divine right, it makes princes of those who own it ... you smile? ... Il n'y a que les gens bornés qui ne jugent pas sur l'apparence. Only stubborn people don't judge by appearance. Le vrai mystère du monde est le visible, non l'invisible... Oui, Mr Gray, les Dieux vous furent bons. you will not smile when you have lost it ... It is sometimes said that beauty is only superficial, it may be, but at least it is less superficial than thought. Mais ce que les Dieux donnent, ils le reprennent vite. But what the Gods give they quickly take back. Vous n'avez que peu d'années à vivre réellement, parfaitement, pleinement ; votre beauté s'évanouira avec votre jeunesse, et vous découvrirez tout à coup qu'il n'est plus de triomphes pour vous et qu'il vous faudra vivre désormais sur ces menus triomphes que la mémoire du passé rendra plus amers que des défaites. Only narrow-minded people do not judge on appearance. Chaque mois vécu vous approche de quelque chose de terrible. The true mystery of the world is the visible, not the invisible ... Yes, Mr Gray, the Gods were good to you. Le temps est jaloux de vous, et guerroie contre vos lys et vos roses. But what the gods give, they take it back quickly.

« Vous blêmirez, vos joues se creuseront et vos regards se faneront. You have only a few years to live really, perfectly, fully; your beauty will vanish with your youth, and you will suddenly discover that there are no more triumphs for you, and that you must live henceforth on these triumphs which the memory of the past will make more bitter than defeats. Vous souffrirez horriblement... Ah ! Every month you live is approaching something terrible. réalisez votre jeunesse pendant que vous l'avez !... Time is jealous of you, and war against your lilies and roses.

« Ne gaspillez pas l'or de vos jours, en écoutant les sots essayant d'arrêter l'inéluctable défaite et gardez-vous de l'ignorant, du commun et du vulgaire... C'est le but maladif, l'idéal faux de notre âge. "You will blur, your cheeks will widen and your eyes will fade. Vivez ! Live! vivez la merveilleuse vie qui est en vous ! realize your youth while you have it! ... N'en laissez rien perdre ! "Do not waste the gold of your days, listening to the fools trying to stop the inevitable defeat and keep yourself from the ignorant, the common and the vulgar ... It is the sickly goal, the ideal wrong of our age. Cherchez de nouvelles sensations, toujours ! Que rien ne vous effraie... Un nouvel Hédonisme, voilà ce que le siècle demande. Let nothing frighten you... A new Hedonism, this is what the century demands. Vous pouvez en être le tangible symbole. You can be its tangible symbol. Il n'est rien avec votre personnalité que vous ne puissiez faire. There is nothing with your personality that you cannot do. Le monde vous appartient pour un temps ! The world is yours for a while!

« Alors que je vous rencontrai, je vis que vous n'aviez point conscience de ce que vous étiez, de ce que vous pouviez être... Il y avait en vous quelque chose de si particulièrement attirant que je sentis qu'il me fallait vous révéler à vous-même, dans la crainte tragique de vous voir vous gâcher... car votre jeunesse a si peu de temps à vivre... si peu !... "As I met you, I saw that you were unaware of what you were, of what you could be... There was something so particularly attractive about you that I felt I had to reveal yourself to yourself, in the tragic fear of seeing you ruin yourselves... because your youth has so little time to live... so little!... Les fleurs se dessèchent, mais elles refleurissent... Cet aubour sera aussi florissant au mois de juin de l'année prochaine qu'il l'est à présent. It is nothing with your personality that you can not do. Dans un mois, cette clématite portera des fleurs pourprées, et d'année en année, ses fleurs de pourpre illumineront le vert de ses feuilles... Mais nous, nous ne revivrons jamais notre jeunesse. In a month, this clematis will bear purple flowers, and from year to year, its purple flowers will illuminate the green of its leaves... But we, we will never relive our youth. Le pouls de la joie qui bat en nous à vingt ans, va s'affaiblissant, nos membres se fatiguent et s'alourdissent nos sens !... "As I met you, I saw that you were not aware of what you were, what you could be ... There was in you something so attractive that I felt I needed to reveal yourself to yourself, in the tragic fear of seeing you ruin yourself ... because your youth has so little time to live ... so little! ... Tous, nous deviendrons d'odieux polichinelles, hantés par la mémoire de ce dont nous fûmes effrayés, par les exquises tentations que nous n'avons pas eu le courage de satisfaire... Jeunesse ! We will all become odious puppets, haunted by the memory of what we were terrified of, by the exquisite temptations that we did not have the courage to satisfy... Youth! Jeunesse ! Rien n'est au monde que la jeunesse !... Youth! Nothing is in the world but youth! ...

Les yeux grands ouverts, Dorian Gray écoutait, s'émerveillant... La branche de lilas tomba de sa main à terre. The pulse of the joy that beats in us at the age of twenty, is weakening, our limbs are getting tired and our senses are getting heavier! ... Une abeille se précipita, tourna autour un moment, bourdonnante, et ce fut un frisson général des globes étoilés des mignonnes fleurs. All of us will become odious punishers, haunted by the memory of what we were frightened by the exquisite temptations that we did not have the courage to satisfy ... Youth! Il regardait cela avec cet étrange intérêt que nous prenons aux choses menues quand nous sommes préoccupés de problèmes qui nous effraient, quand nous sommes ennuyés par une nouvelle sensation pour laquelle nous ne pouvons trouver d'expression, ou terrifiés par une obsédante pensée à qui nous nous sentons forcés de céder... Bientôt l'abeille prit son vol. He looked at it with that strange interest we take in small things when we are preoccupied with problems which frighten us, when we are bored by a new sensation for which we cannot find expression, or terrified by an obsessive thought of which we we feel compelled to give in... Soon the bee took flight. Il l'aperçut se posant sur le calice tacheté d'un convolvulus tyrien. Nothing is in the world but youth! La fleur s'inclina et se balança dans le vide, doucement... Eyes wide open, Dorian Gray listened, marveling ... The lilac branch fell from his hand to the ground.

Soudain, le peintre apparut à la porte de l'atelier et leur fit des signes réitérés... Ils se tournèrent l'un vers l'autre en souriant... A bee rushed, circled for a moment, buzzing, and it was a general thrill of the starry globes of the cute flowers.

– Je vous attends. He was looking at this with this strange interest in things that are small when we are preoccupied with problems that frighten us, when we are bored by a new sensation for which we can not find expression, or terrified by a haunting thought to which we we feel forced to give in ... Soon the bee took flight. Rentrez donc. He saw her landing on the chalky chalice of a Tyrian convolvulus. La lumière est très bonne en ce moment et vous pouvez apporter vos boissons. The flower bowed and swayed in the void, gently ...

Ils se levèrent et paresseusement, marchèrent le long du mur. Suddenly, the painter appeared at the door of the workshop and made them repeated signs ... They turned to one another with a smile ... Deux papillons verts et blancs voltigeaient devant eux, et dans un poirier situé au coin du mur, une grive se mit à chanter. - I'm waiting for you.

– Vous êtes content, Mr Gray, de m'avoir rencontré ?... "Are you glad, Mr. Gray, to have met me?" demanda lord Henry le regardant.

– Oui, j'en suis content, maintenant ; j'imagine que je le serai toujours !... They stood up and lazily walked along the wall.

– Toujours !... Two green and white butterflies fluttered in front of them, and in a pear tree at the corner of the wall, a thrush began to sing. C'est un mot terrible qui me fait frémir quand je l'entends : les femmes l'emploient tellement. It's a terrible word that makes me shudder when I hear it: women use it so much. Elles abîment tous les romans en essayant de les faire s'éterniser. They spoil all novels by trying to drag them out. C'est un mot sans signification, désormais. It's a meaningless word now. La seule différence qui existe entre un caprice et une éternelle passion est que le caprice... dure plus longtemps... The only difference between a whim and an eternal passion is that the whim... lasts longer...

Comme ils entraient dans l'atelier, Dorian Gray mit sa main sur le bras de lord Harry : As they entered the workshop, Dorian Gray put his hand on Lord Harry's arm:

– Dans ce cas, que notre amitié ne soit qu'un caprice, murmura-t-il, rougissant de sa propre audace... They ruin all novels by trying to make them drag on.

Il monta sur la plate-forme et reprit sa pose... It's a word without meaning, now.

Lord Harry s'était étendu dans un large fauteuil d'osier et l'observait... Le va et vient du pinceau sur la toile et les allées et venues de Hallward se reculant pour juger de l'effet, brisaient seuls le silence... Dans les rayons obliques venant de la porte entr'ouverte, une poussière dorée dansait. Lord Harry had stretched out in a large wicker chair and was watching her... The back and forth of the brush on the canvas and the comings and goings of Hallward, stepping back to judge the effect, alone broke the silence. .. In the oblique rays coming from the half-open door, a golden dust danced. La senteur lourde des roses semblait peser sur toute chose. As they entered the studio, Dorian Gray put his hand on Lord Harry's arm:

Au bout d'un quart d'heure, Hallward s'arrêta de travailler, en regardant alternativement longtemps Dorian Gray et le portrait, mordillant le bout de l'un de ses gros pinceaux, les sourcils crispés... - In this case, that our friendship is only a whim, he murmured, blushing with his own audacity ...

– Fini ! cria-t-il, et se baissant, il écrivit son nom en hautes lettres de vermillon sur le coin gauche de la toile. Lord Harry had stretched himself out in a large wicker chair and was watching him ... The coming and going of the paintbrush on the canvas and Hallward's comings and goings recoiling to judge the effect, broke the silence alone. In the oblique rays coming from the half-opened door, a golden dust danced.

Lord Henry vint regarder le tableau. The heavy scent of roses seemed to weigh on everything. C'était une admirable œuvre d'art d'une ressemblance merveilleuse. It was an admirable work of art of marvelous likeness.

– Mon cher ami, permettez-moi de vous féliciter chaudement, dit-il. "My dear friend, allow me to congratulate you warmly," he said. C'est le plus beau portrait des temps modernes. It is the most beautiful portrait of modern times. Mr Gray, venez-vous regarder. Lord Henry came to look at the picture.

L'adolescent tressaillit comme éveillé de quelque rêve. It was an admirable work of art of marvelous resemblance.

– Est-ce réellement fini ? murmura-t-il en descendant de la plate-forme. he muttered as he descended from the platform.

– Tout à fait fini, dit le peintre. "Completely finished," said the painter. Et vous avez aujourd'hui posé comme un ange. And today you posed like an angel. Je vous suis on ne peut plus obligé. I am more than obliged to you.

– Cela m'est entièrement dû, reprit lord Henry. "That is entirely due to me," resumed Lord Henry. N'est-ce pas, Mr Gray ? Isn't it, Mr Gray?

Dorian ne répondit pas ; il arriva nonchalamment vers son portrait et se tourna vers lui... Quand il l'aperçut, il sursauta et ses joues rougirent un moment de plaisir. Dorian didn't answer; he arrived nonchalantly towards his portrait and turned towards him... When he saw him, he jumped and his cheeks blushed for a moment of pleasure. Un éclair de joie passa dans ses yeux, car il se reconnut pour la première fois. I am you can not longer obliged. Il demeura quelque temps immobile, admirant, se doutant que Hallward lui parlait, sans comprendre la signification de ses paroles. "This is entirely due to me," continued Lord Henry. Le sens de sa propre beauté surgit en lui comme une révélation. The sense of his own beauty arises in him like a revelation. Il ne l'avait jusqu'alors jamais perçu. Dorian did not answer; he came nonchalantly towards his portrait and turned to him ... When he saw her, he jumped and his cheeks blushed a moment of pleasure. Les compliments de Basil Hallward lui avait semblé être simplement des exagérations charmantes d'amitié. A flash of joy passed in his eyes, for he recognized himself for the first time. Il les avait écoutés en riant, et vite oubliés... son caractère n'avait point été influencé par eux. He remained still for a moment, admiring, suspecting that Hallward was talking to him, without understanding the meaning of his words. Lord Henry Wotton était venu avec son étrange panégyrique de la jeunesse, l'avertissement terrible de sa brièveté. Lord Henry Wotton had come with his strange panegyric of youth, the terrible warning of his brevity. Il en avait été frappé à point nommé, et à présent, en face de l'ombre de sa propre beauté, il en sentait la pleine réalité s'épandre en lui. It had struck him at the right time, and now, facing the shadow of his own beauty, he felt its full reality pouring out within him.

Oui, un jour viendrait où sa face serait ridée et plissée, ses yeux creusés et sans couleur, la grâce de sa figure brisée et déformée. The compliments of Basil Hallward had seemed to him simply to be charming exaggerations of friendship. L'écarlate de ses lèvres passerait, comme se ternirait l'or de sa chevelure. The scarlet of her lips would fade, as the gold of her hair would tarnish. La vie qui devait façonner son âme abîmerait son corps ; il deviendrait horrible, hideux, baroque... Lord Henry Wotton had come with his strange panegyric of youth, the terrible warning of his brevity.

Comme il pensait à tout cela, une sensation aiguë de douleur le traversa comme une dague, et fit frissonner chacune des délicates fibres de son être... He had been struck at the right moment, and now, in the shadow of his own beauty, he felt the full reality spread in him.

L'améthyste de ses yeux se fonça ; un brouillard de larmes les obscurcit... Il sentit qu'une main de glace se posait sur son cœur... The amethyst in his eyes darkened; a mist of tears darkens them... He felt an icy hand resting on his heart...

– Aimez-vous cela, cria enfin Hallward, quelque peu étonné du silence de l'adolescent, qu'il ne comprenait pas... The scarlet of his lips would pass, as the gold of his hair would tarnish.

– Naturellement, il l'aime, dit lord Henry. The life that was to shape his soul would spoil his body; he would become horrible, hideous, baroque ... Pourquoi ne l'aimerait-il pas. Why wouldn't he love her. C'est une des plus nobles choses de l'art contemporain. The amethyst of his eyes burst; a fog of tears obscures them ... He felt a hand of ice resting on his heart ... Je vous donnerai ce que vous voudrez pour cela. "Do you like that?" Hallward finally shouted, somewhat astonished at the teenager's silence, which he did not understand. Il faut que je l'aie !... I must have it!...

– Ce n'est pas ma propriété, Harry. “It's not my property, Harry.

– À qui est-ce donc alors ? "Whose is it then?"

– À Dorian, pardieu ! I will give you what you want for that. répondit le peintre. I must have it!

– Il est bien heureux... - He's very happy...

– Quelle chose profondément triste, murmurait Dorian, les yeux encore fixés sur son portrait. - Who is it then? Oh ! oui, profondément triste !... Oh ! yes, deeply sad!... Je deviendrai vieux, horrible, affreux !... I will become old, horrible, dreadful!... Mais cette peinture restera toujours jeune. But this painting will always remain young. Elle ne sera jamais plus vieille que ce jour même de juin... Ah ! She will never be older than this very day in June. Ah! si cela pouvait changer ; si c'était moi qui toujours devais rester jeune, et si cette peinture pouvait vieillir !... if that could change; if it were I who always had to remain young, and if this painting could grow old!... Pour cela, pour cela je donnerais tout !... For that, for that I would give everything!... Il n'est rien dans le monde que je ne donnerais... Mon âme, même !... I will become old, horrible, awful!

– Vous trouveriez difficilement un pareil arrangement, cria lord Henry, en éclatant de rire... "You would hardly find such an arrangement," cried Lord Henry, with a burst of laughter.

– Eh ! eh ! if it could change; if it was me who always had to stay young, and if this painting could get old! je m'y opposerais d'ailleurs, dit le peintre. I would oppose it, moreover, said the painter.

Dorian Gray se tourna vers lui. There is nothing in the world that I would give ... My soul, even!

– Je le crois, Basil... Vous aimez votre art mieux que vos amis. "You would hardly find such an arrangement," cried Lord Henry, bursting with laughter. Je ne vous suis ni plus ni moins qu'une de vos figures de bronze vert. I follow you neither more nor less than one of your green bronze figures. À peine autant, plutôt... Barely as much, rather...

Le peintre le regarda avec étonnement. The painter looked at him in astonishment. Il était si peu habitué à entendre Dorian s'exprimer ainsi. He was so unused to hearing Dorian speak like that. Qu'était il donc arrivé ? So what had happened? C'est vrai qu'il semblait désolé ; sa face était toute rouge et ses joues allumées. I am neither more nor less than one of your green bronze figures.

– Oui, continua-t-il. Hardly as much, rather ... Je vous suis moins que votre Hermès d'ivoire ou que votre Faune d'argent. I follow you less than your ivory Hermes or your silver Faun. Vous les aimerez toujours, eux. You will always love them. Combien de temps m'aimerez-vous ? How long will you love me? Jusqu'à ma première ride, sans doute... Je sais maintenant que quand on perd ses charmes, quels qu'ils puissent être, on perd tout. Until my first wrinkle, no doubt... I know now that when you lose your charms, whatever they may be, you lose everything. Votre œuvre m'a appris cela ! Your work taught me that! Oui, lord Henry Wotton a raison tout à fait. I am less than your ivory Hermes or your Silver Faun. La jeunesse est la seule chose qui vaille. Youth is the only thing worthwhile. Quand je m'apercevrai que je vieillis, je me tuerai ! When I realize that I am getting old, I will kill myself!

Hallward pâlit et prit sa main. Until my first ride, no doubt ... I know now that when you lose your charms, whatever they may be, we lose everything.

– Dorian ! Your work taught me that! Dorian, cria-t-il, ne parlez pas ainsi ! Dorian, he cried, don't talk like that! Je n'eus jamais un ami tel que vous et jamais je n'en aurai un autre ! I never had a friend like you and I will never have another! Vous ne pouvez être jaloux des choses matérielles, n'est-ce pas ? You can't be jealous of material things, can you? N'êtes-vous pas plus beau qu'aucune d'elles ? Are you not more beautiful than any of them?

– Je suis jaloux de toute chose dont la beauté ne meurt pas. - I am jealous of everything whose beauty does not die. Je suis jaloux de mon portrait !... I am jealous of my portrait!... Pourquoi gardera-t-il ce que moi je perdrai. Why will he keep what I will lose? Chaque moment qui passe me prend quelque chose, et embellit ceci. Each passing moment takes something from me, and embellishes this. Oh ! si cela pouvait changer ! Oh ! if only that could change! Si ce portrait pouvait vieillir ! Si je pouvais rester tel que je suis !... Pourquoi avez-vous peint cela ? Why did you paint this? Quelle ironie, un jour ! How ironic one day! Quelle terrible ironie !

Des larmes brûlantes emplissaient ses yeux... Il se tordait les mains. Burning tears filled his eyes... He wrung his hands. Soudain il se précipita sur le divan et ensevelit sa face dans les coussins, à genoux comme s'il priait... Suddenly he rushed onto the sofa and buried his face in the cushions, on his knees as if he was praying ...

– Voilà votre œuvre, Harry, dit le peintre amèrement. "Here is your work, Harry," said the painter bitterly.

Lord Henry leva les épaules. Lord Henry shrugged.

– Voilà le vrai Dorian Gray vous voulez dire !... - Here is the real Dorian Gray you mean! ...

– Ce n'est pas...

– Si ce n'est pas, comment cela me regarde-t-il alors ?... - If not, how does that concern me then? ...

– Vous auriez dû vous en aller quand je vous le demandais, souffla-t-il. "You should have walked away when I asked you to," he whispered.

– Je suis resté parce que vous me l'avez demandé, riposta lord Henry. "I stayed because you asked me to," replied Lord Henry.

– Harry, je ne veux pas me quereller maintenant avec mes deux meilleurs amis, mais par votre faute à tous les deux, vous me faites détester ce que j'ai jamais fait de mieux et je vais l'anéantir. "Harry, I don't want to quarrel with my two best friends now, but both of you are making me hate what I've ever done best and I'm going to destroy it." Qu'est-ce après tout qu'une toile et des couleurs ? What after all are canvas and colors? Je ne veux point que ceci puisse abîmer nos trois vies. I don't want this to ruin our three lives.

Dorian Gray leva sa tête dorée de l'amas des coussins et, sa face pâle baignée de larmes, il regarda le peintre marchant vers une table située sous les grands rideaux de la fenêtre. - If it is not, how does it look at me then? ... Qu'allait-il faire ? What was he going to do? Ses doigts, parmi le fouillis des tubes d'étain et des pinceaux secs, cherchaient quelque chose... Cette lame mince d'acier flexible, le couteau à palette... Il l'avait trouvée ! His fingers, among the jumble of tin tubes and dry paintbrushes, searched for something ... That thin flexible steel blade, the palette knife ... He had found it! Il allait anéantir la toile... He was going to destroy the web ...

Suffoquant de sanglots, le jeune homme bondit du divan, et se précipitant vers Hallward, arracha le couteau de sa main, et le lança à l'autre bout de l'atelier. Choking in sobs, the young man jumped off the couch, and rushing to Hallward, snatched the knife from his hand, and threw it across the workshop.

– Basil, je vous en prie !... - Basil, please! ... Ce serait un meurtre ! That would be murder!

– Je suis charmé de vous voir apprécier enfin mon œuvre, dit le peintre froidement, en reprenant son calme. "I am delighted to see you finally appreciate my work," said the painter coldly, regaining his composure. Je n'aurais jamais attendu cela de vous... I would never have expected this from you...

– L'apprécier ?... - Appreciate it?... Je l'adore, Basil. I love it, Basil. Je sens que c'est un peu de moi-même. I feel it's a bit of myself.

– Alors bien ! - So good ! Aussitôt que « vous » serez sec, « vous » serez verni, encadré, et expédié chez « vous ». As soon as "you" are dry, "you" will be varnished, framed, and shipped to "you". Alors, vous ferez ce que vous jugerez bon de « vous-même ». So, you will do what you think is good for "yourself".

Il traversa la chambre et sonna pour le thé. He crossed the room and rang for tea.

– Vous voulez du thé, Dorian ? "Do you want some tea, Dorian?" Et vous aussi, Harry ? And you too, Harry? ou bien présentez-vous quelque objection à ces plaisirs simples. - So good !

– J'adore les plaisirs simples, dit lord Henry. "I adore simple pleasures," said Lord Henry. Ce sont les derniers refuges des êtres complexes. They are the last refuges of complex beings. Mais je n'aime pas les... scènes, excepté sur les planches. But I don't like...scenes, except on stage. Quels drôles de corps vous êtes, tous deux ! What funny bodies you two are! Je m'étonne qu'on ait défini l'homme un animal raisonnable ; pour prématurée, cette définition l'est. I am astonished that man has been defined as a reasonable animal; for premature, this definition is. L'homme est bien des choses, mais il n'est pas raisonnable... Je suis charmé qu'il ne le soit pas après tout... Je désire surtout que vous ne vous querelliez pas à propos de ce portrait ; tenez Basil, vous auriez mieux fait de me l'abandonner. Or do you object to these simple pleasures? Ce méchant garçon n'en a pas aussi réellement besoin que moi... This bad boy doesn't really need it as much as I do ...

– Si vous le donniez à un autre qu'à moi, Basil, je ne vous le pardonnerais jamais, s'écria Dorian Gray ; et je ne permets à personne de m'appeler un méchant garçon... “If you gave it to anyone but me, Basil, I would never forgive you,” cried Dorian Gray; and I don't allow anyone to call me a bad boy...

– Vous savez que ce tableau vous appartient, Dorian. But I do not like ... scenes, except on the boards. Je vous le donnai avant qu'il ne fût fait. I gave it to you before it was done.

– Et vous savez aussi que vous avez été un petit peu méchant, Mr Gray, et que vous ne pouvez vous révolter quand on vous fait souvenir que vous êtes extrêmement jeune. I am astonished that man has been defined as a reasonable animal; for premature, this definition is.

– Je me serais carrément révolté ce matin, lord Henry. 'I would have quite revolted this morning, Lord Henry.

– Ah ! ce matin !... Vous avez vécu depuis... You have lived since...

On frappa à la porte, et le majordome entra portant un service à thé qu'il disposa sur une petite table japonaise. There was a knock on the door, and the butler came in carrying a tea service which he placed on a small Japanese table. Il y eut un bruit de tasses et de soucoupes et la chanson d'une bouillotte cannelée de Géorgie... Deux plats chinois en forme de globe furent apportés par un valet. There was the sound of cups and saucers and the song of a fluted hot water bottle from Georgia... Two globe-shaped Chinese dishes were brought by a valet. Dorian Gray se leva et servit le thé. Dorian Gray got up and served the tea. Les deux hommes s'acheminèrent paresseusement vers la table, et examinèrent ce qui était sous les couvercles des plats. The two men walked lazily to the table, and examined what was under the lids of the dishes.

– Allons au théâtre ce soir, dit lord Henry. “Let us go to the theater this evening,” said Lord Henry. Il doit y avoir du nouveau quelque part. There must be something new somewhere.

– J'ai promis de dîner chez White, mais comme c'est un vieil ami, je puis lui envoyer un télégramme pour lui dire que je suis indisposé, ou que je suis empêché de venir par suite d'un engagement postérieur. - I promised to dine at White's, but being an old friend, I can send him a telegram to tell him that I am indisposed, or that I am prevented from coming due to a later engagement. Je pense que cela serait plutôt une jolie excuse ; elle aurait tout le charme de la candeur. I think that would be quite a nice excuse; she would have all the charm of candor.

– C'est assommant de passer un habit, ajouta Hallward ; et quand on l'a mis, on est parfaitement horrible. "It's dull to put on a coat," added Hallward; and when we put it on, we are perfectly horrible.

– Oui, répondit lord Henry, rêveusement, le costume du XIXesiècle est détestable. “Yes,” replied Lord Henry dreamily, “nineteenth-century dress is detestable. C'est sombre, déprimant... Le péché est réellement le seul élément de quelque couleur dans la vie moderne. It's dark, depressing ... Sin is really the only element of any color in modern life.

– Vous ne devriez pas dire de telles choses devant Dorian, Henry. “You shouldn't say such things in front of Dorian, Henry.

– Devant quel Dorian ?... “Before which Dorian?” Celui qui nous verse du thé ou celui du portrait ?... The one who pours us tea or the one in the portrait?...

– Devant les deux. "It's boring to put on a coat," said Hallward; and when we put it on, we are perfectly horrible.

– J'aimerais aller au théâtre avec vous, lord Henry, dit le jeune homme. "I should like to go to the theater with you, Lord Henry," said the young man.

– Eh bien, venez, et vous aussi, n'est-ce pas, Basil. “Well, come, and you too, won't you, Basil.

– Je ne puis pas, vraiment... Je préfère rester, j'ai un tas de choses à faire. – I can't, really... I prefer to stay, I have a lot of things to do.

– Bien donc ; vous et moi, Mr Gray, nous sortirons ensemble. - Well then; you and I, Mr. Gray, will be dating.

– Je le désire beaucoup... - I really want it...

Le peintre se mordit les lèvres et, la tasse à la main, il se dirigea vers le portrait. The painter bit his lip and, cup in hand, he walked towards the portrait.

– Je resterai avec le réel Dorian Gray, dit-il tristement. "I'll stay with the real Dorian Gray," he said sadly.

– Est-ce là le réel Dorian Gray, cria l'original du portrait, s'avançant vers lui. "Is this the real Dorian Gray?" cried the original of the portrait, advancing towards him. Suis-je réellement comme cela ? Am I really like that?

– Oui, vous êtes comme cela. – Yes, you are like that.

– C'est vraiment merveilleux, Basil. “It's really wonderful, Basil.

– Au moins, vous l'êtes en apparence... Mais cela ne changera jamais, ajouta Hallward... C'est quelque chose. 'At least you look like it... But that's never going to change,' Hallward added. 'It's something.

– Voici bien des affaires à propos de fidélité ! "Here's a lot of business about fidelity!" s'écria lord Henry. Même en amour, c'est purement une question de tempérament, cela n'a rien à faire avec notre propre volonté. Even in love, it's purely a matter of temperament, it has nothing to do with our own will. Les jeunes gens veulent être fidèles et ne le sont point ; les vieux veulent être infidèles et ne le peuvent ; voilà tout ce qu'on en sait. Young people want to be faithful and are not; old people want to be unfaithful and cannot; that's all we know.

– N'allez pas au théâtre ce soir, Dorian, dit Hallward... Restez dîner avec moi. 'Don't go to the theater tonight, Dorian,' said Hallward. 'Stay and dine with me.

– Je ne le puis, Basil. “I cannot, Basil.

– Pourquoi ? - Here are some things about fidelity!

– Parce que j'ai promis à lord Henry Wotton d'aller avec lui. “Because I promised Lord Henry Wotton to go with him.

– Il ne vous en voudra pas beaucoup de manquer à votre parole ; il manque assez souvent à la sienne. “He won’t be very angry with you for breaking your word; it quite often misses its own. Je vous demande de n'y pas aller. I ask you not to go there.

Dorian Gray se mit à rire en secouant la tête... Dorian Gray laughed, shaking his head...

– Je vous en conjure... - I beg you...

Le jeune homme hésitait, et jeta un regard vers lord Henry qui les guettait de la table où il prenait le thé, avec un sourire amusé. The young man hesitated, and glanced at Lord Henry, who was watching them from the table where he was taking tea, with an amused smile.

– Je veux sortir, Basil, décida-t-il. "I want to go out, Basil," he decided.

– Très bien, répartit Hallward, et il alla remettre sa tasse sur le plateau. “Very well,” Hallward said, and went to put his cup back on the tray. Il est tard, et comme vous devez vous habiller, vous feriez bien de ne pas perdre de temps. It's late, and since you have to get dressed, you'd better not waste any time. Au revoir, Harry. Au revoir, Dorian. Venez me voir bientôt, demain si possible. Come and see me soon, tomorrow if possible.

– Certainement...

– Vous n'oublierez pas... "All right," Hallward said, and he put his cup back on the tray.

– Naturellement...

– Et... Harry ?

– Moi non plus, Basil. “Me neither, Basil.

– Souvenez-vous de ce que je vous ai demandé, quand nous étions dans le jardin ce matin... “Remember what I asked you when we were in the garden this morning...

– Je l'ai oublié...

– Je compte sur vous. - I count on you.

– Je voudrais bien pouvoir compter sur moi-même, dit en riant lord Henry... Venez, Mr Gray, mon cabriolet est en bas et je vous déposerai chez vous. "I wish I could count on myself," said Lord Henry, laughing. Adieu, Basil ! Merci pour votre charmante après-midi. Thank you for your lovely afternoon.

Comme la porte se fermait derrière eux, le peintre s'écroula sur un sofa, et une expression de douleur se peignit sur sa face. As the door closed behind them, the painter collapsed on a sofa, and an expression of pain crossed his face.