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Guy de Maupassant - Bel-Ami, Bel Ami - Partie 1 Chapitre 1

Bel Ami - Partie 1 Chapitre 1

– I – Quand la caissière lui eut rendu la monnaie de sa pièce de cent sous, Georges Duroy sortit du restaurant.

Comme il portait beau par nature et par pose d'ancien sous-officier, il cambra sa taille, frisa sa moustache d'un geste militaire et familier, et jeta sur les dîneurs attardés un regard rapide et circulaire, un de ces regards de joli garçon, qui s'étendent comme des coups d'épervier.

Les femmes avaient levé la tête vers lui, trois petites ouvrières, une maîtresse de musique entre deux âges, mal peignée, négligée, coiffée d'un chapeau toujours poussiéreux et vêtue toujours d'une robe de travers, et deux bourgeoises avec leurs maris, habituées de cette gargote à prix fixe.

Lorsqu'il fut sur le trottoir, il demeura un instant immobile, se demandant ce qu'il allait faire.

On était au 28 juin, et il lui restait juste en poche trois francs quarante pour finir le mois. Cela représentait deux dîners sans déjeuners, ou deux déjeuners sans dîners, au choix. Il réfléchit que les repas du matin étant de vingt-deux sous, au lieu de trente que coûtaient ceux du soir, il lui resterait, en se contentant des déjeuners, un franc vingt centimes de boni, ce qui représentait encore deux collations au pain et au saucisson, plus deux bocks sur le boulevard. C'était là sa grande dépense et son grand plaisir des nuits ; et il se mit à descendre la rue Notre-Dame-de-Lorette. Il marchait ainsi qu'au temps où il portait l'uniforme des hussards, la poitrine bombée, les jambes un peu entrouvertes comme s'il venait de descendre de cheval ; et il avançait brutalement dans la rue pleine de monde, heurtant les épaules, poussant les gens pour ne point se déranger de sa route.

Il inclinait légèrement sur l'oreille son chapeau à haute forme assez défraîchi, et battait le pavé de son talon. Il avait l'air de toujours défier quelqu'un, les passants, les maisons, la ville entière, par chic de beau soldat tombé dans le civil. Quoique habillé d'un complet de soixante francs, il gardait une certaine élégance tapageuse, un peu commune, réelle cependant.

Grand, bien fait, blond, d'un blond châtain vaguement roussi, avec une moustache retroussée, qui semblait mousser sur sa lèvre, des yeux bleus, clairs, troués d'une pupille toute petite, des cheveux frisés naturellement, séparés par une raie au milieu du crâne, il ressemblait bien au mauvais sujet des romans populaires. C'était une de ces soirées d'été où l'air manque dans Paris.

La ville, chaude comme une étuve, paraissait suer dans la nuit étouffante. Les égouts soufflaient par leurs bouches de granit leurs haleines empestées, et les cuisines souterraines jetaient à la rue, par leurs fenêtres basses, les miasmes infâmes des eaux de vaisselle et des vieilles sauces. Les concierges, en manches de chemise, à cheval sur des chaises en paille, fumaient la pipe sous des portes cochères, et les passants allaient d'un pas accablé, le front nu, le chapeau à la main.

Quand Georges Duroy parvint au boulevard, il s'arrêta encore, indécis sur ce qu'il allait faire.

Il avait envie maintenant de gagner les Champs-Élysées et l'avenue du bois de Boulogne pour trouver un peu d'air frais sous les arbres ; mais un désir aussi le travaillait, celui d'une rencontre amoureuse. Comment se présenterait-elle ?

Il n'en savait rien, mais il l'attendait depuis trois mois, tous les jours, tous les soirs. Quelquefois cependant, grâce à sa belle mine et à sa tournure galante, il volait, par-ci, par-là, un peu d'amour, mais il espérait toujours plus et mieux. La poche vide et le sang bouillant, il s'allumait au contact des rôdeuses qui murmurent, à l'angle des rues : « Venez-vous chez moi, joli garçon ?

» mais il n'osait les suivre, ne les pouvant payer ; et il attendait aussi autre chose, d'autres baisers, moins vulgaires. Il aimait cependant les lieux où grouillent les filles publiques, leurs bals, leurs cafés, leurs rues ; il aimait les coudoyer, leur parler, les tutoyer, flairer leurs parfums violents, se sentir près d'elles.

C'étaient des femmes enfin, des femmes d'amour. Il ne les méprisait point du mépris inné des hommes de famille. Il tourna vers la Madeleine et suivit le flot de foule qui coulait accablé par la chaleur.

Les grands cafés, pleins de monde, débordaient sur le trottoir, étalant leur public de buveurs sous la lumière éclatante et crue de leur devanture illuminée. Devant eux, sur de petites tables carrées ou rondes, les verres contenaient des liquides rouges, jaunes, verts, bruns, de toutes les nuances ; et dans l'intérieur des carafes on voyait briller les gros cylindres transparents de glace qui refroidissaient la belle eau claire. Duroy avait ralenti sa marche, et l'envie de boire lui séchait la gorge.

Une soif chaude, une soif de soir d'été le tenait, et il pensait à la sensation délicieuse des boissons froides coulant dans la bouche.

Mais s'il buvait seulement deux bocks dans la soirée, adieu le maigre souper du lendemain, et il les connaissait trop, les heures affamées de la fin du mois. Il se dit : « Il faut que je gagne dix heures et je prendrai mon bock à l'Américain.

Nom d'un chien ! que j'ai soif tout de même ! » Et il regardait tous ces hommes attablés et buvant, tous ces hommes qui pouvaient se désaltérer tant qu'il leur plaisait. Il allait, passant devant les cafés d'un air crâne et gaillard, et il jugeait d'un coup d'œil, à la mine, à l'habit, ce que chaque consommateur devait porter d'argent sur lui. Et une colère l'envahissait contre ces gens assis et tranquilles. En fouillant leurs poches, on trouverait de l'or, de la monnaie blanche et des sous. En moyenne, chacun devait avoir au moins deux louis ; ils étaient bien une centaine au café ; cent fois deux louis font quatre mille francs ! Il murmurait : « Les cochons ! » tout en se dandinant avec grâce. S'il avait pu en tenir un au coin d'une rue, dans l'ombre bien noire, il lui aurait tordu le cou, ma foi, sans scrupule, comme il faisait aux volailles des paysans, aux jours de grandes manœuvres. Et il se rappelait ses deux années d'Afrique, la façon dont il rançonnait les Arabes dans les petits postes du Sud.

Et un sourire cruel et gai passa sur ses lèvres au souvenir d'une escapade qui avait coûté la vie à trois hommes de la tribu des Ouled-Alane et qui leur avait valu, à ses camarades et à lui, vingt poules, deux moutons et de l'or, et de quoi rire pendant six mois. On n'avait jamais trouvé les coupables, qu'on n'avait guère cherché d'ailleurs, l'Arabe étant un peu considéré comme la proie naturelle du soldat.

À Paris, c'était autre chose.

On ne pouvait pas marauder gentiment, sabre au côté et revolver au poing, loin de la justice civile, en liberté, il se sentait au cœur tous les instincts du sous-off lâché en pays conquis. Certes il les regrettait, ses deux années de désert. Quel dommage de n'être pas resté là-bas ! Mais voilà, il avait espéré mieux en revenant. Et maintenant !… Ah ! oui, c'était du propre, maintenant ! Il faisait aller sa langue dans sa bouche, avec un petit claquement, comme pour constater la sécheresse de son palais.

La foule glissait autour de lui, exténuée et lente, et il pensait toujours : « Tas de brutes !

tous ces imbéciles-là ont des sous dans le gilet. » Il bousculait les gens de l'épaule, et sifflotait des airs joyeux. Des messieurs heurtés se retournaient en grognant ; des femmes prononçaient : « En voilà un animal ! Il passa devant le Vaudeville, et s'arrêta en face du café Américain, se demandant s'il n'allait pas prendre son bock, tant la soif le torturait.

Avant de se décider, il regarda l'heure aux horloges lumineuses, au milieu de la chaussée. Il était neuf heures un quart. Il se connaissait : dès que le verre plein de bière serait devant lui, il l'avalerait. Que ferait-il ensuite jusqu'à onze heures ? Il passa.

« J'irai jusqu'à la Madeleine, se dit-il, et je reviendrai tout doucement. Comme il arrivait au coin de la place de l'Opéra, il croisa un gros jeune homme, dont il se rappela vaguement avoir vu la tête quelque part.

Il se mit à le suivre en cherchant dans ses souvenirs, et répétant à mi-voix : « Où diable ai-je connu ce particulier-là ?

Il fouillait dans sa pensée, sans parvenir à se le rappeler ; puis tout d'un coup, par un singulier phénomène de mémoire, le même homme lui apparut moins gros, plus jeune, vêtu d'un uniforme de hussard.

Il s'écria tout haut : « Tiens, Forestier ! » et, allongeant le pas, il alla frapper sur l'épaule du marcheur. L'autre se retourna, le regarda, puis dit : « Qu'est-ce que vous me voulez, monsieur ?

» Duroy se mit à rire : « Tu ne me reconnais pas ?

– Non.

– Georges Duroy du 6e hussards.

Forestier tendit les deux mains :

« Ah !

mon vieux ! comment vas-tu ? – Très bien et toi ?

– Oh !

moi, pas trop ; figure-toi que j'ai une poitrine de papier mâché maintenant ; je tousse six mois sur douze, à la suite d'une bronchite que j'ai attrapée à Bougival, l'année de mon retour à Paris, voici quatre ans maintenant. – Tiens !

tu as l'air solide, pourtant. Et Forestier, prenant le bras de son ancien camarade, lui parla de sa maladie, lui raconta les consultations, les opinions et les conseils des médecins, la difficulté de suivre leurs avis dans sa position.

On lui ordonnait de passer l'hiver dans le Midi ; mais le pouvait-il ? Il était marié et journaliste, dans une belle situation. « Je dirige la politique à La Vie Française . Je fais le Sénat au Salut, et, de temps en temps, des chroniques littéraires pour La Planète. Voilà, j'ai fait mon chemin. Duroy, surpris, le regardait.

Il était bien changé, bien mûri. Il avait maintenant une allure, une tenue, un costume d'homme posé, sûr de lui, et un ventre d'homme qui dîne bien. Autrefois il était maigre, mince et souple, étourdi, casseur d'assiettes, tapageur et toujours en train. En trois ans Paris en avait fait quelqu'un de tout autre, de gros et de sérieux, avec quelques cheveux blancs sur les tempes, bien qu'il n'eût pas plus de vingt-sept ans. Forestier demanda :

« Où vas-tu ?

Duroy répondit :

« Nulle part, je fais un tour avant de rentrer.

– Eh bien, veux-tu m'accompagner à La Vie Française , où j'ai des épreuves à corriger ; puis nous irons prendre un bock ensemble. – Je te suis.

Et ils se mirent à marcher en se tenant par le bras avec cette familiarité facile qui subsiste entre compagnons d'école et entre camarades de régiment.

« Qu'est-ce que tu fais à Paris ?

» dit Forestier. Duroy haussa les épaules :

« Je crève de faim, tout simplement.

Une fois mon temps fini, j'ai voulu venir ici pour… pour faire fortune ou plutôt pour vivre à Paris ; et voilà six mois que je suis employé aux bureaux du chemin de fer du Nord, à quinze cents francs par an, rien de plus. Forestier murmura :

« Bigre, ça n'est pas gras.

– Je te crois.

Mais comment veux-tu que je m'en tire ? Je suis seul, je ne connais personne, je ne peux me recommander à personne. Ce n'est pas la bonne volonté qui me manque, mais les moyens. Son camarade le regarda des pieds à la tête, en homme pratique, qui juge un sujet, puis il prononça d'un ton convaincu :

« Vois-tu, mon petit, tout dépend de l'aplomb, ici.

Un homme un peu malin devient plus facilement ministre que chef de bureau. Il faut s'imposer et non pas demander. Mais comment diable n'as-tu pas trouvé mieux qu'une place d'employé au Nord ? Duroy reprit :

« J'ai cherché partout, je n'ai rien découvert.

Mais j'ai quelque chose en vue en ce moment, on m'offre d'entrer comme écuyer au manège Pellerin. Là, j'aurai, au bas mot, trois mille francs. Forestier s'arrêta net !

« Ne fais pas ça, c'est stupide, quand tu devrais gagner dix mille francs.

Tu te fermes l'avenir du coup. Dans ton bureau, au moins, tu es caché, personne ne te connaît, tu peux en sortir, si tu es fort, et faire ton chemin. Mais une fois écuyer, c'est fini. C'est comme si tu étais maître d'hôtel dans une maison où tout Paris va dîner. Quand tu auras donné des leçons d'équitation aux hommes du monde ou à leurs fils, ils ne pourront plus s'accoutumer à te considérer comme leur égal. Il se tut, réfléchit quelques secondes, puis demanda :

« Es-tu bachelier ?

– Non.

J'ai échoué deux fois. – Ça ne fait rien, du moment que tu as poussé tes études jusqu'au bout.

Si on parle de Cicéron ou de Tibère, tu sais à peu près ce que c'est ? – Oui, à peu près.

– Bon, personne n'en sait davantage, à l'exception d'une vingtaine d'imbéciles qui ne sont pas fichus de se tirer d'affaire.

Ça n'est pas difficile de passer pour fort, va ; le tout est de ne pas se faire pincer en flagrant délit d'ignorance. On manœuvre, on esquive la difficulté, on tourne l'obstacle, et on colle les autres au moyen d'un dictionnaire. Tous les hommes sont bêtes comme des oies et ignorants comme des carpes. Il parlait en gaillard tranquille qui connaît la vie, et il souriait en regardant passer la foule.

Mais tout d'un coup il se mit à tousser, et s'arrêta pour laisser finir la quinte, puis, d'un ton découragé : « N'est-ce pas assommant de ne pouvoir se débarrasser de cette bronchite ?

Et nous sommes en plein été. Oh !

cet hiver, j'irai me guérir à Menton. Tant pis, ma foi, la santé avant tout. Ils arrivèrent au boulevard Poissonnière, devant une grande porte vitrée, derrière laquelle un journal ouvert était collé sur les deux faces.

Trois personnes arrêtées le lisaient. Au-dessus de la porte s'étalait, comme un appel, en grandes lettres de feu dessinées par des flammes de gaz : La Vie Française . Et les promeneurs passant brusquement dans la clarté que jetaient ces trois mots éclatants apparaissaient tout à coup en pleine lumière, visibles, clairs et nets comme au milieu du jour, puis rentraient aussitôt dans l'ombre. Forestier poussa cette porte : « Entre », dit-il.

Duroy entra, monta un escalier luxueux et sale que toute la rue voyait, parvint dans une antichambre, dont les deux garçons de bureau saluèrent son camarade, puis s'arrêta dans une sorte de salon d'attente, poussiéreux et fripé, tendu de faux velours d'un vert pisseux, criblé de taches et rongé par endroits, comme si des souris l'eussent grignoté. « Assieds-toi, dit Forestier, je reviens dans cinq minutes.

Et il disparut par une des trois sorties qui donnaient dans ce cabinet.

Une odeur étrange, particulière, inexprimable, l'odeur des salles de rédaction, flottait dans ce lieu.

Duroy demeurait immobile, un peu intimidé, surpris surtout. De temps en temps des hommes passaient devant lui, en courant, entrés par une porte et partis par l'autre avant qu'il eût le temps de les regarder. C'étaient tantôt des jeunes gens, très jeunes, l'air affairé, et tenant à la main une feuille de papier qui palpitait au vent de leur course ; tantôt des ouvriers compositeurs, dont la blouse de toile tachée d'encre laissait voir un col de chemise bien blanc et un pantalon de drap pareil à celui des gens du monde ; et ils portaient avec précaution des bandes de papier imprimé, des épreuves fraîches, tout humides.

Quelquefois un petit monsieur entrait, vêtu avec une élégance trop apparente, la taille trop serrée dans la redingote, la jambe trop moulée sous l'étoffe, le pied étreint dans un soulier trop pointu, quelque reporter mondain apportant les échos de la soirée. D'autres encore arrivaient, graves, importants, coiffés de hauts chapeaux à bords plats, comme si cette forme les eût distingués du reste des hommes.

Forestier reparut tenant par le bras un grand garçon maigre, de trente à quarante ans, en habit noir et en cravate blanche, très brun, la moustache roulée en pointes aiguës, et qui avait l'air insolent et content de lui.

Forestier lui dit :

« Adieu, cher maître.

L'autre lui serra la main :

« Au revoir, mon cher », et il descendit l'escalier en sifflotant, la canne sous le bras.

Duroy demanda :

« Qui est-ce ?

– C'est Jacques Rival, tu sais, le fameux chroniqueur, le duelliste.

Il vient de corriger ses épreuves. Garin, Montel et lui sont les trois premiers chroniqueurs d'esprit et d'actualité que nous ayons à Paris. Il gagne ici trente mille francs par an pour deux articles par semaine. Et comme ils s'en allaient, ils rencontrèrent un petit homme à longs cheveux, gros, d'aspect malpropre, qui montait les marches en soufflant.

Forestier salua très bas.

« Norbert de Varenne, dit-il, le poète, l'auteur des Soleils morts, encore un homme dans les grands prix.

Chaque conte qu'il nous donne coûte trois cents francs, et les plus longs n'ont pas deux cents lignes. Mais entrons au Napolitain, je commence à crever de soif. Dès qu'ils furent assis devant la table du café, Forestier cria : « Deux bocks !

» et il avala le sien d'un seul trait, tandis que Duroy buvait la bière à lentes gorgées, la savourant et la dégustant, comme une chose précieuse et rare. Son compagnon se taisait, semblait réfléchir, puis tout à coup :

« Pourquoi n'essaierais-tu pas du journalisme ?

L'autre, surpris, le regarda ; puis il dit :

« Mais… c'est que… je n'ai jamais rien écrit.

– Bah !

on essaie, on commence. Moi, je pourrais t'employer à aller me chercher des renseignements, à faire des démarches et des visites. Tu aurais, au début, deux cent cinquante francs et tes voitures payées. Veux-tu que j'en parle au directeur ? – Mais certainement que je veux bien,

– Alors, fais une chose, viens dîner chez moi demain ; j'ai cinq ou six personnes seulement, le patron, M. Walter, sa femme, Jacques Rival et Norbert de Varenne, que tu viens de voir, plus une amie de Mme Forestier.

Est-ce entendu ? Duroy hésitait, rougissant, perplexe.

Il murmura enfin : « C'est que… je n'ai pas de tenue convenable.

Forestier fut stupéfait :

« Tu n'as pas d'habit ?

Bigre ! en voilà une chose indispensable pourtant. À Paris, vois-tu, il vaudrait mieux n'avoir pas de lit que pas d'habit. Puis, tout à coup, fouillant dans la poche de son gilet, il en tira une pincée d'or, prit deux louis, les posa devant son ancien camarade, et, d'un ton cordial et familier :

« Tu me rendras ça quand tu pourras.

Loue ou achète au mois, en donnant un acompte, les vêtements qu'il te faut ; enfin arrange-toi, mais viens dîner à la maison, demain, sept heures et demie, 17, rue Fontaine. Duroy, troublé, ramassait l'argent en balbutiant :

« Tu es trop aimable, je te remercie bien, sois certain que je n'oublierai pas… »

L'autre l'interrompit : « Allons, c'est bon.

Encore un bock, n'est-ce pas ? » Et il cria : « Garçon, deux bocks ! Puis, quand ils les eurent bus, le journaliste demanda :

« Veux-tu flâner un peu, pendant une heure ?

– Mais certainement.

Et ils se remirent en marche vers la Madeleine.

« Qu'est-ce que nous ferions bien ?

demanda Forestier. On prétend qu'à Paris un flâneur peut toujours s'occuper ; ça n'est pas vrai. Moi, quand je veux flâner, le soir, je ne sais jamais où aller. Un tour au Bois n'est amusant qu'avec une femme, et on n'en a pas toujours une sous la main ; les cafés-concerts peuvent distraire mon pharmacien et son épouse, mais pas moi. Alors, quoi faire ? Rien. Il devrait y avoir ici un jardin d'été, comme le parc Monceau, ouvert la nuit, où on entendrait de la très bonne musique en buvant des choses fraîches sous les arbres. Ce ne serait pas un lieu de plaisir, mais un lieu de flâne ; et on paierait cher pour entrer, afin d'attirer les jolies dames. On pourrait marcher dans des allées bien sablées, éclairées à la lumière électrique, et s'asseoir quand on voudrait pour écouter la musique de près ou de loin. Nous avons eu à peu près ça autrefois chez Musard, mais avec un goût de bastringue et trop d'airs de danse, pas assez d'étendue, pas assez d'ombre, pas assez de sombre. Il faudrait un très beau jardin, très vaste. Ce serait charmant. Où veux-tu aller ? Duroy, perplexe, ne savait que dire ; enfin, il se décida :

« Je ne connais pas les Folies-Bergère.

J'y ferais volontiers un tour. Son compagnon s'écria :

« Les Folies-Bergère, bigre ?

nous y cuirons comme dans une rôtissoire. Enfin, soit, c'est toujours drôle. Et ils pivotèrent sur leurs talons pour gagner la rue du Faubourg-Montmartre.

La façade illuminée de l'établissement jetait une grande lueur dans les quatre rues qui se joignent devant elle.

Une file de fiacres attendait la sortie. Forestier entrait, Duroy l'arrêta :

« Nous oublions de passer au guichet.

L'autre répondit d'un ton important :

« Avec moi on ne paie pas.

Quand il s'approcha du contrôle, les trois contrôleurs le saluèrent.

Celui du milieu lui tendit la main. Le journaliste demanda : « Avez-vous une bonne loge ?

– Mais certainement, monsieur Forestier.

Il prit le coupon qu'on lui tendait, poussa la porte matelassée, à battants garnis de cuir, et ils se trouvèrent dans la salle.

Une vapeur de tabac voilait un peu, comme un très fin brouillard, les parties lointaines, la scène et l'autre côté du théâtre.

Et s'élevant sans cesse, en minces filets blanchâtres, de tous les cigares et de toutes les cigarettes que fumaient tous ces gens, cette brume légère montait toujours, s'accumulait au plafond, et formait, sous le large dôme, autour du lustre, au-dessus de la galerie du premier chargée de spectateurs, un ciel ennuagé de fumée. Dans le vaste corridor d'entrée qui mène à la promenade circulaire, où rôde la tribu parée des filles, mêlée à la foule sombre des hommes, un groupe de femmes attendait les arrivants devant un des trois comptoirs où trônaient, fardées et défraîchies, trois marchandes de boissons et d'amour.

Les hautes glaces, derrière elles, reflétaient leurs dos et les visages des passants.

Forestier ouvrait les groupes, avançait vite, en homme qui a droit à la considération.

Il s'approcha d'une ouvreuse.

« La loge dix-sept ?

dit-il.

– Par ici, monsieur.

Et on les enferma dans une petite boîte en bois, découverte, tapissée de rouge, et qui contenait quatre chaises de même couleur, si rapprochées qu'on pouvait à peine se glisser entre elles.

Les deux amis s'assirent : et, à droite comme à gauche, suivant une longue ligne arrondie aboutissant à la scène par les deux bouts, une suite de cases semblables contenait des gens assis également et dont on ne voyait que la tête et la poitrine. Sur la scène, trois jeunes hommes en maillot collant, un grand, un moyen, un petit, faisaient, tour à tour, des exercices sur un trapèze.

Le grand s'avançait d'abord, à pas courts et rapides, en souriant, et saluait avec un mouvement de la main comme pour envoyer un baiser.

On voyait, sous le maillot, se dessiner les muscles des bras et des jambes ; il gonflait sa poitrine pour dissimuler son estomac trop saillant ; et sa figure semblait celle d'un garçon coiffeur, car une raie soignée ouvrait sa chevelure en deux parties égales, juste au milieu du crâne.

Il atteignait le trapèze d'un bond gracieux, et, pendu par les mains, tournait autour comme une roue lancée ; ou bien, les bras raides, le corps droit, il se tenait immobile, couché horizontalement dans le vide, attaché seulement à la barre fixe par la force des poignets. Puis il sautait à terre, saluait de nouveau en souriant sous les applaudissements de l'orchestre, et allait se coller contre le décor, en montrant bien, à chaque pas, la musculature de sa jambe.

Le second, moins haut, plus trapu, s'avançait à son tour et répétait le même exercice, que le dernier recommençait encore, au milieu de la faveur plus marquée du public.

Mais Duroy ne s'occupait guère du spectacle, et, la tête tournée, il regardait sans cesse derrière lui le grand promenoir plein d'hommes et de prostituées.

Forestier lui dit :

« Remarque donc l'orchestre : rien que des bourgeois avec leurs femmes et leurs enfants, de bonnes têtes stupides qui viennent pour voir.

Aux loges, des boulevardiers ; quelques artistes, quelques filles de demi-choix ; et, derrière nous, le plus drôle de mélange qui soit dans Paris. Quels sont ces hommes ? Observe-les. Il y a de tout, de toutes les castes, mais la crapule domine. Voici des employés, employés de banque, de magasin, de ministère, des reporters, des souteneurs, des officiers en bourgeois, des gommeux en habit, qui viennent de dîner au cabaret et qui sortent de l'Opéra avant d'entrer aux Italiens, et puis encore tout un monde d'hommes suspects qui défient l'analyse. Quant aux femmes, rien qu'une marque : la soupeuse de l'Américain, la fille à un ou deux louis qui guette l'étranger de cinq louis et prévient ses habitués quand elle est libre. On les connaît toutes depuis six ans ; on les voit tous les soirs, toute l'année, aux mêmes endroits, sauf quand elles font une station hygiénique à Saint-Lazare ou à Lourcine. Duroy n'écoutait plus.

Une de ces femmes, s'étant accoudée à leur loge, le regardait. C'était une grosse brune à la chair blanchie par la pâte, à l'œil noir, allongé, souligné par le crayon, encadré sous des sourcils énormes et factices. Sa poitrine, trop forte, tendait la soie sombre de sa robe ; et ses lèvres peintes, rouges comme une plaie, lui donnaient quelque chose de bestial, d'ardent, d'outré, mais qui allumait le désir cependant. Elle appela, d'un signe de tête, une de ses amies qui passait, une blonde aux cheveux rouges, grasse aussi, et elle lui dit d'une voix assez forte pour être entendue :

« Tiens, v'là un joli garçon : s'il veut de moi pour dix louis, je ne dirai pas non.

Forestier se retourna, et, souriant, il tapa sur la cuisse de Duroy :

« C'est pour toi, ça : tu as du succès, mon cher.

Mes compliments. L'ancien sous-off avait rougi ; et il tâtait, d'un mouvement machinal du doigt, les deux pièces d'or dans la poche de son gilet.

Le rideau s'était baissé ; l'orchestre maintenant jouait une valse.

Duroy dit :

« Si nous faisions un tour dans la galerie ?

– Comme tu voudras.

Ils sortirent, et furent aussitôt entraînés dans le courant des promeneurs.

Pressés, poussés, serrés, ballottés, ils allaient, ayant devant les yeux un peuple de chapeaux. Et les filles, deux par deux, passaient dans cette foule d'hommes, la traversaient avec facilité, glissaient entre les coudes, entre les poitrines, entre les dos, comme si elles eussent été bien chez elles, bien à l'aise, à la façon des poissons dans l'eau, au milieu de ce flot de mâles. Duroy ravi, se laissait aller, buvait avec ivresse l'air vicié par le tabac, par l'odeur humaine et les parfums des drôlesses.

Mais Forestier suait, soufflait, toussait. « Allons au jardin », dit-il.

Et, tournant à gauche, ils pénétrèrent dans une espèce de jardin couvert, que deux grandes fontaines de mauvais goût rafraîchissaient.

Sous des ifs et des thuyas en caisse, des hommes et des femmes buvaient sur des tables de zinc. « Encore un bock ?

demanda Forestier. Oui, volontiers.

Ils s'assirent en regardant passer le public.

De temps en temps, une rôdeuse s'arrêtait, puis demandait avec un sourire banal : « M'offrez-vous quelque chose, monsieur ?

» Et comme Forestier répondait : « Un verre d'eau à la fontaine », elle s'éloignait en murmurant : « Va donc, mufle ! Mais la grosse brune qui s'était appuyée tout à l'heure derrière la loge des deux camarades reparut, marchant arrogamment, le bras passé sous celui de la grosse blonde.

Cela faisait vraiment une belle paire de femmes, bien assorties. Elle sourit en apercevant Duroy, comme si leurs yeux se fussent dit déjà des choses intimes et secrètes ; et, prenant une chaise, elle s'assit tranquillement en face de lui et fit asseoir son amie, puis elle commanda d'une voix claire : « Garçon, deux grenadines !

» Forestier, surpris, prononça : « Tu ne te gênes pas, toi ! Elle répondit :

« C'est ton ami qui me séduit.

C'est vraiment un joli garçon. Je crois qu'il me ferait faire des folies ! Duroy, intimidé, ne trouvait rien à dire.

Il retroussait sa moustache frisée en souriant d'une façon niaise. Le garçon apporta les sirops, que les femmes burent d'un seul trait ; puis elles se levèrent, et la brune, avec un petit salut amical de la tête et un léger coup d'éventail sur le bras, dit à Duroy : « Merci, mon chat. Tu n'as pas la parole facile. Et elles partirent en balançant leur croupe.

Alors Forestier se mit à rire :

« Dis donc, mon vieux, sais-tu que tu as vraiment du succès auprès des femmes ?

Il faut soigner ça. Ça peut te mener loin. Il se tut une seconde, puis reprit, avec ce ton rêveur des gens qui pensent tout haut :

« C'est encore par elles qu'on arrive le plus vite.

Et comme Duroy souriait toujours sans répondre, il demanda :

« Est-ce que tu restes encore ?

Moi, je vais rentrer, j'en ai assez. L'autre murmura :

« Oui, je reste encore un peu.

Il n'est pas tard. Forestier se leva :

« Eh bien, adieu, alors.

À demain. N'oublie pas ? 17, rue Fontaine, sept heures et demie. – C'est entendu ; à demain.

Merci. Ils se serrèrent la main, et le journaliste s'éloigna.

Dès qu'il eut disparu, Duroy se sentit libre, et de nouveau il tâta joyeusement les deux pièces d'or dans sa poche ; puis, se levant, il se mit à parcourir la foule qu'il fouillait de l'œil.

Il les aperçut bientôt, les deux femmes, la blonde et la brune, qui voyageaient toujours de leur allure fière de mendiantes, à travers la cohue des hommes.

Il alla droit sur elles, et quand il fut tout près, il n'osa plus.

La brune lui dit :

« As-tu retrouvé ta langue ?

Il balbutia : « Parbleu », sans parvenir à prononcer autre chose que cette parole.

Ils restaient debout tous les trois, arrêtés, arrêtant le mouvement du promenoir, formant un remous autour d'eux.

Alors, tout à coup, elle demanda :

« Viens-tu chez moi ?

Et lui, frémissant de convoitise, répondit brutalement.

« Oui, mais je n'ai qu'un louis dans ma poche.

Elle sourit avec indifférence :

« Ça ne fait rien.

Et elle prit son bras en signe de possession.

Comme ils sortaient, il songeait qu'avec les autres vingt francs il pourrait facilement se procurer, en location, un costume de soirée pour le lendemain.


Bel Ami - Partie 1 Chapitre 1 بيل عامي - الجزء الأول الفصل الأول Bel Ami - Teil 1 Kapitel 1 Bel Ami - Part 1 Chapter 1 بل آمی - قسمت 1 فصل 1 Bel Ami - Partie 1 Chapitre 1 ベルアミ - 第1部 第1章 Bel Ami - Deel 1 Hoofdstuk 1 Bel Ami - Parte 1 Capítulo 1 Bel Ami - Часть 1 Глава 1 Bel Ami - Del 1 Kapitel 1 Bel Ami - Частина 1 Розділ 1 美丽的朋友 - 第 1 部分 第 1 章

– I – - I - Quand la caissière lui eut rendu la monnaie de sa pièce de cent sous, Georges Duroy sortit du restaurant. عندما أعطاه أمين الصندوق الفكة لقطعة خمسة فرنكات ، غادر جورج دوروي المطعم. Als ihm die Kassiererin das Wechselgeld für sein Fünffrankenstück gegeben hatte, verließ Georges Duroy das Restaurant. When the cashier had given her the change of her one-hundred-franc piece, Georges Duroy left the restaurant. Quando o caixa lhe deu o troco da moeda de cinco francos, Georges Duroy saiu do restaurante. Когда кассир дал ей сдачу пенни, Жорж Дюруа покинул ресторан. Keď mu pokladník dal drobné za jeho päťfrankový kúsok, Georges Duroy odišiel z reštaurácie. 收銀員給他找了五法郎的零錢後,喬治·杜魯瓦離開了餐廳。

Comme il portait beau par nature et par pose d’ancien sous-officier, il cambra sa taille, frisa sa moustache d’un geste militaire et familier, et jeta sur les dîneurs attardés un regard rapide et circulaire, un de ces regards de joli garçon, qui s’étendent comme des coups d’épervier. Da er von Natur aus gutaussehend war und die Pose eines ehemaligen Unteroffiziers hatte, wölbte er seine Taille, kräuselte seinen Schnurrbart mit einer militärischen und vertrauten Geste und warf den späten Gästen einen schnellen und kreisenden Blick zu, einer dieser hübschen Looks Junge, der sich ausbreitet wie Falkenschläge. As he wore handsome by nature and by the pose of a former non-commissioned officer, he shrugged his waist, curled his mustache with a military and familiar gesture, and threw on the late diners a quick and circular look, one of those looks of pretty boy, stretching like hawks. Como se vestia bonito por natureza e pela pose de ex-suboficial, arqueava a cintura, torcia o bigode com gesto militar e familiar, e lançava aos atrasados comensais um olhar rápido e circular, daqueles olhares de beleza menino, que se estendem como redes lançadas. Он был красив по натуре и в позе бывшего унтер-офицера, он выгнул талию, завел усы знакомым военным жестом и бросил быстрый и круговой взгляд на опоздавших обедающих - один из тех красивых взглядов. мальчик, который распространялся, как ястребиные удары. Keďže bol od prírody pekný a mal na sebe pózu bývalého poddôstojníka, vyhol sa v páse, zakrútil si fúzy vojenským a známym gestom a venoval oneskoreným hosťom rýchly a kruhový pohľad, jeden z tých pohľadov peknej chlapec, ktoré sa rozprestierajú ako vrhané siete. 由於他生性英俊,一副前士官的姿勢,他弓著腰,用一種軍人熟悉的姿勢捻著小鬍子,快速地向遲到的食客打了個圓圈,這是漂亮的樣子之一男孩,像撒網一樣伸展。

Les femmes avaient levé la tête vers lui, trois petites ouvrières, une maîtresse de musique entre deux âges, mal peignée, négligée, coiffée d’un chapeau toujours poussiéreux et vêtue toujours d’une robe de travers, et deux bourgeoises avec leurs maris, habituées de cette gargote à prix fixe. Die Frauen hatten die Köpfe zu ihm erhoben, drei kleine Arbeiterinnen, eine Musikmeisterin mittleren Alters, schlecht gekämmt, verwahrlost, mit einem immer verstaubten Hut und immer in einem schiefen Kleid, und zwei bürgerliche Frauen mit ihren Ehemännern, Stammgäste bei diesem Fest- Preis Taverne. The women had raised their heads towards him, three little working girls, a middle-aged music mistress, badly combed, neglected, wearing a hat always dusty and always dressed in a crooked dress, and two middle-class women with their husbands, accustomed to this fixed-price gargote. As mulheres olharam para ele, três pequenos trabalhadores, um professor de música de meia-idade, mal penteado, despenteado, com um chapéu sempre empoeirado e sempre vestido com um vestido torto, e duas burguesas com seus maridos, acostumadas a esse preço restaurante. Женщины подняли к нему головы: трое маленьких рабочих, музыкальная хозяйка средних лет, плохо причесанная, запущенная, всегда в пыльной шляпе и всегда в кривом платье, и две буржуазные женщины со своими мужьями. завсегдатаи этой таверны с фиксированной ценой. Ženy sa naňho pozreli, traja malí robotníci, učiteľ hudby v strednom veku, zle učesaný, neupravený, v klobúku, ktorý bol vždy zaprášený a vždy oblečený v krivých šatách, a dve buržoázie so svojimi manželmi, zvyknuté na toto nemenné. cenová reštaurácia.

Lorsqu’il fut sur le trottoir, il demeura un instant immobile, se demandant ce qu’il allait faire. When he was on the pavement, he remained motionless for a moment, wondering what he was going to do. Quando estava na calçada, permaneceu imóvel por um momento, imaginando o que ia fazer. Когда он был на тротуаре, он некоторое время стоял там, гадая, что он собирается делать. Keď bol na chodníku, zostal chvíľu nehybne premýšľať, čo bude robiť. När han nådde trottoaren stod han stilla en stund och undrade vad han skulle göra.

On était au 28 juin, et il lui restait juste en poche trois francs quarante pour finir le mois. It was June 28, and he had just three francs and forty francs left to finish the month. Era 28 de junho e ele tinha apenas três francos e quarenta no bolso para terminar o mês. Это было 28 июня, и у него в кармане оставалось всего три франка сорок до конца месяца. Cela représentait deux dîners sans déjeuners, ou deux déjeuners sans dîners, au choix. This represented two luncheon dinners, or two lunches without lunches, to choose from. Isso significava dois jantares sem almoço, ou dois almoços sem jantar, a sua escolha. Это означало два ужина без обеда или два обеда без ужина, на ваш выбор. Il réfléchit que les repas du matin étant de vingt-deux sous, au lieu de trente que coûtaient ceux du soir, il lui resterait, en se contentant des déjeuners, un franc vingt centimes de boni, ce qui représentait encore deux collations au pain et au saucisson, plus deux bocks sur le boulevard. He reflected that the morning meals being twenty-two sous, instead of thirty that cost those of the evening, he would remain, by being satisfied with the lunches, one franc twenty centimes of bonus, which represented two more snacks with the bread and sausage, plus two bocks on the boulevard. Refletiu que, como as refeições da manhã custavam vinte e dois soldos, em vez dos trinta que custavam as da noite, sobraria, contentando-se com os almoços, com um franco e vinte cêntimos de bonificação, que representavam mais dois lanches de pão e salsicha, mais duas cervejas na avenida. Он сообразил, что, поскольку утренняя трапеза стоила двадцать два су вместо тридцати, которые стоили вечерние, он останется, довольствуясь обедом, с бонусом в двадцать сантимов франка, который представляет собой еще две закуски хлеба и колбаса, плюс два пива на бульваре. C’était là sa grande dépense et son grand plaisir des nuits ; et il se mit à descendre la rue Notre-Dame-de-Lorette. This was his great expense and his great pleasure of the nights; and he started down the Rue Notre-Dame-de-Lorette. Essa era sua grande despesa e seu grande prazer das noites; e começou a descer a Rue Notre-Dame-de-Lorette. Это были его большие расходы и его большое удовольствие от ночей; и он начал спускаться по улице Нотр-Дам-де-Лоретт. Il marchait ainsi qu’au temps où il portait l’uniforme des hussards, la poitrine bombée, les jambes un peu entrouvertes comme s’il venait de descendre de cheval ; et il avançait brutalement dans la rue pleine de monde, heurtant les épaules, poussant les gens pour ne point se déranger de sa route. He walked as well as at the time when he wore the uniform of hussars, his chest bent, his legs a little ajar as if he had just dismounted; and he was advancing brutally down the crowded street, hitting his shoulders, urging people not to disturb his way. Caminhava como nos dias em que vestia o uniforme dos hussardos, o peito volumoso, as pernas entreabertas como se acabasse de desmontar; e avançou brutalmente na rua cheia de gente, batendo nos ombros, empurrando as pessoas para não atrapalhar seu caminho. Он шел так, как ходил в те дни, когда носил гусарский мундир, с выпяченной грудью, слегка раздвинув ноги, как будто только что спешился; и он грубо продвигался по улице, полной людей, стуча плечами, толкая людей, чтобы не мешать ему пути.

Il inclinait légèrement sur l’oreille son chapeau à haute forme assez défraîchi, et battait le pavé de son talon. He tilted slightly his ear-shaped hat on his ear, and beat the pavement of his heel. Ele inclinou o chapéu alto um pouco desbotado ligeiramente sobre uma orelha e bateu na calçada com o calcanhar. Он слегка надвинул свою довольно выцветшую шляпу на одно ухо и постучал каблуком по мостовой. Il avait l’air de toujours défier quelqu’un, les passants, les maisons, la ville entière, par chic de beau soldat tombé dans le civil. He seemed to always challenge someone, the passers-by, the houses, the whole city, by a handsome, handsome soldier fallen into the civil. Sembrava sempre sfidare qualcuno, i passanti, le case, l'intera città, per l'eleganza di un bel soldato caduto nella vita civile. Ele sempre parecia desafiar alguém, os transeuntes, as casas, a cidade inteira, por causa do chique de um belo soldado que havia caído na vida civil. Он всегда как бы бросал вызов кому-то, прохожим, домам, всему городу из шика красавца-солдата, попавшего в гражданскую жизнь. Quoique habillé d’un complet de soixante francs, il gardait une certaine élégance tapageuse, un peu commune, réelle cependant. Although dressed in a suit of sixty francs, he kept a certain pompous elegance, a little common, but real. Embora vestido com um terno de sessenta francos, ele mantinha uma certa elegância chamativa, um pouco comum, mas real. Несмотря на то, что он был одет в костюм за шестьдесят франков, он сохранял некоторую кричащую элегантность, немного заурядную, но тем не менее подлинную.

Grand, bien fait, blond, d’un blond châtain vaguement roussi, avec une moustache retroussée, qui semblait mousser sur sa lèvre, des yeux bleus, clairs, troués d’une pupille toute petite, des cheveux frisés naturellement, séparés par une raie au milieu du crâne, il ressemblait bien au mauvais sujet des romans populaires. Tall, well made, blond, with a faintly scorched brown-haired blond, with an upturned mustache, which seemed to foam on his lip, blue eyes, clear, pierced by a tiny pupil, naturally curly hair, separated by a ray in the middle of the skull he resembled the bad subject of popular novels. Высокий, хорошо сложенный, светловолосый, слегка рыжеватый блондин, с вздернутыми усами, которые, казалось, пенились на губе, ясными голубыми глазами, пронизанными очень маленьким зрачком, от природы вьющимися волосами, разделенными пробором посередине черепа, он выглядел как плохой сюжет популярных романов. C’était une de ces soirées d’été où l’air manque dans Paris. It was one of those summer evenings when there is no air in Paris. Это был один из тех летних вечеров, когда в Париже нет воздуха.

La ville, chaude comme une étuve, paraissait suer dans la nuit étouffante. The city, hot as an oven, seemed to sweat in the stifling night. Город, раскаленный как печь, казалось, потеет в душной ночи. Les égouts soufflaient par leurs bouches de granit leurs haleines empestées, et les cuisines souterraines jetaient à la rue, par leurs fenêtres basses, les miasmes infâmes des eaux de vaisselle et des vieilles sauces. The sewers breathed through their mouths of granite their poisonous breaths, and the underground kitchens threw out, through their low windows, the infamous miasma of the water of crockery and old sauces. Канализация дышала своим гнилостным дыханием через свои гранитные пасти, а подземные кухни выбрасывали на улицу через низкие окна печально известные миазмы мытья посуды и застарелых соусов. Les concierges, en manches de chemise, à cheval sur des chaises en paille, fumaient la pipe sous des portes cochères, et les passants allaient d’un pas accablé, le front nu, le chapeau à la main. The concierges, in shirt-sleeves, straddling straw chairs, were smoking pipes under carriage-doors, and passers-by went with a crushed step, their foreheads bare, their hats in their hands. Консьержи, в рубахах, верхом на соломенных стульях, курили трубки под дверями вагонов, а прохожие шли растерянной походкой, с непокрытой головой, со шляпой в руке.

Quand Georges Duroy parvint au boulevard, il s’arrêta encore, indécis sur ce qu’il allait faire. When Georges Duroy reached the boulevard, he stopped again, undecided as to what he was going to do. Дойдя до бульвара, Жорж Дюруа снова остановился, не зная, что делать дальше.

Il avait envie maintenant de gagner les Champs-Élysées et l’avenue du bois de Boulogne pour trouver un peu d’air frais sous les arbres ; mais un désir aussi le travaillait, celui d’une rencontre amoureuse. He wanted now to go to the Champs-Elysees and the avenue du Bois de Boulogne to find some fresh air under the trees; but a desire also worked on him, that of a love encounter. Теперь ему хотелось отправиться на Елисейские поля и на авеню дю Буа-де-Булонь, чтобы подышать свежим воздухом под деревьями; но его мучило и желание романтической встречи. Comment se présenterait-elle ? How would she present herself? Как бы она выглядела?

Il n’en savait rien, mais il l’attendait depuis trois mois, tous les jours, tous les soirs. He did not know, but he had been waiting for three months, every day, every night. Он не знал, но он ждал ее три месяца, каждый день, каждый вечер. Quelquefois cependant, grâce à sa belle mine et à sa tournure galante, il volait, par-ci, par-là, un peu d’amour, mais il espérait toujours plus et mieux. Sometimes, however, thanks to his handsome appearance and his gallant appearance, he flew here and there a little love, but he always hoped for more and better. Иногда, однако, благодаря своей красивой внешности и галантной осанке он украл здесь и там немного любви, но всегда надеялся на большее и лучшее. La poche vide et le sang bouillant, il s’allumait au contact des rôdeuses qui murmurent, à l’angle des rues : « Venez-vous chez moi, joli garçon ? The empty pocket and the boiling blood, it lit up in contact with the prowlers who murmur, at the corner of the streets: "Come home, pretty boy? С пустым карманом и кипящей кровью он загорелся, когда вступил в контакт с бродягами, которые шептались на углах улиц: «Ты идешь ко мне домой, красавчик?»

» mais il n’osait les suivre, ne les pouvant payer ; et il attendait aussi autre chose, d’autres baisers, moins vulgaires. But he dared not follow them, not being able to pay them; and he was expecting something else, other kisses, less vulgar. но он не осмелился последовать за ними, не имея возможности заплатить им; и он тоже ожидал чего-то другого, других поцелуев, менее вульгарных. Il aimait cependant les lieux où grouillent les filles publiques, leurs bals, leurs cafés, leurs rues ; il aimait les coudoyer, leur parler, les tutoyer, flairer leurs parfums violents, se sentir près d’elles. He loved, however, the places where public girls swarm, their balls, their cafes, their streets; he liked to elbow them, to talk to them, to talk to them, to smell their violent perfumes, to feel near them. Однако ему нравились места, где кишели проститутки, их балы, их кафе, их улицы; он любил общаться с ними, разговаривать с ними, использовать знакомство с ними, вдыхать их сильные духи, ощущать близость к ним.

C’étaient des femmes enfin, des femmes d’amour. They were women at last, women of love. В конце концов, они были женщинами, женщинами любви. Il ne les méprisait point du mépris inné des hommes de famille. Er verachtete sie nicht aus der angeborenen Verachtung der Familienmitglieder. He did not despise them for the innate contempt of the men of the family. Он не презирал их с врожденным презрением семейных людей. Il tourna vers la Madeleine et suivit le flot de foule qui coulait accablé par la chaleur. He turned to the Madeleine and followed the flood of crowds streaming down the heat. Он повернулся к «Мадлен» и последовал за потоком толпы, которая текла, охваченная жарой.

Les grands cafés, pleins de monde, débordaient sur le trottoir, étalant leur public de buveurs sous la lumière éclatante et crue de leur devanture illuminée. The big cafes, full of people, overflowed on the sidewalk, displaying their audience of drinkers under the bright and raw light of their illuminated storefront. Большие кафе, битком набитые людьми, выплеснулись на тротуар, раскинув толпу пьющих под ослепительным и резким светом освещенных витрин. Devant eux, sur de petites tables carrées ou rondes, les verres contenaient des liquides rouges, jaunes, verts, bruns, de toutes les nuances ; et dans l’intérieur des carafes on voyait briller les gros cylindres transparents de glace qui refroidissaient la belle eau claire. In front of them, on small square or round tables, the glasses contained red, yellow, green, and brown liquids of all shades; and in the interior of the carafes the large transparent cylinders of ice shone, cooling the beautiful clear water. Перед ними на квадратных или круглых столиках стояли стаканы с красными, желтыми, зелеными, коричневыми жидкостями всех оттенков; а в графинах сверкали большие прозрачные цилиндры льда, охлаждавшие прекрасную прозрачную воду. Duroy avait ralenti sa marche, et l’envie de boire lui séchait la gorge. Duroy had slowed down, and the desire to drink was drying his throat. Дюруа замедлил шаг, и от желания выпить пересохло в горле.

Une soif chaude, une soif de soir d’été le tenait, et il pensait à la sensation délicieuse des boissons froides coulant dans la bouche. A hot thirst, a thirst for summer evening held him, and he thought of the delicious sensation of cold drinks pouring into his mouth. Горячая жажда, летняя вечерняя жажда охватила его, и он подумал о восхитительном ощущении холодных напитков, текущих во рту.

Mais s’il buvait seulement deux bocks dans la soirée, adieu le maigre souper du lendemain, et il les connaissait trop, les heures affamées de la fin du mois. But if he drank only two drinks in the evening, goodbye to the meager supper of the next day, and he knew them too much, the hungry hours of the end of the month. Но если он выпил всего два пива за вечер, прощай скудный ужин на следующий день, а он их слишком хорошо знал, голодные часы в конце месяца. Il se dit : « Il faut que je gagne dix heures et je prendrai mon bock à l’Américain. He said to himself, "I have to earn ten hours, and I'll take my bock from the American. Он сказал себе: «Я должен выиграть в десять часов и выпью пива в Американском».

Nom d’un chien ! Name of a dog ! Имя собаки! que j’ai soif tout de même ! that I am thirsty all the same! как я хочу пить! » Et il regardait tous ces hommes attablés et buvant, tous ces hommes qui pouvaient se désaltérer tant qu’il leur plaisait. And he looked at all those men seated and drinking, all those men who could drink as much as they liked. И он посмотрел на всех этих мужчин, сидящих и пьющих, на всех этих людей, которые могли утолить свою жажду сколько угодно. Il allait, passant devant les cafés d’un air crâne et gaillard, et il jugeait d’un coup d’œil, à la mine, à l’habit, ce que chaque consommateur devait porter d’argent sur lui. He was walking past the cafes with a skull and cheek, and he judged at a glance, at the mine, at the dress, what each consumer had to carry money on him. Он прошел мимо кафе с развязным и бойким видом и с первого взгляда, по внешности, по одежде определил, сколько денег должен иметь при себе каждый потребитель. Et une colère l’envahissait contre ces gens assis et tranquilles. And anger invaded against these people sitting and quiet. И гнев овладел им против этих сидящих и тихих людей. En fouillant leurs poches, on trouverait de l’or, de la monnaie blanche et des sous. In searching their pockets, we would find gold, white coins and pennies. Если бы вы обыскали их карманы, вы бы нашли золото, белую мелочь и пенни. En moyenne, chacun devait avoir au moins deux louis ; ils étaient bien une centaine au café ; cent fois deux louis font quatre mille francs ! On average, each had to have at least two louis; they were a hundred at the cafe; a hundred times two louis make four thousand francs! В среднем у каждого должно было быть не менее двух луидоров; в кафе их было сто; сто раз два луидора - четыре тысячи франков! Il murmurait : « Les cochons ! He whispered: “The pigs! Он пробормотал: «Свиньи! » tout en se dandinant avec grâce. While waddling gracefully. при этом грациозно переваливаясь. S’il avait pu en tenir un au coin d’une rue, dans l’ombre bien noire, il lui aurait tordu le cou, ma foi, sans scrupule, comme il faisait aux volailles des paysans, aux jours de grandes manœuvres. If he had been able to hold one at the corner of a street, in the dark shadow, he would have twisted his neck, my faith, without scruple, as he did to the poultry of the peasants, in the days of great maneuvers. Если бы он мог держать одну птицу на углу улицы, в очень темной тени, он бы, ей-богу, свернул бы ей шею без зазрения совести, как с крестьянской домашней птицей в дни больших маневров. Et il se rappelait ses deux années d’Afrique, la façon dont il rançonnait les Arabes dans les petits postes du Sud. And he remembered his two years in Africa, the way he ransomed the Arabs in the small posts of the South. И он вспомнил свои два года в Африке, как он выкупал арабов на небольших постах на юге.

Et un sourire cruel et gai passa sur ses lèvres au souvenir d’une escapade qui avait coûté la vie à trois hommes de la tribu des Ouled-Alane et qui leur avait valu, à ses camarades et à lui, vingt poules, deux moutons et de l’or, et de quoi rire pendant six mois. And a cruel and cheerful smile passed on his lips to the memory of a trip that had cost the lives of three men of the Ouled-Alane tribe and which had earned them, his comrades and him, twenty hens, two sheep and gold, and what to laugh for six months. И жестокая и веселая улыбка скользнула по его губам при воспоминании об авантюре, стоившей жизни трем мужчинам из племени улед-аланов и принесшей им, его товарищам и ему двадцать кур, двух овец и золото, и есть над чем посмеяться полгода. On n’avait jamais trouvé les coupables, qu’on n’avait guère cherché d’ailleurs, l’Arabe étant un peu considéré comme la proie naturelle du soldat. The culprits had never been found, which had scarcely been sought elsewhere, the Arab being a little considered as the natural prey of the soldier. Виновные так и не были найдены и их не искали, поскольку араб считался естественной добычей солдата.

À Paris, c’était autre chose. In Paris, it was something else. В Париже было что-то другое.

On ne pouvait pas marauder gentiment, sabre au côté et revolver au poing, loin de la justice civile, en liberté, il se sentait au cœur tous les instincts du sous-off lâché en pays conquis. One could not maraud gently, saber to the side and revolver in the fist, far from the civil justice, in freedom, he felt in the heart all the instincts of the sub-off released in conquered country. Нельзя было мародерствовать мягко, с саблей на боку и с револьвером в руке, вдали от гражданской справедливости, на свободе, он чувствовал в своем сердце все инстинкты унтер-офицера, вырвавшиеся на волю в завоеванной стране. Certes il les regrettait, ses deux années de désert. Certainly he regretted them, his two years of desert. Конечно, он сожалел о своих двух годах пустыни. Quel dommage de n’être pas resté là-bas ! What a pity not to have stayed there! Какой позор не остаться там! Mais voilà, il avait espéré mieux en revenant. But here he was, he had hoped better by coming back. Но теперь, когда он вернулся, он надеялся на лучшее. Et maintenant !… Ah ! oui, c’était du propre, maintenant ! yes, it was clean, now! да, теперь чисто! Il faisait aller sa langue dans sa bouche, avec un petit claquement, comme pour constater la sécheresse de son palais. He made his tongue go in his mouth, with a small snap, as if to note the dryness of his palate. Он шевельнул языком во рту с легким щелчком, как будто замечая сухость своего неба.

La foule glissait autour de lui, exténuée et lente, et il pensait toujours : « Tas de brutes ! The crowd slid around him, exhausted and slow, and he always thought: "Brutes! Толпа скользила вокруг него, измученная и медленная, а он все еще думал: «Вы, хулиганы!

tous ces imbéciles-là ont des sous dans le gilet. all these imbeciles have pennies in the vest. у всех этих дебилов деньги в жилетках. » Il bousculait les gens de l’épaule, et sifflotait des airs joyeux. He jostled the people on the shoulder, and whistled happy airs. Des messieurs heurtés se retournaient en grognant ; des femmes prononçaient : « En voilà un animal ! Shattered gentlemen turned around, grunting; some women pronounced: "Here is an animal! Потрясенные джентльмены с ворчанием оборачивались; женщины говорили: «Вот животное!» Il passa devant le Vaudeville, et s’arrêta en face du café Américain, se demandant s’il n’allait pas prendre son bock, tant la soif le torturait. He passed the Vaudeville, and stopped in front of the American cafe, wondering if he was not going to take his beer, so thirsty was torturing him. Он прошел мимо «Водевиля» и остановился перед американским кафе, думая, не возьмет ли он пива, настолько его мучила жажда.

Avant de se décider, il regarda l’heure aux horloges lumineuses, au milieu de la chaussée. Before deciding, he looked at the time at the luminous clocks in the middle of the road. Il était neuf heures un quart. It was a quarter past nine. Il se connaissait : dès que le verre plein de bière serait devant lui, il l’avalerait. He knew himself: as soon as the glass full of beer was in front of him, he would swallow it. Он знал себя: как только стакан с пивом окажется перед ним, он его проглотит. Que ferait-il ensuite jusqu’à onze heures ? What would he do next until eleven o'clock? Что он будет делать дальше до одиннадцати часов? Il passa. He passed. Он прошел.

« J’irai jusqu’à la Madeleine, se dit-il, et je reviendrai tout doucement. "I'll go to the Madeleine," he said to himself, "and I'll come back very slowly. «Я дойду до Мадлен, — сказал он себе, — и буду возвращаться очень медленно». Comme il arrivait au coin de la place de l’Opéra, il croisa un gros jeune homme, dont il se rappela vaguement avoir vu la tête quelque part. As he arrived at the corner of the Place de l'Opera, he met a fat young man, whom he vaguely remembered having seen his head somewhere. Дойдя до угла площади Оперы, он встретил толстого молодого человека, лицо которого он смутно помнил, что где-то видел.

Il se mit à le suivre en cherchant dans ses souvenirs, et répétant à mi-voix : « Où diable ai-je connu ce particulier-là ? He began to follow him, searching in his memories, and repeating in a low voice: "Where in the world have I known this particular person? Он стал следовать за ним, копаясь в воспоминаниях и повторяя вполголоса: «Откуда, черт возьми, я знал этого парня?»

Il fouillait dans sa pensée, sans parvenir à se le rappeler ; puis tout d’un coup, par un singulier phénomène de mémoire, le même homme lui apparut moins gros, plus jeune, vêtu d’un uniforme de hussard. He searched in his mind, unable to remember it; then suddenly, by a singular phenomenon of memory, the same man appeared to him less fat, younger, dressed in a hussar uniform. Он порылся в уме, но не смог вспомнить; потом вдруг, по странному явлению памяти, тот же человек показался ему менее толстым, помоложе, в гусарском мундире.

Il s’écria tout haut : « Tiens, Forestier ! He exclaimed aloud: “Here, Forestier! » et, allongeant le pas, il alla frapper sur l’épaule du marcheur. And, lengthening his pace, he knocked on the walker's shoulder. L’autre se retourna, le regarda, puis dit : The other turned around, looked at him, then said: « Qu’est-ce que vous me voulez, monsieur ? "What do you want from me, sir?"

» Duroy se mit à rire : Duroy laughed: « Tu ne me reconnais pas ? " You do not recognize me ?

– Non. - No.

– Georges Duroy du 6e hussards. - Georges Duroy of the 6th Hussars.

Forestier tendit les deux mains : Forestier held out both hands:

« Ah !

mon vieux ! my pal ! comment vas-tu ? – Très bien et toi ?

– Oh !

moi, pas trop ; figure-toi que j’ai une poitrine de papier mâché maintenant ; je tousse six mois sur douze, à la suite d’une bronchite que j’ai attrapée à Bougival, l’année de mon retour à Paris, voici quatre ans maintenant. me, not too much ; imagine that I have a paper mache breast now; I cough six months out of twelve, following a bronchitis that I caught in Bougival, the year of my return to Paris, four years ago now. я, не слишком; представьте, что у меня теперь есть ящик папье-маше; Я кашляю шесть месяцев из двенадцати после бронхита, который я подхватил в Буживале, в год моего возвращения в Париж, уже четыре года назад. – Tiens ! - Here!

tu as l’air solide, pourtant. you look solid, though. Et Forestier, prenant le bras de son ancien camarade, lui parla de sa maladie, lui raconta les consultations, les opinions et les conseils des médecins, la difficulté de suivre leurs avis dans sa position. And Forestier, taking the arm of his old comrade, told him of his illness, told him of the consultations, the opinions and advice of the doctors, the difficulty of following their advice in his position.

On lui ordonnait de passer l’hiver dans le Midi ; mais le pouvait-il ? He was ordered to spend the winter in the South; but could he? Il était marié et journaliste, dans une belle situation. He was married and a journalist, in a good position. « Je dirige la politique à La Vie Française . “I run politics at La Vie Française. Je fais le Sénat au Salut, et, de temps en temps, des chroniques littéraires pour La Planète. I make the Senate of Salvation, and, from time to time, literary chronicles for The Planet. Voilà, j’ai fait mon chemin. That's it, I made my way. Duroy, surpris, le regardait. Duroy, surprised, looked at him.

Il était bien changé, bien mûri. He was well changed, well matured. Il avait maintenant une allure, une tenue, un costume d’homme posé, sûr de lui, et un ventre d’homme qui dîne bien. He now had a look, an outfit, a man's costume, sure of himself, and a belly of a man who dines well. Autrefois il était maigre, mince et souple, étourdi, casseur d’assiettes, tapageur et toujours en train. Formerly he was thin, thin and supple, stunned, dish-breaker, rowdy and always on the train. En trois ans Paris en avait fait quelqu’un de tout autre, de gros et de sérieux, avec quelques cheveux blancs sur les tempes, bien qu’il n’eût pas plus de vingt-sept ans. In three years Paris had made someone quite different, fat and serious, with some white hair on the temples, although he was not more than twenty-seven. Forestier demanda : Forestier asked:

« Où vas-tu ? " Where are you going ?

Duroy répondit : Duroy replied:

« Nulle part, je fais un tour avant de rentrer. "Nowhere, I make a turn before returning.

– Eh bien, veux-tu m’accompagner à La Vie Française , où j’ai des épreuves à corriger ; puis nous irons prendre un bock ensemble. "Well, will you accompany me to La Vie Francaise, where I have proofs to correct; then we will go take a bock together. – Je te suis. - I follow you.

Et ils se mirent à marcher en se tenant par le bras avec cette familiarité facile qui subsiste entre compagnons d’école et entre camarades de régiment. And they began to walk, holding each other by the arm with that easy familiarity that exists between schoolmates and regimental comrades.

« Qu’est-ce que tu fais à Paris ? "What are you doing in Paris?

» dit Forestier. »Says Forestier. Duroy haussa les épaules : Duroy shrugged his shoulders:

« Je crève de faim, tout simplement. "I'm just starving.

Une fois mon temps fini, j’ai voulu venir ici pour… pour faire fortune ou plutôt pour vivre à Paris ; et voilà six mois que je suis employé aux bureaux du chemin de fer du Nord, à quinze cents francs par an, rien de plus. Once my time was over, I wanted to come here to ... to make a fortune or rather to live in Paris; and six months ago I was employed at the offices of the Northern Railway, at fifteen hundred francs a year, nothing more. Forestier murmura : Forestier whispered:

« Bigre, ça n’est pas gras. "Bigre, it's not fat.

– Je te crois. - I believe you.

Mais comment veux-tu que je m’en tire ? But how do you want me to get away? Je suis seul, je ne connais personne, je ne peux me recommander à personne. I am alone, I do not know anyone, I can not recommend myself to anyone. Ce n’est pas la bonne volonté qui me manque, mais les moyens. It's not good will that I miss, but the means. Son camarade le regarda des pieds à la tête, en homme pratique, qui juge un sujet, puis il prononça d’un ton convaincu : His comrade looked at him from head to foot, as a practical man, who judged a subject, then he pronounced in a convinced tone:

« Vois-tu, mon petit, tout dépend de l’aplomb, ici. "You see, my dear, everything depends on being here.

Un homme un peu malin devient plus facilement ministre que chef de bureau. A man a little clever becomes more easily minister than head of office. Il faut s’imposer et non pas demander. It is necessary to impose oneself and not to ask. Mais comment diable n’as-tu pas trouvé mieux qu’une place d’employé au Nord ? But how on earth did you not find better than a job in the North? Duroy reprit : Duroy resumed:

« J’ai cherché partout, je n’ai rien découvert. “I looked everywhere, I didn't find anything.

Mais j’ai quelque chose en vue en ce moment, on m’offre d’entrer comme écuyer au manège Pellerin. But I have something in sight at this moment, I am offered to enter the riding school Pellerin as a squire. Là, j’aurai, au bas mot, trois mille francs. There, I will have, at least, three thousand francs. Forestier s’arrêta net ! Forestier stopped dead!

« Ne fais pas ça, c’est stupide, quand tu devrais gagner dix mille francs. "Do not do that, it's stupid, when you should earn ten thousand francs.

Tu te fermes l’avenir du coup. You close the future of the blow. Dans ton bureau, au moins, tu es caché, personne ne te connaît, tu peux en sortir, si tu es fort, et faire ton chemin. In your office, at least, you're hidden, nobody knows you, you can get out, if you're strong, and make your way. Mais une fois écuyer, c’est fini. But once squire, it's over. C’est comme si tu étais maître d’hôtel dans une maison où tout Paris va dîner. It's as if you were butler in a house where all Paris goes to dinner. Quand tu auras donné des leçons d’équitation aux hommes du monde ou à leurs fils, ils ne pourront plus s’accoutumer à te considérer comme leur égal. When you have given riding lessons to the men of the world or to their sons, they will not be able to accustom themselves to consider you as their equal. Il se tut, réfléchit quelques secondes, puis demanda : He paused, thought a few seconds, then asked:

« Es-tu bachelier ? „Sind Sie Junggeselle? "Are you a bachelor?

– Non. - No.

J’ai échoué deux fois. Ich bin zweimal gescheitert. I failed twice. – Ça ne fait rien, du moment que tu as poussé tes études jusqu’au bout. - Es spielt keine Rolle, solange Sie Ihr Studium zu Ende getrieben haben. - It does not matter, from the moment you pushed your studies to the end.

Si on parle de Cicéron ou de Tibère, tu sais à peu près ce que c’est ? If we are talking about Cicero or Tiberius, do you know what it is? – Oui, à peu près. - Yes, approximately.

– Bon, personne n’en sait davantage, à l’exception d’une vingtaine d’imbéciles qui ne sont pas fichus de se tirer d’affaire. - Well, no one knows more, with the exception of twenty fools who are not able to get out of trouble.

Ça n’est pas difficile de passer pour fort, va ; le tout est de ne pas se faire pincer en flagrant délit d’ignorance. It is not difficult to pass for strong, go; the whole thing is not to be pinched in the act of ignorance. On manœuvre, on esquive la difficulté, on tourne l’obstacle, et on colle les autres au moyen d’un dictionnaire. We maneuver, we dodge the difficulty, we turn the obstacle, and we stick others by means of a dictionary. Tous les hommes sont bêtes comme des oies et ignorants comme des carpes. All men are stupid like geese and ignorant like carp. Il parlait en gaillard tranquille qui connaît la vie, et il souriait en regardant passer la foule. He spoke as a quiet fellow who knows life, and he smiled as he watched the crowd pass.

Mais tout d’un coup il se mit à tousser, et s’arrêta pour laisser finir la quinte, puis, d’un ton découragé : But all of a sudden he began to cough, and stopped to let the fifth end, then, discouragedly: « N’est-ce pas assommant de ne pouvoir se débarrasser de cette bronchite ? "Is not it boring to be able to get rid of this bronchitis?

Et nous sommes en plein été. And we are in the middle of summer. Oh ! Oh !

cet hiver, j’irai me guérir à Menton. this winter, I will go and cure myself in Menton. Tant pis, ma foi, la santé avant tout. Too bad, my faith, health above all. Ils arrivèrent au boulevard Poissonnière, devant une grande porte vitrée, derrière laquelle un journal ouvert était collé sur les deux faces. They arrived at the boulevard Poissonniere, in front of a large glass door, behind which an open newspaper was stuck on both sides.

Trois personnes arrêtées le lisaient. Three arrested people read it. Au-dessus de la porte s’étalait, comme un appel, en grandes lettres de feu dessinées par des flammes de gaz : La Vie Française . Above the door was spread out, like a call, in large letters of fire drawn by flames of gas: La Vie Francaise. Et les promeneurs passant brusquement dans la clarté que jetaient ces trois mots éclatants apparaissaient tout à coup en pleine lumière, visibles, clairs et nets comme au milieu du jour, puis rentraient aussitôt dans l’ombre. And the strollers passing abruptly in the clarity which these three brilliant words threw suddenly appeared in full light, visible, clear and clear as in the middle of the day, then returned immediately in the shade. Forestier poussa cette porte : « Entre », dit-il. Forestier pushed the door, "Come in," he said.

Duroy entra, monta un escalier luxueux et sale que toute la rue voyait, parvint dans une antichambre, dont les deux garçons de bureau saluèrent son camarade, puis s’arrêta dans une sorte de salon d’attente, poussiéreux et fripé, tendu de faux velours d’un vert pisseux, criblé de taches et rongé par endroits, comme si des souris l’eussent grignoté. Duroy entered, went up a luxurious, dirty stairway that the whole street saw, reached an antechamber, whose two office boys saluted his comrade, and then stopped in a kind of waiting room, dusty and wrinkled, strung with scythe velvet of a pissy green, riddled with spots and gnawed in places, as if mice had nibbled it. « Assieds-toi, dit Forestier, je reviens dans cinq minutes. "Sit down," said Forestier, "I'll be back in five minutes.

Et il disparut par une des trois sorties qui donnaient dans ce cabinet. And he disappeared by one of the three exits which gave into this cabinet.

Une odeur étrange, particulière, inexprimable, l’odeur des salles de rédaction, flottait dans ce lieu. A strange, peculiar, inexpressible smell, the smell of newsrooms, floated in this place.

Duroy demeurait immobile, un peu intimidé, surpris surtout. Duroy remained motionless, a little intimidated, especially surprised. De temps en temps des hommes passaient devant lui, en courant, entrés par une porte et partis par l’autre avant qu’il eût le temps de les regarder. From time to time men ran past him, came in by one door and left by the other before he had time to look at them. C’étaient tantôt des jeunes gens, très jeunes, l’air affairé, et tenant à la main une feuille de papier qui palpitait au vent de leur course ; tantôt des ouvriers compositeurs, dont la blouse de toile tachée d’encre laissait voir un col de chemise bien blanc et un pantalon de drap pareil à celui des gens du monde ; et ils portaient avec précaution des bandes de papier imprimé, des épreuves fraîches, tout humides. They were sometimes young people, very young, looking busy, and holding in their hands a sheet of paper throbbing in the wind of their course; sometimes workmen composers, whose smocks of linen stained with ink showed a collar of white shirt and trousers of cloth similar to that of the people of the world; and they wore with care printed strips of paper, fresh proofs, all wet.

Quelquefois un petit monsieur entrait, vêtu avec une élégance trop apparente, la taille trop serrée dans la redingote, la jambe trop moulée sous l’étoffe, le pied étreint dans un soulier trop pointu, quelque reporter mondain apportant les échos de la soirée. Sometimes a little gentleman would come in, dressed with too apparent elegance, his waist too tight in the frock coat, his leg too tight under the material, his foot clasped in a shoe that was too pointed, some social reporter bringing the echoes of the evening. D’autres encore arrivaient, graves, importants, coiffés de hauts chapeaux à bords plats, comme si cette forme les eût distingués du reste des hommes. Still others arrived, grave and important, wearing high hats with flat brims, as if this form had distinguished them from the rest of men.

Forestier reparut tenant par le bras un grand garçon maigre, de trente à quarante ans, en habit noir et en cravate blanche, très brun, la moustache roulée en pointes aiguës, et qui avait l’air insolent et content de lui. Forestier reappeared, holding by his arm a tall, skinny boy, from thirty to forty, in a black coat and a white cravat, very dark, with a pointed mustache, and who looked insolent and pleased with himself.

Forestier lui dit :

« Adieu, cher maître. “Farewell, dear master.

L’autre lui serra la main : The other shook his hand:

« Au revoir, mon cher », et il descendit l’escalier en sifflotant, la canne sous le bras. "Good bye, my dear," and he whistled down the stairs, cane under his arm.

Duroy demanda : Duroy asked:

« Qui est-ce ?

– C’est Jacques Rival, tu sais, le fameux chroniqueur, le duelliste. - It's Jacques Rival, you know, the famous chronicler, the duelist.

Il vient de corriger ses épreuves. He has just corrected his ordeals. Garin, Montel et lui sont les trois premiers chroniqueurs d’esprit et d’actualité que nous ayons à Paris. Garin, Montel and he are the first three chroniclers of wit and actuality that we have in Paris. Il gagne ici trente mille francs par an pour deux articles par semaine. He earns here thirty thousand francs a year for two articles a week. Et comme ils s’en allaient, ils rencontrèrent un petit homme à longs cheveux, gros, d’aspect malpropre, qui montait les marches en soufflant. And as they were leaving, they met a little man with long hair, big, messy looking, who was walking up the stairs, blowing.

Forestier salua très bas. Forestier bowed very low.

« Norbert de Varenne, dit-il, le poète, l’auteur des Soleils morts, encore un homme dans les grands prix. "Norbert de Varenne," he says, "the poet, the author of the dead Suns, still a man in the grand prix.

Chaque conte qu’il nous donne coûte trois cents francs, et les plus longs n’ont pas deux cents lignes. Each story he gives us costs three hundred francs, and the longest do not have two hundred lines. Mais entrons au Napolitain, je commence à crever de soif. But let's go to the Neapolitan, I'm starting to quench thirst. Dès qu’ils furent assis devant la table du café, Forestier cria : « Deux bocks ! As soon as they sat down at the coffee table, Forestier shouted, "Two drinks!

» et il avala le sien d’un seul trait, tandis que Duroy buvait la bière à lentes gorgées, la savourant et la dégustant, comme une chose précieuse et rare. And he swallowed his in one gulp, while Duroy drank the beer with slow sips, savoring and tasting it, as a precious and rare thing. Son compagnon se taisait, semblait réfléchir, puis tout à coup : His companion was silent, seemed to think, then suddenly:

« Pourquoi n’essaierais-tu pas du journalisme ? "Why do not you try journalism?

L’autre, surpris, le regarda ; puis il dit : The other, surprised, looked at him; then he says:

« Mais… c’est que… je n’ai jamais rien écrit. "But ... it's that ... I never wrote anything.

– Bah ! - Bah!

on essaie, on commence. we try, we start. Moi, je pourrais t’employer à aller me chercher des renseignements, à faire des démarches et des visites. I could use you to go get me information, to make inquiries and visits. Tu aurais, au début, deux cent cinquante francs et tes voitures payées. You would have, at first, two hundred and fifty francs and your cars paid. Veux-tu que j’en parle au directeur ? Do you want me to talk to the director? – Mais certainement que je veux bien, - But certainly I want to,

– Alors, fais une chose, viens dîner chez moi demain ; j’ai cinq ou six personnes seulement, le patron, M. Walter, sa femme, Jacques Rival et Norbert de Varenne, que tu viens de voir, plus une amie de Mme Forestier. - So, do one thing, come and dine with me tomorrow; I have only five or six people, the boss, Mr. Walter, his wife, Jacques Rival, and Norbert de Varenne, whom you have just seen, plus a friend of Madame Forestier.

Est-ce entendu ? Is this understood? Duroy hésitait, rougissant, perplexe. Duroy hesitated, blushing, perplexed.

Il murmura enfin : « C’est que… je n’ai pas de tenue convenable. "It's just ... I do not have a proper outfit.

Forestier fut stupéfait : Forestier was amazed:

« Tu n’as pas d’habit ? "Do not you have a coat?

Bigre ! Bigre! en voilà une chose indispensable pourtant. This is an indispensable thing, however. À Paris, vois-tu, il vaudrait mieux n’avoir pas de lit que pas d’habit. In Paris, you see, it would be better to have no bed than no clothes. Puis, tout à coup, fouillant dans la poche de son gilet, il en tira une pincée d’or, prit deux louis, les posa devant son ancien camarade, et, d’un ton cordial et familier : Then, suddenly, searching in the pocket of his waistcoat, he drew a pinch of gold, took two louis, put them in front of his old friend, and, in a cordial and familiar tone:

« Tu me rendras ça quand tu pourras. "You will give me that when you can.

Loue ou achète au mois, en donnant un acompte, les vêtements qu’il te faut ; enfin arrange-toi, mais viens dîner à la maison, demain, sept heures et demie, 17, rue Fontaine. Rent or buy by month, giving a deposit, the clothes you need; at last, arrange yourself, but come and dine at home, to-morrow, seven-thirty, 17, Fontaine Street. Duroy, troublé, ramassait l’argent en balbutiant : Duroy, troubled, picked up the money stammering:

« Tu es trop aimable, je te remercie bien, sois certain que je n’oublierai pas… » "You are too kind, thank you very much, be certain that I will not forget ..."

L’autre l’interrompit : « Allons, c’est bon. The other interrupted him: "Come on, that's good.

Encore un bock, n’est-ce pas ? Another bock, is not it? » Et il cria : « Garçon, deux bocks ! And he shouted: "Boy, two bocks!" Puis, quand ils les eurent bus, le journaliste demanda : Then, when they had them bus, the journalist asked:

« Veux-tu flâner un peu, pendant une heure ? "Do you want to hang out a little, for an hour?

– Mais certainement. - But certainly.

Et ils se remirent en marche vers la Madeleine. And they started walking again towards the Madeleine.

« Qu’est-ce que nous ferions bien ? "What would we do well?

demanda Forestier. Forestier asked. On prétend qu’à Paris un flâneur peut toujours s’occuper ; ça n’est pas vrai. It is said that in Paris a loafer can always take care of himself; that's not true. Moi, quand je veux flâner, le soir, je ne sais jamais où aller. When I want to wander, I never know where to go. Un tour au Bois n’est amusant qu’avec une femme, et on n’en a pas toujours une sous la main ; les cafés-concerts peuvent distraire mon pharmacien et son épouse, mais pas moi. A trip to the Bois is amusing only with a woman, and we do not always have one at hand; coffee shops can distract my pharmacist and his wife, but not me. Alors, quoi faire ? So what to do? Rien. Il devrait y avoir ici un jardin d’été, comme le parc Monceau, ouvert la nuit, où on entendrait de la très bonne musique en buvant des choses fraîches sous les arbres. There should be a summer garden here, like Parc Monceau, open at night, where you could hear very good music while drinking fresh things under the trees. Ce ne serait pas un lieu de plaisir, mais un lieu de flâne ; et on paierait cher pour entrer, afin d’attirer les jolies dames. It would not be a place of pleasure, but a place of loitering; and we would pay dearly to enter, in order to attract the pretty ladies. On pourrait marcher dans des allées bien sablées, éclairées à la lumière électrique, et s’asseoir quand on voudrait pour écouter la musique de près ou de loin. One could walk in well-lit alleys, lit by electric light, and sit down when one would like to listen to music from near and far. Nous avons eu à peu près ça autrefois chez Musard, mais avec un goût de bastringue et trop d’airs de danse, pas assez d’étendue, pas assez d’ombre, pas assez de sombre. We had it about once at Musard's, but with a bastringue taste and too many dance tunes, not enough space, not enough shade, not enough darkness. Il faudrait un très beau jardin, très vaste. It would take a very beautiful garden, very vast. Ce serait charmant. It would be charming. Où veux-tu aller ? Where do you want to go ? Duroy, perplexe, ne savait que dire ; enfin, il se décida : Duroy, perplexed, did not know what to say; finally, he decided:

« Je ne connais pas les Folies-Bergère. "I do not know the Folies-Bergere.

J’y ferais volontiers un tour. I would be happy to take a tour. Son compagnon s’écria : His companion exclaimed:

« Les Folies-Bergère, bigre ? "The Folies-Bergere, bigre?

nous y cuirons comme dans une rôtissoire. we cook there as in a roasting pan. Enfin, soit, c’est toujours drôle. Well, it's always funny. Et ils pivotèrent sur leurs talons pour gagner la rue du Faubourg-Montmartre. And they turned on their heels to reach the rue du Faubourg Montmartre.

La façade illuminée de l’établissement jetait une grande lueur dans les quatre rues qui se joignent devant elle. The illuminated facade of the establishment cast a great glow in the four streets that join it.

Une file de fiacres attendait la sortie. A line of hacks was waiting for the exit. Forestier entrait, Duroy l’arrêta : Forestier entered, Duroy stopped him:

« Nous oublions de passer au guichet. "We forget to go to the counter.

L’autre répondit d’un ton important : The other answered with an important tone:

« Avec moi on ne paie pas. "With me we do not pay.

Quand il s’approcha du contrôle, les trois contrôleurs le saluèrent. When he approached control, the three controllers saluted him.

Celui du milieu lui tendit la main. The middle one held out his hand. Le journaliste demanda : The reporter asked: « Avez-vous une bonne loge ? "Do you have a good lodge?

– Mais certainement, monsieur Forestier. "But certainly, Mr. Forestier.

Il prit le coupon qu’on lui tendait, poussa la porte matelassée, à battants garnis de cuir, et ils se trouvèrent dans la salle. He took the coupon that was being handed to him, pushed open the quilted door, with leather doors, and they found themselves in the room.

Une vapeur de tabac voilait un peu, comme un très fin brouillard, les parties lointaines, la scène et l’autre côté du théâtre. A vapor of tobacco veiled a little, like a very fine fog, the distant parts, the scene and the other side of the theater.

Et s’élevant sans cesse, en minces filets blanchâtres, de tous les cigares et de toutes les cigarettes que fumaient tous ces gens, cette brume légère montait toujours, s’accumulait au plafond, et formait, sous le large dôme, autour du lustre, au-dessus de la galerie du premier chargée de spectateurs, un ciel ennuagé de fumée. And rising unceasingly, in thin whitish filets, from all the cigars and cigarettes that all these people smoked, this light mist always rose, accumulated on the ceiling, and formed, under the broad dome, around the chandelier Above the gallery of the first spectator, a sky clouded with smoke. Dans le vaste corridor d’entrée qui mène à la promenade circulaire, où rôde la tribu parée des filles, mêlée à la foule sombre des hommes, un groupe de femmes attendait les arrivants devant un des trois comptoirs où trônaient, fardées et défraîchies, trois marchandes de boissons et d’amour. In the vast entrance corridor leading to the circular promenade, where the tribe adorned with the girls lurks, mingled with the dark crowd of men, a group of women were waiting for the comers in front of one of the three counters, three of which were dressed up and withered. merchants of drinks and love.

Les hautes glaces, derrière elles, reflétaient leurs dos et les visages des passants. The tall windows behind them reflected their backs and the faces of the passers-by.

Forestier ouvrait les groupes, avançait vite, en homme qui a droit à la considération. Forestier opened the groups, advanced quickly, as a man entitled to consideration.

Il s’approcha d’une ouvreuse. He approached an openwoman.

« La loge dix-sept ? "The lodge seventeen?

dit-il. he said.

– Par ici, monsieur. - This way, sir.

Et on les enferma dans une petite boîte en bois, découverte, tapissée de rouge, et qui contenait quatre chaises de même couleur, si rapprochées qu’on pouvait à peine se glisser entre elles. And they were shut up in a little wooden box, uncovered, lined with red, and containing four chairs of the same color, so close together that one could scarcely slip between them.

Les deux amis s’assirent : et, à droite comme à gauche, suivant une longue ligne arrondie aboutissant à la scène par les deux bouts, une suite de cases semblables contenait des gens assis également et dont on ne voyait que la tête et la poitrine. The two friends sat down: on the right and on the left, following a long, rounded line ending at the scene at both ends, a series of similar boxes contained people who were seated equally, and whose heads and breasts were visible only. . Sur la scène, trois jeunes hommes en maillot collant, un grand, un moyen, un petit, faisaient, tour à tour, des exercices sur un trapèze. On the stage, three young men in sticky jerseys, a tall, a medium, a little, were doing, in turn, exercises on a trapeze.

Le grand s’avançait d’abord, à pas courts et rapides, en souriant, et saluait avec un mouvement de la main comme pour envoyer un baiser. The tall man advanced at a short, quick pace, smiling, and bowed with a wave of his hand as if to send a kiss.

On voyait, sous le maillot, se dessiner les muscles des bras et des jambes ; il gonflait sa poitrine pour dissimuler son estomac trop saillant ; et sa figure semblait celle d’un garçon coiffeur, car une raie soignée ouvrait sa chevelure en deux parties égales, juste au milieu du crâne. Under the shirt one could see the muscles of the arms and legs; he swelled his chest to conceal his too prominent stomach; and his face looked like a hairdresser's boy, for a neat stripe opened his hair in two equal parts, just in the middle of the skull.

Il atteignait le trapèze d’un bond gracieux, et, pendu par les mains, tournait autour comme une roue lancée ; ou bien, les bras raides, le corps droit, il se tenait immobile, couché horizontalement dans le vide, attaché seulement à la barre fixe par la force des poignets. He reached the trapeze with a graceful leap, and, hanging by the hands, turned around like a thrown wheel; or, with straight arms, his body upright, he stood motionless, lying horizontally in the void, attached only to the fixed bar by the force of his wrists. Puis il sautait à terre, saluait de nouveau en souriant sous les applaudissements de l’orchestre, et allait se coller contre le décor, en montrant bien, à chaque pas, la musculature de sa jambe. Then he jumped to the ground, bowed again smiling under the applause of the orchestra, and was going to stick against the scene, showing well, at every step, the musculature of his leg.

Le second, moins haut, plus trapu, s’avançait à son tour et répétait le même exercice, que le dernier recommençait encore, au milieu de la faveur plus marquée du public. The second, less taller, more stocky, advanced in his turn and repeated the same exercise, that the last began again, in the middle of the more marked favor of the public.

Mais Duroy ne s’occupait guère du spectacle, et, la tête tournée, il regardait sans cesse derrière lui le grand promenoir plein d’hommes et de prostituées. But Duroy cared little for the spectacle, and, with his head turned, he was continually watching behind him the great promenade full of men and prostitutes.

Forestier lui dit :

« Remarque donc l’orchestre : rien que des bourgeois avec leurs femmes et leurs enfants, de bonnes têtes stupides qui viennent pour voir. "Note the orchestra: nothing but bourgeois with their wives and children, stupid good people who come to see.

Aux loges, des boulevardiers ; quelques artistes, quelques filles de demi-choix ; et, derrière nous, le plus drôle de mélange qui soit dans Paris. At the lodges, boulevardiers; some artists, some half-choice girls; and, behind us, the most amusing mixture in Paris. Quels sont ces hommes ? What are these men? Observe-les. Il y a de tout, de toutes les castes, mais la crapule domine. There is everything, of all the castes, but the villain dominates. Voici des employés, employés de banque, de magasin, de ministère, des reporters, des souteneurs, des officiers en bourgeois, des gommeux en habit, qui viennent de dîner au cabaret et qui sortent de l’Opéra avant d’entrer aux Italiens, et puis encore tout un monde d’hommes suspects qui défient l’analyse. Here are employees, bank employees, shopkeepers, ministers, reporters, souteneurs, bourgeois officers, gummy men in their habit, who come to dine at the cabaret and who leave the Opera before entering the Italians, and then again a whole world of suspicious men who defy analysis. Quant aux femmes, rien qu’une marque : la soupeuse de l’Américain, la fille à un ou deux louis qui guette l’étranger de cinq louis et prévient ses habitués quand elle est libre. As for women, nothing but a mark: the American's sister, the girl with one or two louis who watches for the stranger of five louis and warns her regulars when she is free. On les connaît toutes depuis six ans ; on les voit tous les soirs, toute l’année, aux mêmes endroits, sauf quand elles font une station hygiénique à Saint-Lazare ou à Lourcine. We have known them all for six years; we see them every night, all year round, in the same places, except when they make a hygienic station at Saint-Lazare or Lourcine. Duroy n’écoutait plus. Duroy was not listening anymore.

Une de ces femmes, s’étant accoudée à leur loge, le regardait. One of these women, leaning on their lodge, was looking at him. C’était une grosse brune à la chair blanchie par la pâte, à l’œil noir, allongé, souligné par le crayon, encadré sous des sourcils énormes et factices. She was a big, dark-skinned, black-eyed, elongated brunette, underlined by the pencil, framed under huge, dummy eyebrows. Sa poitrine, trop forte, tendait la soie sombre de sa robe ; et ses lèvres peintes, rouges comme une plaie, lui donnaient quelque chose de bestial, d’ardent, d’outré, mais qui allumait le désir cependant. His chest, too strong, stretched the dark silk of his dress; and his painted lips, as red as a wound, gave him something bestial, ardent, outraged, but which lit up desire, however. Elle appela, d’un signe de tête, une de ses amies qui passait, une blonde aux cheveux rouges, grasse aussi, et elle lui dit d’une voix assez forte pour être entendue : She nodded, one of her friends passing by, a blonde with red hair, fat too, and she said in a voice loud enough to be heard:

« Tiens, v’là un joli garçon : s’il veut de moi pour dix louis, je ne dirai pas non. "Here, there's a pretty boy: if he wants me for ten louis, I will not say no.

Forestier se retourna, et, souriant, il tapa sur la cuisse de Duroy : Forestier turned, and, smiling, he tapped on Duroy's thigh:

« C’est pour toi, ça : tu as du succès, mon cher. "It's for you, that: you're successful, my dear.

Mes compliments. My compliments. L’ancien sous-off avait rougi ; et il tâtait, d’un mouvement machinal du doigt, les deux pièces d’or dans la poche de son gilet. The former NCO had blushed; and he felt, with a mechanical movement of the finger, the two pieces of gold in the pocket of his waistcoat.

Le rideau s’était baissé ; l’orchestre maintenant jouait une valse. The curtain had fallen; the orchestra was now playing a waltz.

Duroy dit : Duroy says:

« Si nous faisions un tour dans la galerie ? "What if we went around the gallery?

– Comme tu voudras. - However you want.

Ils sortirent, et furent aussitôt entraînés dans le courant des promeneurs. They went out, and were immediately drawn into the current of the walkers.

Pressés, poussés, serrés, ballottés, ils allaient, ayant devant les yeux un peuple de chapeaux. Pressed, pushed, squeezed, shuffled, they went, having in front of their eyes a crowd of hats. Et les filles, deux par deux, passaient dans cette foule d’hommes, la traversaient avec facilité, glissaient entre les coudes, entre les poitrines, entre les dos, comme si elles eussent été bien chez elles, bien à l’aise, à la façon des poissons dans l’eau, au milieu de ce flot de mâles. And the girls, two by two, passed in this crowd of men, crossed it with ease, slipped between the elbows, between the chests, between the backs, as if they had been well at home, very comfortable, at home. the way fish in the water, in the middle of this stream of males. Duroy ravi, se laissait aller, buvait avec ivresse l’air vicié par le tabac, par l’odeur humaine et les parfums des drôlesses. Duroy was delighted, he let himself go, drank with drunkenness the air, stained with tobacco, with the human odor and the perfumes of the drolls.

Mais Forestier suait, soufflait, toussait. But Forestier sweated, breathed, coughed. « Allons au jardin », dit-il. "Let's go to the garden," he says.

Et, tournant à gauche, ils pénétrèrent dans une espèce de jardin couvert, que deux grandes fontaines de mauvais goût rafraîchissaient. And, turning to the left, they entered a kind of covered garden, which two large fountains of bad taste refreshed.

Sous des ifs et des thuyas en caisse, des hommes et des femmes buvaient sur des tables de zinc. Under yews and cedar trees, men and women were drinking on zinc tables. « Encore un bock ? "Another beer?"

demanda Forestier. Oui, volontiers.

Ils s’assirent en regardant passer le public.

De temps en temps, une rôdeuse s’arrêtait, puis demandait avec un sourire banal : « M’offrez-vous quelque chose, monsieur ? From time to time, a ranger would stop, then ask with a banal smile: "Do you offer me anything, sir?

» Et comme Forestier répondait : « Un verre d’eau à la fontaine », elle s’éloignait en murmurant : « Va donc, mufle ! And as Forestier answered: "A glass of water at the fountain," she went away murmuring: "Go, mufle! Mais la grosse brune qui s’était appuyée tout à l’heure derrière la loge des deux camarades reparut, marchant arrogamment, le bras passé sous celui de la grosse blonde. But the big brunette who had leaned just behind the box of two comrades reappeared, walking arrogantly, the arm passed under that of the big blonde.

Cela faisait vraiment une belle paire de femmes, bien assorties. It really made a nice pair of women, well matched. Elle sourit en apercevant Duroy, comme si leurs yeux se fussent dit déjà des choses intimes et secrètes ; et, prenant une chaise, elle s’assit tranquillement en face de lui et fit asseoir son amie, puis elle commanda d’une voix claire : « Garçon, deux grenadines ! She smiled when she saw Duroy, as if their eyes were already telling intimate and secret things; and, taking a chair, she sat down quietly in front of him and made her friend sit down, then she ordered in a clear voice: "Boy, two grenadines!

» Forestier, surpris, prononça : « Tu ne te gênes pas, toi ! Forestier, surprised, pronounced: "You do not trouble yourself! Elle répondit : She replied:

« C’est ton ami qui me séduit. "It's your friend who seduces me.

C’est vraiment un joli garçon. It's really a pretty boy. Je crois qu’il me ferait faire des folies ! I think he would make me crazy! Duroy, intimidé, ne trouvait rien à dire. Duroy, intimidated, could not find anything to say.

Il retroussait sa moustache frisée en souriant d’une façon niaise. He rolled up his curly mustache and smiled sillyly. Le garçon apporta les sirops, que les femmes burent d’un seul trait ; puis elles se levèrent, et la brune, avec un petit salut amical de la tête et un léger coup d’éventail sur le bras, dit à Duroy : « Merci, mon chat. The waiter brought the syrups, which the women drank at one go; then they got up, and the brunette, with a friendly little bow from her head and a faint fan on her arm, said to Duroy, "Thank you, my cat. Tu n’as pas la parole facile. You do not have easy speech. Et elles partirent en balançant leur croupe. And they left by swinging their rump.

Alors Forestier se mit à rire : Then Forestier laughed:

« Dis donc, mon vieux, sais-tu que tu as vraiment du succès auprès des femmes ? "Tell me, old man, do you know that you really have success with women?

Il faut soigner ça. You have to take care of that. Ça peut te mener loin. It can take you far. Il se tut une seconde, puis reprit, avec ce ton rêveur des gens qui pensent tout haut : He was silent for a second, then went on, with this dreamy tone, people who think aloud:

« C’est encore par elles qu’on arrive le plus vite. "It is still through them that we arrive the fastest.

Et comme Duroy souriait toujours sans répondre, il demanda : And since Duroy was still smiling without answering, he asked:

« Est-ce que tu restes encore ? "Are you still staying?

Moi, je vais rentrer, j’en ai assez. I'm going home, I've had enough. L’autre murmura : The other whispered:

« Oui, je reste encore un peu. "Yes, I'm still a little bit.

Il n’est pas tard. It's not late. Forestier se leva : Forestier stood up:

« Eh bien, adieu, alors. "Well, goodbye, then.

À demain. See you tomorrow. N’oublie pas ? Do not forget ? 17, rue Fontaine, sept heures et demie. 17, rue Fontaine, half past seven. – C’est entendu ; à demain. - It's heard ; See you tomorrow.

Merci. Thank you. Ils se serrèrent la main, et le journaliste s’éloigna. They shook hands, and the reporter walked away.

Dès qu’il eut disparu, Duroy se sentit libre, et de nouveau il tâta joyeusement les deux pièces d’or dans sa poche ; puis, se levant, il se mit à parcourir la foule qu’il fouillait de l’œil. As soon as he had disappeared, Duroy felt himself free, and again he felt the two gold coins joyously in his pocket; then, rising, he began to walk through the crowd, which he searched with his eyes.

Il les aperçut bientôt, les deux femmes, la blonde et la brune, qui voyageaient toujours de leur allure fière de mendiantes, à travers la cohue des hommes. He saw them soon, the two women, the blonde and the brunette, who always traveled with their proud pace of beggars, through the crowd of men.

Il alla droit sur elles, et quand il fut tout près, il n’osa plus. He went straight on them, and when he was near, he did not dare.

La brune lui dit : The brunette says to him:

« As-tu retrouvé ta langue ? "Have you found your tongue?

Il balbutia : « Parbleu », sans parvenir à prononcer autre chose que cette parole. He stammered: "Parbleu", without being able to pronounce anything but this word.

Ils restaient debout tous les trois, arrêtés, arrêtant le mouvement du promenoir, formant un remous autour d’eux. All three of them remained standing, stopping the movement of the walkway, forming a swirl around them.

Alors, tout à coup, elle demanda : Then, suddenly, she asked:

« Viens-tu chez moi ? "Are you coming to my place?

Et lui, frémissant de convoitise, répondit brutalement. And he, quivering with lust, answered brutally.

« Oui, mais je n’ai qu’un louis dans ma poche. "Yes, but I have only one louis in my pocket.

Elle sourit avec indifférence : She smiles indifferently:

« Ça ne fait rien. " It does not matter.

Et elle prit son bras en signe de possession. And she took his arm as a sign of possession.

Comme ils sortaient, il songeait qu’avec les autres vingt francs il pourrait facilement se procurer, en location, un costume de soirée pour le lendemain. As they went out, he thought that with the other twenty francs he could easily get a rental suit for the next day.