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Le Mystère du B 14 par Rudolphe Bringer, Le Mystère du B 14/Chapitre 7 (1)

Le Mystère du B 14/Chapitre 7 (1)

la tête coupée et le veston volé

Rosic et Lahuche déjeunèrent à l'Hôtel du Soleil d'Or, respectueusement servis par Noré, qui n'était pas encore revenu de son émotion de tout à l'heure.

Rosic avait téléphoné à ses hommes, à Lyon ; il leur avait donné le signalement de l'assassin qui devait être cueilli à sa descente du train ; il était donc tranquille, de ce côté.

Il avait fait part à Lahuche de sa conversation avec M. Coconaz, et Lahuche avait hoché la tête :

— Vous croyez toujours à la culpabilité de cet inconnu ?

— Plus que jamais !

— Pourtant…

— Ce ne peut être que lui !… Voyons, il a avoué lui-même être tombé du B-14. Dans ce train, il y a un cadavre ! N'est-ce pas là une corrélation éclatante ? Et le Poignard de cristal, hein ! que faites-vous du Poignard de Cristal ! Cet homme écrit un mot où il met : Rappelez-vous du Poignard de Cristal. On lui avance mille francs, dans des conditions particulières, et le Poignard de Cristal revient là. Enfin, près de l'assassiné on trouve l'instrument du crime et cet instrument, qu'est-ce ? Un poignard de cristal ! Cela crève les yeux !

— Oui… peut-être, fit Lahuche… Mais aussi, la tête… la tête qui manque !… Et les pas, à contre-voie… Et, autre chose à quoi, permettez-moi de vous le dire, vous ne faites pas attention !… Cet assassin qui n'a pas le sou !… Enfin, quand on assassine quelqu'un, c'est pour le voler !… Ce voyageur, qui est dans le B-14, doit avoir de l'argent. Comment se fait-il que son assassin n'en ait pas, alors qu'il est prouvé que le sac de voyage de la victime a été ouvert ?

M. Rosic feignit de découper avec acharnement une volaille que l'on venait de servir, afin de n'avoir pas à répondre tout de suite ; il était évident que les observations de Lahuche l'embarrassaient ; enfin, il prononça :

— Cher monsieur, je vous assure que j'ai l'expérience de ces choses !… Il y a dans cette affaire, comme dans toutes celles de ce genre, quelques obscurités… Ce serait trop beau si tout apparaissait clairement dès le premier abord… Les policiers seraient inutiles !… Pour ce qui est du sac, rien ne dit, s'il a été ouvert, que son contenu ait disparu… Nous le saurons bientôt… Je vais retourner à Valence, dès que j'aurai reçu la réponse de mes hommes !…

Ils déjeunèrent gaiement ; Rosic était un joyeux vivant, en dehors de sa profession, et Lahuche était le meilleur garçon de la terre et le plus gai conteur de galéjades qui se puisse trouver.

Enfin, vers deux heures et demie, comme ils vidaient un dernier petit verre de fine, on apporta à Rosic une dépêche jaune, une dépêche officielle.

Sûr de son triomphe, il la décacheta ; mais aussitôt, jetant sa serviette sur la table, avec un juron épouvantable :

— Il nous échappe !… Ce diable-là est descendu du train avant Lyon !… Où… où ?…

Puis, calmé, avec un sourire de victoire, quand même :

— Preuve, en tout cas, qu'il est coupable, car lorsque l'on prend un billet pour Lyon, on va à Lyon !… Mais il ne s'agit pas de perdre son temps !

Il paya l'addition, malgré les protestations de Lahuche, puis lui serrant la main :

— Charmé d'avoir fait votre connaissance ! Nous nous reverrons, car j'ai le pressentiment que cette affaire va nous mener loin… Donc, à bientôt !…

Et il sauta dans son auto, en criant au chauffeur :

— À Valence… et vite !…

Une heure après, il était dans le chef-lieu de la Drôme, et son auto s'arrêtait devant le Palais de Justice. En deux bonds, il était dans le cabinet de M. Chaulvet, le procureur.

— Eh bien !… avez-vous arrêté l'assassin ?

— Non !…

— Je m'en doutais, répliqua le procureur narquois.

— Mais je suis sur sa trace !… Il a pris le train à Viviers, par la rive droite, et est descendu à une station entre cette gare et Lyon !… Comme j'ai son signalement…

— Vraiment…

— Dame !…

M. Chaulvet souriait ; enfin :

— Mon pauvre Rosic, je crois bien que vous vous êtes embarqué sur une fausse route !… Nous sommes plus heureux que vous !… Vous n'avez pas arrêté l'assassin, mais nous avons trouvé la tête !…

— Dans le wagon ?…

— Non… dans l'Isère !…

— Dans l'Isère ?…

— Ou, pour mieux dire, sur le sable qui borde cette rivière, en-dessous du pont du chemin de fer qui la traverse !…

— Ah !… fit Rosic, cherchant à dissimuler sa déconvenue, car il était évident que la découverte de cette tête renversait toute sa combinaison.

M. Chaulvet continua :

— Ce matin, un pêcheur a découvert sur le sable, sous le pont du chemin de fer, un paquet, quelque chose d'assez volumineux, enveloppé dans une serviette éponge ; il y avait dedans une tête d'homme fraîchement coupée ; il a apporté cette étrange découverte et, d'après le médecin légiste qui a fait les constatations nécessaires, il se trouve que cette tête est bien celle du cadavre que nous avons vu dans le wagon B-14.

— Étrange !… murmura Rosic.

— Donc, M. Guillenot ne se trompait pas. donc, il avait vu la tête ; donc on l'avait enlevée en gare de Valence ; donc l'assassin était bien dans le train !…

— Pourtant… mon homme du Robinet…

— Que voulez-vous… c'était une fausse piste !

— Mais comment cette tête s'est-elle trouvée, à quelques heures à peine, dans le lit de l'Isère !…

— C'est ce que M. Guillenot a bien voulu nous expliquer… Il n'est pas bête, ce garçon-là et ferait un bon policier !…

Rosic esquissa une grimace ; il n'aimait pas que l'on se moquât de lui.

— Oui… Il s'est souvenu que, lorsque l'on a garé le wagon tragique sur la voie 12, à côté, sur la voie 10, il y avait le 234 garé déjà pour laisser passer le B-14. Comprenez-vous ? L'homme, l'assassin est dans le train, dans le wagon, caché quelque part. Guillenot voit le sang, donne l'alarme, on gare le wagon. Alors, notre assassin finit de détacher la tête, et, avec une promptitude remarquable, il saute dans le 234, qui est à côté !… Il n'a pas à mettre les pieds sur le ballast, car les marchepieds se touchent, pour ainsi dire, et cela explique qu'il n'y ait pas, sur le ballast, de traces de sang, alors qu'il y en avait sur le marchepied du wagon tragique. Là, dans le 234, il s'enferme dans les water-closets ; il arrache la serviette éponge, y roule la tête, et, ayant baissé la glace, au passage de l'Isère, il jette son paquet dans la rivière… Malheureusement ; elle tombe à côté, sur le sable, notre pêcheur la trouve et… voilà… Notez que : premièrement, le marchepied du wagon du 234, dans lequel notre homme est monté, est plein de sang, trace de chaussures la pointe vers l'entrée, et que dans les water de la voiture de première, on trouve des gouttes de sang et la serviette éponge est arrachée… La preuve est faite, il n'y a rien à dire !

M. Rosic était atterré…

Il songea un assez long temps, sous le regard goguenard de M. Chaulvet ; mais bientôt il releva la tête et dit :

— Pourtant, dans le B-14, il n'y avait que dix voyageurs. J'ai vu la feuille de bord du contrôleur ! À Lyon, quand nous avons visité le train, il en manquait deux : l'assassin et la victime !…

— Parfaitement ! La victime, nous l'avons ici… et l'assassin a pris le 234 !

— Et l'homme qui a sauté du B-14 au Robinet et que Frégière a recueilli chez lui… Cela fait onze, nous avons un voyageur de trop !

— Peu importe… j'ai ma victime et mon assassin, conclut M. Chaulvet et je n'en demande pas plus !

— Vous n'êtes pas difficile ! remarqua aigrement Rosic.

Puis :

— Qu'y avait-il donc dans le sac entr'ouvert trouvé dans le compartiment ?

— Rien… deux ou trois cents francs en or, et des instruments de toilette, marqués J.-W.

— Bon… Mais un Anglais qui revient des Indes n'a pas seulement deux ou trois cents francs en or…

— L'assassin a dû voler le reste…

— Avez-vous trouvé quelque chose dans le portefeuille du mort ?

— Le portefeuille ?

— Dame… il devait en avoir, dans la poche intérieure de son vêtement…

Mais il s'arrêta, tout joyeux, en voyant tout à coup M. Chaulvet rougir comme une jeune fille :

— Je parie que vous n'avez pas fouillé…

— Non, avoua piteusement M. Chaulvet… Mais ce qui est différé n'est pas perdu… et je vais tout de suite…

— Je vous accompagne à l'hôpital…

Ils sortirent ; l'hôpital, dans l'amphithéâtre duquel on avait transporté le cadavre n'était pas loin ; pour l'autopsie, on avait bien entendu, déshabillé la victime :

— Où avez-vous mis les vêtements ? demanda le procureur à un garçon d'amphithéâtre.

— Dans ce petit cabinet, là, à droite ! répondit cet homme.

Et, se dirigeant vers la porte du petit cabinet, il en revint portant sur son bras un paquet de linge et de vêtements, qu'il étala sur une table.

— Eh bien… et le veston ? fit Rosic.

— Le veston ?

— Oui, cet homme avait bien un veston ?

— Dame…

— Où est-il ?

Mais on eut beau chercher, le veston demeura introuvable ; comment avait-il disparu, qui l'avait volé ? ce fut une nouvelle énigme à ajouter à toutes les autres.

Le garçon d'amphithéâtre, cependant, jurait ses grands dieux qu'il avait enfermé un veston grisaille, de la nuance du gilet et du pantalon, dans le cabinet ; personne n'avait pu entrer, car il ne s'était pas absenté : il n'y comprenait rien.

— Voilà ce que c'est, fit alors Rosic, avec un coup d'oeil moqueur à M. Chaulvet, de ne pas fouiller tout de suite les gens !

Il était heureux ; c'était sa revanche, et il dit :

— Qui avait intérêt à s'emparer de ce veston ?… L'assassin ?… Mais lequel ?… Le vôtre ou le mien ?… Car nous en avons deux. Monsieur le procureur !… Eh bien ! j'ai comme une idée que ce doit être le mien !… Patientez une petite demi-heure… et attendez-moi dans votre bureau !…

Et ce disant, il quitta l'hôpital ; cinq minutes après, il traversait le Rhône en auto et cinq minutes encore après il arrivait à la petite gare de Saint-Péray où, avisant le chef de gare :

— Pardon, monsieur, au train de montée de midi et quelque, n'avez-vous pas vu descendre un voyageur vêtu de vert, chaussé de jaune, et sans couvre-chef ?…

— Mais…, fit l'autre.

— Répondez… Je suis le chef de la brigade mobile de Lyon. Voici ma carte !…

— Je vous demande pardon, fit alors le chef de gare. En effet, au train de midi, j'ai bien vu descendre un homme répondant au signalement que vous donnez !… Il est même monté dans l'autobus qui assure la correspondance avec Valence et la rive gauche.

— Parbleu… j'en étais sûr !… fit Rosic, triomphant.

Et il revint trouver le procureur.

— Monsieur Chaulvet, mon assassin à moi, celui qui a sauté du train au Robinet, celui qui se fait remettre mille francs pour l'affaire du Poignard de Cristal, celui qui prend un billet pour Lyon et qui s'arrête en route, est le même qui vole les vestons des malheureux assassinés dans les trains de luxe !

— Quoi… Qui vous a dit…

— Mon flair… Mon assassin, à moi… est descendu à Péray à midi, au lieu de continuer sur Lyon et est venu à Valence chiper le veston du mort… J'en viens d'avoir la preuve. Et savez-vous pourquoi ? Parce que, en route, il a lu dans un journal, à la dernière heure, que son crime venait d'être découvert. à Valence, et il s'y est arrêté, au lieu de continuer à rouler sur Lyon.

— Mais qui prouve que c'est lui qui a volé le veston ?

— Parce que, seul, il avait intérêt à s'emparer du portefeuille du mort.

— Vous tenez donc à ce que cet homme soit l'assassin ?

— Mais oui !

— Quand il est archiprouvé que le véritable a pris le 234, et qu'il a jeté la tête dans l'Isère ?

— Cela, fit Rosic, c'est le onzième voyageur… Assurément, c'est le point noir de l'affaire… Mais tout s'expliquera un jour ou l'autre… et alors, vous verrez que vous avez eu tort de me blaguer…

À ce moment, on gratta à la porte, et un garçon entra, disant :

— Le contrôleur des wagons-lits ?

— Faites entrer.

Puis à Rosic :

— Je lui ai télégraphié de venir directement à Valence, au lieu de s'arrêter à Lyon !… Pauvre garçon !… À peine arrivé à Paris, il lui a fallu sauter dans un autre train pour revenir… Il doit être claqué… Mais j'avais besoin de son témoignage.


Le Mystère du B 14/Chapitre 7 (1)

la tête coupée et le veston volé der abgetrennte Kopf und die gestohlene Jacke

**R**osic et Lahuche déjeunèrent à l'__Hôtel__ du __Soleil d'Or__, respectueusement servis par Noré, qui n'était pas encore revenu de son émotion de tout à l'heure. Rosic und Lahuche aßen im Hotel du Soleil d'Or zu Mittag, respektvoll serviert von Noré, der sich noch nicht von seinen früheren Emotionen erholt hatte.

Rosic avait téléphoné à ses hommes, à Lyon ; il leur avait donné le signalement de l'assassin qui devait être cueilli à sa descente du train ; il était donc tranquille, de ce côté. Rosic hatte seine Männer in Lyon angerufen; er hatte ihnen die Beschreibung des Attentäters gegeben, der abgeholt werden sollte, wenn er aus dem Zug stieg; er war daher auf dieser Seite ruhig.

Il avait fait part à Lahuche de sa conversation avec M. Coconaz, et Lahuche avait hoché la tête : Er hatte Lahuche von seinem Gespräch mit M. Coconaz erzählt, und Lahuche hatte genickt:

— Vous croyez toujours à la culpabilité de cet inconnu ?

— Plus que jamais ! - Mehr als je zuvor !

— Pourtant… - Nichtsdestotrotz…

— Ce ne peut être que lui !… Voyons, il a avoué lui-même être tombé du B-14. „Das kann nur er sein! ... Komm schon, er selbst hat gestanden, von der B-14 gefallen zu sein. Dans ce train, il y a un cadavre ! N'est-ce pas là une corrélation éclatante ? Ist das nicht ein frappierender Zusammenhang? Et le Poignard de cristal, hein ! Und der Kristalldolch, huh! que faites-vous du Poignard de Cristal ! was ist mit dem Kristalldolch! Cet homme écrit un mot où il met : Rappelez-vous du Poignard de Cristal. Dieser Mann schreibt eine Notiz, wo er hinlegt: Erinnere dich an den Kristalldolch. On lui avance mille francs, dans des conditions particulières, et le Poignard de Cristal revient là. Wir schießen ihm unter besonderen Bedingungen tausend Franken vor, und darauf kommt der Kristalldolch zurück. Enfin, près de l'assassiné on trouve l'instrument du crime et cet instrument, qu'est-ce ? Schließlich findet man in der Nähe des Ermordeten das Instrument des Verbrechens, und dieses Instrument, was ist das? Un poignard de cristal ! Cela crève les yeux ! Es ist ein Blickfang!

— Oui… peut-être, fit Lahuche… Mais aussi, la tête… la tête qui manque !… Et les pas, à contre-voie… Et, autre chose à quoi, permettez-moi de vous le dire, vous ne faites pas attention !… Cet assassin qui n'a pas le sou !… Enfin, quand on assassine quelqu'un, c'est pour le voler !… Ce voyageur, qui est dans le B-14, doit avoir de l'argent. – Ja … vielleicht, sagte Lahuche … Aber auch der Kopf … der fehlende Kopf! … Und die Schritte gegen den Weg … Vorsicht! … Dieser mittellose Attentäter! … Nun, wenn jemand ermordet wird, dann um ihn zu berauben! … Das Reisende, die in B-14 sind, müssen Geld haben. Comment se fait-il que son assassin n'en ait pas, alors qu'il est prouvé que le sac de voyage de la victime a été ouvert ? Wie kommt es, dass sein Mörder keine hat, wenn doch bewiesen ist, dass die Reisetasche des Opfers geöffnet wurde?

M. Rosic feignit de découper avec acharnement une volaille que l'on venait de servir, afin de n'avoir pas à répondre tout de suite ; il était évident que les observations de Lahuche l'embarrassaient ; enfin, il prononça : M. Rosic tat so, als würde er ein frisch serviertes Geflügel heftig zerschneiden, um nicht gleich antworten zu müssen; es war offensichtlich, dass Lahuches Beobachtungen ihn in Verlegenheit brachten; Schließlich sagte er:

— Cher monsieur, je vous assure que j'ai l'expérience de ces choses !… Il y a dans cette affaire, comme dans toutes celles de ce genre, quelques obscurités… Ce serait trop beau si tout apparaissait clairement dès le premier abord… Les policiers seraient inutiles !… Pour ce qui est du sac, rien ne dit, s'il a été ouvert, que son contenu ait disparu… Nous le saurons bientôt… Je vais retourner à Valence, dès que j'aurai reçu la réponse de mes hommes !… "Sehr geehrter Herr, ich versichere Ihnen, dass ich Erfahrung mit diesen Dingen habe! ... Es gibt in dieser Angelegenheit, wie in allen solchen dieser Art, einige Unklarheiten ... Es wäre zu gut, wenn alles auf den ersten Blick klar erscheinen würde ... Die Polizei wäre nutzlos! ... Was die Tasche angeht, sagt nichts, dass, wenn sie geöffnet wurde, ihr Inhalt verschwunden ist ... Wir werden es bald wissen ... Ich werde nach Valence zurückkehren, sobald ich die Antwort erhalten habe mein Mann !…

Ils déjeunèrent gaiement ; Rosic était un joyeux vivant, en dehors de sa profession, et Lahuche était le meilleur garçon de la terre et le plus gai conteur de galéjades qui se puisse trouver. Sie aßen fröhlich zu Mittag; Rosic war ein fröhlicher Kerl, auch außerhalb seines Berufes, und Lahuche war der beste Junge auf Erden und der fröhlichste Geschichtenerzähler, den man finden konnte.

Enfin, vers deux heures et demie, comme ils vidaient un dernier petit verre de fine, on apporta à Rosic une dépêche jaune, une dépêche officielle. Endlich, gegen halb zwei, als sie ein letztes Glas guten Weins tranken, brachte man Rosic ein gelbes Telegramm, ein offizielles Telegramm.

Sûr de son triomphe, il la décacheta ; mais aussitôt, jetant sa serviette sur la table, avec un juron épouvantable : Seines Triumphs sicher, öffnete er sie; aber sofort, seine Serviette auf den Tisch werfend, mit einem schrecklichen Schwur:

— Il nous échappe !… Ce diable-là est descendu du train avant Lyon !… Où… où ?… — Er entkommt uns!... Dieser Teufel ist vor Lyon aus dem Zug gestiegen!... Wo... wo?...

Puis, calmé, avec un sourire de victoire, quand même : Dann, beruhigt, mit einem Siegerlächeln, trotzdem:

— Preuve, en tout cas, qu'il est coupable, car lorsque l'on prend un billet pour Lyon, on va à Lyon !… Mais il ne s'agit pas de perdre son temps ! - Auf jeden Fall Beweis, dass er schuldig ist, denn wenn du eine Fahrkarte nach Lyon nimmst, fährst du nach Lyon!... Aber es geht nicht darum, deine Zeit zu verschwenden!

Il paya l'addition, malgré les protestations de Lahuche, puis lui serrant la main : Er bezahlte die Rechnung trotz Lahuches Protesten und schüttelte ihr dann die Hand:

— Charmé d'avoir fait votre connaissance ! - Entzückt, Ihre Bekanntschaft gemacht zu haben! Nous nous reverrons, car j'ai le pressentiment que cette affaire va nous mener loin… Donc, à bientôt !… Wir werden uns wiedersehen, denn ich habe das Gefühl, dass diese Affäre uns weit bringen wird… Also, bis bald!…

Et il sauta dans son auto, en criant au chauffeur : Und er sprang in sein Auto und rief dem Fahrer zu:

— À Valence… et vite !…

Une heure après, il était dans le chef-lieu de la Drôme, et son auto s'arrêtait devant le Palais de Justice. Eine Stunde später war er in der Hauptstadt Drôme, und sein Auto hielt vor dem Palais de Justice. En deux bonds, il était dans le cabinet de M. Chaulvet, le procureur. Mit zwei Sprüngen war er im Büro von M. Chaulvet, dem Staatsanwalt.

— Eh bien !… avez-vous arrêté l'assassin ?

— Non !…

— Je m'en doutais, répliqua le procureur narquois. "Das habe ich schon vermutet", erwiderte der Staatsanwalt süffisant.

— Mais je suis sur sa trace !… Il a pris le train à Viviers, par la rive droite, et est descendu à une station entre cette gare et Lyon !… Comme j'ai son signalement… "Aber ich bin ihm auf der Spur! ... Er nahm den Zug in Viviers am rechten Ufer und stieg an einer Station zwischen dieser Station und Lyon aus! ... Wie ich seine Beschreibung habe ..."

— Vraiment… - Wirklich…

— Dame !… - Dame!…

M. Chaulvet souriait ; enfin : Herr Chaulvet lächelte; Endlich :

— Mon pauvre Rosic, je crois bien que vous vous êtes embarqué sur une fausse route !… Nous sommes plus heureux que vous !… Vous n'avez pas arrêté l'assassin, mais nous avons trouvé la tête !… — Meine arme Rosic, ich glaube wirklich, dass du einen falschen Weg eingeschlagen hast!... Wir sind glücklicher als du!... Du hast den Attentäter nicht festgenommen, aber wir haben den Kopf gefunden!...

— Dans le wagon ?… „In der Kutsche? …

— Non… dans l'Isère !… — Nein… in Isère!…

— Dans l'Isère ?…

— Ou, pour mieux dire, sur le sable qui borde cette rivière, en-dessous du pont du chemin de fer qui la traverse !… „Oder, besser gesagt, auf dem Sand, der an diesen Fluss grenzt, unterhalb der Eisenbahnbrücke, die ihn überquert! …

— Ah !… fit Rosic, cherchant à dissimuler sa déconvenue, car il était évident que la découverte de cette tête renversait toute sa combinaison. „Ah!...“, sagte Rosic und bemühte sich, seine Enttäuschung zu verbergen, denn es war offensichtlich, dass die Entdeckung dieses Kopfes seine ganze Kombination durcheinander brachte.

M. Chaulvet continua :

— Ce matin, un pêcheur a découvert sur le sable, sous le pont du chemin de fer, un paquet, quelque chose d'assez volumineux, enveloppé dans une serviette éponge ; il y avait dedans une tête d'homme fraîchement coupée ; il a apporté cette étrange découverte et, d'après le médecin légiste qui a fait les constatations nécessaires, il se trouve que cette tête est bien celle du cadavre que nous avons vu dans le wagon B-14. — Heute Morgen entdeckte ein Fischer im Sand unter der Eisenbahnbrücke ein Paket, etwas ziemlich Sperriges, in ein Handtuch gewickelt; darin war der Kopf eines frisch abgeschnittenen Mannes; er brachte diese seltsame Entdeckung mit, und laut dem Gerichtsmediziner, der die notwendigen Feststellungen gemacht hat, stellt sich heraus, dass dieser Kopf tatsächlich der der Leiche ist, die wir in Waggon B-14 gesehen haben.

— Étrange !… murmura Rosic.

— Donc, M. Guillenot ne se trompait pas. "M. Guillenot hat sich also nicht geirrt." donc, il avait vu la tête ; donc on l'avait enlevée en gare de Valence ; donc l'assassin était bien dans le train !… deshalb hatte er den Kopf gesehen; sie war also am Bahnhof Valence entführt worden; Der Attentäter war also tatsächlich im Zug!…

— Pourtant… mon homme du Robinet… „Doch … mein Mann vom Tap …

— Que voulez-vous… c'était une fausse piste ! - Was willst du ... es war eine falsche Spur!

— Mais comment cette tête s'est-elle trouvée, à quelques heures à peine, dans le lit de l'Isère !… „Aber wie fand sich dieser Kopf nur wenige Stunden entfernt im Bett der Isère wieder! …

— C'est ce que M. Guillenot a bien voulu nous expliquer… Il n'est pas bête, ce garçon-là et ferait un bon policier !… — Das wollte uns Herr Guillenot erklären… Er ist nicht dumm, der Junge und würde einen guten Polizisten abgeben!…

Rosic esquissa une grimace ; il n'aimait pas que l'on se moquât de lui. Rosic verzog das Gesicht; er mochte es nicht, sich über ihn lustig zu machen.

— Oui… Il s'est souvenu que, lorsque l'on a garé le wagon tragique sur la voie 12, à côté, sur la voie 10, il y avait le 234 garé déjà pour laisser passer le B-14. — Ja… Er erinnerte sich, dass, als wir das tragische Auto auf Gleis 12 geparkt hatten, daneben, auf Gleis 10, bereits der 234 geparkt war, um die B-14 passieren zu lassen. Comprenez-vous ? Verstehst du ? L'homme, l'assassin est dans le train, dans le wagon, caché quelque part. Der Mann, der Attentäter ist im Zug, im Waggon, irgendwo versteckt. Guillenot voit le sang, donne l'alarme, on gare le wagon. Guillenot sieht das Blut, schlägt Alarm, das Auto steht. Alors, notre assassin finit de détacher la tête, et, avec une promptitude remarquable, il saute dans le 234, qui est à côté !… Il n'a pas à mettre les pieds sur le ballast, car les marchepieds se touchent, pour ainsi dire, et cela explique qu'il n'y ait pas, sur le ballast, de traces de sang, alors qu'il y en avait sur le marchepied du wagon tragique. Also beendet unser Attentäter das Abtrennen seines Kopfes und springt mit bemerkenswerter Schnelligkeit in die 234, die nebenan ist! ... Er muss nicht auf den Schotter treten, weil sich die Trittbretter sozusagen berühren und das erklärt, warum es keine Blutspuren auf dem Ballast gibt, wohl aber auf der Trittstufe des tragischen Wagens. Là, dans le 234, il s'enferme dans les water-closets ; il arrache la serviette éponge, y roule la tête, et, ayant baissé la glace, au passage de l'Isère, il jette son paquet dans la rivière… Malheureusement ; elle tombe à côté, sur le sable, notre pêcheur la trouve et… voilà… Notez que : premièrement, le marchepied du wagon du 234, dans lequel notre homme est monté, est plein de sang, trace de chaussures la pointe vers l'entrée, et que dans les water de la voiture de première, on trouve des gouttes de sang et la serviette éponge est arrachée… La preuve est faite, il n'y a rien à dire ! Dort, in der 234, schließt er sich in den Wasserklosetts ein; er reißt das Handtuch ab, rollt seinen Kopf hinein, und nachdem er das Fenster heruntergelassen hat, wirft er beim Überqueren der Isère sein Paket in den Fluss … Leider; es fällt daneben auf den Sand, unser Fischer findet es und ... hier ist es ... Beachten Sie Folgendes: Erstens ist die Stufe des Wagens von 234, in die unser Mann geklettert ist, voller Blut, Spuren von Schuhen die Spitze in Richtung Eingang, und dass in den Toiletten des ersten Autos Blutstropfen sind und das Handtuch abgerissen wird… Der Beweis ist da, es gibt nichts zu sagen!

M. Rosic était atterré… Herr Rosic war entsetzt …

Il songea un assez long temps, sous le regard goguenard de M. Chaulvet ; mais bientôt il releva la tête et dit : Unter dem spöttischen Blick von M. Chaulvet dachte er lange nach; aber bald hob er den Kopf und sagte:

— Pourtant, dans le B-14, il n'y avait que dix voyageurs. „In der B-14 waren jedoch nur zehn Passagiere. J'ai vu la feuille de bord du contrôleur ! Ich habe das Steuerplatinenblatt gesehen! À Lyon, quand nous avons visité le train, il en manquait deux : l'assassin et la victime !…

— Parfaitement ! La victime, nous l'avons ici… et l'assassin a pris le 234 ! Das Opfer, wir haben es hier... und der Attentäter hat die 234 genommen!

— Et l'homme qui a sauté du B-14 au Robinet et que Frégière a recueilli chez lui… Cela fait onze, nous avons un voyageur de trop ! "Und der Mann, der in Le Robinet von der B-14 gesprungen ist und den Frégière bei sich zu Hause aufgenommen hat ... Das sind elf, wir haben einen Reisenden zu viel!"

— Peu importe… j'ai ma victime et mon assassin, conclut M. Chaulvet et je n'en demande pas plus ! – Macht nichts … Ich habe mein Opfer und meinen Attentäter, schließt Mr. Chaulvet, und ich verlange nicht mehr!

— Vous n'êtes pas difficile ! - Sie sind nicht schwierig! remarqua aigrement Rosic. bemerkte Rosic säuerlich.

Puis :

— Qu'y avait-il donc dans le sac entr'ouvert trouvé dans le compartiment ? "Also, was war in der halboffenen Tasche, die im Fach gefunden wurde?"

— Rien… deux ou trois cents francs en or, et des instruments de toilette, marqués J.-W. „Nichts … zwei- oder dreihundert Francs in Gold und Toilettenartikel, gekennzeichnet mit J.-W.

— Bon… Mais un Anglais qui revient des Indes n'a pas seulement deux ou trois cents francs en or… "Gut... Aber ein Engländer, der aus Indien zurückkommt, hat nicht nur zwei- oder dreihundert Francs in Gold..."

— L'assassin a dû voler le reste… „Der Attentäter muss den Rest gestohlen haben …

— Avez-vous trouvé quelque chose dans le portefeuille du mort ? "Haben Sie etwas in der Brieftasche des Toten gefunden?"

— Le portefeuille ? - Geldbörse ?

— Dame… il devait en avoir, dans la poche intérieure de son vêtement… – Lady … er muss welche gehabt haben, in der Innentasche seines Mantels …

Mais il s'arrêta, tout joyeux, en voyant tout à coup M. Chaulvet rougir comme une jeune fille : Aber er blieb voller Freude stehen, als er sah, wie M. Chaulvet plötzlich errötete wie ein junges Mädchen:

— Je parie que vous n'avez pas fouillé… „Ich wette, du hast nicht gesucht …“

— Non, avoua piteusement M. Chaulvet… Mais ce qui est différé n'est pas perdu… et je vais tout de suite… "Nein", gestand M. Chaulvet kläglich ... Aber was aufgeschoben ist, ist nicht verloren ... und ich werde sofort ...

— Je vous accompagne à l'hôpital… "Ich bringe dich ins Krankenhaus...

Ils sortirent ; l'hôpital, dans l'amphithéâtre duquel on avait transporté le cadavre n'était pas loin ; pour l'autopsie, on avait bien entendu, déshabillé la victime : Sie sind ausgegangen; das Krankenhaus, in dessen Amphitheater die Leiche gebracht worden war, war nicht weit entfernt; für die Obduktion hatten wir das Opfer natürlich entkleidet:

— Où avez-vous mis les vêtements ? demanda le procureur à un garçon d'amphithéâtre.

— Dans ce petit cabinet, là, à droite ! répondit cet homme.

Et, se dirigeant vers la porte du petit cabinet, il en revint portant sur son bras un paquet de linge et de vêtements, qu'il étala sur une table.

— Eh bien… et le veston ? fit Rosic.

— Le veston ?

— Oui, cet homme avait bien un veston ?

— Dame…

— Où est-il ?

Mais on eut beau chercher, le veston demeura introuvable ; comment avait-il disparu, qui l'avait volé ? ce fut une nouvelle énigme à ajouter à toutes les autres.

Le garçon d'amphithéâtre, cependant, jurait ses grands dieux qu'il avait enfermé un veston grisaille, de la nuance du gilet et du pantalon, dans le cabinet ; personne n'avait pu entrer, car il ne s'était pas absenté : il n'y comprenait rien.

— Voilà ce que c'est, fit alors Rosic, avec un coup d'oeil moqueur à M. Chaulvet, de ne pas fouiller tout de suite les gens !

Il était heureux ; c'était sa revanche, et il dit :

— Qui avait intérêt à s'emparer de ce veston ?… L'assassin ?… Mais lequel ?… Le vôtre ou le mien ?… Car nous en avons deux. Monsieur le procureur !… Eh bien ! j'ai comme une idée que ce doit être le mien !… Patientez une petite demi-heure… et attendez-moi dans votre bureau !…

Et ce disant, il quitta l'hôpital ; cinq minutes après, il traversait le Rhône en auto et cinq minutes encore après il arrivait à la petite gare de Saint-Péray où, avisant le chef de gare :

— Pardon, monsieur, au train de montée de midi et quelque, n'avez-vous pas vu descendre un voyageur vêtu de vert, chaussé de jaune, et sans couvre-chef ?…

— Mais…, fit l'autre.

— Répondez… Je suis le chef de la brigade mobile de Lyon. Voici ma carte !…

— Je vous demande pardon, fit alors le chef de gare. En effet, au train de midi, j'ai bien vu descendre un homme répondant au signalement que vous donnez !… Il est même monté dans l'autobus qui assure la correspondance avec Valence et la rive gauche.

— Parbleu… j'en étais sûr !… fit Rosic, triomphant.

Et il revint trouver le procureur.

— Monsieur Chaulvet, mon assassin à moi, celui qui a sauté du train au Robinet, celui qui se fait remettre mille francs pour l'affaire du Poignard de Cristal, celui qui prend un billet pour Lyon et qui s'arrête en route, est le même qui vole les vestons des malheureux assassinés dans les trains de luxe !

— Quoi… Qui vous a dit…

— Mon flair… Mon assassin, à moi… est descendu à Péray à midi, au lieu de continuer sur Lyon et est venu à Valence chiper le veston du mort… J'en viens d'avoir la preuve. Et savez-vous pourquoi ? Parce que, en route, il a lu dans un journal, à la dernière heure, que son crime venait d'être découvert. à Valence, et il s'y est arrêté, au lieu de continuer à rouler sur Lyon.

— Mais qui prouve que c'est lui qui a volé le veston ?

— Parce que, seul, il avait intérêt à s'emparer du portefeuille du mort.

— Vous tenez donc à ce que cet homme soit l'assassin ?

— Mais oui !

— Quand il est archiprouvé que le véritable a pris le 234, et qu'il a jeté la tête dans l'Isère ?

— Cela, fit Rosic, c'est le onzième voyageur… Assurément, c'est le point noir de l'affaire… Mais tout s'expliquera un jour ou l'autre… et alors, vous verrez que vous avez eu tort de me blaguer…

À ce moment, on gratta à la porte, et un garçon entra, disant :

— Le contrôleur des wagons-lits ?

— Faites entrer.

Puis à Rosic :

— Je lui ai télégraphié de venir directement à Valence, au lieu de s'arrêter à Lyon !… Pauvre garçon !… À peine arrivé à Paris, il lui a fallu sauter dans un autre train pour revenir… Il doit être claqué… Mais j'avais besoin de son témoignage.