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Les Trois Mousquetaires, Chapitre 34

Chapitre 34

OÙ IL EST TRAITÉ DE L'ÉQUIPEMENT D'ARAMIS ET DE PORTHOS Depuis que les quatre amis étaient chacun à la chasse de son équipement, il n'y avait plus entre eux de réunion arrêtée. On dînait les uns sans les autres, où l'on se trouvait, ou plutôt où l'on pouvait. Le service, de son côté, prenait aussi sa part de ce temps précieux, qui s'écoulait si vite. Seulement on était convenu de se trouver une fois la semaine, vers une heure, au logis d'Athos, attendu que ce dernier, selon le serment qu'il avait fait, ne passait plus le seuil de sa porte. C'était le jour même où Ketty était venue trouver d'Artagnan chez lui, jour de réunion. À peine Ketty fut-elle sortie, que d'Artagnan se dirigea vers la rue Férou. Il trouva Athos et Aramis qui philosophaient. Aramis avait quelques velléités de revenir à la soutane. Athos, selon ses habitudes, ne le dissuadait ni ne l'encourageait. Athos était pour qu'on laissât à chacun son libre arbitre. Il ne donnait jamais de conseils qu'on ne les lui demandât. Encore fallait-il les lui demander deux fois.

— En général, on ne demande de conseils, disait-il, que pour ne les pas suivre ; ou, si on les a suivis, que pour avoir quelqu'un à qui l'on puisse faire le reproche de les avoir donnés. Porthos arriva un instant après d'Artagnan. Les quatre amis se trouvaient donc réunis.

Les quatre visages exprimaient quatre sentiments différents : celui de Porthos la tranquillité, celui de d'Artagnan l'espoir, celui d'Aramis l'inquiétude, celui d'Athos l'insouciance. Au bout d'un instant de conversation dans laquelle Porthos laissa entrevoir qu'une personne haut placée avait bien voulu se charger de le tirer d'embarras, Mousqueton entra. Il venait prier Porthos de passer à son logis, où, disait-il d'un air fort piteux, sa présence était urgente. — Sont-ce mes équipages ? demanda Porthos.

— Oui et non, répondit Mousqueton.

— Mais enfin que veux-tu dire ?…

— Venez, monsieur.

Porthos se leva, salua ses amis et suivit Mousqueton.

Un instant après, Bazin apparut au seuil de la porte.

— Que me voulez-vous, mon ami ? dit Aramis avec cette douceur de langage que l'on remarquait en lui chaque fois que ses idées le ramenaient vers l'église… — Un homme attend monsieur à la maison, répondit Bazin.

— Un homme ! quel homme ?

— Un mendiant.

— Faites-lui l'aumône, Bazin, et dites-lui de prier pour un pauvre pécheur. — Ce mendiant veut à toute force vous parler, et prétend que vous serez bien aise de le voir.

— N'a-t-il rien dit de particulier pour moi ? — Si fait. Si M. Aramis, a-t-il dit, hésite à me venir trouver, vous lui annoncerez que j'arrive de Tours. — De Tours ? s'écria Aramis ; messieurs, mille pardons, mais sans doute cet homme m'apporte des nouvelles que j'attendais. Et, se levant aussitôt, il s'éloigna rapidement. Restèrent Athos et d'Artagnan. — Je crois que ces gaillards-là ont trouvé leur affaire. Qu'en pensez-vous, d'Artagnan ? dit Athos.

— Je sais que Porthos était en bon train, dit d'Artagnan ; et quant à Aramis, à vrai dire, je n'en ai jamais été sérieusement inquiet : mais vous, mon cher Athos, vous qui avez si généreusement distribué les pistoles de l'Anglais qui étaient votre bien légitime, qu'allez-vous faire ? — Je suis fort content d'avoir tué ce drôle, mon enfant, vu que c'est pain bénit que de tuer un Anglais : mais si j'avais empoché ses pistoles, elles me pèseraient comme un remords. — Allons donc, mon cher Athos ! vous avez vraiment des idées inconcevables.

— Passons, passons ! Que me disait donc M. de Tréville, qui me fit l'honneur de me venir voir hier, que vous hantez ces Anglais suspects que protège le cardinal ? — C'est-à-dire que je rends visite à une Anglaise, celle dont je vous ai parlé. — Ah ! oui, la femme blonde au sujet de laquelle je vous ai donné des conseils que naturellement vous vous êtes bien gardé de suivre.

— Je vous ai donné mes raisons.

— Oui ; vous voyez là votre équipement, je crois, à ce que vous m'avez dit. — Point du tout ! j'ai acquis la certitude que cette femme était pour quelque chose dans l'enlèvement de madame Bonacieux. — Oui, et je comprends ; pour retrouver une femme, vous faites la cour à une autre : c'est le chemin le plus long, mais le plus amusant. D'Artagnan fut sur le point de tout raconter à Athos ; mais un point l'arrêta : Athos était un gentilhomme sévère sur le point d'honneur, et il y avait,dans tout ce petit plan que notre amoureux avait arrêté à l'endroit de milady, certaines choses qui, d'avance, il en était sûr, n'obtiendraient pas l'assentiment du puritain ; il préféra donc garder le silence, et comme Athos était l'homme le moins curieux de la terre, les confidences de d'Artagnan en étaient restées là. Nous quitterons donc les deux amis, qui n'avaient rien de bien important à se dire, pour suivre Aramis. À cette nouvelle, que l'homme qui voulait lui parler arrivait de Tours, nous avons vu avec quelle rapidité le jeune homme avait suivi ou plutôt devancé Bazin ; il ne fit donc qu'un saut de la rue Férou à la rue de Vaugirard. En entrant chez lui, il trouva effectivement un homme de petite taille, aux yeux intelligents, mais couvert de haillons.

— C'est vous qui me demandez ? dit le mousquetaire.

— C'est-à-dire que je demande M. Aramis : est-ce vous qui vous appelez ainsi ? — Moi-même : vous avez quelque chose à me remettre ?

— Oui, si vous me montrez certain mouchoir brodé.

— Le voici, dit Aramis en tirant une clef de sa poitrine, et en ouvrant un petit coffret de bois d'ébène incrusté de nacre, le voici, tenez. — C'est bien, dit le mendiant, renvoyez votre laquais. En effet, Bazin, curieux de savoir ce que le mendiant voulait à son maître, avait réglé son pas sur le sien, et était arrivé presque en même temps que lui ; mais cette célérité ne lui servit pas à grand-chose ; sur l'invitation du mendiant, son maître lui fit signe de se retirer, et force lui fut d'obéir. Bazin parti, le mendiant jeta un regard rapide autour de lui, afin d'être sûr que personne ne pouvait ni le voir ni l'entendre, et ouvrant sa veste en haillons mal serrée par une ceinture de cuir, il se mit à découdre le haut de son pourpoint, d'où il tira une lettre. Aramis jeta un cri de joie à la vue du cachet, baisa l'écriture, et avec un respect presque religieux, il ouvrit l'épître qui contenait ce qui suit : « Ami, le sort veut que nous soyons séparés quelque temps encore ; mais les beaux jours de la jeunesse ne sont pas perdus sans retour. Faites votre devoir au camp ; je fais le mien autre part. Prenez ce que le porteur vous remettra ; faites la campagne en beau et bon gentilhomme, et pensez à moi, qui baise tendrement vos yeux noirs.

« Adieu, ou plutôt au revoir ! Le mendiant décousait toujours ; il tira une à une de ses sales habits cent cinquante doubles pistoles d'Espagne, qu'il aligna sur la table ; puis, il ouvrit la porte, salua et partit avant que le jeune homme, stupéfait, eût osé lui adresser une parole. Aramis alors relut la lettre, et s'aperçut que cette lettre avait un post-scriptum . « P.-S. – Vous pouvez faire accueil au porteur, qui est comte et grand d'Espagne. — Rêves dorés ! s'écria Aramis. Oh ! la belle vie ! oui, nous sommes jeunes ! oui, nous aurons encore des jours heureux ! Oh ! à toi, mon amour, mon sang, ma vie ! tout, tout, tout, ma belle maîtresse !

Et il baisait la lettre avec passion, sans même regarder l'or qui étincelait sur la table. Bazin gratta à la porte ; Aramis n'avait plus de raison pour le tenir à distance ; il lui permit d'entrer. Bazin resta stupéfait à la vue de cet or, et oublia qu'il venait annoncer d'Artagnan, qui, curieux de savoir ce que c'était que le mendiant, venait chez Aramis en sortant de chez Athos. Or, comme d'Artagnan ne se gênait pas avec Aramis, voyant que Bazin oubliait de l'annoncer, il s'annonça lui-même. — Ah ! diable, mon cher Aramis, dit d'Artagnan, si ce sont là les pruneaux qu'on nous envoie de Tours, vous en ferez mon compliment au jardinier qui les récolte. — Vous vous trompez, mon cher, dit Aramis toujours discret : c'est mon libraire qui vient de m'envoyer le prix de ce poème en vers d'une syllabe que j'avais commencé là-bas. — Ah ! vraiment ! dit d'Artagnan ; eh bien, votre libraire est généreux, mon cher Aramis, voilà tout ce que je puis vous dire. — Comment, monsieur ! s'écria Bazin, un poème se vend si cher ! c'est incroyable ! Oh ! monsieur ! vous faites tout ce que vous voulez, vous pouvez devenir l'égal de M. de Voiture et de M. de Benserade. J'aime encore cela, moi. Un poète, c'est presque un abbé. Ah ! monsieur Aramis, mettez-vous donc poète, je vous en prie.

— Bazin, mon ami, dit Aramis, je crois que vous vous mêlez à la conversation.

Bazin comprit qu'il était dans son tort ; il baissa la tête, et sortit. — Ah ! dit d'Artagnan avec un sourire, vous vendez vos productions au poids de l'or : vous êtes bien heureux, mon ami ; mais prenez garde, vous allez perdre cette lettre qui sort de votre casaque, et qui est sans doute aussi de votre libraire. Aramis rougit jusqu'au blanc des yeux, renfonça sa lettre, et reboutonna son pourpoint. — Mon cher d'Artagnan, dit-il, nous allons, si vous le voulez bien, aller trouver nos amis ; et puisque je suis riche, nous recommencerons aujourd'hui à dîner ensemble en attendant que vous soyez riches à votre tour. — Ma foi ! dit d'Artagnan, avec grand plaisir. Il y a longtemps que nous n'avons fait un dîner convenable ; et comme j'ai pour mon compte une expédition quelque peu hasardeuse à faire ce soir, je ne serais pas fâché, je l'avoue, de me monter un peu la tête avec quelques bouteilles de vieux bourgogne. — Va pour le vieux bourgogne ; je ne le déteste pas non plus, dit Aramis, auquel la vue de l'or avait enlevé comme avec la main ses idées de retraite. Et ayant mis trois ou quatre doubles pistoles dans sa poche pour répondre aux besoins du moment, il enferma les autres dans le coffre d'ébène incrusté de nacre, où était déjà le fameux mouchoir qui lui avait servi de talisman. Les deux amis se rendirent d'abord chez Athos, qui, fidèle au serment qu'il avait fait de ne pas sortir, se chargea de faire apporter à dîner chez lui : comme il entendait à merveille les détails gastronomiques, d'Artagnan et Aramis ne firent aucune difficulté de lui abandonner ce soin important. Ils se rendaient chez Porthos, lorsque, au coin de la rue du Bac, ils rencontrèrent Mousqueton, qui, d'un air piteux, chassait devant lui un mulet et un cheval. D'Artagnan poussa un cri de surprise, qui n'était pas exempt d'un mélange de joie. — Ah ! mon cheval jaune ! s'écria-t-il. Aramis, regardez ce cheval !

— Oh ! l'affreux roussin ! dit Aramis.

— Eh bien, mon cher, reprit d'Artagnan, c'est le cheval sur lequel je suis venu à Paris. — Comment, monsieur connaît ce cheval ? dit Mousqueton.

— Il est d'une couleur originale, fit Aramis ; c'est le seul que j'aie jamais vu de ce poil-là. — Je le crois bien, reprit d'Artagnan, aussi je l'ai vendu trois écus, et il faut bien que ce soit pour le poil, car la carcasse ne vaut certes pas dix-huit livres. Mais comment ce cheval se trouve-t-il entre tes mains, Mousqueton ?

— Ah ! dit le valet, ne m'en parlez pas, monsieur, c'est un affreux tour du mari de notre duchesse ! — Comment cela, Mousqueton ?

— Oui nous sommes vus d'un très bon œil par une femme de qualité, la duchesse de… ; mais pardon ! mon maître m'a recommandé d'être discret : elle nous avait forcés d'accepter un petit souvenir, un magnifique genet d'Espagne et un mulet andalou, que c'était merveilleux à voir ; le mari a appris la chose, il a confisqué au passage les deux magnifiques bêtes qu'on nous envoyait, et il leur a substitué ces horribles animaux ! — Que tu lui ramènes ? dit d'Artagnan. — Justement ! reprit Mousqueton ; vous comprenez que nous ne pouvons point accepter de pareilles montures en échange de celles que l'on nous avait promises. — Non, pardieu, quoique j'eusse voulu voir Porthos sur mon Bouton-d'Or ; cela m'aurait donné une idée de ce que j'étais moi-même, quand je suis arrivé à Paris. Mais que nous ne t'arrêtions pas, Mousqueton ; va faire la commission de ton maître, va. Est-il chez lui ?

— Oui, monsieur, dit Mousqueton, mais bien maussade, allez !

Et il continua son chemin vers le quai des Grands-Augustins, tandis que les deux amis allaient sonner à la porte de l'infortuné Porthos. Celui-ci les avait vus traversant la cour, et il n'avait garde d'ouvrir. Ils sonnèrent donc inutilement.

Cependant, Mousqueton continuait sa route, et, traversant le Pont-Neuf, toujours chassant devant lui ses deux haridelles, il atteignit la rue aux Ours. Arrivé là, il attacha, selon les ordres de son maître, cheval et mulet au marteau de la porte du procureur ; puis, sans s'inquiéter de leur sort futur, il s'en revint trouver Porthos et lui annonça que sa commission était faite. Au bout d'un certain temps, les deux malheureuses bêtes, qui n'avaient pas mangé depuis le matin, firent un tel bruit en soulevant et en laissant retomber le marteau de la porte, que le procureur ordonna à son saute-ruisseau d'aller s'informer dans le voisinage à qui appartenaient ce cheval et ce mulet. Madame Coquenard reconnut son présent, et ne comprit rien d'abord à cette restitution ; mais bientôt la visite de Porthos l'éclaira. Le courroux qui brillait dans les yeux du mousquetaire, malgré la contrainte qu'il s'imposait, épouvanta la sensible amante. En effet, Mousqueton n'avait point caché à son maître qu'il avait rencontré d'Artagnan et Aramis, et que d'Artagnan, dans le cheval jaune, avait reconnu le bidet béarnais sur lequel il était venu à Paris, et qu'il avait vendu trois écus. Porthos sortit après avoir donné rendez-vous à la procureuse dans le cloître Saint-Magloire. Le procureur, voyant que Porthos partait, l'invita à dîner, invitation que le mousquetaire refusa avec un air plein de majesté. Madame Coquenard se rendit toute tremblante au cloître Saint-Magloire, car elle devinait les reproches qui l'y attendaient ; mais elle était fascinée par les grandes façons de Porthos. Tout ce qu'un homme blessé dans son amour-propre peut laisser tomber d'imprécations et de reproches sur la tête d'une femme, Porthos le laissa tomber sur la tête courbée de la procureuse. — Hélas ! dit-elle, j'ai fait pour le mieux. Un de nos clients est marchand de chevaux, il devait de l'argent à l'étude, et s'est montré récalcitrant. J'ai pris ce mulet et ce cheval pour ce qu'il nous devait ; il m'avait promis deux montures royales. — Eh bien, madame, dit Porthos, s'il vous devait plus de cinq écus, votre maquignon est un voleur. — Il n'est pas défendu de chercher le bon marché, monsieur Porthos, dit la procureuse cherchant à s'excuser. — Non, madame, mais ceux qui cherchent le bon marché doivent permettre aux autres de chercher des amis plus généreux.

Et Porthos, tournant sur ses talons, fit un pas pour se retirer.

— Monsieur Porthos ! monsieur Porthos ! s'écria la procureuse, j'ai tort, je le reconnais, je n'aurais pas dû marchander quand il s'agissait d'équiper un cavalier comme vous ! Porthos, sans répondre, fit un second pas de retraite.

La procureuse crut le voir dans un nuage étincelant tout entouré de duchesses et de marquises qui lui jetaient des sacs d'or sous les pieds. — Arrêtez, au nom du ciel ! monsieur Porthos, s'écria-t-elle, arrêtez et causons. — Causer avec vous me porte malheur, dit Porthos.

— Mais, dites-moi, que demandez-vous ?

— Rien, car cela revient au même que si je vous demandais quelque chose.

La procureuse se pendit au bras de Porthos, et, dans l'élan de sa douleur, elle s'écria : — Monsieur Porthos, je suis ignorante de tout cela, moi ; sais-je ce que c'est qu'un cheval ? sais-je ce que c'est que des harnais ? — Il fallait vous en rapporter à moi, qui m'y connais, madame ; mais vous avez voulu ménager, et, par conséquent, prêter à usure. — C'est un tort, monsieur Porthos, et je le réparerai sur ma parole d'honneur. — Et comment cela ? demanda le mousquetaire.

— Écoutez. Ce soir M. Coquenard va chez M. le duc de Chaulnes, qui l'a mandé. C'est pour une consultation qui durera deux heures au moins, venez, nous serons seuls, et nous ferons nos comptes. — À la bonne heure ! voilà qui est parler, ma chère !

— Vous me pardonnez ?

— Nous verrons, dit majestueusement Porthos.

Et tous deux se séparèrent en se disant : À ce soir.

— Diable ! pensa Porthos en s'éloignant, il me semble que je me rapproche enfin du bahut de maître Coquenard.


Chapitre 34 Chapter 34 Capítulo 34 Глава 34

OÙ IL EST TRAITÉ DE L'ÉQUIPEMENT D'ARAMIS ET DE PORTHOS WHERE IT IS TREATED WITH ARAMIS AND PORTHOS EQUIPMENT Depuis que les quatre amis étaient chacun à la chasse de son équipement, il n'y avait plus entre eux de réunion arrêtée. Since the four friends were each hunting for their equipment, there was no longer a meeting between them. On dînait les uns sans les autres, où l'on se trouvait, ou plutôt où l'on pouvait. We dined without each other, where we were, or rather where we could. Le service, de son côté, prenait aussi sa part de ce temps précieux, qui s'écoulait si vite. The service, for its part, also took its share of this precious time, which was passing so quickly. Seulement on était convenu de se trouver une fois la semaine, vers une heure, au logis d'Athos, attendu que ce dernier, selon le serment qu'il avait fait, ne passait plus le seuil de sa porte. Only one had agreed to be once a week, around one o'clock, at the house of Athos, awaiting that the latter, according to the oath he had taken, no longer passed the threshold of his door. C'était le jour même où Ketty était venue trouver d'Artagnan chez lui, jour de réunion. It was the very day that Kitty had come to find d'Artagnan at his house, the day of the meeting. À peine Ketty fut-elle sortie, que d'Artagnan se dirigea vers la rue Férou. Scarcely had Kitty gone out than d'Artagnan turned towards the Rue Férou. Il trouva Athos et Aramis qui philosophaient. He found Athos and Aramis philosophizing. Aramis avait quelques velléités de revenir à la soutane. Aramis had some inclinations to return to the cassock. Athos, selon ses habitudes, ne le dissuadait ni ne l'encourageait. Athos, as usual, neither dissuaded nor encouraged him. Athos était pour qu'on laissât à chacun son libre arbitre. Athos was for everyone to be given free will. Il ne donnait jamais de conseils qu'on ne les lui demandât. He never gave advice unless asked. Encore fallait-il les lui demander deux fois. Still had to ask them twice.

— En général, on ne demande de conseils, disait-il, que pour ne les pas suivre ; ou, si on les a suivis, que pour avoir quelqu'un à qui l'on puisse faire le reproche de les avoir donnés. "In general, advice is only asked for," he said, "so as not to follow it; or, if we followed them, only to have someone to whom we can blame for having given them. Porthos arriva un instant après d'Artagnan. Les quatre amis se trouvaient donc réunis. The four friends were therefore reunited.

Les quatre visages exprimaient quatre sentiments différents : celui de Porthos la tranquillité, celui de d'Artagnan l'espoir, celui d'Aramis l'inquiétude, celui d'Athos l'insouciance. The four faces expressed four different sentiments: that of Porthos tranquillity, that of d'Artagnan hope, that of Aramis anxiety, that of Athos carelessness. Au bout d'un instant de conversation dans laquelle Porthos laissa entrevoir qu'une personne haut placée avait bien voulu se charger de le tirer d'embarras, Mousqueton entra. At the end of a moment of conversation in which Porthos suggested that a high-ranking person had been kind enough to take care of helping him out, Mousqueton entered. Il venait prier Porthos de passer à son logis, où, disait-il d'un air fort piteux, sa présence était urgente. He came to ask Porthos to go to his house, where, he said with a very pitiful air, his presence was urgent. — Sont-ce mes équipages ? - Are these my crews? demanda Porthos. Porthos asked.

— Oui et non, répondit Mousqueton. "Yes and no," replied Mousqueton.

— Mais enfin que veux-tu dire ?… "But what do you mean?...

— Venez, monsieur.

Porthos se leva, salua ses amis et suivit Mousqueton.

Un instant après, Bazin apparut au seuil de la porte.

— Que me voulez-vous, mon ami ? "What do you want from me, my friend?" dit Aramis avec cette douceur de langage que l'on remarquait en lui chaque fois que ses idées le ramenaient vers l'église… said Aramis with that softness of language which one noticed in him each time his ideas brought him back to the church... — Un homme attend monsieur à la maison, répondit Bazin. "A man is waiting for Monsieur at home," replied Bazin.

— Un homme ! - A man ! quel homme ? what a man ?

— Un mendiant. - A beggar.

— Faites-lui l'aumône, Bazin, et dites-lui de prier pour un pauvre pécheur. "Give him alms, Bazin, and tell him to pray for a poor sinner." — Ce mendiant veut à toute force vous parler, et prétend que vous serez bien aise de le voir. "This beggar is desperate to speak to you, and claims that you will be glad to see him."

— N'a-t-il rien dit de particulier pour moi ? - Didn't he say anything special to me? — Si fait. - If completed. Si M. Aramis, a-t-il dit, hésite à me venir trouver, vous lui annoncerez que j'arrive de Tours. If M. Aramis, he said, hesitates to come and find me, you will tell him that I am coming from Tours. — De Tours ? s'écria Aramis ; messieurs, mille pardons, mais sans doute cet homme m'apporte des nouvelles que j'attendais. cried Aramis; gentlemen, a thousand pardons, but no doubt this man brings me news that I was expecting. Et, se levant aussitôt, il s'éloigna rapidement. And, getting up immediately, he quickly walked away. Restèrent Athos et d'Artagnan. There remained Athos and d'Artagnan. — Je crois que ces gaillards-là ont trouvé leur affaire. "I think those fellows have found their business." Qu'en pensez-vous, d'Artagnan ? What do you think, d'Artagnan? dit Athos.

— Je sais que Porthos était en bon train, dit d'Artagnan ; et quant à Aramis, à vrai dire, je n'en ai jamais été sérieusement inquiet : mais vous, mon cher Athos, vous qui avez si généreusement distribué les pistoles de l'Anglais qui étaient votre bien légitime, qu'allez-vous faire ? — Je suis fort content d'avoir tué ce drôle, mon enfant, vu que c'est pain bénit que de tuer un Anglais : mais si j'avais empoché ses pistoles, elles me pèseraient comme un remords. "I'm very happy to have killed that rascal, my child, since it's holy bread to kill an Englishman: but if I had pocketed his pistoles, they would weigh on me like remorse." — Allons donc, mon cher Athos ! “Come on, my dear Athos! vous avez vraiment des idées inconcevables. you really have inconceivable ideas.

— Passons, passons ! - Let's go, let's go! Que me disait donc M. de Tréville, qui me fit l'honneur de me venir voir hier, que vous hantez ces Anglais suspects que protège le cardinal ? What did M. de Tréville, who did me the honor of coming to see yesterday tell me, that you haunt these suspect Englishmen whom the cardinal protects? — C'est-à-dire que je rends visite à une Anglaise, celle dont je vous ai parlé. "That is to say, I am visiting an Englishwoman, the one I told you about." — Ah ! - Ah! oui, la femme blonde au sujet de laquelle je vous ai donné des conseils que naturellement vous vous êtes bien gardé de suivre. yes, the fair-haired woman about whom I gave you advice which of course you were careful not to follow.

— Je vous ai donné mes raisons. “I gave you my reasons.

— Oui ; vous voyez là votre équipement, je crois, à ce que vous m'avez dit. - Yes ; you see your equipment there, I believe, from what you told me. — Point du tout ! - Not at all ! j'ai acquis la certitude que cette femme était pour quelque chose dans l'enlèvement de madame Bonacieux. I have acquired the certainty that this woman had something to do with Madame Bonacieux's abduction. — Oui, et je comprends ; pour retrouver une femme, vous faites la cour à une autre : c'est le chemin le plus long, mais le plus amusant. “Yes, and I understand; to find a woman, you court another: it's the longest way, but the most fun. D'Artagnan fut sur le point de tout raconter à Athos ; mais un point l'arrêta : Athos était un gentilhomme sévère sur le point d'honneur, et il y avait,dans tout ce petit plan que notre amoureux avait arrêté à l'endroit de milady, certaines choses qui, d'avance, il en était sûr, n'obtiendraient pas l'assentiment du puritain ; il préféra donc garder le silence, et comme Athos était l'homme le moins curieux de la terre, les confidences de d'Artagnan en étaient restées là. D'Artagnan was on the point of telling everything to Athos; but one point stopped him: Athos was a severe gentleman on the point of honor, and there were, in all this little plan that our lover had drawn up for Milady, certain things which, in advance, he was sure of it, would not obtain the Puritan's assent; he therefore preferred to keep silent, and as Athos was the least curious man on earth, d'Artagnan's confidences ended there. Nous quitterons donc les deux amis, qui n'avaient rien de bien important à se dire, pour suivre Aramis. We will therefore leave the two friends, who had nothing very important to say to each other, to follow Aramis. À cette nouvelle, que l'homme qui voulait lui parler arrivait de Tours, nous avons vu avec quelle rapidité le jeune homme avait suivi ou plutôt devancé Bazin ; il ne fit donc qu'un saut de la rue Férou à la rue de Vaugirard. At this news that the man who wished to speak to him had arrived from Tours, we have seen with what rapidity the young man had followed, or rather preceded Bazin; he therefore made only a leap from the rue Férou to the rue de Vaugirard. En entrant chez lui, il trouva effectivement un homme de petite taille, aux yeux intelligents, mais couvert de haillons. Upon entering his home, he indeed found a small man with intelligent eyes, but covered in rags.

— C'est vous qui me demandez ? "Are you asking me?" dit le mousquetaire. said the musketeer.

— C'est-à-dire que je demande M. Aramis : est-ce vous qui vous appelez ainsi ? "That is to say, I'm asking M. Aramis: is that your name?" — Moi-même : vous avez quelque chose à me remettre ? - Myself: you have something to give me?

— Oui, si vous me montrez certain mouchoir brodé. — Yes, if you show me a certain embroidered handkerchief.

— Le voici, dit Aramis en tirant une clef de sa poitrine, et en ouvrant un petit coffret de bois d'ébène incrusté de nacre, le voici, tenez. "Here he is," said Aramis, drawing a key from his chest, and opening a little casket of ebony wood inlaid with mother-of-pearl, "here he is, hold on." — C'est bien, dit le mendiant, renvoyez votre laquais. "Very well," said the beggar, "dismiss your lackey." En effet, Bazin, curieux de savoir ce que le mendiant voulait à son maître, avait réglé son pas sur le sien, et était arrivé presque en même temps que lui ; mais cette célérité ne lui servit pas à grand-chose ; sur l'invitation du mendiant, son maître lui fit signe de se retirer, et force lui fut d'obéir. In fact, Bazin, curious to know what the beggar wanted from his master, had adjusted his pace to his, and had arrived almost at the same time as him; but this celerity did him no good; at the beggar's invitation, his master made a sign to him to retire, and he was forced to obey. Bazin parti, le mendiant jeta un regard rapide autour de lui, afin d'être sûr que personne ne pouvait ni le voir ni l'entendre, et ouvrant sa veste en haillons mal serrée par une ceinture de cuir, il se mit à découdre le haut de son pourpoint, d'où il tira une lettre. Bazin gone, the beggar cast a rapid glance around him, in order to be sure that no one could either see or hear him, and opening his ragged jacket loosely fastened by a leather belt, he began to unstitch the top of his doublet, from which he drew a letter. Aramis jeta un cri de joie à la vue du cachet, baisa l'écriture, et avec un respect presque religieux, il ouvrit l'épître qui contenait ce qui suit : Aramis uttered a cry of joy at the sight of the seal, kissed the writing, and with an almost religious respect he opened the epistle which contained the following: « Ami, le sort veut que nous soyons séparés quelque temps encore ; mais les beaux jours de la jeunesse ne sont pas perdus sans retour. “Friend, fate wills that we shall be apart for some time longer; but the beautiful days of youth are not irretrievably lost. Faites votre devoir au camp ; je fais le mien autre part. Do your homework at camp; I do mine elsewhere. Prenez ce que le porteur vous remettra ; faites la campagne en beau et bon gentilhomme, et pensez à moi, qui baise tendrement vos yeux noirs. Take what the porter will give you; campaign like a handsome and good gentleman, and think of me, who tenderly kisses your dark eyes.

« Adieu, ou plutôt au revoir ! “Farewell, or rather goodbye! Le mendiant décousait toujours ; il tira une à une de ses sales habits cent cinquante doubles pistoles d'Espagne, qu'il aligna sur la table ; puis, il ouvrit la porte, salua et partit avant que le jeune homme, stupéfait, eût osé lui adresser une parole. The beggar was still unraveling; he took one by one from his dirty clothes one hundred and fifty double Spanish pistoles, which he lined up on the table; then he opened the door, bowed and left before the stupefied young man dared to speak to him. Aramis alors relut la lettre, et s'aperçut que cette lettre avait un post-scriptum . Aramis then read the letter again, and saw that this letter had a postscript. «  P.-S. – Vous pouvez faire accueil au porteur, qui est comte et grand d'Espagne. - You can welcome the bearer, who is count and grand from Spain. — Rêves dorés ! - Golden dreams! s'écria Aramis. cried Aramis. Oh ! Oh ! la belle vie ! the good life ! oui, nous sommes jeunes ! yes, we are young! oui, nous aurons encore des jours heureux ! yes, we will still have happy days! Oh ! Oh ! à toi, mon amour, mon sang, ma vie ! tout, tout, tout, ma belle maîtresse !

Et il baisait la lettre avec passion, sans même regarder l'or qui étincelait sur la table. And he kissed the letter with passion, without even looking at the gold which sparkled on the table. Bazin gratta à la porte ; Aramis n'avait plus de raison pour le tenir à distance ; il lui permit d'entrer. Bazin scratched at the door; Aramis no longer had any reason to keep him at a distance; he allowed her to enter. Bazin resta stupéfait à la vue de cet or, et oublia qu'il venait annoncer d'Artagnan, qui, curieux de savoir ce que c'était que le mendiant, venait chez Aramis en sortant de chez Athos. Bazin was stupefied at the sight of this gold, and forgot that he had come to announce d'Artagnan, who, curious to know who the beggar was, was coming to Aramis on leaving Athos. Or, comme d'Artagnan ne se gênait pas avec Aramis, voyant que Bazin oubliait de l'annoncer, il s'annonça lui-même. Now, as d'Artagnan was not embarrassed with Aramis, seeing that Bazin forgot to announce him, he announced himself. — Ah ! diable, mon cher Aramis, dit d'Artagnan, si ce sont là les pruneaux qu'on nous envoie de Tours, vous en ferez mon compliment au jardinier qui les récolte. devil, my dear Aramis, said d'Artagnan, if these are the prunes they send us from Tours, you will pay them my compliment to the gardener who harvests them. — Vous vous trompez, mon cher, dit Aramis toujours discret : c'est mon libraire qui vient de m'envoyer le prix de ce poème en vers d'une syllabe que j'avais commencé là-bas. "You are mistaken, my dear," said Aramis, always discreet: "it is my bookseller who has just sent me the price of this poem in verse of a syllable that I had started there." — Ah ! vraiment ! dit d'Artagnan ; eh bien, votre libraire est généreux, mon cher Aramis, voilà tout ce que je puis vous dire. said d'Artagnan; Well, your bookseller is generous, my dear Aramis, that's all I can tell you. — Comment, monsieur ! “How, sir! s'écria Bazin, un poème se vend si cher ! cried Bazin. c'est incroyable ! Oh ! monsieur ! vous faites tout ce que vous voulez, vous pouvez devenir l'égal de M. de Voiture et de M. de Benserade. you do whatever you want, you can become the equal of M. de Voiture and M. de Benserade. J'aime encore cela, moi. I still like that. Un poète, c'est presque un abbé. A poet is almost an abbé. Ah ! Ah! monsieur Aramis, mettez-vous donc poète, je vous en prie. Monsieur Aramis, become a poet, please.

— Bazin, mon ami, dit Aramis, je crois que vous vous mêlez à la conversation. - Bazin, my friend, said Aramis, I believe you are joining the conversation.

Bazin comprit qu'il était dans son tort ; il baissa la tête, et sortit. Bazin understood that he was in the wrong; he lowered his head and went out. — Ah ! dit d'Artagnan avec un sourire, vous vendez vos productions au poids de l'or : vous êtes bien heureux, mon ami ; mais prenez garde, vous allez perdre cette lettre qui sort de votre casaque, et qui est sans doute aussi de votre libraire. said d'Artagnan with a smile, you sell your productions by the weight of gold: you are very happy, my friend; but take care, you are going to lose this letter which comes out of your coat, and which is no doubt also from your bookseller. Aramis rougit jusqu'au blanc des yeux, renfonça sa lettre, et reboutonna son pourpoint. Aramis blushed to the whites of his eyes, tucked in his letter, and buttoned up his doublet. — Mon cher d'Artagnan, dit-il, nous allons, si vous le voulez bien, aller trouver nos amis ; et puisque je suis riche, nous recommencerons aujourd'hui à dîner ensemble en attendant que vous soyez riches à votre tour. 'My dear d'Artagnan,' he said, 'we are going, if you will, to find our friends; and since I'm rich, we'll start dining together again today until you're rich in your turn. — Ma foi ! dit d'Artagnan, avec grand plaisir. Il y a longtemps que nous n'avons fait un dîner convenable ; et comme j'ai pour mon compte une expédition quelque peu hasardeuse à faire ce soir, je ne serais pas fâché, je l'avoue, de me monter un peu la tête avec quelques bouteilles de vieux bourgogne. It is a long time since we had a proper dinner; and as I have a somewhat risky expedition to make on my own this evening, I would not mind, I confess, to embarrass myself a little with a few bottles of old burgundy. — Va pour le vieux bourgogne ; je ne le déteste pas non plus, dit Aramis, auquel la vue de l'or avait enlevé comme avec la main ses idées de retraite. - Go for the old burgundy; I don't hate him either, said Aramis, from whom the sight of gold had taken away his ideas of retirement as with the hand. Et ayant mis trois ou quatre doubles pistoles dans sa poche pour répondre aux besoins du moment, il enferma les autres dans le coffre d'ébène incrusté de nacre, où était déjà le fameux mouchoir qui lui avait servi de talisman. And having put three or four double pistoles in his pocket to meet the needs of the moment, he locked the others in the ebony chest inlaid with mother-of-pearl, where was already the famous handkerchief which had served him as a talisman. Les deux amis se rendirent d'abord chez Athos, qui, fidèle au serment qu'il avait fait de ne pas sortir, se chargea de faire apporter à dîner chez lui : comme il entendait à merveille les détails gastronomiques, d'Artagnan et Aramis ne firent aucune difficulté de lui abandonner ce soin important. The two friends went first to Athos, who, faithful to the oath he had made not to go out, undertook to have dinner brought to his house: as he perfectly understood the gastronomic details, d'Artagnan and Aramis made no difficulty in abandoning this important care to him. Ils se rendaient chez Porthos, lorsque, au coin de la rue du Bac, ils rencontrèrent Mousqueton, qui, d'un air piteux, chassait devant lui un mulet et un cheval. They were on their way to Porthos' house when, at the corner of rue du Bac, they met Mousqueton, who, with a pitiful air, chased before him a mule and a horse. D'Artagnan poussa un cri de surprise, qui n'était pas exempt d'un mélange de joie. D'Artagnan uttered a cry of surprise, which was not free from an admixture of joy. — Ah ! mon cheval jaune ! s'écria-t-il. Aramis, regardez ce cheval ! Aramis, look at that horse!

— Oh ! l'affreux roussin ! the dreadful roussin! dit Aramis.

— Eh bien, mon cher, reprit d'Artagnan, c'est le cheval sur lequel je suis venu à Paris. "Well, my dear," resumed d'Artagnan, "it is the horse on which I came to Paris." — Comment, monsieur connaît ce cheval ? "How, monsieur, knows this horse?" dit Mousqueton.

— Il est d'une couleur originale, fit Aramis ; c'est le seul que j'aie jamais vu de ce poil-là. "It is of an original color," said Aramis; it's the only one I've ever seen like this. — Je le crois bien, reprit d'Artagnan, aussi je l'ai vendu trois écus, et il faut bien que ce soit pour le poil, car la carcasse ne vaut certes pas dix-huit livres. "I believe so," resumed d'Artagnan, "so I sold him for three crowns, and it must be for the hair, for the carcass is certainly not worth eighteen pounds." Mais comment ce cheval se trouve-t-il entre tes mains, Mousqueton ? But how is this horse in your hands, Mousqueton?

— Ah ! dit le valet, ne m'en parlez pas, monsieur, c'est un affreux tour du mari de notre duchesse ! said the valet, don't tell me about it, sir, it's a dreadful trick from our duchess's husband! — Comment cela, Mousqueton ? "How so, Mousqueton?"

— Oui nous sommes vus d'un très bon œil par une femme de qualité, la duchesse de… ; mais pardon ! - Yes, we are seen very favorably by a quality woman, the Duchess of ...; but sorry! mon maître m'a recommandé d'être discret : elle nous avait forcés d'accepter un petit souvenir, un magnifique genet d'Espagne et un mulet andalou, que c'était merveilleux à voir ; le mari a appris la chose, il a confisqué au passage les deux magnifiques bêtes qu'on nous envoyait, et il leur a substitué ces horribles animaux ! my master advised me to be discreet: she had forced us to accept a small souvenir, a magnificent Spanish genet and an Andalusian mule, which were marvelous to see; the husband learned the thing, he confiscated in passing the two magnificent beasts that were sent to us, and he substituted these horrible animals for them! — Que tu lui ramènes ? - That you bring him back? dit d'Artagnan. said d'Artagnan. — Justement ! - Exactly ! reprit Mousqueton ; vous comprenez que nous ne pouvons point accepter de pareilles montures en échange de celles que l'on nous avait promises. resumed Mousqueton; you understand that we cannot accept such mounts in exchange for those which we were promised. — Non, pardieu, quoique j'eusse voulu voir Porthos sur mon Bouton-d'Or ; cela m'aurait donné une idée de ce que j'étais moi-même, quand je suis arrivé à Paris. - No, pardieu, although I would have liked to see Porthos on my Bouton-d'Or; it would have given me an idea of what I was when I arrived in Paris. Mais que nous ne t'arrêtions pas, Mousqueton ; va faire la commission de ton maître, va. But let us not arrest you, Mousqueton; go do your master's errand, go. Est-il chez lui ? Is he at home?

— Oui, monsieur, dit Mousqueton, mais bien maussade, allez ! — Yes, sir, said Mousqueton, but very sullen, come on!

Et il continua son chemin vers le quai des Grands-Augustins, tandis que les deux amis allaient sonner à la porte de l'infortuné Porthos. And he continued on his way towards the Quai des Grands-Augustins, while the two friends went to ring at the door of the unfortunate Porthos. Celui-ci les avait vus traversant la cour, et il n'avait garde d'ouvrir. The latter had seen them crossing the yard, and he took care not to open the door. Ils sonnèrent donc inutilement. So they rang unnecessarily.

Cependant, Mousqueton continuait sa route, et, traversant le Pont-Neuf, toujours chassant devant lui ses deux haridelles, il atteignit la rue aux Ours. However, Mousqueton continued on his way, and, crossing the Pont-Neuf, still chasing before him his two haridelles, he reached the Rue aux Ours. Arrivé là, il attacha, selon les ordres de son maître, cheval et mulet au marteau de la porte du procureur ; puis, sans s'inquiéter de leur sort futur, il s'en revint trouver Porthos et lui annonça que sa commission était faite. Arrived there, he tied, according to the orders of his master, horse and mule to the knocker of the door of the procurator; then, without worrying about their future fate, he returned to find Porthos and announced to him that his commission was done. Au bout d'un certain temps, les deux malheureuses bêtes, qui n'avaient pas mangé depuis le matin, firent un tel bruit en soulevant et en laissant retomber le marteau de la porte, que le procureur ordonna à son saute-ruisseau d'aller s'informer dans le voisinage à qui appartenaient ce cheval et ce mulet. After a time, the two unfortunate beasts, which had not eaten since morning, made such a noise as they lifted and dropped the knocker on the door, that the prosecutor ordered his jumper to start. go and find out in the neighborhood who owned that horse and that mule. Madame Coquenard reconnut son présent, et ne comprit rien d'abord à cette restitution ; mais bientôt la visite de Porthos l'éclaira. Madame Coquenard recognized her present, and at first understood nothing of this restitution; but soon the visit of Porthos enlightened him. Le courroux qui brillait dans les yeux du mousquetaire, malgré la contrainte qu'il s'imposait, épouvanta la sensible amante. The wrath that shone in the musketeer's eyes, despite the constraint it imposed on itself, terrified the sensitive lover. En effet, Mousqueton n'avait point caché à son maître qu'il avait rencontré d'Artagnan et Aramis, et que d'Artagnan, dans le cheval jaune, avait reconnu le bidet béarnais sur lequel il était venu à Paris, et qu'il avait vendu trois écus. Porthos sortit après avoir donné rendez-vous à la procureuse dans le cloître Saint-Magloire. Porthos went out after arranging to meet the procurator in the cloister of Saint-Magloire. Le procureur, voyant que Porthos partait, l'invita à dîner, invitation que le mousquetaire refusa avec un air plein de majesté. The prosecutor, seeing that Porthos was leaving, invited him to dinner, an invitation which the musketeer refused with an air full of majesty. Madame Coquenard se rendit toute tremblante au cloître Saint-Magloire, car elle devinait les reproches qui l'y attendaient ; mais elle était fascinée par les grandes façons de Porthos. Madame Coquenard went all trembling to the cloister of Saint-Magloire, for she divined the reproaches which awaited her there; but she was fascinated by Porthos' grand manners. Tout ce qu'un homme blessé dans son amour-propre peut laisser tomber d'imprécations et de reproches sur la tête d'une femme, Porthos le laissa tomber sur la tête courbée de la procureuse. Whatever a man wounded in his self-esteem can drop from imprecations and reproaches on the head of a woman, Porthos dropped it on the bent head of the prosecutor. — Hélas ! dit-elle, j'ai fait pour le mieux. she said, I did for the best. Un de nos clients est marchand de chevaux, il devait de l'argent à l'étude, et s'est montré récalcitrant. One of our clients is a horse dealer, he owed money to study, and was reluctant. J'ai pris ce mulet et ce cheval pour ce qu'il nous devait ; il m'avait promis deux montures royales. I took this mule and this horse for what he owed us; he had promised me two royal mounts. — Eh bien, madame, dit Porthos, s'il vous devait plus de cinq écus, votre maquignon est un voleur. "Well, madame," said Porthos, "if he owes you more than five crowns, your horse-dealer is a thief." — Il n'est pas défendu de chercher le bon marché, monsieur Porthos, dit la procureuse cherchant à s'excuser. "It is not forbidden to look for the right market, Mr. Porthos," said the prosecutor, trying to apologize. — Non, madame, mais ceux qui cherchent le bon marché doivent permettre aux autres de chercher des amis plus généreux. — No, madam, but those who seek the bargain must allow others to seek more generous friends.

Et Porthos, tournant sur ses talons, fit un pas pour se retirer. And Porthos, turning on his heels, took a step to retire.

— Monsieur Porthos ! "Monsieur Porthos!" monsieur Porthos ! Monsieur Porthos! s'écria la procureuse, j'ai tort, je le reconnais, je n'aurais pas dû marchander quand il s'agissait d'équiper un cavalier comme vous ! exclaimed the procurator, I'm wrong, I admit it, I shouldn't have haggled when it was a question of equipping a rider like you! Porthos, sans répondre, fit un second pas de retraite. Porthos, without answering, took a second retreat.

La procureuse crut le voir dans un nuage étincelant tout entouré de duchesses et de marquises qui lui jetaient des sacs d'or sous les pieds. The procurator thought she saw him in a sparkling cloud surrounded by duchesses and marquises who were throwing sacks of gold under his feet. — Arrêtez, au nom du ciel ! "Stop, in heaven's name!" monsieur Porthos, s'écria-t-elle, arrêtez et causons. Monsieur Porthos, she cried, stop and let's talk. — Causer avec vous me porte malheur, dit Porthos. "Talking to you brings me bad luck," said Porthos.

— Mais, dites-moi, que demandez-vous ?

— Rien, car cela revient au même que si je vous demandais quelque chose. 'Nothing, because it's the same as if I asked you something.

La procureuse se pendit au bras de Porthos, et, dans l'élan de sa douleur, elle s'écria : The procurator hung on Porthos's arm, and, in the burst of her grief, she exclaimed: — Monsieur Porthos, je suis ignorante de tout cela, moi ; sais-je ce que c'est qu'un cheval ? - Mr. Porthos, I am ignorant of all of this; do i know what a horse is sais-je ce que c'est que des harnais ? do I know what harnesses are? — Il fallait vous en rapporter à moi, qui m'y connais, madame ; mais vous avez voulu ménager, et, par conséquent, prêter à usure. - You had to report it to me, who knows me, madam; but you wanted to spare, and, therefore, lend to wear. — C'est un tort, monsieur Porthos, et je le réparerai sur ma parole d'honneur. 'It's a mistake, Monsieur Porthos, and I'll make amends on my word of honour. — Et comment cela ? "And how so?" demanda le mousquetaire.

— Écoutez. - Listen. Ce soir M. Coquenard va chez M. le duc de Chaulnes, qui l'a mandé. This evening M. Coquenard is going to see the Duc de Chaulnes, who sent for him. C'est pour une consultation qui durera deux heures au moins, venez, nous serons seuls, et nous ferons nos comptes. It's for a consultation that will last at least two hours, come, we will be alone, and we will do our accounts. — À la bonne heure ! - All in good time ! voilà qui est parler, ma chère ! that is talking, my dear!

— Vous me pardonnez ?

— Nous verrons, dit majestueusement Porthos.

Et tous deux se séparèrent en se disant : À ce soir. And the two parted saying to each other: See you this evening.

— Diable ! pensa Porthos en s'éloignant, il me semble que je me rapproche enfin du bahut de maître Coquenard. thought Porthos as he walked away, it seemed to me that I was finally getting closer to Master Coquenard's chest.